Mars Science Laboratory

Les objectifs scientifiques

Mars Science Laboratory a la lourde tâche de succéder aux deux rovers Spirit et Opportunity, dont la mission a été un succès technique et scientifique retentissant. Ces robots pouvaient être considérés comme des géologues purs, dont l'objectif principal était d'étudier les roches présentes à la surface de Mars pour y déceler des indices de la présence passée (ou présente) d'eau liquide. Il s'agissait de la stratégie "follow the water" (suivre l'eau) mise en œuvre par la NASA au milieu des années 90.

Mars Science Laboratory vise quant à lui des objectifs qui prolongent cette stratégie. L'ambitieuse machine n'embarque il est vrai aucun appareil réellement conçu et dédié à la détection de traces de vie (passées ou présentes), mais il va s'atteler à l'étude de l'habitabilité passée de Mars, c'est à dire à l'éventuelle existence d'environnements capables de permettre l'apparition et le développement de la vie, au niveau de son site d'atterrissage, le cratère Gale. Certes, le laboratoire SAM peut identifier du méthane dans l'atmosphère martienne (un gaz considéré comme un biomarqueur dans certaines conditions), ainsi que des molécules organiques, qui peuvent se former par différents processus (dépôt par les météorites carbonées, formation par des réactions entre des minéraux et de l'eau, et bien sûr origine biologique). Les caméras ne sont pas capables d'imager des microfossiles ou des micro-organismes, mais pourraient tout à fait photographier et étudier des structures macroscopiques de type stromatolithes. Si, en plus de valider l'habitabilité du cratère Gale, Curiosity met en évidence des indices significatifs quant à la possibilité d'apparition de micro-organismes dans le passé, d'autres engins embarquant des détecteurs de vie perfectionnés pourraient être envoyés sur place, pour mener des études plus poussées, ou prélever des échantillons destinés à être ramenés sur Terre.

La NASA continue ainsi de procéder par étape, et se refuse encore à envoyer sur Mars des missions capable de détecter directement des traces de vie, fossiles ou actuelles. D'un point de vue exobiologique, Mars Science Laboratory reste donc timide, et ne marche pas sur les traces des sondes Viking, même si les astrobiologistes estiment que le rover possède la capacité d'identifier des structures attestant de l'effet, dans le passé, d'éventuels processus biologiques. Bien qu'appelant à une grande patience, la stratégie actuellement suivie par la NASA est vraisemblablement la bonne. L'histoire de l'exploration martienne tend à montrer que l'approche retenue du temps des Viking, celle de rechercher directement des formes de vie actuelles, est trop risquée. Le processus qui consiste à caractériser d'abord la planète d'un point de vue géologique, géophysique et climatique, puis de rechercher ensuite des signes de la présence d'eau avant d'enchainer sur l'identification d'environnements ayant pu conduire à l'enclenchement d'une chimie prébiotique et à l'apparition de micro-organismes devrait donner de meilleurs résultats, et éviter des décennies de paralysie du programme en cas d'échec, comme ce fut le cas après les missions Viking.

Détail intéressant, les officiers de protection planétaire ont interdit au rover d'atterrir sur des sites d'atterrissage qui pourraient, d'après les données collectées depuis l'orbite, accueillir encore aujourd'hui des microorganismes vivants. Malgré une stérilisation obligatoire et poussée de la sonde (voir plus loin), le risque de contamination d'un éventuel écosystème martien a été jugé trop important : des micro-organismes terrestres, non détruit par la stérilisation, pourraient effectivement jouer aux passagers clandestins et se payer un voyage vers Mars. Une fois sur place, ils pourraient de plus compromettre des investigations à visée exobiologique (recherche de molécules organiques), voire perturber le développement d'éventuelles formes de vie martiennes.

Curiosity reste donc principalement un géologue de métal au potentiel immense. Cette sonde, l'une des plus perfectionnées jamais lancées par la NASA, devrait vraisemblablement bouleverser nos connaissances sur Mars. Les objectifs scientifiques qui lui ont été assignés, particulièrement nombreux, expliquent l'importance de la charge scientifique, constituée de 10 instruments perfectionnés. Voici la liste des tâches auxquelles Curiosity devra s'atteler au cours de sa mission :

  • Etude des roches et des minéraux, pour confirmer la présence d'eau liquide il y a plus de 3 milliard d'années au niveau du cratère d'impact Gale, et déterminer les conditions ayant conduit à sa disparition, et plus globalement à l'assèchement de la planète Mars. Caractérisation des environnements aqueux (pH, température, salinité, potentiel d'oxydoréduction, etc.). Identification des processus de sédimentation et d'altération des roches. Mise en évidence d'environnement ayant pu, non seulement accueillir des formes de vie, mais aussi offrir des conditions permettant de les préserver sous la forme d'enregistrements fossilifères (c'est une branche de la paléontologie connue sous le nom de taphonomie).
  • Recherche des atomes et des molécules caractéristiques du vivant tel que nous le connaissons sur Terre : identification des éléments carbone, hydrogène, oxygène, azote, soufre et phosphore, et détection de molécules organiques.
  • Etude de l'atmosphère, y compris d'un point de vue isotopique, pour retracer son évolution, et comprendre comment et à quel moment la planète Mars a perdu la plus grande partie de l'air qui l'entourait. Détection de méthane, si ce dernier existe dans l'atmosphère martienne.
  • Etude météorologique du site d'atterrissage (température, pression, humidité, vitesse des vents, rayonnement ultraviolet reçu du soleil).
  • Caractérisation des radiations atteignant la surface martienne : rayons cosmiques, particules du vent solaire, neutrons secondaires formés par l'interaction des rayons cosmiques avec l'atmosphère.
  • Démonstration et validation d'un certain nombre de technologies indispensables pour poursuivre l'exploration de la planète rouge, que ce soit par le biais de robots avancés ou de missions habitées : atterrissage de précision (grâce notamment à une entrée guidée), dépose de charge lourde - une tonne -, grâce au concept de grue spatiale (skycrane), etc.

La sonde Mars Science Laboratory (MSL)

Le vaisseau Mars Science Laboratory se compose de quatre modules distincts : l'étage de croisière dont le rôle est d'amener Curiosity à bon port sur la planète Mars, l'étage de descente, qui assure la dépose à la surface, les boucliers de protection, au nombre de deux (bouclier thermique et bouclier arrière, incluant le parachute) et finalement le rover lui-même, Curiosity.

Etage de croisière

Comme son nom l'indique, l'étage de croisière a pour fonction d'assurer le transfert du rover Curiosity entre la Terre et Mars, pendant les huit mois nécessaires à la traversée de l'espace interplanétaire séparant les deux planètes. Il est responsable des manœuvres de correction de trajectoire (TCM), de l'alimentation électrique et des communications radio. Il possède grossièrement la forme d'un tore (tube courbé refermé sur lui-même, comme un beignet), entouré par dix radiateurs qui permettent la dissipation de chaleur. L'espace vide situé au milieu du tore accueille la partie supérieure du bouclier arrière, rattaché à l'étage de croisière par l'intermédiaire d'une plaque d'interface. Le côté opposé de l'étage de croisière est accroché au dernier étage du lanceur Atlas V.

La structure principale de l'étage de croisière est réalisée en aluminium. L'étage de croisière dispose d'un système de propulsion qui permet de contrôler la rotation de l'engin sur lui-même (environ deux tours complets par minute), son orientation dans l'espace, tout en fournissant l'énergie nécessaire pour les manœuvres de correction de trajectoire, qui permettent d'ajuster finement la route suivie par le vaisseau entre la Terre et Mars. Deux groupes de quatre moteurs fusées, délivrant une poussée de 5 newtons chacun, brûlent de l'hydrazine, un composé d'azote et d'hydrogène qui se décompose dans certaines conditions de manière explosive, sans devoir réagir avec d'autres composés comme l'oxygène. Les moteurs sont alimentés par deux réservoirs pressurisés sphériques de 48 centimètres de diamètre.

Un capteur stellaire et deux senseurs solaires permettent à l'étage de croisière de déterminer son orientation dans l'espace, ainsi que sa vitesse de rotation, celle-ci agissant comme stabilisateur durant le voyage vers Mars. Si des modifications d'attitude ou de vitesse de rotation sont nécessaires, ces dernières seront effectuées par le biais des moteurs fusées.

La surface supérieure de l'étage de croisière est recouverte d'un anneau de panneaux solaires, d'une surface de 12,8 m2, qui fournit l'électricité au vaisseau. A proximité de la terre, les panneaux peuvent délivrer une puissance de 2500 watts, supérieure aux besoins de la sonde (contre 1080 watts à proximité de Mars, avec un ensoleillement de côté, non optimal). Le générateur thermoélectrique radioisotopique (RTG) du rover peut jouer le rôle d'alimentation de secours si nécessaire, pour parer à une situation d'urgence.

Le système de contrôle thermique est responsable du maintien d'une température adéquate à l'intérieur de Mars Science Laboratory. L'énergie dégagée par le générateur thermoélectrique radioisotopique (RTG) du rover Curiosity est évacuée grâce à un fluide calorique qui circule dans un système de distribution épousant la forme du tore, et qui permet de diffuser de la chaleur aux composants en ayant besoin, ou au contraire de la rejeter dans l'espace en cas de surchauffe.

L'intelligence de bord est fournie par l'ordinateur du rover Curiosity. Les communications avec la Terre sont principalement assurées par une antenne à gain moyen fixée sur l'étage de croisière.

Les boucliers de protection

Le rover Curiosity ainsi que son étage de descente sont encapsulés entre un bouclier thermique et un bouclier arrière. Avec un diamètre de 4,5 mètres, le bouclier thermique de Curiosity est le plus large jamais construit pour une mission planétaire (celui mis en œuvre pour les rovers Spirit et Opportunity mesurait seulement 2,6 mètres de diamètre). Contrairement aux autres boucliers thermiques utilisés jusqu'à présent, celui de Curiosity est conçu pour permettre un guidage durant la traversée de l'atmosphère, de manière à pouvoir contrôler l'entrée et augmenter drastiquement la précision de l'atterrissage à la surface de Mars.

Durant l'une des étapes de la phase d'entrée, de descente et d'atterrissage (EDL), avant le déploiement du parachute, le centre de masse du vaisseau va subir un décalage par rapport au centre de symétrie (matérialisée par une ligne coupant en deux parties égales le bouclier thermique), ce qui va modifier l'angle avec lequel le bouclier rencontrera l'atmosphère martienne. L'objectif avoué est de fournir de la portance. Plutôt que de tomber en chute libre comme un caillou, le vaisseau va pouvoir surfer sur l'atmosphère à la manière d'un avion. Des petits propulseurs contrôlés par l'intelligence de bord vont modifier l'orientation de l'engin, en lui faisant décrire si nécessaire, en fonction des conditions atmosphériques rencontrées (qui sont par nature imprévisibles) de petits virages, de manière à le faire atterrir dans un mouchoir de poche, une ellipse de seulement 20 kilomètres d'envergure.

La protection thermique durant la traversée de l'atmosphère (dont le frottement génère une chaleur intense, surtout dans le cas de Curiosity, qui est non seulement gros et lourd, mais qui suit aussi une trajectoire d'entrée particulière) est assurée par des tuiles usinées dans du PICA, un matériau spécialement conçu par la NASA et composé de fibres de carbone noyées dans une résine phénolique. Le bouclier thermique pourra supporter des températures allant jusqu'à 2100°C.

Une série de senseurs sont montés sur le bouclier thermique pour enregistrer des données cruciales durant la descente, comme l'état de l'atmosphère et la performance du bouclier en termes de dissipation thermique. Ces capteurs font partie du package MEDLI (Mars Science Laboratory Entry, Descent and Landing Instrument).

Le bouclier arrière protège quant à lui l'arrière du rover durant la traversée de l'atmosphère. Il est composé d'une structure en aluminium en nid d'abeille prise en sandwich entre des couches de graphite-époxy, et recouvert d'un matériel à base de liège. Il supporte deux ensembles de masselottes sphériques en tungstène pour altérer le centre de masse du vaisseau, ainsi que huit propulseurs pour le guidage durant la descente. Une structure conique fixée sur son extrémité supérieure renferme un parachute, le plus large jamais conçu pour une mission planétaire. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : fabriqué presque exclusivement en nylon blanc et orange, il mesure 16 mètres de diamètre pour une longueur de 50 mètres et possède 80 suspentes fabriquées en technora. La voilure est de type "disk-gap-band", et il peut se déployer sans se déchirer jusqu'à une vitesse de 2,2 mach.

Enfin, deux antennes sont fixées respectivement sur le bouclier arrière et le parachute pour assurer le maintien des communications durant l'atterrissage, la transmission d'information étant absolument vitale durant une phase aussi critique (l'absence de télémétrie s'est par exemple fait ressentir de manière cruelle durant la perte de l'atterrisseur Mars Polar Lander en 1999, ou de la sonde Beagle 2 en 2003). Fonctionnant en bande X, ces dernières permettent d'envoyer des informations directement à la Terre. Une troisième antenne UHF est montée sur le parachute pour communiquer avec les orbiteurs survolant le site d'atterrissage (Mars Odyssey et Mars Reconnaissance Orbiter), ceux-ci assurant la fonction de relais avec notre planète.

L'étage de descente

Le concept mis en œuvre pour réaliser l'étape finale de l'atterrissage de Curiosity est extrêmement original, à tel point que n'importe quel esprit sensé, voyant l'engin fonctionner pour la première fois, ne peut manquer de se demander si les ingénieurs du JPL ne sont pas tout simplement devenus fous. Comme les autres rovers précédents, la sonde Mars Science Laboratory est lancée depuis la Terre de façon balistique vers Mars. Une fois à proximité de la planète rouge, il lui faut freiner à tout prix, et une bonne partie de l'énergie est dissipée par la friction de l'atmosphère avec le bouclier thermique, puis par l'ouverture d'un parachute. A ce stade cependant, la vitesse de l'engin demeure encore trop importante, et un dispositif supplémentaire doit rentrer en action pour adoucir l'atterrissage. Dans le cas des Viking, il s'agissait de rétrofusées à poussée variable. De son côté, Pathfinder a inauguré une technique qui était déjà assez audacieuse, et qui consistait à gonfler des airbags autour de la machine pour la faire rebondir comme un ballon de plage sur la surface martienne jusqu'à ce qu'elle s'arrête. S'ils ont été à nouveau utilisés avec succès pour Spirit et Opportunity, les airbags ne pouvaient plus être employés dans le cas de Curiosity, à cause de la largeur et surtout de la masse de l'engin. Le rover représente effectivement une charge tellement lourde que les ingénieurs allaient à nouveau devoir se creuser la tête pour résoudre le casse-tête posé par l'atterrissage.

Les premiers travaux se sont orientés vers une plateforme d'atterrissage capable de s'écraser sous son propre poids lors de son arrivée au sol, pour absorber un maximum d'énergie et permettre au rover, monté dessus, de rejoindre la surface. Ce concept fut abandonné en faveur d'une autre idée, complètement dingue : celle de descendre le rover sous une plateforme en train de flotter dans les airs comme une soucoupe volante, à l'aide de câbles. Si instinctivement le système paraît trop compliqué pour fonctionner, il présente cependant des avantages indéniables. Le robot est immédiatement à pied d'œuvre, et il n'y a aucun risque de se prendre les roues dans des airbags et de se retrouver coincés, ce qui était une crainte très importante avec les rovers précédents (il a ainsi fallu 12 jours à Spirit pour rejoindre le sol de Mars, l'une des rampes de descente ayant été obstruée par un coin d'airbag). Les pieds d'atterrissage étant constitués par les roues et la suspension du rover lui-même, les seuls éléments nécessaires à la conception de la plateforme Skycrane étaient un radar pour contrôler la vitesse de descente, ainsi qu'un jeu de rétrofusées à poussée variable.

Activé après l'éjection du bouclier thermique, le radar de la skycrane a pour rôle de mesurer en permanence la vitesse horizontale et verticale de descente, ainsi que l'évolution de l'altitude. Appelé "terminal descent sensor", il est doté de six antennes en forme de disques positionnées dans différentes directions, et fixées sur l'étage de descente. Les données fournies, transmises par un ombilic à l'ordinateur de bord de Curiosity, sont indispensables à la réussite de la séquence d'atterrissage.

La descente de la skycrane vers la surface est contrôlée par des rétrofusées. L'étage de descente en comporte huit : il s'agit de rétrofusées à poussée variable positionnées aux quatre coins de la structure, par groupe de deux. En brûlant de l'hydrazine stockée dans trois réservoirs sphériques pressurisés à l'hélium, elles peuvent délivrer une force maximale de 3300 newtons. C'est la première fois que des moteurs-fusées similaires sont utilisés depuis les sondes Viking en 1976. Les atterrisseurs et rovers précédents (Sojourner avec Pathfinder, Spirit et Opportunity), embarquaient effectivement des rétrofusées à combustible solide, qui brûlent de façon constante, et qui, une fois mises à feu, ne peuvent plus être stoppées (la fusée cesse de fonctionner lorsque la poudre est épuisée). Ce genre de propulseurs peut être employé quand la poussée à développer est connue d'avance, mais elles étaient inutilisables dans le cas de Curiosity. Les rétrofusées embarquées sur Phoenix fonctionnaient par pulses : elles pouvaient s'allumer et s'éteindre un grand nombre de fois pour contrôler la poussée, mais n'offraient pas autant de souplesse que celles de Mars Science Laboratory.

L'allumage de rétrofusées permet donc à l'étage de descente d'atteindre une vitesse verticale constante. Une fois celle-ci atteinte, il va se désolidariser du rover (par l'allumage de boulons pyrotechniques) puis s'en éloigner en le laissant glisser sous lui le long de trois élingues en nylon. Un dispositif spécial ("descent rate limiter", ou BUD) est responsable de la descente du rover. Trois câbles fixés en trois points du rover sont enroulés autour d'un cône. Un ombilic plus long, dont le rôle est de transporter le courant électrique ainsi que les données entre le rover et l'étage de descente, s'ajoute aux câbles. La vitesse à laquelle les élingues se déroulent est contrôlée par un frein, qui assure la descente avec le plus de souplesse et le moins d'à-coups possible.

L'étrange assemblage, constitué de l'étage de descente avec, suspendu à 7,5 mètres en dessous de lui, le rover Curiosity, va continuer à se rapprocher du sol martien, jusqu'à que le contact entre les roues du robot et la surface martienne s'établisse, indiquant un touchdown. Comme nous le verrons durant la description du déroulement de la phase d'atterrissage, les ingénieurs au sol attendront trois confirmations différentes et indépendantes, avant de pouvoir confirmer le contact final. Après deux secondes d'attente, nécessaires pour confirmer que le rover est bien stable au sol, les brides sont sectionnées par des boulons pyrotechniques et rembobinées le plus vite possible, puis l'étage de descente dégage très rapidement vers le haut le long d'une trajectoire parabolique, pour aller s'écraser au loin.

Enfin, l'étage de descente dispose d'un émetteur-récepteur transmettant en bande X et de deux antennes. L'une, à faible gain, autorise les communications directes avec la Terre en bande X, tandis que la seconde, fonctionnant en UHF, permet d'envoyer des données à plus haut débit aux orbiteurs situés au-dessus de l'horizon, et positionnés pour supporter l'atterrissage (Mars Odyssey et Mars Reconnaissance Orbiter).

Le système de dépose très complexe que nous venons de décrire s'explique par le fait que Curiosity pèse bien plus lourd que les autres rovers précédents (Sojourner, Spirit et Opportunity). Comme nous l'avons vu, le système d'airbag, utilisés par ces derniers pour atteindre la surface martienne, n'était plus une option. La descente de Curiosity le long de câbles, un aspect particulièrement impressionnant à cause des risques qu'il comporte (oscillation du rover sous la grue, emmêlement des câbles) est nécessaire pour éviter que la poussière soulevée par les gaz qui s'échappent des rétrofusées ne vienne se redéposer en masse sur Curiosity.

Le rover Curiosity

Le rover Curiosity constitue la pièce maîtresse, le fer de lance de la mission Mars Science Laboratory. D'une longueur de 3 mètres (sans compter son bras mécanique), pour une largueur de 2,8 mètres et une hauteur de 2,1 mètres, depuis le sommet du mât jusqu'au sol, c'est un véhicule d'une taille impressionnante, que ne vient pas démentir son poids : 899 kilogrammes, soit pratiquement une tonne. Il dépasse donc à plate couture ses prédécesseurs, le minuscule rover Sojourner, et les deux frères jumeaux Spirit et Opportuniy.

Le nom assigné au rover, Curiosity (Curiosité en français), a été proposé par une jeune écolière de 12 ans, Clara Ma lors d'un concours qui s'est déroulé aux Etats-Unis, et a qui réunit les propositions de plus de 9000 élèves, âgés de 5 à 18 ans. L'essai de Clara ne comportait pas plus de 250 mots, mais ces derniers ont été suffisamment forts pour toucher les responsables de la NASA.

Structure

Curiosity est bâti autour d'un châssis isolé, qui offre un espace sécurisé et chauffé pour de nombreux systèmes électroniques ainsi que pour deux instruments (CheMin et SAM), et sur lequel viennent se greffer de nombreux éléments, comme le mât, le bras robotique, les antennes et le système de mobilité.

Comme les autres rovers avant lui, Curiosity se déplace grâce à six roues motrices, fixées à une suspension de type rocker-bogie en titane. Ce type de suspension est composée de deux éléments : un bogie, qui relie les roues situées au milieu et à l'arrière et qui permet à ces dernières de pivoter entre elles, et un rocker, qui connecte le point de pivot du bogie à la roue avant. Une barre servant de différentiel traverse le châssis et relie le point de pivot du rocker situé à gauche au point de pivot du rocker situé à droite, de l'autre côté du rover. Ce type de suspension permet au rover d'avoir en permanence toutes ses roues en contact avec le sol, avec une pression relativement égale, même sur un terrain difficile, accidenté. Ainsi, l'une des roues peut être en train d'escalader un rocher (le rover est d'ailleurs souvent représenté dans cette configuration), sans que les autres n'aient à quitter la surface, ce qui assure une excellente stabilité à l'engin. Les roues avant et arrière peuvent de plus pivoter indépendamment l'une de l'autre, ce qui permet au rover de tourner sur lui-même. Comme pour les rovers précédents, Curiosity est capable d'égratigner le sol en faisant tourner l'une de ses roues (avant ou arrière), tout en maintenant les autres immobiles, ce qui permet de creuser de petites tranchées.

Les roues de Curiosity mesurent 50 mètres de diamètre, et chacune d'elles a été usinée dans un bloc d'aluminium. Leur surface, une peau d'aluminium ultra-mince de 0,75 millimètre d'épaisseur, est couverte par des nervures en chevrons. Leur conception a été compliquée par le fait qu'elles devaient à la fois être capables d'exercer une traction suffisante sur le sol martien (rocheux ou sableux), tout en restant légères, et en permettant au rover d'atterrir dessus, absorbant alors le choc lors du contact avec la surface martienne, à la vitesse verticale de 0,75 m/s. Comme nous le verrons ci-dessous, les roues de Curiosity vont devenir le cauchemar des ingénieurs au cours de la mission, car, à la surprise générale, elles vont montrer des signes dramatiques d'usures.

Sur un terrain plat, dur, Curiosity peut se déplacer à la vitesse maximale de 4 centimètres par seconde. Cependant, même placé sous le contrôle du système automatique de navigation avec évitement de danger, il n'atteindra au mieux qu'une vitesse de 2 centimètres par seconde, et ira encore bien moins vite si ce dernier est désactivé. Sur la durée de la mission nominale (2 années terrestres, soit une année martienne), le rover a été conçu pour pouvoir avaler au moins 20 kilomètres. Il en parcourra en fait beaucoup moins.

Navigation

Pour trouver son chemin parmi les terrains difficiles du cratère Gale et pouvoir naviguer entre les dunes, cailloux, cratères remplis de poussière et autres pièges du même genre, le rover Curiosity s'appuie sur deux jeux de caméras : les caméras de navigation, fixées en hauteur sur le mât, et les caméras d'évitement de dangers, montées en position basse près du sol. Sur la base des images obtenues, le système de navigation autonome et d'évitement de danger peut prendre ses décisions, et les conducteurs peuvent définir les manœuvres à faire réaliser au rover ou au bras robotique. En tout, Curiosity embarque 12 caméras techniques, chacune pesant 250 grammes et produisant des images en niveau de gris. Elles sont presque identiques à celles montées sur les rovers Spirit et Opportunity, même si elles disposent d'éléments chauffants plus efficaces.

Caméras de navigation (NavCams)

Deux paires de caméras de navigation (NavCam) sont installées au sommet du mât, chaque paire étant connectée à l'un ou l'autre des ordinateurs de bord. Celles reliées à l'unité A sont montées au-dessus de celles reliées à l'unité B, à 2 mètres par rapport au sol (les secondes étant situées 5 centimètres plus bas). Pour une paire donnée, les yeux sont positionnés à 42 centimètres l'un de l'autre, et l'ensemble fourni donc des images stéréoscopiques. Chaque caméra possède un champ de vision de 45°, et focalise les images sur un capteur CCD d'une résolution de 1024 pixels sur 1024 pixels. La profondeur de champ, f/12, assure une netteté parfaite de 50 centimètres à l'infini. La résolution est de 2 centimètres par pixel à 25 mètres. Lors de la phase d'atterrissage, le mât supportant les caméras de navigation est dans une position repliée, ce qui les protège de la poussière inévitablement soulevée par les rétrofusées de l'étage de descente, ainsi que par le choc du contact des roues avec le sol martien. Les caméras NavCam ne possèdent donc pas de capuchons de protection amovibles.

Caméras d'évitement de danger (Hazcam)

Les caméras d'évitement de danger (HazCam) sont plus nombreuses que les caméras de navigation. Le rover en possède 4 paires : deux paires redondantes à l'avant, et deux paires redondantes à l'arrière, utiles lorsque le rover effectue des marches arrières (ce qui va arriver beaucoup plus souvent que prévu à cause de l'usure des roues). Comme leur nom l'indique, ces caméras servent à la détection des obstacles qui pourraient gêner le rover, mais elles sont aussi mises en œuvre pour planifier les mouvements du bras robotique lors d'une opération de forage ou de collecte d'échantillons de sol avec la mini-pelle de la tourelle.

Chaque caméra d'évitement de danger est équipée d'une lentille grand angle offrant un champ de vue de 124°, avec une profondeur de champ tel que les objets sont nets de 10 centimètres à l'infini. La résolution est de 2 centimètres par pixel à 10 mètres de distance. A l'avant, l'écartement entre les deux yeux d'une même paire est de 16,6 centimètres. Les deux paires, l'une contrôlée par l'unité A, l'autre par l'unité B, sont montées côté à côté, au niveau de la partie basse de la face avant du châssis, à une hauteur de 68 centimètres au-dessus du sol. A l'arrière, la situation est un peu différente. Les deux paires ne sont pas côté à côté, mais l'une est située à gauche, l'autre à droite. L'écartement entre les objectifs n'est que de 10 centimètres, mais les caméras sont plus en hauteur, à 78 centimètres du sol. Chaque caméra HazCam est protégée par un clapet, dont le rôle est de les protéger d'un dépôt de poussière au niveau des lentilles lors de la phase d'atterrissage. Un dispositif pyrotechnique permet d'ôter une fois pour toute ces petits couvercles, lorsque la poussière est définitivement retombée.

La station de navigation inertielle, sensible à l'orientation et à l'inclinaison du rover, complète les caméras HazCams en fournissant des informations qui permettent à Curiosity de détecter des dangers éventuels comme une pente trop inclinée, ou un déplacement latéral soudain sur un terrain glissant.

Modes de déplacement

Curiosity dispose de plusieurs modes de déplacement. Si les ingénieurs ont suffisamment de temps pour définir une trajectoire sure, sur la base des images fournies par les différentes caméras, que ce soit les caméras techniques (NavCam et HazCam) ou la caméra du mât (MastCam), les instructions adéquates sont transmises au rover, charge à ce dernier de les suivre automatiquement, en aveugle. La distance réellement parcourue est alors uniquement déterminée d'après la rotation des roues, un tour complet indiquant la traversée d'un tronçon de 157 centimètres de longueur, si aucun patinage n'a eu lieu.

Dans le cas où il n'est pas possible pour les conducteurs de planifier une trajectoire sure, ils peuvent ordonner au rover d'utiliser le système de navigation automatique d'évitement de danger, très utile lorsque le terrain est accidenté. Dans ce mode, Curiosity marque des pauses fréquentes pour balayer son environnement et déterminer l'existence et la position d'éventuels obstacles, après analyse des images 3D fournies par les caméras techniques. Les navigateurs peuvent faire varier de nombreux paramètres, comme le nombre de stops, le type de caméras actives, et le type de décision que le rover doit prendre si une situation problématique est rencontrée (par exemple évitement de l'obstacle ou arrêt définitif des activités pour la journée).

Enfin, le système de navigation automatique avec évitement de danger peut être utilisé avec l'odométrie visuelle. En analysant une série d'images prises à intervalles réguliers par les caméras de navigation, pointées alors vers le côté, le rover peut estimer la distance parcourue. En cas de patinage, une différence ne peut manquer d'apparaître avec la distance calculée sur la base de la rotation des roues. Si le niveau de patinage dépasse un certain seuil, le rover peut décider de stopper son cheminement pour la journée, et d'attendre de nouvelles instructions de la part des ingénieurs. Les différents modes de navigation se différentient par le temps passé à rouler et le temps passé à l'arrêt pour analyser le terrain, et explique pourquoi les déplacements de Curiosity peuvent être très lents et donc frustrants.

Alimentation en énergie

Contrairement aux derniers engins envoyés au sol par la NASA (Pathfinder, les rovers Spirit et Opportunity, Phoenix), Curiosity ne tire pas son énergie du soleil, mais d'un générateur thermoélectrique radioisotopique (RTG) de nouvelle génération, utilisé pour la première fois depuis les atterrisseurs Viking en 1976.

Le RTG est une sorte de batterie nucléaire, qui convertit la chaleur dégagée par la décomposition radioactive d'une source de dioxyde de plutonium 238 en électricité, par l'intermédiaire d'un ensemble de thermocouples. La chaleur produite sert également à chauffer directement le rover en journée et surtout durant la nuit. Le RTG pèse 45 kilogrammes (dont 4,8 kilogrammes de combustible radioactif, manufacturé sous la forme d'une céramique), mesure 64 centimètres de diamètre et 66 centimètres de long, et peut répondre aux besoins de puissance du rover pendant au moins 14 années. Son design lui confère une grande fiabilité, y compris en cas d'accidents au lancement. L'électricité fournie par le RTG sert à charger deux batteries au lithium, de 42 ampères/heure chacune, pour garantir ponctuellement des besoins énergétiques dépassant ceux auxquels peut répondre le RTG.

Le dioxyde de plutonium 238, en plus d'être une substance incroyablement toxique et dangereuse pour l'homme, est également devenue une ressource rare. Ce produit de la guerre froide n'est produit par les Etats-Unis qu'en très petite quantité. Quand ces dernières deviennent insuffisantes, le gouvernement américain n'a alors pas d'autre choix que de s'approvisionner chez son ancien ennemi, la Russie, ce qui a été le cas pour Curiosity. Le stock de plutonium qui a été nécessaire pour cette mission était tellement important que certains observateurs se sont interrogés sur l'évolution de la situation pour les mission à venir. Des négociations ont depuis être entreprises entre la NASA et le département de l'énergie, de manière à ce que les USA puissent retrouver leur autonomie dans ce domaine.

Si le RTG est aussi important dans l'exploration spatiale, c'est qu'il offre des avantages considérables sur les panneaux solaires classiquement utilisés jusqu'à présent sur Mars : ce système est insensible à la poussière (même si le vent peut nettoyer les panneaux par hasard), aux conditions météorologiques (nuages, brouillard), il est aussi plus efficace, possède une durée de vie bien plus longue, et permet un atterrissage sur la totalité de la planète, y compris dans les zones à faible ensoleillement (comme les hautes latitudes et les pôles). Il permet enfin de continuer à travailler durant la nuit, sachant qu'aucun robot n'a vraiment besoin de dormir.

Ordinateur de bord

L'informatique embarqué sur les précédents rovers, que ce soit Sojouner lors de la mission Pathfinder (1997) ou les deux robots Spirit et Opportunity (2003) n'a jamais cessé de poser des problèmes. Au cours de la mission, en général au plus mauvais moment, l'ordinateur de bord finit inévitablement par redémarrer intempestivement ou basculer en mode sans échec, à moins qu'il ne refuse d'écrire des fichiers dans un répertoire donné sur les mémoires flash, ou ne parvienne plus à y lire certaines commandes. Ces soucis, qui peuvent mettre en péril la mission, sont souvent liés au rayonnement cosmique qui frappe les puces électroniques. Les composants électroniques employés sur les robots martiens n'ont bien entendu rien à voir avec l'électronique grand public. De classe militaire, ces derniers sont durcis et conçus pour résister aux pires niveaux de radiation. Pourtant, il y a toujours une particule un peu plus énergétique que les autres qui parvient à corrompre un espace mémoire, à affecter un registre, à décaler un pointeur, en provoquant une cascade d'ennuis.

Pour limiter les risques, Curiosity dispose donc de deux ordinateurs de bord redondants, l'unité A et l'unité B. A un instant donné, seule l'une des deux unités est utilisée, la seconde servant de secours en cas de dysfonctionnement. La plupart des dispositifs du rover peuvent être commandés indépendamment par l'un ou l'autre des deux cerveaux électroniques. Chaque unité est dix fois plus puissante que les ordinateurs embarqués sur Spirit ou Opportunity. Malheureusement, le soin apporté à la conception de l'intelligence de bord n'évitera pas les soucis à Curiosity. En février 2013, un problème avec la mémoire de l'unité A forcera les ingénieurs du JPL à basculer en catastrophe sur l'unité B, qui finira d'ailleurs elle-aussi par montrer des signes de faiblesse. Durant cet incident, le rover a bien failli être perdu.

L'ordinateur de Curiosity joue un rôle central durant la mission. Il était ainsi déjà aux commandes lors du voyage interplanétaire entre la Terre et Mars, l'étage de croisière ne disposant pas de sa propre intelligence de bord. Durant la séquence d'entrée, de descente et d'atterrissage (EDL), Curiosity est relié au reste du vaisseau par un ombilic. Grâce à un logiciel dédié, qui sera effacé puis replacé une fois au sol, le rover a pu contrôler une bonne partie des étapes qui l'ont conduit à se poser sain et sauf à la surface de Mars. Si par malheur l'unité active avait redémarré durant la séquence d'atterrissage, une fonction logicielle appelée "seconde chance" aurait permis à l'unité de secours de prendre le contrôle et de tenter de poser du mieux possible l'engin sur la planète rouge.

Chacune des deux unités de calcul est architecturée autour d'un processeur central PowerPC BAE RAD 750, similaire aux puces Motorola qui équipaient les ordinateurs Macintosh G3 d'Apple vendus dans les années 2000. Cette version, cadencée à seulement 200 Mhz et possédant 10,4 millions de transistors, est capable de résister aux radiations. En ce qui concerne la mémoire, chaque ordinateur dispose de 256 Ko de ROM reprogrammable, de 256 Mo de RAM et de 2 Go de mémoire flash. Le logiciel de vol tournant sur les unités s'assure de l'état de santé du rover durant toutes les étapes de la mission, contrôle la totalité des activités de ce dernier et obéit aux ordres reçus depuis la Terre. Plusieurs mises à jour importantes ont déjà eu lieu au cours de la mission. Ainsi, en mai 2012, en plein vol entre la Terre et Mars, une nouvelle version, qui comportait des améliorations pour la phase EDL (entrée, descente et atterrissage), a été installée sur les ordinateurs de bord. Une seconde a été déployée en juin 2012 pour la gestion du bras robotique et la mobilité. Enfin, comme nous l'avons vu, une fois l'atterrissage effectué, le logiciel embarqué a été remplacé par une version dédiée aux opérations de surface, lors d'une opération de chirurgie électronique à haut risque.

Télécommunications

Le rover Curiosity possède trois antennes permettant les télécommunications. Les deux premières, l'antenne à grand gain (un hexagone de 30 centimètres de diamètre monté sur le pont du rover) et l'antenne faible gain, fonctionnent dans la bande X (7 à 8 gigahertz) et permettent de communiquer directement avec les grandes oreilles du Deep Space Network (DSN), le réseau d'écoute de l'espace lointain de la NASA sur Terre. L'antenne à grain gain nécessite un pointage, et permet à la fois de transmettre des informations, ou d'en recevoir. L'antenne à faible gain fonctionne dans toutes les directions de l'espace, mais à un débit faible, et est principalement conçue pour recevoir des données. Ces deux antennes sont couplées à un émetteur-récepteur d'une puissance de 15 watts. La troisième, un cylindre hélicoïdal, est une antenne UHF (ultra haute fréquence, 400 mégahertz) qui rend possible l'envoi à haut débit d'informations aux orbiteurs martiens, qui servent alors de relais avec les centres de contrôle terrestres. Elle est reliée à deux émetteur-récepteurs Electra, qui utilisent des protocoles de communications standardisés, et qui sont compatibles avec tous les satellites orbitant autour de Mars et pouvant servir de relais (Mars Odyssey, Mars Reconnaissance Orbiter et Mars Express). Un package Electra est également embarqué à bord de l'orbiteur MAVEN, et deux autres ont été installés sur l'orbiteur européen TGO (ExoMars).

Stratégie de communication

Comme pour toutes les missions de la NASA, les communications avec Curiosity sont assurées par les stations de télécommunications de l'espace lointain du Deep Space Network (DSN). Implantées à Madrid (Espagne), dans le désert du Mojave en Californie (Etats-Unis) et à Canberra en Australie, les immenses antennes de 70 mètres et 34 mètres de ce réseau d'écoute permettent de maintenir à tout moment, quel que soit le jour ou l'heure sur Terre, un lien vital avec les véhicules spatiaux. Le centre de contrôle de mission du Jet Propulsion Laboratory (JPL) à Pasadena (Californie) est relié directement au Deep Space Network.

Durant la période de croisière entre la Terre et la planète rouge, ainsi que pendant la phase d'approche, les communications s'effectuent en bande X (7 à 8 gigahertz), par le biais d'une antenne à faible gain fixée sur le cône du parachute, et une antenne à gain moyen équipant l'étage de croisière, qui offre un débit plus important que la précédente, mais qui nécessite en contrepartie un pointage plus précis. La majorité des communications sont passées par cette dernière, l'antenne à faible gain servant surtout durant les premières semaines de la croisière, et juste avant la séparation entre l'étage de croisière et Curiosity lors de l'arrivée sur Mars.

Comme l'a montré le destin dramatique de Mars Polar Lander en 1999, le maintien des communications durant la phase critique de l'atterrissage est absolument fondamental pour pouvoir effectuer un diagnostic en cas d'incident, et assurer un niveau de retour d'expérience suffisant, même en cas d'échec. Au cours de l'atterrissage de Curiosity, et grâce au positionnement précis des satellites en orbite (les deux sondes américaines Mars Odyssey et Mars Reconnaissance Orbiter, ainsi que l'engin européen Mars Express, qui est surtout là en secours), la NASA a pu rester en contact presque permanent avec le rover en UHF (400 mégahertz). Trois antennes transmettaient dans cette bande de fréquence : l'antenne du parachute, fixée sur le bouclier arrière, l'antenne de l'étage de descente, et l'antenne UHF de Curiosity lui-même, exposée juste après la descente le long des filins de la grue skycrane. Les orbiteurs relayent ce qu'ils reçoivent à la Terre en bande X, mais seul Mars Odyssey a pu le faire en temps réel lors de l'atterrissage. Les deux autres satellites se sont contentés de tout enregistrer pour une rediffusion ultérieure.

Durant la séquence d'atterrissage, Mars Odyssey a donc été un atout majeur. Le lien avec la Terre a pu être établi de façon stable deux minutes environ après l'entrée dans l'atmosphère. De brèves coupures sans conséquence pouvaient se produire tandis que Curiosity descendait et modifiait sa configuration de vol. Le contact avec Mars Odyssey devait être maintenu jusqu'à environ deux minutes après l'atterrissage, en fonction de la durée des opérations, et dans le cas où Curiosity n'atterrissait pas à proximité d'un relief pouvant bloquer le signal radio. Après cette période, l'orbiteur passait inéluctablement en-dessous de l'horizon martien, et perdait alors définitivement le lien avec le rover.

Au cours de la descente, et indépendamment des transmissions UHF, Curiosity était aussi programmé pour envoyer un signal en bande X. Les informations télémétriques fournies étaient cependant beaucoup plus simples que celles relayées aux orbiteurs, à cause des contraintes posées par ce mode de communication (fréquence, type d'antennes, puissance d'émission). Tout d'abord, en mesurant très précisément la fréquence des signaux radios, les ingénieurs ont pu déterminer la vitesse exacte de la sonde par rapport à la Terre, et en déduire la bonne exécution de certains événements, comme le déploiement du parachute, ou l'activation de la grue spatiale skycrane. De plus, les signaux contenaient quelques bits annonçant des étapes critiques (ces codes, 256 au maximum, sont appelés sémaphores). Les antennes sollicitées pour ce type de télécommunication étaient au nombre de deux : l'antenne à faible gain du parachute, utilisable depuis la séparation de l'étage de croisière jusqu'à l'entrée dans l'atmosphère, et l'antenne à faible gain inclinée du bouclier arrière, capable de transmettre durant le freinage guidé sous bouclier thermique. Environ cinq minutes après l'entrée dans l'atmosphère, les communications en bande X sont coupées, la Terre passant sous l'horizon martien. A ce moment-là, la sonde Mars Odyssey est sensée avoir pris le relais.

Pour les opérations de surface, la bande X sera surtout utilisée pour transmettre directement des commandes au rover. Ce dernier peut aussi utiliser ce canal pour envoyer des données en retour, mais à un débit assez faible (quelques kilobits par seconde). La plupart des données scientifiques seront transmises en UHF aux orbiteurs, qui se chargeront de faire le relais avec la Terre. Chaque jour, les orbiteurs Mars Odyssey et Mars Reconnaissance Orbiter survoleront deux fois le site d'atterrissage, très tôt dans la matinée, avant l'aube, et en fin d'après-midi. La fenêtre de communication dure environ 10 minutes à chaque passage, mais le débit est bien supérieur à celui atteignable en bande X : 0,25 mégabits par seconde vers Mars Odyssey, et 2 mégabits par seconde pour Mars Reconnaissance Orbiter. Chaque jour, le rover devrait transmettre à la Terre une moyenne de 250 mégabits de données.

Contrôle thermique

Bien qu'ayant atterri à proximité immédiate de l'équateur, Curiosity doit faire face à des variations très importantes de température entre le jour et la nuit, ainsi qu'à des températures en moyenne très basses. Le rover a été conçu pour opérer à des températures variant de -133°C à +27 °C, tout en maintenant ses composants dans une ambiance bien plus clémente, caractérisée par des températures oscillant entre -40°C à +50°C. Comme nous l'avons vu, la chaleur libérée par la décomposition radioactive du plutonium dans le cœur du RTG peut être transmise par l'intermédiaire d'un fluide calorifique, qui circule dans le corps du rover grâce à un système de tubulures et de pompes, aux secteurs qui en ont besoin. Ce dispositif permet également d'évacuer le surplus de chaleur à l'extérieur. Le RTG dispose de son propre radiateur (en forme d'ailettes) pour dissiper la chaleur quand celle-ci n'est pas nécessaire au rover. Enfin, Curiosity est aussi équipé en certains points de radiateurs électriques pour des raisons de flexibilité, c'est en particulier le cas du caisson électronique situé en haut du mât.

Dispositifs techniques d'échantillonnage

SA/SPaH (Sample Acquisition/Sample Processing and Handling)

Le système d'acquisition, de traitement et d'acheminement des échantillons, qui répond à l'acronyme barbare de SA/SPaH, possède des composants qui sont disséminés un peu partout sur le rover. Il est responsable du prélèvement des échantillons de roches et de sols et de leur distribution, sous forme de poudre fine, aux deux instruments CheMin et SAM. Il est également en charge du positionnement des deux instruments de contact MAHLI et APXS. Il englobe le bras robotique et sa tourelle rotative, la brosse métallique DRT, la mini-pelle, la foreuse PADS, le système complexe de traitement des échantillons CHIMRA, ainsi que la boite contenant les forets de rechange, les blocs de matériaux organiques de référence (OCM, Organic Check Material, voir la section consacrée à SAM), et enfin le plateau d'observation situé sur le pont du rover. Les opercules amovibles qui protègent les entonnoirs de collecte de SAM et de CheMin sont aussi dans son périmètre.

Bras robotique et tourelle

D'une longueur maximale de 2,1 mètres, le bras robotique de Curiosity supporte une tourelle rotative qui comporte deux instruments scientifiques (le spectromètre APXS et la caméra MAHLI), ainsi que trois autres dispositifs (la brosse DRT, la foreuse PADS et le système de traitement des échantillons CHIMRA qui comprend la mini-pelle). La tourelle pèse 33 kilogrammes et mesure approximativement 60 centimètres de diamètre. Le bras robotique, qui possède 5 degrés de liberté, doit pouvoir supporter son propre poids même en pleine extension. Il peut positionner le centre de la tourelle à une distance maximale de 1,9 mètre, par rapport à l'avant du rover.

Dust Removal Tool (DRT)

Le DRT est une brosse métallique, indispensable pour enlever l'inévitable couche de poussière qui recouvre presque toujours les roches sur Mars et qui peut gêner considérablement les analyses, en particulier spectrométriques. Elle comporte deux petits balais dotés de fibres en acier inoxydable rotatifs, qui permettent de décrasser une surface d'un diamètre d'environ 4,5 centimètres. La brosse peut aussi servir à épousseter le plateau d'observation. Enfin, notons que l'onde de choc provoquée par le laser de l'instrument ChemCam peut également jouer le rôle de décapant, sur une surface bien plus réduite toutefois.

PADS (Powder Acquisition Drill System)

Le dispositif PADS est une foreuse à percussion rotative de 1,6 centimètre de diamètre, capable de donner 30 coups par seconde, et dont le rôle est d'acquérir des échantillons de roche à une profondeur maximale de 5 centimètres sous la surface d'une pierre. La foreuse réduit le matériau rocheux en poudre, avec une finesse de grains compatible avec les analyses envisagées. La poudre remonte le long d'une vrille et est transferée au mécanisme responsable du traitement des échantillons (CHIMRA). L'échantillon est finalement délivré aux deux instruments installés à l'intérieur du rover, CheMin et SAM, par l'intermédiaire d'un ensemble d'ouvertures (deux pour SAM, une pour CheMin) protégées par des clapets mobiles. Un échantillon peut aussi être déposé sur un plateau d'observation, un espace aménagé sur le pont du rover, de manière à pouvoir être examiné confortablement par la caméra MAHLI ou le spectromètre APXS du bras.

Si le foret de la foreuse vient à rester coincer dans une roche, s'il se brise ou finit simplement par s'émousser, Curiosity peut l'abandonner sur place, et fixer sur la foreuse l'une des deux autres mèches de secours montées sur l'avant du rover. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la foreuse de Curiosity est d'une grande complexité, et le nombre de choses qui doivent être prises en compte lors de son fonctionnement sont tout bonnement impressionnantes. Ainsi, les opérations de forage doivent impérativement se dérouler entièrement en journée, et ne peuvent déborder sur le jour suivant. Effectivement, les températures nocturnes, très basses, provoquent des contractions thermiques du bras robotique. Si la foreuse restait enfichée dans une roche, le stress exercé par le froid glacial sur le bras pourrait provoquer des tractions aux conséquences graves. Le rover pourrait par exemple se mettre à glisser, la mèche pourrait se vriller dans la roche, etc. Des tests ont déjà été réalisés sur Mars pour quantifier l'influence du stress thermique, et comprendre ce qui se passerait dans une situation ou un dysfonctionnement quelconque interromprait une opération de forage, laissant Curiosity passer la nuit avec son bras prisonnier d'une roche.

La conception de la foreuse a été particulièrement compliquée, et de nombreux problèmes sont apparus au cours de la phase de développement. Initialement, il était prévu que le rover soit envoyé vers Mars avec l'embout de la foreuse vide, les forets étant rangés dans un container stérilisé. Une fois en surface, le bras robotique serait venu se positionner au-dessus du présentoir pour saisir une mèche. Cependant, après réflexion, les ingénieurs ont estimé que cette façon de procéder était trop risquée. Si le bras ne parvenait pas à saisir un foret, la foreuse deviendrait de fait inutilisable. Il a donc été décidé de lancer Curiosity avec une mèche insérée dans la foreuse, et les ingénieurs ont donc tout naturellement ouvert le rover pour prendre un foret et le mettre à sa place ... violant ainsi les règles de protections planétaires (voir plus loin), en exposant un système qui avait été préalablement stérilisé au monde extérieur.

Comme si cela ne suffisait pas, un problème majeur de court-circuit, provoqué par la foreuse et qui pouvait se transmettre à tout le rover, avec le risque d'occasionner alors des dommages critiques, a été découvert très tardivement au cours du développement de la mission, juste avant le lancement. Une fois la solution trouvée, les ingénieurs ont apporté des modifications au dispositif de forage à la toute dernière minute, alors que le lanceur était déjà sur son pas de tir.

CHIMRA (Collection and Handling for in-situ Rock Analysis)

Le système mécanique responsable de la collecte et de la prise en charge des échantillons pour les analyses de roches in-situ, qui répond à l'acronyme de CHIMRA, comporte une petite pelle de 4 centimètres de longueur, qui permet de ramasser du sol martien. Il comporte également un ensemble complexe de chambres et de labyrinthes utilisé pour trier, tamiser (élimination des particules dont le diamètre est supérieur à 1 mm ou 150 microns, au choix) et partitionner la poudre récupérée soit par la foreuse, soit par la mini-pelle. Pour faire circuler les échantillons à l'intérieur de CHIMRA, le rover modifie l'orientation de la tourelle, et active un dispositif vibratoire. Le vibreur sert également lorsqu'une quantité donnée de poudre doit être versée dans les entonnoirs des instruments SAM et CheMin. On le voit, le dispositif de distribution des échantillons n'a rien à avoir avec celui, infâme, de l'atterrisseur Phoenix !

Protection planétaire

Comme toutes les missions martiennes, le rover Curiosity a été conçu en fonction des contraintes liées à la protection planétaire. Selon les recommandations d'un traité signé en 1967, les missions spatiales doivent absolument éviter tout risque de contamination d'un corps extraterrestre par des micro-organismes terrestres, qui pourraient prendre place sur une sonde en tant que passagers clandestins. La résistance de certaines bactéries est effectivement phénoménale, et il est tout à fait envisageable que certaines espèces particulièrement coriaces, capables de sporuler, puissent survivre au voyage interplanétaire, et une fois sur place, puissent trouver des conditions favorables à leur développement (des streptocoques terrestres ont ainsi été ramenés de la Lune sain et sauf). Au mieux, ces souches compromettraient les expériences de détection de vie embarquées sur les sondes (qui découvriraient alors une vie terrestre et non martienne), et au pire, elles pourraient s'attaquer à des organismes martiens indigènes et détruire de fragiles écosystèmes, avec les conséquences que cela pourrait avoir d'un point de vue exobiologique.

La solution pour régler ce problème est de stériliser les sondes avant le lancement. Or on ne stérilise pas un engin aussi complexe qu'une sonde spatiale comme un bistouri. Les procédures qu'il faut mettre en œuvre font peser des contraintes énormes sur les différents composants, qui doivent alors résister à toutes les étapes du processus de stérilisation, et ressortir parfaitement fonctionnels. L'application des mesures de protection planétaire coûte donc horriblement cher. A titre d'exemple, sur les 10 % du budget alloués aux missions Viking, 100 millions sur le milliard de dollars de l'époque (soit 700 millions aujourd'hui), étaient destinés à la stérilisation des atterrisseurs. Effectivement, en 1976, les connaissances acquises sur Mars laissaient penser que le risque que les Viking se posent sur une région capable de permettre le développement de formes de vie (primitives ou même évoluées) était très important. Il était donc impensable de ne pas tout tenter pour éviter au maximum de déposer des microbes terriens au sol.

Si l'environnement du cratère Gale est propice à l'étude de l'habitabilité passée de la planète Mars, les conditions très hostiles qui caractérisent sa surface aujourd'hui ne peuvent pas, à notre connaissance, permettre la survie et le développement de microorganismes. Fort heureusement pour le budget de la mission, qui avait déjà atteint des sommets lors du report du lancement de 2009 à 2011 (voir plus loin). Contrairement aux Viking, qui ont été enfournés dans un autoclave, Curiosity n'a donc pas eu à subir un étuvage prolongé, ce qui ne veut pas dire que la NASA a laissé le rover partir tel quel. Si le robot avait été envoyé vers une région dite spéciale, ou l'eau peut parfois, même sporadiquement, exister à l'état liquide, ou se trouver sous forme de glace à moins d'un mètre de la surface, il aurait alors dû subir un chauffage dans un four géant à une température de 125°C pendant 30 heures. En cas de crash, la chaleur libérée par le générateur thermoélectrique radio-isotopique (RTG), combinée à la présence d'eau, aurait effectivement pu créer un environnement local favorable au développement de microorganismes terrestres (voire même à leur mutation grâce aux radiations du plutonium).

Comme pour les autres missions martiennes, la sonde a été assemblée en salle blanche. Les techniciens étaient habillés de la tête au pied dans des vêtements spécialement conçus pour cet environnement (blouses, gants, masques, bonnets, bottes), et l'air était filtré de façon à retenir toutes les particules possibles. Tous les composants ont été scrupuleusement nettoyés et désinfectés durant l'intégration du rover, y compris dans les coins les plus inaccessibles, avec de l'alcool ou d'autres solvants antiseptiques. Les parties qui pouvaient supporter la chaleur sèche, comme le parachute, ont été chauffées de 110°C à 146°C, pendant un temps maximal de 144 heures. Une technique innovatrice a été mise en œuvre pour l'intérieur du rover : les compartiments ont été scellés, les échanges avec l'extérieur passant par des ouvertures munies de filtres qui retiennent tout ce qui peut se trouver à l'intérieur. Une attention toute particulière a été accordée aux pièces devant rentrer en contact temporaire ou permanent avec la surface martienne, comme les roues, ou les forets de la foreuse.

L'objectif de toutes ces précautions était de réduire la quantité de "spores" totales transportées par le rover, le parachute et le bouclier arrière à moins de 300 000 (500 000 pour la totalité du système de vol), et la densité de spores à moins de 300 par m2, ce qui permet de s'assurer que tous les germes ne sont pas au même endroit. Il est à noter que ces valeurs, déterminées arbitrairement, n'ont peu ou pas été changées ou réévaluées depuis 1967. Un très grand nombre de tests sont effectués tout au long de l'assemblage pour s'assurer que les valeurs seuils retenues ne sont pas dépassées.

Parfois, malgré toute l'attention accordée aux mesures de protection planétaire et à la quarantaine du vaisseau, un incident se produit. Ce fut le cas pour Curiosity avec les forets de la foreuse. Ces derniers étaient normalement destinés à être stérilisés puis scellés, et ne plus être touchés par quiconque avant le lancement. Une fois sur Mars, le bras robotique se serait déplacé pour insérer un foret au niveau de l'embout de la foreuse. Cependant, comme nous l'avons déjà vu, cette opération a été jugée non seulement très compliquée, mais aussi très risquée. Si Curiosity n'arrivait pas à prendre un foret, la foreuse devenait totalement inutile. La solution à ce dilemme était toute trouvée. Il suffisait de faire partir Curiosity avec un foret déjà en place dans la foreuse. Même si ce dernier finissait par se briser, ou devait être abandonné dans une roche dans laquelle il s'était coincé, et que Curiosity ne parvenait pas à le remplacer avec ceux de secours, quelques forages avaient au moins une chance d'avoir lieu. Les ingénieurs ont donc tout naturellement ouvert le rover pour prendre un foret et le glisser dans l'embout de la foreuse ... brisant ainsi le confinement de la sonde, et exposant les surfaces nettoyées avec tellement de soin du rover au monde extérieur. Les règles et bonnes pratiques de la protection planétaire ont donc été involontairement bafouées, et l'officier de protection planétaire en charge de la mission n'a apparemment pas apprécié, même si le mal était déjà fait. Le risque de contamination du cratère Gale causé par la brèche créée lors de la manipulation du foret est cependant très faible : la surface martienne est très hostile chimiquement à la vie, à cause de la présence dans le sol et la poussière de molécules oxydantes comme les perchlorates. De plus, le terrain est constamment baigné par un rayonnement ultraviolet agressif, et est bombardé par des radiations cosmiques délétères.

Pour terminer avec la protection planétaire, notons enfin que lors du lancement, la trajectoire suivie par la sonde Mars Science Laboratory et l'étage supérieur Centaur avait été tracée de telle manière à ce que les deux engins ... ratent Mars. L'objectif était d'éviter que l'étage Centaur ne finisse sa course sur la planète rouge, contaminant cette dernière. Plutôt que de le stériliser, ce qui aurait coûté une fortune, les ingénieurs choisissent une alternative plus simple, qui est de s'assurer que le dernier étage ne soit pas pointé vers la planète rouge. Des manœuvres de correction de trajectoire sont alors nécessaires pour replacer la sonde, qui n'est donc pas initialement lancée directement vers sa cible, dans le droit chemin.

Les parties de Mars Science Laboratory qui sont destinées à s'écraser sur Mars, comme le parachute, le bouclier arrière, le bouclier thermique, font l'objet d'une attention toute particulière, pour éviter que des germes embarqués à l'intérieur, par exemple au niveau des substances adhésives, des mousses, des résines, des peintures, ne puissent trouver un chemin vers l'extérieur après le crash et la rupture des parois suite au choc avec la surface martienne. En général, ces composants sont donc stérilisés par chaleur sèche. Pour d'autres structures qui peuvent s'écraser sur Mars après la traversée de l'atmosphère, comme l'étage de croisière, des simulations détaillées sont effectuées et documentées pour s'assurer que la chaleur subie au cours de la rentrée détruise bien tous les microbes éventuellement présents.

Send your name to Mars (chips)

Des puces de silicium, fixées sur le pont du rover et de la taille d'une petite pièce de monnaie, contiennent les patronymes d'environ 1,24 millions de personnes qui se sont inscrites sur un site Internet dédié avant le lancement, et qui proposait d'envoyer son nom sur Mars, dans le cadre d'une opération de communication dont la NASA a le secret. Un certificat était délivré suite à l'inscription. Les noms ont été gravés sur des puces spéciales par faisceau d'électrons au JPL. De plus, les noms laissés sur des registres par plus de 20 000 visiteurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL) et du centre spatial Kennedy, ont été scannés et reproduit à une échelle microscopique sur une autre puce. Si vous êtes déçus de n'avoir pas été au courant de cette opération symbolique, vous pouvez vous consoler, car ce type d'événement est généralement renouvelé à chaque nouvelle mission martienne. Il était ainsi possible d'envoyer son nom sur les atterrisseurs Mars Polar Lander, Phoenix, les rovers Spirit et Opportunity, etc. Nous sommes très loin, en termes d'intérêt, des opérations proposés par l'ESA, comme celle, lamentable, organisée pour Mars Express, et qui a tout simplement consisté à envoyer un peu de peinture rouge estampillée Ferrari, sans doute pour faire prendre conscience au public que la sonde s'envolait vers Mars (tout en excitant en même temps des pulsions consuméristes si caractéristiques de notre époque).

Les instruments

La charge utile du rover Curiosity est imposante, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle se compose de 10 instruments, pour un poids total de 75 kilogrammes. Ces derniers ont été sélectionnés pour fonctionner ensemble, de manière intégrée, et pour permettre au rover de réaliser les nombreux objectifs scientifiques qui lui ont été confiés.

En mode de fonctionnement normal, la première action de Curiosity est de balayer la surface martienne à 360 °avec le grand angle de la caméra MastCam, pour réaliser un panorama de tout ce qui entoure le rover. Le processus prend environ 25 minutes, au cours desquelles l'œil électronique capture environ 150 images. Le téléobjectif peut éventuellement prendre une vue plus détaillée d'un secteur particulier, si le besoin s'en fait sentir. L'étape suivante consiste à envoyer à distance des salves de lasers avec ChemCam pour déterminer la composition élémentaire d'un grand nombre de cibles potentiellement intéressantes, qui peuvent ainsi être analysées en un minimum de temps. Sur la base de ces premières mesures, les scientifiques peuvent décider qu'un élément mérite des investigations plus poussées, et les conducteurs ordonnent alors au rover de se déplacer dans sa direction pour réaliser cette fois ci de la science de contact, avec la caméra MAHLI et le spectromètre APXS, éventuellement après un nettoyage avec la brosse métallique DRT s'il s'agit d'une surface rocheuse. Si là encore les données obtenues sont concluantes, l'étape finale consiste à effectuer un forage pour prélever des échantillons, qui sont ensuite confiés au deux laboratoires analytiques CheMin et SAM.

Caméra du mât (MastCam)

Comme son nom l'indique, la caméra MastCam est fixée au sommet du mât planté comme un piquet sur le pont de Curiosity, et permet au rover d'observer son environnement à hauteur d'homme. Similaire au dispositif d'imagerie des Mars Exploration Rover (PanCam), la caméra MastCam offre des vues stéréoscopiques (vision en 3D), en couleur et à haute résolution de la surface martienne.

MastCam possède deux yeux, un œil gauche et un œil droit, séparés de 25 centimètres et montés à 2 mètres environ au-dessus de la surface du sol. L'œil droit est un téléobjectif de 100 millimètres, tandis que l'œil gauche est un objectif grand angle de 34 millimètres. La taille des images produites par le téléobjectif est de 1600 x 1200 pixels, avec une résolution de 7,4 centimètres par pixel à 1 km. Le champ de l'objectif grand angle est trois fois plus large que celui du téléobjectif, et sa résolution est de 22 centimètres par pixel à 1 kilomètre. Pour ce dernier, le capteur CCD mesure là aussi 1600 x 1200 pixels.

Comme les appareils photo numériques grand public, qui ne cessent de se perfectionner année après année, MastCam devait bénéficier de plusieurs innovations, sous l'égide d'une collaboration entre la NASA et le cinéaste James Cameron. L'une des plus intéressantes était vraisemblablement la capacité à enregistrer des vidéos haute résolution (720p), avec une fréquence de 4 et 7 images par seconde. Une fonctionnalité certes encore un peu anecdotique pour une sonde spatiale, étant donné le volume occupé par les fichiers vidéos et les contraintes de bande passante pour les transmettre à la Terre, mais qui aurait néanmoins permis d'offrir quelques panoramas spectaculaires et vivants de la surface martienne. Pour l'instant, aucune vidéo de la surface martienne n'a été enregistrée par MastCam, qui a perdu la fonctionnalité vidéo durant sa conception. MastCam devait également embarquer un zoom optique x10, qui aurait permis de prendre des vues rapprochées d'objets jugés intéressants, sans que le rover ait à se déplacer pour obtenir une vue plus nette, mais cette fonctionnalité a dû être abandonnée au cours de la mission, car jugée trop couteuse et risquée par rapport au planning de développement. Elle ne sera implémentée que sur la mission Mars 2020.

MastCam prend des images couleurs en une seule étape (comme les appareils photo numériques), alors que les caméras précédentes obtenaient des images dans différentes longueurs d'onde grâce à une roue à filtres colorés (rouge, vert, bleu), images qui devaient ensuite être combinées pour produire un cliché en couleur. La caméra MastCam de Curiosity est cependant toujours dotée d'une roue à filtres, ce qui lui permet d'acquérir des images monochromatiques dans certaines longueurs d'ondes du visible ou du proche infrarouge. Certaines caractéristiques particulières (comme la présence ou l'absence de poussière à la surface d'une roche) ressortent effectivement mieux dans une longueur d'onde donnée. Un filtre permettant de regarder directement dans la direction du soleil est également inclus pour mesurer la quantité de poussière en suspension dans l'atmosphère.

Les images obtenues par la caméra MastCam sont traitées par un boîtier électronique dédié, ce qui permet d'économiser du temps processeur. Mars Science Laboratory possède donc en quelque sorte une "carte graphique", qui allège le travail du processeur central (CPU). La caméra dispose également d'un espace mémoire confortable pour une sonde spatiale, 8 giga-octets, ce qui autorise le stockage de milliers d'images avant leur retransmission vers la Terre. Une cible de calibration pour les couleurs et la balance des blancs est montée sur le pont du rover. Elle dispose d'aimants puissants qui empêchent la poussière de se déposer sur les petits disques de référence. La caméra MastCam, ainsi que les caméras MAHLI et MARDI, ont été conçues et fabriquées par la société Malin Space Science Systems (MSSS).

Caméra du bras robotique (MAHLI)

Avec le traditionnel marteau, la loupe est l'outil indispensable de tout bon géologue. Elle permet d'observer en détail les différents minéraux ou grains qui constituent les roches et les sols, comme leur couleur, la forme des cristaux, leur orientation les uns par rapport aux autres, les fractures, les plans de clivage, en résumé tout un ensemble d'informations très utiles pour identifier les matériaux étudiés, et comprendre les processus qui ont abouti à leur mise en place.

Si Curiosity embarque sa propre version du marteau (sous la forme d'une foreuse), il ne pouvait pas ne pas posséder également une loupe. Celle-ci, baptisée MAHLI, n'est autre qu'une caméra portable avec un objectif macro. Elle va permettre au rover d'obtenir des vues rapprochées de la surface des roches ou des sols, en fournissant des informations sur la texture ou la minéralogie. Elle sert également à photographier le paysage, capturer des images contextuelles pour les autres instruments, et parvient même à prendre des autoportraits (des selfies) absolument superbes du rover. Basée sur la caméra microscopique embarquée sur les rovers Spirit et Opportunity, elle est désormais capable de prendre des images en couleur et dispose d'un autofocus.

La loupe est fixée sur la tourelle du bras robotique de Curiosity. Ce dernier étant assez long, elle peut être positionnée à une hauteur supérieure au mât, ce qui est très utile lorsqu'il s'agit de jeter un coup d'œil derrière un obstacle. Grâce à la mobilité du bras, elle se révèle également capable d'aller inspecter en détails tel ou tel endroit du rover (comme les roues par exemple).

MAHLI est assez puissante, puisqu'elle permet de distinguer des structures de quelques dizaines de microns environ. Le capteur à matrice de bayer mesure 1600 x 1200 pixels. La caméra peut s'approcher d'une surface à une distance minimale de 21 millimètres, et sa résolution est alors de 14 microns par pixel (le champ de vision étant à ce moment-là un rectangle de 2,2 centimètres de longueur pour une largueur de 1,7 centimètre). A un mètre de distance, la résolution est encore de 0,5 centimètre par pixel. MAHLI dispose de 8 giga-octets de mémoire pour le stockage des images.

La caméra MAHLI embarque également sa propre source lumineuse, ce qui permet aux géologues de continuer leurs investigations de nuit. Outre une source de lumière blanche (similaire à la lumière émise par une torche électrique) fournies par deux diodes, MAHLI est également équipée de deux LED fonctionnant dans l'ultraviolet (365 nanomètres), comme celles qui sont parfois allumées dans les boites de nuit pour faire ressortir les vêtements taillés dans certaines fibres synthétiques qui brillent sous les UV. Ici, il s'agit de rechercher des minéraux fluorescents aux ultraviolets comme des carbonates ou des sulfates. Une cible de calibration est montée sur le rover, et permet de régler la balance des blancs, la balance des couleurs, et de vérifier le bon fonctionnement de l'instrument. Comme la caméra du mât MastCam et la caméra de descente MARDI, MAHLI a été développée et assemblée par la société Malin Space Science Systems (MSSS).

Caméra de descente (MARDI)

La caméra de descente MARDI est un instrument particulier : il compte sans doute parmi les moins importants de la charge utile, mais il a transmis des images absolument spectaculaires de la descente de Curiosity vers la surface martienne, totalement inédites dans l'histoire de l'exploration spatiale. MARDI est tout à fait similaire à la caméra DIMES embarquée sur les deux Mars Exploration Rovers à ceci près qu'elle a pris non pas une série d'images en noir et blanc de la chute libre du rover, mais une vidéo en couleur, et à haute résolution.

La caméra de descente s'est activée juste après l'éjection du bouclier thermique, à 3,7 kilomètres d'altitude (voir plus bas pour les détails de la séquence d'atterrissage), et a continué de filmer jusqu'à ce que le rover touche le sol, à raison de 4 images par seconde. L'objectif avoué de l'instrument était de prendre environ 500 images à une résolution de 1600 x 1200 pixels. MARDI partage le même design que la caméra MAHLI dont nous venons de parler. La vidéo de la descente a été stockée dans la mémoire flash de l'ordinateur de bord du rover, en attendant sa retransmission vers la Terre.

Filmée en couleur, la chute de Curiosity fut tout bonnement spectaculaire. La vidéo a d'abord été disponible en basse résolution, avant que des versions rehaussées en haute résolution ne fassent leur apparition sur Youtube. Outre son intérêt médiatique évident, la vidéo a permis aux géologues de caractériser l'environnement du site d'atterrissage, et de planifier les futurs déplacements du rover en repérant les endroits intéressants et les éventuels obstacles. Elle a également servi à déterminer de façon très précise la zone ou le rover a touché le sol de Mars.

MARDI est conçue pour continuer à fonctionner après l'atterrissage, en fournissant des images du sol à une résolution de 1,5 millimètre par pixel. Une petite pièce de matériau blanc fixé sur la surface interne du bouclier thermique (visible sur les premières images obtenues après l'activation de la caméra) a servi de cible de calibration pour régler la balance des blancs.

La caméra MARDI a été développée par la société Malin Space Science Systems (MSSS). Pour des raisons budgétaires, elle a bien failli être débarquée de la mission, et le dirigeant de la société, Michael Malin, a dû prendre sur des fonds propres pour poursuivre le financement et permettre à MARDI de voler. Un très beau geste pour tous les passionnés de conquête spatiale ! Il faut noter que deux autres caméras de descente fabriquées par Malin Space Science Systems avaient déjà été embarquées sur les atterrisseurs Mars Polar Lander et Phoenix, mais le premier a disparu sans donner signe de vie lors de sa descente vers le pôle sud (aucune donnée n'ayant pu être récupérée), et la caméra de Phoenix avait finalement et malheureusement due être débranchée avant l'atterrissage par mesure de sécurité, à cause d'un risque de court-circuit qu'elle aurait pu faire courir à la sonde.

ChemCam

Sur Curiosity, l'instrument ChemCam est en compétition pour la place de l'instrument le plus amusant avec la caméra de descente MARDI. S'il ne produit que des images en noir & blanc, il dispose d'un atout considérable. Un canon laser ! Et pas n'importe quel laser, un laser de puissance, capable de dégager une énergie d'un million de watts et de faire un maximum de dégâts en un minimum de temps. Nul doute que, si au cours de son périple à la surface de Mars, le rover est poussé dans ses retranchements et doit se défendre contre des agresseurs extraterrestres, ChemCam lui sera très utile.

ChemCam est situé sur le mât, au-dessus des caméras de navigation NavCam et des deux objectifs de la caméra MastCam. Il se compose d'un télescope d'un diamètre de 11 centimètres, d'un laser, d'une caméra (RMI) capable de prendre des images monochromes de 1024 pixels sur 1024 pixels, et enfin de trois spectromètres, hébergés à l'intérieur du rover et reliés au télescope par 6 mètres de fibres optiques.

ChemCam va permettre au rover d'étudier finement des roches à distance, sans que l'engin n'ait à se déplacer. L'instrument fonctionne selon le principe d'un LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscopy) : un faisceau laser est tiré vers une structure intéressante (roche ou sol) située au maximum à une distance de 7 mètres. Un laser est un pinceau de lumière bien particulière, caractérisée par une longueur d'onde unique, et des photons qui sont tous absolument identiques (un phénomène que les physiciens appellent cohérence). Au point d'impact (une surface de moins d'un millimètre carré), le pinceau laser va porter le matériau à une température de 10 000°C pendant quelques milliardièmes de seconde. A cette chaleur, n'importe quelle roche ou minéraux entre en fusion et est instantanément vaporisé. L'énergie déposée par le laser de puissance va provoquer l'émission d'un petit nuage de plasma (matière ionisée) qui va luire de façon intense et très brève dans l'air martien. Ce flash est d'ailleurs bien visible sur certains clichés de Curiosity.

Trois spectromètres travaillant dans l'ultraviolet, le bleu et le visible vont alors analyser finement l'étincelle lumineuse résultant de l'impact du laser, dont les photons sont récupérés par le miroir du télescope. Les données collectées permettent ainsi de déterminer la composition élémentaire de l'échantillon visé. De nombreux éléments peuvent être identifiés, même ceux présents en très petites quantités à l'état de trace. ChemCam peut entre autre détecter le sodium, le magnésium, l'aluminium, le silicium, le calcium, le potassium, le titane, le manganèse, le fer, l'hydrogène, l'oxygène, le béryllium, le lithium, le strontium, l'azote, le phosphore, etc. Grâce à son pouvoir ablatif, le pinceau laser de ChemCam peut également servir à ôter la couche de poussière voire la pellicule d'altération qui recouvre les roches martiennes, et déterminer ainsi la plus ou moins grande épaisseur de ce revêtement.

Le laser mis en œuvre par ChemCam est un laser de puissance pulsé (un flash - ou pulse - de lumière est émis toutes les 5 nanosecondes) qui fonctionne dans l'infrarouge (à une longueur d'onde de 1067 nm, il est donc invisible à l'œil nu, contrairement à ce que pourrait laisser penser les dessins d'artiste, ou il apparaît en rouge ou en vert). La détection du nuage de plasma résultant de la vaporisation de la roche est effectuée entre 240 nm et 850 nm (soit 6144 longueurs d'onde différentes, de l'ultraviolet à l'infrarouge). Les mesures peuvent être réalisées entre 2 et 7 mètres de distance.

Grâce à son canon laser, Curiosity est capable d'identifier la nature d'une roche donnée (volcanique, sédimentaire) en un temps record, quelques secondes, à comparer aux nombreuses heures nécessaires lors d'analyses similaires, comme celle de l'APXS. Les informations fournies par ChemCam servent principalement aux scientifiques à déterminer si l'échantillon ciblé est suffisant prometteur pour être analysé plus en détails par les autres instruments du rover. Outre son rôle pour la sélection d'échantillons intéressants, ChemCam permet également l'analyse de roches situées en dehors de la portée du rover (par exemple une strate rocheuse localisée à plusieurs mètres de hauteur). Le laser, fixé sur le mât pivotant, est accompagné d'une micro-caméra (Remote Micro Imager ou RMI) conçue pour fournir des images détaillées qui servent de contexte aux mesures chimiques.

En ce qui concerne sa calibration, ChemCam dispose de plusieurs cibles : les quatre premières sont des verres, la cinquième est en graphite, les quatre suivantes sont composées de céramiques, et la dernière est une plaque de titane. L'instrument comporte également un second laser de faible puissance qui permet d'effectuer la mise au point sur une roche cible avant le tir du laser de puissance. L'instrument ChemCam a été conçu en partenariat avec la France, qui a fourni le laser (Thales) et le télescope. Le financement a été effectué par le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES).

Spectromètre alpha rayons X (APXS)

Monté sur la tourelle du bras robotique, le spectromètre alpha rayons X est une version améliorée de l'APXS embarqué sur Spirit et Opportunity. Cet instrument est maintenant capable de réaliser des mesures chimiques plus rapidement, de jour comme de nuit. Son objectif est de déterminer l'abondance des différents éléments (atomes) des roches et des sols. L'APXS fonctionne en émettant des particules alpha (noyaux d'hélium possédant un temps de demi-vie de 18 ans) et des rayons X produits par la décomposition radioactive d'une petite quantité de curium 244 (244Cm, un élément radioactif artificiel fabriqué en laboratoire). L'appareil ne semble pas émettre de protons, malgré son nom.

Excités par ces deux types de radiations, les atomes constituants l'échantillon émettent à leur tour des rayons X dont l'énergie est caractéristique de leur nature (c'est ainsi que suite à l'excitation, un atome d'oxygène appartenant à l'échantillon émettra des rayons X d'une énergie différente des rayons X émis simultanément par un atome de silicium présent juste à côté). L'instrument est sensible à de multiples éléments constitutifs de nombreuses roches et minéraux, comme le sodium, le magnésium, l'aluminium, le silicium, le calcium, le fer, ainsi qu'à des éléments rencontrés dans les sels, comme le soufre, le chlore et le brome. La zone d'analyse mesure 1,7 centimètre de diamètre, la profondeur de détection variant selon que les éléments sont légers ou lourds. Elle est respectivement de 5 microns pour les premiers, et de 50 microns pour les seconds. Seule une couche extrêmement fine de matériaux réagit donc au bombardement énergétique, d'où l'importance de nettoyer auparavant la surface rocheuse avec la brosse DRT. Curiosity est capable de positionner l'instrument de façon automatique et optimale. Il peut réaliser des mesures à intervalles réguliers tout en approchant l'APXS de sa cible, pour s'arrêter lorsque les données reçues sont considérées comme idéales ou suffisantes. Un mode de balayage parallèle à la surface à examiner permet également de déterminer les régions les plus intéressantes en termes de réponse spectrale, et d'effectuer une sorte de cartographie chimique.

Contrairement à l'APXS des Mars Exploration Rover qui nécessitait des intégrations de 10 heures d'affilée, l'APXS de Curiosity peut déjà fournir des données après seulement 10 minutes de mesure (détection des principaux éléments, dits éléments majeurs, ainsi que des éléments mineurs, présents à une concentration de seulement 0,5 %). Des analyses plus longues, nécessitant des durées d'intégration de 2 à 3 heures, permettent de repérer tous les éléments, y compris ceux présents en très petites quantités, à l'état de traces (dont la concentration est égale ou inférieure à 100 parties par million).

Le gain en sensibilité de cette version de l'instrument est principalement dû au fait que la distance entre le détecteur et l'échantillon à analyser a été réduite à seulement 19 millimètres (à l'exception des mesures sur les sols, ou le capteur est maintenu à une distance de sécurité de 1 centimètre). Pour d'autres éléments lourds comme le fer, la sensibilité a également été améliorée en augmentant la quantité de rayons X émis par la source de curium (700 microgrammes, soit une masse deux fois plus importante que celle mise en œuvre pour Spirit et Opportunity). Le taux élevé de rayons X permet également de détecter des éléments qui ne réagissent normalement pas bien à ces derniers (comme l'oxygène), grâce à une méthode appelée "Scatter Peak".

Pour que l'APXS fonctionne correctement, il est très important que son détecteur reste froid tout au long des mesures. Un autre avantage du modèle embarqué par Curiosity est sa capacité à fonctionner non seulement de nuit, pour profiter gratuitement des températures nocturnes très basses, mais également de jour, grâce à un dispositif dédié de refroidissement. L'APXS peut également servir à examiner des échantillons de sol déposés sur le plateau d'observation du rover. Une tranche de basalte provenant de la région de New Mexico et enchâssée dans une plaque de nickel sert de référence pour la calibration de l'instrument.

Le lecteur intéressé par l'APXS trouvera des informations complémentaires dans le dossier consacré au rover Sojourner, ainsi que dans celui traitant des Mars Explorations Rover, ces deux robots ayant embarqué un instrument similaire. Tous les APXS ayant volé sur Mars étaient allemands, mais pour une raison étrange, le gouvernement allemand a refusé de financer celui de Curiosity. Le Canada y a vu une opportunité, et l'un des principaux ingénieurs du Max Planck Institute a donc quitté l'Allemagne pour se rendre là-bas et monter une équipe.

CheMin

L'instrument "chimie et minéralogie" (CheMin) est destiné à identifier à et mesurer l'abondance des minéraux dans des échantillons de poudres collectés par la foreuse PADS ou la mini-pelle qui équipent la tourelle du bras robotique.

CheMin est à la fois un spectromètre à fluorescence X (comme l'instrument XRFS des atterrisseurs Viking) et un diffractomètre à rayons X. Cette dernière technologie vole pour la première fois sur Mars, et permet d'identifier de manière très fiable des espèces minérales. Le seuil minimal de détection est d'environ 3 %. Les rayons X utilisés sont produits par une cible de cobalt excitée par un faisceau d'électrons de haute énergie.

La diffraction X est une technique d'analyse qui consiste à exposer un échantillon réduit en poudre à des rayons X. Ceux-ci sont alors diffractés à l'échelle atomique, en produisant des images de diffraction caractéristiques. Tous les minéraux sont par définition cristallins. Dans un cristal, les différents atomes sont arrangés de façon très ordonnés les uns par rapport aux autres. Lorsque les rayons X interagissent avec un réseau cristallin, ils sont diffractés de manière reproductible. En étudiant le détail de cette diffraction, les minéralogistes peuvent en déduire les espacements entre les différents plans atomiques du réseau cristallin, qui sont différents et caractéristiques de chaque espèce minérale. C'est la technique dite de diffractométrie.

CheMin pèse 10 kilogrammes, et possède grossièrement la forme d'un cube de 25 centimètres de côté. L'instrument est relié à un entonnoir muni d'un couvercle amovible, qui débouche sur le pont du rover, à l'avant. Les échantillons de poudre, collectés soit par la foreuse PADS dans le cas de roches, soit par la mini-pelle dans le cas de sols, sont tamisés par le système CHIMRA, qui ne garde que des particules dont le diamètre est inférieur à 150 microns. Une petite quantité de poudre, de la taille d'un cachet d'aspirine, est alors versée par gravité dans l'entonnoir, des vibrateurs permettant de faire avancer le matériau si celui-ci décide de former des grumeaux ou d'adhérer aux parois.

En dessous de l'entonnoir circule une roue comportant 32 cellules de mesures rondes en plastique transparent. La rotation de la roue permet de présenter n'importe quel échantillon sous les rayons X. Pour des besoins de calibration, cinq cellules sont remplies avec des substances de composition connue, et il en reste donc seulement 27 d'utilisables pour les échantillons martiens. Un dispositif piézoélectrique permet de faire vibrer les cellules lors des opérations de remplissage et de vidage (ces dernières sont effectivement à usage multiple). Il sert également à maintenir en suspension les particules dans le volume de la cellule durant les mesures, l'orientation aléatoire des cristaux augmentant la qualité des figures de diffraction obtenues. Lors d'une mesure, une cellule donnée est positionnée entre le faisceau de rayons X primaires émis par la source de cobalt et un détecteur CCD sensible au rayonnement X, et refroidit à -60°C (vous aurez noté que les détecteurs de rayons X demandent du froid, puisque c'était déjà le cas de celui de l'APXS). Chaque analyse se déroule de nuit pour profiter de la fraîcheur martienne, et dure environ 10 heures. Une séquence d'analyse donnée peut être répartie sur deux ou plusieurs nuits d'affilé si nécessaire.

Outre la diffraction des rayons X primaires, sous l'effet de l'excitation fournis par ces derniers, les échantillons peuvent aussi réémettre des rayons X qualifiés de secondaires, et qui possèdent des longueurs d'onde différentes des premiers, mais qui sont là aussi caractéristiques d'un atome donné. L'étude de ce rayonnement secondaire permet d'identifier des éléments dont le numéro atomique est supérieur à 11 (c'est à dire des éléments qui sont situés après le sodium dans le tableau périodique de classification des éléments chimiques de Mendeleïev). C'est la technique de fluorescence X, qui peut permettre d'obtenir des informations supplémentaires intéressantes, comme la détermination du ratio d'éléments rentrant de façon variable dans la composition de certains minéraux. Ainsi, l'olivine, un silicate de fer et de magnésium, forme ce que l'on appelle une solution solide. La quantité de fer et de magnésium est effectivement variable, depuis un pôle ferreux (l'olivine ne contient que du fer et s'appelle alors fayalite) jusqu'à un pôle magnésien (l'olivine ne contient que du magnésium et s'appelle désormais forstérite), tous les intermédiaires étant par ailleurs possibles. La fluorescence X permet également d'identifier des matériaux amorphes, ne possédant pas de structure cristalline, comme des verres volcaniques. Comme nous le verrons plus bas, ces derniers semblent constituer une fraction importante (20 à 35 %) du sol martien.

SAM

Avec un poids de 38 kg et la dimension d'un four à micro-ondes, SAM, (abréviation de "Sample Analysis at Mars Instrument Suite") est l'instrument le plus imposant de la charge utile embarquée sur Curiosity, et l'appareil de mesure le plus complexe jamais utilisé dans une mission d'exploration planétaire.

SAM comprend en fait trois instruments distincts : un chromatographe phase gazeuse (GC), un spectromètre de masse (MS) et un spectromètre laser réglable (TLS). Il est dédié à l'étude de composés organiques dans les roches, les sols mais aussi l'atmosphère. Ces composés pourraient éventuellement être liés à une activité biologique passée (matière organique fossile) ou présente (méthane atmosphérique). L'instrument se montre aussi capable de réaliser des mesures isotopiques fondamentales pour dater des échantillons de roches, ou pour éclairer le destin de l'atmosphère martienne depuis la formation de la planète rouge il y a 4,5 milliards d'années jusqu'à aujourd'hui.

Contrairement à l'instrument CheMin, SAM dispose non pas de un mais de deux entonnoirs, montés sur le pont du rover, et équipés de vibreurs pour faciliter la descente des échantillons. Ces derniers servent à recevoir des échantillons de poudre collectés par la foreuse PADS ou la mini pelle du bras robotique. L'atmosphère martienne est quant à elle prélevée par des ouvertures localisées sur l'un des côtés du châssis. A l'intérieur de SAM, un système de manipulation d'échantillons (SMS) comporte 74 coupelles d'un volume de 0,78 cm3. 59 de ces cellules sont fabriquées en quartz et peuvent résister à un chauffage à très haute température, 1000 °C, lorsqu'elles sont placées dans un four. Après usage, les coupelles peuvent être nettoyées par pyrolyse, avant d'être préparées à nouveau pour accueillir un nouvel échantillon. Six cellules sont remplies avec des substances de composition connue utilisées pour la calibration et les réglages. Des échantillons de gaz sont également embarqués. Enfin, neuf coupelles fermées par un opercule transperçable contiennent un solvant et des composés chimiques servant à la dérivatisation. Pour pouvoir être séparée par chromatographie phase gazeuse, les molécules organiques doivent effectivement être volatilisées. La technique la plus simple pour les rendre volatiles est de les chauffer à plus ou moins haute température. Cependant, pour étudier des molécules fragiles, sensibles à la chaleur, il est également possible de passer par la technique de dérivatisation. Celle-ci permet de rendre volatile des molécules organiques en attachant sur ces dernières des fonctions chimiques particulières. Ainsi dérivatisées, les molécules passent facilement à l'état gazeux, ce qui rend alors possible leur analyse. La dérivatisation est plus efficace que la chaleur pour l'étude de molécules organiques volumineuses, ou réactives.

SAM est une merveille de technologie et de miniaturisation, et comporte plus de 600 mètres de câbles et de tuyaux. Les deux fours peuvent atteindre une température de 1000°C, tout en consommant une puissance électrique de seulement 40 watts. Dans un laboratoire terrestre, une salle entière devrait être dédiée aux instruments compactés dans le package analytique SAM. L'ensemble de pompes (certaines pouvant tourner à 100 000 tours/minute !), de tubes, de réservoirs de gaz, de valves, de sondes de pression et de températures, de fours et d'autres composants forment une machinerie impressionnante qui permet la séparation et la circulation des échantillons.

Lors d'une analyse, les échantillons de roches et de sols sont d'abord chauffés dans l'un des deux fours jusqu'à ce que les composants les plus volatils soient vaporisés. A ce stade, un dispositif permet éventuellement de piéger et de concentrer si nécessaire les matériaux organiques, avant leur passage dans le chromatographe et le spectromètre de masse. Les gaz résultant de l'opération sont alors injectés dans la colonne du chromatographe en phase gazeuse (GC), dont le rôle sera de séparer les différents constituants selon leur masse (une petite quantité est également dirigée vers le spectromètre laser réglable). Les composés sortant de la colonne capillaire du chromatographe sont ensuite dirigés vers le spectromètre de masse (MS), qui terminera la séparation et identifiera les composés en fonction de leur masse moléculaire (le lecteur intéressé par une description plus détaillée d'un chromatographe phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse pourra consulter avec intérêt le dossier concernant les atterrisseurs Viking).

Quant au spectromètre laser modulable (TLS), son rôle est de mesurer l'abondance de différents gaz comme le méthane, la vapeur d'eau, le dioxyde de carbone dans l'atmosphère martienne par étude de l'absorption de ces composés dans une certaine gamme de longueur d'onde. L'épaisseur de l'échantillon traversé étant très faible, au regard de la taille de l'instrument, le laser traverse 81 fois ce dernier grâce à un jeu complexe de miroirs, pour un parcours optique total de 16,8 mètres. L'instrument TLS peut également déterminer les ratios des différents isotopes du carbone, de l'oxygène, de l'hydrogène et de l'azote. L'étude des rapports isotopiques (en particulier celui du carbone) pourrait permettre d'identifier, avec plus ou moins de certitude, l'existence d'une activité biologique, présente ou passée, sur Mars. Les isotopes permettent également de suivre certains processus d'évolution planétaire, comme la perte de l'atmosphère dans l'espace.

Du point de vue de la recherche de traces de vie passées ou présentes sur Mars, SAM est un instrument prometteur. C'est d'ailleurs le seul appareillage embarqué sur Curiosity qui présente clairement un intérêt exobiologique. Deux des instruments constituants ce package, le chromatographe phase gazeuse (GC) et le spectromètre de masse (MS), sont des versions très améliorées du GC-MS des atterrisseurs Viking. En 1976, cet instrument n'avait apparemment pas détecté de traces de molécules organiques dans le sol martien, ce qui avait conduit la NASA à expliquer les étranges réactions ayant eu lieu dans les chambres de culture du laboratoire biologique des Viking par une explication purement chimique (pour être plus précis sur ce sujet toujours controversé, les Viking auraient en fait bel et bien détecté de la matière organique sous la forme de chlorométhane et de dichlorométhane, mais en 1976, les responsables avaient cru à une contamination, et n'ont pas compris l'importance de la présence de ces deux composés dans les spectres). Les résultats fournis par SAM, dont nous aurons un aperçu plus bas, sont donc attendus avec une grande impatience par les exobiologistes.

Par rapport aux sondes Viking, SAM dispose de trois avantages non négligeables. Premièrement, grâce aux avancées significatives réalisées au cours des décennies précédentes, notre connaissance de Mars a fait un bond spectaculaire en avant. Les sites d'atterrissage sont désormais sélectionnés de manière bien plus efficace, et Curiosity a été dirigé vers une région contenant des minéraux dont on sait qu'ils aident fortement à la préservation de la matière organique sur Terre : des sulfates et surtout des argiles. Au contraire, les sites d'atterrissage des Viking avaient dû être choisis seulement une fois sur place, sur la base des images ramenées par les orbiteurs sur lesquels les atterrisseurs étaient fixés (et après la mise en orbite des premiers), à une période où l'on ne connaissait que peu de choses sur la planète rouge, et certainement rien sur la minéralogie de la surface.

A l'époque, les planétologues de l'époque ont fait du mieux qu'ils ont pu, et les sites d'atterrissage avaient été sélectionnés d'abord et avant tout pour réduire au minimum les risques de crash, et ensuite pour viser des secteurs qui semblaient potentiellement intéressant sur la base non pas de données minéralogiques, mais au contraire sur l'existence de structures morphologiques typiques de celles laissées par des écoulements d'eau liquide, comme des réseaux hydrographiques (ce qui, on le sait désormais, peut-être un piège, comme l'a démontré le rover Spirit). De plus, les atterrisseurs Viking n'étaient pas mobiles, et ne pouvaient analyser que les échantillons de sol situés à portée immédiate du bras robotique, alors que Curiosity peut se diriger ou bon lui semble, et a accès à l'intérieur protégé des roches grâce à sa foreuse. De ce point de vue, la situation était donc totalement différente, et ne peut en rien être comparée à celle de Curiosity. Les Viking étaient des merveilles de technologie, et malgré les limitations imposées par la technologie et les connaissances limitées de la géologie martienne, leur mission a été un triomphe. Il serait bien hypocrite de critiquer les résultats obtenus alors, par rapport à ce que l'on est en droit d'attendre aujourd'hui de la part de machines comme Curiosity.

Toujours par rapport à Viking, SAM possède une sensibilité très élevée, et peut détecter un plus grand nombre de molécules différentes, et ce à une concentration de seulement quelques parties par milliard (ceci parce qu'il peut chauffer les échantillons à une température plus grande). Enfin Viking ne pouvait pas utiliser la technique de dérivatisation (qui consiste donc à attacher à des molécules organiques des fonctions chimiques qui vont rendre ces dernières plus volatiles, évitant ainsi d'utiliser un chauffage agressif pour les vaporiser). Comme nous l'avons vu, la dérivatisation permet la détection d'un intervalle plus large de composés organiques que ceux analysables par chauffage.

La détection de composés organiques dans des roches sédimentaires martiennes constitue vraisemblablement le Saint Graal de la mission de Curiosity. Il est possible que les résultats obtenus sur ce sujet décident de l'avenir du programme de l'exploration martienne. Même si la planète rouge n'a jamais pu permettre l'émergence de la vie, nous devrions pouvoir trouver à sa surface des composés organiques, ne serait-ce que ceux déposés par la pluie incessante de micrométéorites et de météorites carbonées qui balaye continuellement la planète. Si aucune molécule organique n'est détectée, il sera nécessaire d'accepter que la surface martienne est beaucoup plus hostile que prévue, et que les molécules oxydantes comme les perchlorates, le rayonnement ultraviolet intense (non filtré par une couche d'ozone inexistante) et les rayons cosmiques (capables de traverser l'atmosphère très fine de la planète) parviennent à "stériliser" (au sens d'anéantir toute molécule organique) la couche la plus superficielle de la croûte martienne. Suivant la profondeur de pénétrations de ces agents destructeurs implacables, il faudra alors revoir la stratégie d'exploration, en cherchant par exemple des endroits fraîchement exhumés par l'érosion, ou excavés par un impact récent, à moins qu'il ne faille développer des technologies de forage profond.

Si, au contraire, des molécules organiques sont détectées, une grande prudence sera de rigueur dans la recherche de leur origine. Il pourra en effet s'agir soit de contaminants terrestres apportés par le rover (par exemple fuite au niveau de l'instrument SAM lui-même, débris de la membrane de téflon de la foreuse, etc.), soit de matière organique d'origine abiogénique déposée par les météorites carbonées (chondrites), soit de composés organiques martiens formés par des réactions chimiques complexes entre divers minéraux, ou soit, dernière hypothèse, la plus audacieuse, des molécules appartenant ou ayant appartenu à des micro-organismes martiens. Comment les exobiologistes pourront-ils faire la différence ?

Pour tenter de détecter une contamination terrestre, Curiosity embarque avec lui cinq briques à usage unique de céramique siliceuse mélangée à de petites quantités de molécules organiques fluorées (moléculesauxquelles du fluor a été attaché) synthétisées sur Terre, et qui ne devraient normalement pas exister sur Mars (nous en sommes presque sûr, en tout cas on ne les rencontre pas sur Terre dans la matière organique). Un test de contrôle sera effectué en prélevant avec le même foret que celui utilisé pour acquérir les échantillons martiens un peu de poudre d'un cube de céramique, qui sera ensuite analysée par SAM. Si d'autres molécules organiques sont détectées en plus des composés fluorés, il faudra suspecter une contamination. Ce test est cependant critiquable. Il est en effet possible que CHIMRA, malgré son ingéniosité, ne puisse pas toujours empêcher une contamination croisée entre échantillon. Quelle conclusion faudra-t-il tirer si des molécules organiques d'origine martienne finissent par rester dans les chambres de collecte, et se mélangent à la poudre des céramiques de test ? Rien ne prouve de plus que si les cubes de céramique sont propres, non contaminés par des molécules terrestres, il en va de même pour d'autres parties du rover, dont les contaminants pourraient finir par trouver leur chemin jusqu'à l'instrument SAM (comme la membrane de téflon apparemment fragile du système de forage PADS).

Pour faire la différence entre de la matière organique d'origine météoritique et de la matière organique d'origine biologique, plusieurs techniques peuvent être utilisées. Dans leur ensemble, les molécules organiques forment une famille immense, et celles d'origine biologique en constitue seulement un petit sous-groupe, reconnaissable à différentes caractéristiques qu'il serait trop long de détailler ici. Sur Terre, la matière organique liée au vivant présente aussi une signature isotopique particulière et très intéressante. Enfin, la matière organique abiogénique est plus aléatoire que celle fabriquée par les êtres vivants terrestres. Ainsi, les molécules organiques possèdent généralement un centre d'asymétrie qui leur permet d'exister dans deux configurations différentes (D ou L), image l'une de l'autre dans un miroir, c'est ce que l'on appelle la chiralité. Les sucres assimilés par le vivant sont toujours d'un type donné (D), alors que tous les acides aminés qui rentrent dans la composition des protéines sont de l'autre type (L). Pourquoi la Nature en a décidé ainsi, c'est un mystère complet, mais c'est ainsi.

De prime abord, rien ne distingue une molécule donnée de type D de la même molécule de type L, hormis une propriété très particulière : elles ne font pas tourner le plan d'une lumière polarisée dans le même sens. Cela ne veut pas dire pour autant qu'elles sont interchangeables pour le vivant. La Nature a effectivement bien fait les choses, et si l'on ingère une molécule qui n'est pas dans la configuration voulue par notre corps, celle-ci peut se révéler toxique voire mortelle. Au contraire, dans la matière organique d'origine abiogénique présente dans les météorites, les molécules (par exemple les acides aminés) sont D ou L, et forment un mélange que l'on appelle racémique. Si SAM peut identifier de nombreuses molécules organiques, et éventuellement déterminer les rapports isotopiques du carbone, il ne semble pas pouvoir caractériser la chiralité.

A ce stade de la discussion, il convient de noter que bien qu'intégrant un instrument capable de détecter et d'étudier des molécules organiques, ces dernières étant essentielles à la vie telle que nous la connaissons sur Terre, la mission de Curiosity reste orientée vers l'étude de l'habitabilité (recherche d'environnements ayant pu permettre l'apparition et le développement de la vie), et non vers la détection de microorganismes martiens, morts ou vivants. Imaginons que SAM mettent en évidence des molécules organiques dans des roches sédimentaires martiennes (par exemple les roches argileuses découvertes par le spectro-imageur Omega de la sonde Mars Express et le spectromètre CRISM de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter), et que ces molécules organiques présentent un fractionnement isotopique similaire à celui de la matière organique terrestre biologique, ou encore une chiralité. A quoi faudra-t-il s'attendre ?

Comme l'a écrit un jour Carl Sagan, des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires. Si les matériaux argileux étudiées étaient terrestres, de nombreux sédimentologistes et exobiologistes concluraient sans trop d'hésitations à l'existence d'êtres vivants au moment de la déposition (même si d'autres indices seraient nécessaires pour asseoir cette conclusion, l'identification formelle de traces de vie passée dans les roches demande un faisceau de preuves, et ne peut théoriquement pas s'effectuer sur la base d'un ou deux indices, sauf pour des scientifiques peu scrupuleux en manque de reconnaissance, qui font passer la gloire devant la véracité scientifique).

Mais sur Mars ? Qui oserait annoncer que des preuves moléculaires et isotopiques en faveur de l'existence de formes de vie viennent d'être mises à jour sur la planète rouge ? Personne sans doute, par mesure de prudence et parce que des analyses complémentaires (voir un retour d'échantillons) seraient de toute façon nécessaires. Et pourtant, rien qu'avec ce genre d'indices, les probabilités que des microorganismes aient vécu sur Mars (voire y vivent encore) feraient un bond de géant. Ce serait les preuves les plus fortes jamais trouvées par l'homme en faveur de l'existence de formes de vie sur une autre planète que la Terre. A elles seules, elles pourraient redéfinir radicalement les stratégies d'exploration du système solaire, et aboutir à l'une des plus grandes découvertes scientifiques de l'Humanité. Face à ce genre d'enjeux, comment réagirait la NASA, ou les scientifiques responsables de l'instrument ? Car la science n'est pas seulement une affaire d'hypothèses et de théories, de données reproductibles et de faits sans cesse vérifiés. C'est aussi une affaire humaine, colorée par nos espoirs et nos craintes, nos désirs et nos peurs. Une affaire ou la froideur du rationalisme peut d'un seul coup être balayé par les tornades irrationnelles qui agitent la psyché humaine. Les résultats (ou l'absence de résultats) de SAM, la manière dont la NASA et les scientifiques présenteront les données fournies par ce package instrumental, ainsi que les interprétations qui en seront tirées, seront donc à suivre de très près. Non seulement pour leurs intérêts scientifiques à proprement parler, mais aussi pour la lumière qu'ils vont jeter sur la façon dont la science fonctionne.

Terminons avec SAM en notant que le chromatographe en phase gazeuse a été développé par la France, qui a une certaine expérience dans ce domaine, grâce à un financement du Centre National d'Etudes Spatiales (CNES).

Senseurs environnementaux (REMS)

Curiosity possède une petite station météorologique dotée de multiples capteurs. Celle-ci est chargée d'effectuer des relevés journaliers, au moins 5 minutes par jour, de la température de l'air, de la température au niveau du sol, de l'humidité, de la vitesse et de la direction des vents, de la pression atmosphérique et du rayonnement ultraviolet. Au niveau du cratère d'impact Gale, les températures devraient varier entre -90°C et -30°C en hiver, et atteindre un grand maximum de 0°C en été. Sur Mars, la météo reste de toute façon glaciale.

Les capteurs permettant d'obtenir les informations sur la direction et la vitesse des vents, la température et l'humidité sont fixés sur deux petits cylindres qui dépassent du mât comme des doigts. Les deux tiges sont placées à 120° l'une de l'autre, et comportent un senseur pour la température de l'air, et une grappe de trois senseurs sensibles aux mouvements de l'air dans les trois directions de l'espace. La tige pointant vers l'avant du rover (boom n°2) contient le capteur d'humidité, et celle dirigée vers le côté et un peu vers l'arrière (boom n°1) embarque un senseur infrarouge dont l'objectif est de mesurer la température au sol. Le baromètre est situé à l'intérieur du châssis, et est relié à l'extérieur par une ouverture protégée par un filtre à poussière. Quant au détecteur ultraviolet, il est monté sur le pont. Ce dernier est capable de mesurer 6 longueurs d'onde différentes, et couvre l'ensemble du spectre ultraviolet qui irradie la surface martienne.

L'objectif de la station météorologique REMS est d'étudier le cycle du dioxyde de carbone, les interactions de la vapeur d'eau contenue dans l'air avec le sol martien, et de déterminer le niveau d'irradiation par les ultraviolets. Le rayonnement UV agressif qui baigne la surface martienne pourrait effectivement être en partie responsable de l'absence de matière organique dans les couches les plus superficielles du sol. C'est à cause de l'absence supposée de composés organiques (recherchés dans le sol martien par le GC-MS des atterrisseurs Viking) que les expériences de recherche de vie avaient été interprétées à cette époque comme étant négatives. Le rayonnement ultraviolet frappant la surface de Mars avait alors été considéré comme l'une des principales causes expliquant l'absence de matières organiques dans le sol de la planète rouge, bien qu'aucune mesure n'ait été effectuée jusqu'à ce jour (on sait aujourd'hui que le sol martien renferme des perchlorates, molécules très agressives pour les composés organiques). La sonde européenne Beagle 2 embarquait bien un capteur UV, mais ce dernier n'a malheureusement jamais pu renvoyer de données, la capsule ayant été irrémédiablement perdue au cours de l'atterrissage.

REMS est le seul instrument à avoir été endommagé lors de l'atterrissage du rover. Un petit caillou, vraisemblablement projeté par le jet de gaz émanant de l'une des rétrofusées de l'étage de descente skyCrane, a frappé la grappe de senseurs dirigée vers l'arrière (boom n°1), endommageant les composants sensibles aux vents. A cause de sa position, il n'a pas été facile pour la caméra MAHLI de l'imager. Les photos obtenues jusqu'à présent ne montrent aucun dégât visible à l'œil nu sur l'instrument.

Détecteur de radiations (RAD)

Le détecteur de radiations RAD est, avec l'instrument MARIE de Mars Odyssey, l'un des premiers instruments destiné à préparer l'exploration de la planète rouge par des hommes. Son rôle est de comptabiliser toutes les particules potentiellement dangereuses pour les astronautes, comme les rayons cosmiques galactiques venant de supernova, ou les particules émises par le soleil lors d'éruptions solaires ou éjections de masse coronale, comme les électrons, les protons ou les ions lourds. En l'absence de champ magnétique global, et avec une atmosphère bien trop fine pour jouer un rôle protecteur, la surface martienne est effectivement exposée à un niveau de radiations bien différent de celui que nous connaissons sur Terre. Rien que pour calibrer l'appareil avant le lancement de la sonde, les scientifiques ont été obligés de l'installer dans un accélérateur de particules.

D'un poids de 1,7 kilogramme, l'instrument RAD est architecturé autour d'un télescope à grand angle qui pointe vers le ciel. Ce dernier dispose de capteurs pouvant détecter des ions d'une masse inférieure ou égale à celle du fer. RAD est aussi sensible aux rayons gamma et aux neutrons tombant de l'atmosphère martienne, ou venant du sol. RAD mesure effectivement non seulement les particules provenant directement de l'espace, mais également toutes les particules secondaires (comme les neutrons) émises lors de l'interaction des rayons cosmiques avec l'atmosphère ou la surface de la planète rouge. C'est le seul instrument du rover à avoir fonctionné durant la phase de croisière entre la Terre et Mars, en plus des mesures prises depuis le sol.

Le détecteur RAD doit également permettre de quantifier les effets des radiations sur la préservation de la matière organique. Les données vont permettre de déterminer à quelle profondeur il sera nécessaire de forer ou de creuser pour atteindre des couches non exposées à l'effet débilitant des radiations, que ce soit pour récupérer des chaînes de molécules organiques n'ayant pas subi de dommages majeurs, ou des biosignatures d'une vie passée. En combinant ces mesures avec des simulations de l'évolution de l'atmosphère martienne et de l'activité du soleil depuis la formation de la planète il y a des milliards d'années, il sera également envisageable d'évaluer l'impact du niveau de radiations sur l'apparition et le développement de cellules vivantes. Les résultats préliminaires indiquent que pour les premiers mètres de la surface, l'environnement radiatif de Mars abaisse d'un facteur 1000 le nombre de composés organiques d'une masse atomique supérieure à 100 en 650 millions d'années seulement. Pour les molécules organiques et les recherches exobiologiques, on le voit, le danger est réel.

Comme la station REMS, RAD peut acquérir quotidiennement des mesures en fonctionnant pendant au moins 15 minutes par jour.

Détecteur de neutrons (DAN)

Le détecteur à neutrons DAN est similaire dans son fonctionnement à celui embarqué sur l'orbiteur américain Mars Odyssey, et est dédié à la recherche d'eau dans les couches les plus superficielles du sous-sol. Les atomes d'hydrogène des molécules d'eau possèdent la propriété de ralentir les neutrons. En mesurant le ralentissement de neutrons émis vers le sol, il est donc possible de détecter indirectement la présence d'eau, sous forme liquide ou solide (glace).

Les neutrons nécessaires à la mesure peuvent être créés de différentes manières. L'orbiteur Mars Odyssey tirait parti des neutrons émis de manière tout à fait naturelle par l'interaction des rayons cosmiques avec la surface de Mars. De son côté l'instrument DAN peut aussi fonctionner dans ce mode passif, en s'appuyant sur les rayons cosmiques, mais il possède également un générateur de neutrons pulsé. Cette source génère activement un faisceau de neutrons vers le sol, avec un pouvoir de pénétration d'environ 50 centimètres. Le générateur peut tirer des pulses contenant 10 millions de neutrons à raison d'une pulse par microseconde, au rythme maximal de 10 tirs par seconde.

La vitesse des neutrons réfléchis vers le rover donnera une idée de la richesse en hydrogène, et donc en eau, des premières couches du sol en eau. Cette dernière pourrait être présente soit sous la forme libre (glace située entre les grains minéraux par exemple, les scientifiques estiment ainsi que le premier mètre du sol des hautes latitudes contient 30 à 50 % de glace), soit sous forme piégée (molécules d'eau emprisonnées dans la structure cristalline de certains minéraux, comme dans les sulfates ou les argiles découverts par Opportunity, Mars Express et Mars Reconnaissance Orbiter).  Les règles drastiques de protection planétaire ayant empêché le rover d'atterrir dans une région ou la glace pouvait exister, les probabilités de découvrir une lentille de glace au niveau du sous-sol du cratère d'impact Gale sont donc très faibles. Etant donné la position équatoriale du site d'atterrissage de Curiosity, DAN détectera surtout l'eau de constitution des minéraux (sulfates hydratés, argiles), ainsi que l'humidité déposée dans le sol par l'atmosphère. La sensibilité de l'instrument serait assez grande, puisque DAN pourrait détecter jusqu'à 0,1% d'eau dans le sous-sol de Mars en mode actif.

MEDLI (MSL EDL Instrument)

En plus de l'imposante charge instrumentale embarquée sur le rover que nous venons de passer en revue, des dispositifs techniques sont également mis à contribution pour la collecte de données scientifiques (dans le domaine spatial, absolument rien ne se perd). C'est le cas de la foreuse PADS, des images fournies par les caméras techniques NavCam et Hazcam, et enfin d'un ensemble de capteurs placés sur le bouclier thermique, baptisés MEDLI (pour MSL Entry, Descent and Landing Instrument Suite). Cette grappe de senseurs a pour objectif de relever des informations au rythme de huit fois par seconde durant la longue séquence d'atterrissage (EDL), en commençant l'acquisition 10 minutes avant le contact avec les couches supérieures de l'atmosphère martienne, et en terminant cette dernière lors de la phase de descente sous parachute, 4 minutes après l'entrée atmosphérique proprement dite.

MEDLI comprend sept senseurs de pression (Mars Entry Atmospheric data System Sensor, ou MEADS), sept capteurs de température comportant chacun des thermocouples noyés à des profondeurs différentes dans le matériel du bouclier thermique (Mars Integrated Sensor Plug ou MISP), un capteur sensible au niveau d'ablation du revêtement de tuiles sous l'effet de la chaleur, et enfin un boîtier électronique pour l'acquisition des données. Les informations enregistrées par la centrale de navigation inertielle du rover, qui suit en temps réel les changements de vitesse et de direction, permettront d'exploiter avec encore plus d'efficacité les données de MEDLI.

Les capteurs de pression et la centrale de navigation inertielle vont permettre d'établir un profil de la rentrée atmosphérique, avec, pour chaque altitude, la densité atmosphérique et la vitesse des vents, ainsi que la distribution de la pression sur la surface du bouclier thermique, la vitesse de la sonde, et son orientation. Quant aux capteurs de température, ils serviront à déterminer de manière très précise la position du pic thermique (l'instant ou le bouclier est exposé aux températures les plus importantes), et à caractériser non seulement la distribution de la chaleur sur le bouclier thermique, mais aussi la turbulence des gaz brûlants autour de la sonde, et enfin la plus ou moins bonne performance des tuiles PICA du bouclier, qui dissipent la chaleur en se dégradant peu à peu (par processus d'ablation). Il est possible que ces dernières soient inutilement épaisses (causant un surplus de poids non désirable), ou au contraire trop fines, ce qui fait alors courir un risque au véhicule d'entrée.

On le voit, les données obtenues concernent à la fois l'état de l'atmosphère, mais aussi les performances du bouclier thermique. Ce dernier, le plus large de tous ceux jamais utilisés sur Mars pour ralentir des sondes, va subir un stress thermique considérable. Pour concevoir l'impressionnante séquence d'atterrissage, les ingénieurs de la NASA ont du modéliser mathématiquement de nombreux aspects, comme l'état dynamique de l'atmosphère martienne, l'environnement entourant le bouclier thermique ainsi que ses performances durant le vol, l'aérodynamisme du véhicule d'entrée, etc. Pour alimenter ces modèles numériques, de nombreuses variables ont été utilisées, mais des incertitudes plus ou moins importantes subsistent toujours pour certains paramètres, qu'il a donc fallu estimer avec des intervalles d'erreur. Les informations retournées par MEDLI devraient permettre de contrainte et d'affiner la valeur de ces derniers, ce qui se traduira non seulement par une plus grande précision lors des atterrissages futurs, mais également par une diminution de la masse embarquée nécessaire pour réussir l'EDL, avec les économies de coût qui en résultent.

Le retour d'expérience acquis avec Curiosity va donc permettre à la NASA de planifier l'atterrissage dans le futur de charges encore plus lourdes ou imposantes, y compris des modules destinés à une mission habitée.

Le cratère Gale

La sélection du site d'atterrissage du rover Curiosity a demandé cinq années d'étude de la part d'une équipe internationale composée d'ingénieurs, de planétologues, de géologues, de spécialistes de l'atmosphère et d'astrobiologistes. Le processus de sélection a eu lieu au cours de cinq ateliers de travail (workshop). En juin 2006, une vaste assemblée de scientifiques a proposé une liste de plusieurs dizaines de sites d'atterrissage potentiels. Après une caractérisation de ces derniers en détail notamment par la caméra espion (HiRISE) et le spectromètre CRISM de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter, une nouvelle sélection a eu lieu en octobre 2007, où sept sites furent privilégiés. L'année suivante, en août 2008, une short-list des sites d'atterrissage les plus prometteurs est effectuée. Les 4 finalistes furent cartographiés avec une telle précision depuis l'orbite qu'ils comptent maintenant parmi les endroits les mieux connus de la planète Mars. Ainsi, le moindre rocher capable de mettre en péril l'atterrissage a fait l'objet d'un relevé par la caméra HiRISE de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, et les géologues ont passé tellement de temps à scruter les images qu'ils ont dû finir par avoir l'impression d'avoir eux-mêmes foulés le sol de la planète.

Les précédents rovers, Spirit et Opportunity, avaient été lancés par paire, pour diminuer le risque en cas d'échec. Il s'agissait d'une première, étant donné que la seule mission martienne ainsi doublée n'était autre que Viking en 1976. Pour la NASA, l'idéal aurait été de pouvoir s'offrir deux rovers du calibre de Curiosity, et de les diriger vers deux sites d'atterrissage distincts. Hélas, ce type de mission est tout simplement devenu bien trop coûteux. Lors des meetings suivants, les scientifiques et ingénieurs ont du effectuer un choix cornélien, et élire un site d'atterrissage unique pour Curiosity. Chaque région avait ses partisans, et les tensions ont parfois été importantes entre les différentes équipes.

Le cratère Gale, un cratère d'impact de 154 kilomètres de diamètre qui poinçonne des terrains datant de la fin du Noachien, à la limite des hauts plateaux de l'hémisphère sud et des basses plaines de l'hémisphère nord, a donc fini par être préféré à trois autres sites intéressants. Le premier était le cratère Eberswalde. D'un diamètre de 65 kilomètres, ce dernier renfermait un ancien delta de rivière finement préservé et inversé. Comme Gale, Eberswalde était lui aussi situé en bordure d'un cratère plus large (154 kilomètres de diamètre), le cratère Holden, également retenu, cette fois sur la base d'un ancien lac asséché. Le dernier candidat était un chenal d'écoulement catastrophique, Mawrth Vallis, caractérisé par des dépôts stratifiés sédimentaires riches en argiles. Il est intéressant de noter que Mawrth Vallis avait la faveur de la grande majorité de la communauté française. Ce site avait effectivement soulevé un intérêt particulièrement vif parmi certains spectroscopistes, l'instrument Omega embarqué sur la sonde européenne Mars Express y ayant découvert les plus fortes concentrations d'argiles jamais détectées sur Mars à ce jour. Dans ce secteur, les dépôts argileux sont également variés, avec trois espèces différentes recensées.

Cependant, en termes de paysage, Mawrth Vallis est un endroit terne. Les géomorphologistes de l'équipe de sélection avaient une nette préférence pour des sites possédant de nombreuses caractéristiques physiques tels que des deltas, des strates rocheuses, des lignes de rivage, des lits de rivière. Ils ont fait remarquer, avec raison, que la poussière peut parfaitement masquer la présence de dépôts argileux sous-jacents, et que ce n'est pas parce que les spectromètres en orbite n'ont pas permis la cartographie d'argiles en quantité importante que celles-ci sont absentes. Avec des reliefs impressionnants et des lits argileux, le cratère Gale représentait donc un choix à la fois judicieux et sensé. Reste que tous les sites étudiés pour la mission de Curiosity sont d'un intérêt considérable pour l'étude de Mars et la recherche d'une vie martienne, et si l'on peut se désoler qu'un choix ait dû être réalisé, il ne fait aucun doute que les perdants recevront, dans les décennies à venir, la visite d'autres sondes.

Baptisé par l'Union Astronomique Internationale du nom d'un astronome australien, Walter F. Gale (1865 - 1945), le cratère Gale possède, comme de nombreux autres cratères d'impact, un pic central, Aeolis Mons (la présence de deltas comme celui d'Eberswalde ou de Jezero sont des reliefs plus rares). Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce pic n'est pas lié au rebond de la croûte lors de la formation du cratère lui-même, suite à l'impact, mais semble d'origine sédimentaire. La cible principale de Curiosity se situe au niveau de ses contreforts. Les terrains du cratère Gale étant accidentés (dunes de sable, canyons, buttes et collines), les ingénieurs ont préféré décaler l'ellipse d'atterrissage (qui délimite la zone sur laquelle le rover a toutes les chances de se poser) à l'écart des premières pentes d'Aeolis Mons, l'importante mobilité de Curiosity devant lui permettre ensuite d'atteindre les régions présentant un intérêt scientifique majeur.

Le site d'atterrissage de Curiosity est situé à -4,5 kilomètres sous le niveau moyen de la planète (la tranche d'atmosphère étant alors suffisamment épaisse pour offrir un freinage adéquat sous parachute), et en termes de contraintes thermiques, le cratère se trouve à proximité de l'équateur martien (par 4,5° de latitude sud et 137,4° de longitude est), et le rover n'aura donc pas à redouter le destin de l'atterrisseur polaire Phoenix, qui a terminé gelé sous une épaisse couche de neige carbonique. L'ellipse d'atterrissage mesurait initialement 25 km sur 20 km, mais la précision apportée à la trajectoire de la sonde a permis aux navigateurs de faire arriver le rover sur une surface bien plus petite, de 20 km sur 7 km seulement (le grand axe étant situé dans la direction de progression de la sonde lorsque celle-ci est en vol). Ce changement de la taille de l'ellipse a eu pour effet de rapprocher Curiosity des pentes d'Aeolis Mons, diminuant ainsi la longueur du trajet à parcourir en surface. Cependant, un cône alluvial jugé très intéressant par les géologues était situé dans l'ellipse initiale, et n'a donc pas pu être étudié comme initialement prévu.

Connu aussi sous le nom informel de Mont Sharp (en l'honneur d'un planétologue américain, Robert P. Sharp), Aeolis Mons s'élève à 5 kilomètres d'altitude au-dessus du plancher du cratère Gale. Le fait que son sommet dépasse les parois du cratère indique qu'il faisait initialement partie intégrante de couches sédimentaires qui avaient totalement enseveli et recouvert la dépression, à une époque lointaine, et qui ont ensuite été ôtées par l'érosion, laissant derrière elles un vestige sous la forme d'un pic témoin. Celui-ci offre aux géologues une section stratigraphique immense, deux fois plus importantes que celle exposée sur les parois du grand canyon en Arizona. Les sondes orbitales ont déjà montré sa grande complexité géologique, les pentes montrant d'innombrables strates de différentes épaisseurs, plus ou moins bien exhumées par l'érosion en fonction de leur dureté. Le mont Sharp est donc un gigantesque millefeuille qui a une chance de renfermer une partie importante de l'histoire de la planète Mars, et qui devrait donc autoriser des découvertes majeures.

Parmi tous les avantages offerts par le cratère Gale lors de sa sélection, on trouve, à portée de rover, un lit de rivière (nommé Peace Vallis) perçant le rempart du cratère au nord-ouest et ayant transporté des matériaux venant des terrains du nord qui se sont ensuite empilés en formant un cône alluvial (qui, comme indiqué plus haut, n'a pas pu être visité), des dunes volcaniques noires (dont l'origine n'est pas connue, les roches du secteur étant toutes assez claires), mais surtout des strates sédimentaires renfermant des argiles (smectites riches en fer et en magnésium), déposées dans un milieu liquide alcalin, réducteur, et des sulfates mono ou poly-hydratés (formés dans un environnement aqueux plus acide). La présence de petits cratères d'impact jeunes sur le chemin du rover, capables d'exhumer du matériel resté longtemps à l'abri des radiations, est également importante pour la recherche de composés organiques. Dans ces conditions, il est pratiquement acquis que Curiosity va pouvoir être dirigé vers des cibles scientifiques essentielles pour le décryptage de l'histoire de Mars, et que la moisson de résultats sera au final abondante et significative.

Bien entendu, il reste de nombreuses inconnues. Ainsi, comme nous l'avons déjà signalé, les spectromètres infrarouges responsables de la détection des argiles et des sulfates ne renvoient des informations que sur une couche extrêmement fine de la surface (quelques microns à quelques millimètres), et il est donc tout à fait possible que ces minéraux ne proviennent que d'une couche d'altération, et qu'ils ne forment pas des roches et des strates entières. Formulé autrement, rien ne dit que les argiles soient abondantes, et que leur détection signe la présence d'étendues d'eau liquide dans lesquelles elles ont pu se déposer pour former des lits rocheux par compaction. De plus, le fait que l'on observe une importante stratification n'indique pas forcément qu'il s'agit de roches formées par le dépôt de sédiments dans une étendue d'eau liquide. La consolidation de poussières transportées par les vents, l'épanchement de coulées de lave, le dépôt de cendres volcaniques, l'accumulation de coulées pyroclastiques peuvent aussi former des couches sur des épaisseurs très importantes. Il n'est donc pas évident, depuis l'orbite martienne, d'être certains de la nature des strates observées. C'est pourquoi la présence de Curiosity sur zone est cruciale pour percer le mystère de ces strates.

La mission

Développement

Comme nous pouvons intuitivement l'imaginer, mettre au point une mission de l'envergure de Curiosity demande des efforts considérables. Sa conception s'est étalée sur presque dix années. Les travaux préliminaires ont débuté en septembre 2003, pour se terminer en septembre 2006. Le développement proprement dit, avec le choix du design final, la fabrication, l'intégration et la recette, a eu lieu entre octobre 2006 et novembre 2011.

Pour la NASA, il s'agit d'une mission très ambitieuse, lourde et très coûteuse. Curiosity accumule effectivement les premières : entrée guidée lors de la phase d'atterrissage pour réduire la taille de l'ellipse d'incertitude, utilisation d'un concept totalement novateur pour la dépose du rover au sol (étage de descente skyCrane), emport d'instruments et d'appareils originaux, depuis le spectromètre à ablation laser ChemCam jusqu'au dispositif complexe de prélèvement, de traitements et de distribution des échantillons (foreuse PADS, CHIMRA), pour ne rien dire de la taille et du poids de l'engin en question, qui dépasse tout ce qui a été fait jusqu'à présent. Le rover tire également son énergie d'un générateur radio-isotopique (RTG) qui remplace les habituels panneaux solaires, et les 10 instruments de sa charge utile sont conçus pour fonctionner en synergie, l'interdépendance de chacun étant à la fois la promesse de retombées scientifiques majeures, mais aussi une source supplémentaire de complexité.

Enfin, les objectifs scientifiques sont eux aussi ambitieux. En plus de prouver la faisabilité d'un atterrissage de précision, Curiosity va devoir, pour réussir sa mission, caractériser le potentiel biologique du site d'atterrissage, étudier en détail la géologie des roches et du sol, investiguer les processus et mécanismes planétaires pouvant influencer l'habitabilité (comme l'échappement atmosphérique), et enfin déterminer le niveau d'irradiation de la surface martienne, non seulement en vue de la préparation d'une mission habitée, mais aussi pour mesurer l'impact sur la préservation de la matière organique.

Avec un coût très largement supérieur au milliard de dollars, il s'agit d'une mission dite flagship (étendard) dans la terminologie de la NASA. Initialement, le rover devait être envoyé sur Mars en 2007. La sonde s'appelait alors Smart Lander, et devait poursuivre l'exploration martienne, après des missions de retour d'échantillons envisagées en 2003 et 2005, qui n'ont jamais eu lieu. Renommée Mars Science Laboratory, la mission est alors inscrite sur le calendrier avec un départ prévu entre septembre et octobre 2009. Hélas, de nombreux retards de livraison de composants critiques et d'instruments vont contraindre la NASA à repousser le lancement en 2011. Dix problèmes majeurs ont été identifiés et rendus responsables du report. Parmi ces derniers, nous pouvons citer un souci de contamination avec le système SA/SPaH de traitement des échantillons, les moteurs (qui devaient initialement fonctionner à froid, sans dispositif de chauffage), l'avionique, le logiciel de vol, le système de tolérance de panne (les systèmes de Curiosity devant pouvoir fonctionner en mode dégradé en cas de dysfonctionnement), ainsi que l'instrument SAM (l'un des soucis étant lié à un dispositif interne d'extraction de gaz). Détail intéressant, le logiciel de bord a continué à être développé après le lancement, plusieurs mises à jour ayant eu lieu alors que la sonde était déjà en route. Une fois l'atterrissage terminé, les instructions ayant servi à guider le rover vers Mars ont ainsi été remplacées par celles nécessaires à la conduite des opérations de surface. Une opération de transplantation à haut risque, qui s'est heureusement bien passée, mais qui aurait sans doute pu être évitée si les contraintes de temps n'avaient pas été aussi serrées.

La décision du report aura des conséquences budgétaires majeures. Un audit mené par l'agence spatiale américaine a en effet conclu que le report du lancement de deux années a augmenté les coûts de développement de 86 %, ceux-ci passant de 969 millions de dollars à 1,8 milliards de dollars, et le budget alloué au cycle de vie de la mission de 56 %, ce dernier évoluant de 1,6 milliards de dollars pour atteindre la  rondelette somme de 2,5 milliards de dollars. Si le projet avait dû subir un autre report à 2013, les opportunités de lancement vers Mars s'ouvrant effectivement chaque deux ans, la NASA aurait été dans l'obligation de trouver 570 millions supplémentaires, pour redéfinir la mission (les fenêtres de tir n'étant pas identiques entre elles, certaines étant bien plus favorables que d'autres en termes d'énergie et de poids), et tenir compte de la saison des tempêtes de poussière.

Enfin, si la mission nominale de Curiosity n'est que de deux années terrestres (soit une année martienne), et que les résultats scientifiques obtenus jusqu'à présent sont déjà particulièrement brillants et impressionnants (voir ci-dessous), la NASA espère bien que le rover renouvelle l'exploit d'Opportunity, dont la mission initiale était d'une durée de 3 mois, et qui a fonctionné  plus de 14 années sur les terres désolées de Terra Meridiani. On comprend donc que le problème d'usure des roues, et contrairement aux communiqués de presse optimistes et aux analyses de certains journalistes spécialisées qui ont fait suite à sa découverte, soit devenu en réalité une grande source d'inquiétude pour les responsables de la mission. A 2,5 milliards de dollars l'engin, l'agence spatiale américaine attend effectivement une véritable moisson d'informations et un retour sur investissement colossal.

Lancement

Le rover Curiosity devait initialement décoller à destination de la planète Mars en automne 2009, mais, comme nous venons de le voir, des retards importants pris au niveau de certains instruments et composants força la NASA à repousser le lancement de deux années, avec des conséquences majeures au niveau des dépassements budgétaires. C'est donc seulement le 26 novembre 2011, le second jour d'une fenêtre de tir de 24 jours débutant le 25 novembre et se fermant le 18 décembre, que le rover s'est arraché à l'attraction terrestre depuis le complexe de lancement 41 de Cap Canaveral en Floride, un pas de tir réservé pour les vols non habités. La sonde avait été placée dans la coiffe d'une fusée Atlas V 541 de 58 mètres de hauteur, l'un des lanceurs les plus lourds de la flotte américaine, seulement dépassé en puissance par la fusée Delta 4 Heavy.

Le lanceur Atlas V 541 est une fusée à deux étages, composée d'un premier étage d'une hauteur de 32,5 mètres et d'un diamètre de 3,8 mètres, flanquée pour l'occasion de 4 boosters à poudre latéraux de 19,5 mètres de longueur, et équipée d'un moteur RD-180 brûlant du kérosène et de l'oxygène. Un deuxième étage, Centaur, est connecté au premier étage par une série d'adaptateurs. Il est propulsé par un moteur RD-10 consommant de l'hydrogène et de l'oxygène liquide. Doté de son propre ordinateur de bord, l'étage Centaur peut contrôler avec précision son orientation, et rallumer son moteur de nombreuses fois si nécessaire. Son rôle est d'injecter sa charge utile (la sonde qu'il transporte) sur la bonne trajectoire. Le vaisseau Mars Science Laboratory est fixé sur l'étage Centaur, entouré par une coiffe protectrice de 5,4 mètres de diamètre.

La période de lancement de Curiosity était contrainte par de nombreux facteurs. Non seulement les lancements vers Mars ne sont possibles que tous les 26 mois, lorsque la Terre et Mars sont dans une configuration particulière l'une par rapport à l'autre (période d'opposition), mais la masse de la sonde, la puissance du lanceur et la position du site d'atterrissage forment également autant de variables à prendre en considération. De plus, le complexe de tir 41 avait été utilisé en août 2011 pour lancer la sonde Juno vers Jupiter, ce qui plaçait des impératifs sur le temps de préparation du lanceur. Enfin, il était également indispensable que lors de son arrivée sur Mars, les orbiteurs Mars Odyssey et Mars Reconnaissance Orbiter soient en train de survoler le site d'atterrissage de Curiosity, pour pouvoir enregistrer la télémétrie transmise en UHF, une bande du spectre radio qui permet une transmission bien supérieure en termes d'information par rapport aux signaux émis directement par le rover vers le centre de contrôle sur Terre. Ces informations auraient été cruciales en cas de crash, pour permettre aux ingénieurs de comprendre l'origine de l'échec. Depuis la perte catastrophique de la sonde Mars Polar Lander en 1999, qui n'était pas conçue pour transmettre la moindre information lors de sa descente vers le pôle sud martien, l'acquisition de données durant la phase critique de l'atterrissage est considéré comme hautement prioritaire par la NASA.

Le décollage de Curiosity a eu lieu à 10h02 du matin heure locale. Le moteur principal du premier étage est alors mis à feu, et le lanceur commence à s'ébrouer en direction du ciel. 3,5 secondes après son allumage, les boosters latéraux démarrent à leur tour, en fournissant un supplément de poussée. Ils vont fonctionner pendant une minute et demie, avant d'être éjectés par paire, devenus inutiles. 3 minutes et 20 secondes après le décollage, la coiffe qui protégeait la sonde Mars Science Laboratory durant la traversée des couches les plus denses de l'atmosphère est larguée à son tour. Le moteur RD-180 du premier étage s'éteint une minute plus tard. Le rover est alors à une altitude de 160 kilomètres environ.

Quelques secondes après l'extinction du premier étage, ce dernier se sépare de l'étage Centaur, pour retomber dans l'océan atlantique. 10 secondes après cette séparation, le moteur RD-10 du Centaur s'enclenche une première fois, pour une durée de 7 minutes, de manière à placer Curiosity sur une orbite de parking, une ellipse dont l'altitude varie de 165 kilomètres à 324 kilomètres. La sonde n'aura cependant pas l'occasion d'effectuer un tour complet de notre planète. Elle va simplement parcourir une portion de son orbite circumterrestre pendant environ 20 minutes, jusqu'à atteindre une position qui autorise son départ vers Mars. Une fois cette dernière atteinte, le moteur Centaur se rallume pour 8 minutes environ, et parvient à extirper définitivement la sonde de la sphère d'influence gravitationnelle de notre planète. Curiosity est en route vers la planète rouge.

3 minutes et 43 secondes après l'arrêt définitif du moteur Centaur, des boulons pyrotechniques désolidarisent Mars Science Laboratory, qui se sépare alors lentement et avec majesté de son lanceur, poussé par des ressorts. Tournant sur lui-même à la vitesse de 2,5 rotations par minute, l'étage de croisière voyage alors à une vitesse d'environ 10 kilomètres par seconde par rapport à la Terre. La dernière action de l'étage Centaur est de dévier de sa trajectoire actuelle pour éviter de percuter par accident la sonde située devant lui. Mars Science Laboratory peut commencer à communiquer avec la Terre 6 minutes après sa séparation, grâce à une antenne en bande X, via les grandes oreilles du Deep Space Network (à ce moment-là, les antennes de Canberra en Australie).

Phase de croisière

Le véhicule spatial Mars Science Laboratory va mettre environ 8 mois pour traverser l'espace interplanétaire situé entre la Terre et Mars. La trajectoire suivie par la sonde est une orbite de Hohmann de type 1. Pour ce type d'orbite, la configuration planétaire au moment du lancement permet à la sonde de rejoindre Mars sans avoir à faire un demi-tour complet autour du soleil. Il s'agit là d'une trajectoire rapide. Durant les mois passés dans l'espace, les ingénieurs vérifient en permanence l'état du vaisseau et des instruments, contrôlent l'orientation des panneaux solaires et des antennes radio, et s'assurent que la trajectoire suivie est bien la bonne. Durant la phase de croisière, la sonde est stabilisée par rotation, à raison de 2 tours par minute. Les panneaux solaires étant perpendiculaires à l'axe de rotation, il est nécessaire de positionner la sonde dans l'espace de façon à ce que ceux-ci reçoivent un maximum d'ensoleillement. Les deux antennes permettant à l'étage de croisière de communiquer avec la Terre, l'antenne à faible gain du parachute (utilisée pendant les deux premiers mois du voyage), ainsi que l'antenne à gain moyen de l'étage de croisière, pointent dans l'axe de rotation.

Trois manœuvres de correction de trajectoire (TCM) sont prévues pour ajuster finement le parcours de la sonde dans l'espace. De plus, et c'est une innovation intéressante, les navigateurs disposent également de la possibilité de réaliser une manœuvre d'urgence, si nécessaire, juste avant l'arrivée sur Mars, histoire d'éviter à Curiosity de connaître le funeste destin de Mars Climate Orbiter.

Les deux premières manœuvres de correction de trajectoire (TCM), qui ont eu lieu respectivement le 11 janvier et le 26 mars 2012, étaient destinées à recentrer Curiosity, la trajectoire initialement suivie étant conçue pour faire rater Mars à l'étage supérieur Centaur d'environ 40 000 kilomètres, et éviter que ce dernier ne s'écrase sur la planète, avec les risques de contamination biologique que cela impliquerait (voir la section dédiée à la protection planétaire pour plus de détails sur le sujet). L'étage Centaur n'a effectivement pas été stérilisé, pour des raisons évidentes de coût.

Lors de la première manœuvre du 11 janvier, les moteurs ont été mis à feu pendant 59 minutes, pour ôter la plus grande partie de la déviation introduite au lancement. Cependant, même après la première manœuvre de correction, le rover est encore sur une trajectoire non optimale, qui est conçue pour s'assurer que les règles drastiques de protection planétaire soient toujours respectées si un incident survient et qu'un crash est inévitable. Après cette premier modification de trajectoire, Curiosity ne ratait plus la planète rouge que de 5000 kilomètres. Les neuf minutes de poussée supplémentaires de la seconde manœuvre du 26 mars 2012 ont fourni l'impulsion nécessaire pour décaler à nouveau la trajectoire et faire en sorte que celle-ci recoupe désormais celle de Mars. La troisième manœuvre, effectuée le 26 juin, a permis aux navigateurs d'ajuster finement la position, l'heure et l'angle du point d'injection dans l'atmosphère martienne. Pour cette dernière, les moteurs ont fonctionné pendant seulement 40 secondes.

La phase de croisière a été l'occasion pour l'instrument RAD de commencer à mesurer le niveau de radiations entre la Terre et Mars, en vue de la préparation d'une mission habitée.

Phase d'approche

La phase d'approche débute officiellement 45 jours avant l'atterrissage. Elle comportait trois créneaux pour des manœuvres additionnelles de correction de trajectoire (TCM), le 29 juillet, le 4 et le 5 août 2012. Un créneau supplémentaire permettait éventuellement de réaliser une manœuvre d'urgence 24 heures avant l'atterrissage, si la manœuvre du 4 août s'était mal déroulée. Que ce soit durant la phase de croisière ou la phase d'approche, la position de la sonde dans l'espace est contrôlée de la façon la plus précise possible par l'analyse des signaux radios émis.

Les cinq derniers jours de la phase d'approche sont dédiés à la préparation de la séquence critique d'entrée, de descente et d'atterrissage (EDL). Certains composants sont activés, et si nécessaire, des paramètres sont mis à jour pour tenir compte de la position de la sonde par rapport à Mars, de l'état de l'atmosphère, ou de tout autre facteur ayant un rôle à jouer dans la précision de l'atterrissage. Durant cette période, en analysant les données, les ingénieurs découvrent qu'une erreur résiduelle due à la dernière manœuvre de correction de trajectoire (TCM) a déplacé le point nominal de l'atterrissage d'environ un demi kilomètre au nord-est de la zone visée, sans que cela ne présente de risques. Tous les indicateurs étant alors au vert, l'ordre d'atterrissage pouvait être transmis à la sonde par le Jet Propulsion Laboratory. Celui-ci consistait en une simple commande, "Do_EDL", qui allait activer la séquence complète, et incroyablement complexe, devant conduire Curiosity au sol.

Au Jet Propulsion Laboratory, au sixième étage du bâtiment 264, une grande carte représentant la zone d'atterrissage, baptisée la planche à fléchette, avait été dressée au mur. Les membres de l'équipe de Curiosity pouvaient s'amuser à y épingler ce qu'ils pensaient être le lieu probable du contact avec la surface de Mars. Il n'y avait aucun prix à gagner, à part du prestige, mais les paris étaient ouverts.

Atterrissage

Mars est une planète globalement morte. Depuis plusieurs milliards d’années, il ne s’y passe rien, ou presque. Les volcans se sont éteints, la croûte martienne ne se fracture plus, et l’eau l’a déserté. Seuls les vents, lentement, inexorablement, continuent de souffler au-dessus des étendues mornes et désolées, soulevant derrière eux une poussière jaunâtre et oxydée qui recouvre tout. Pourtant, depuis environ 40 ans, des événements violents, très brefs, y ont lieu. Une lueur dans la haute atmosphère, un flash de lumière. La chute folle, débridée, d’étranges objets venus du ciel qui s’écrasent parfois comme des météores, ou qui se posent au sol sous le claquement de la toile d’un parachute, puis dans le grondement étouffé de rétrofusées. Sur la planète rouge, personne n’assiste à ces phénomènes, qui se déroulent au-dessus de paysages indifférents, figés pour l’éternité. Mais au-delà de l’espace interplanétaire, sur Terre, d’innombrables paires d’yeux scrutent les écrans de contrôle, écoutent le spectre radio à la recherche de sémaphores, attendent avec ferveur et anxiété de découvrir, pour la première fois de l’histoire de l’humanité, un nouveau secteur du grand Univers.

Le lundi 6 août 2012, vers 7h00 du matin heure française, le rover Curiosity a réalisé à nouveau cet exploit spectaculaire et terrifiant, celui de se poser, sain et sauf, sur les déserts de la planète rouge. L'atterrissage, qui porte le nom technique de séquence d'entrée, de descente et d'atterrissage (EDL), va durer en tout et pour tout environ 7 minutes, pendant lesquelles la sonde va décélérer pour passer de la vitesse record de 5900 mètres par seconde (soit 21240 kilomètres/heure !) à ... 0 mètres par seconde.

Après un voyage de 576 millions de kilomètres, parcourus en un peu plus de 8 mois dans l’ennui sans fin qui caractérise habituellement les trajets dans l’espace profond, et après quelques corrections de trajectoire, la sonde est enfin à pied d’œuvre. Mais les équipes au sol ne ressentent aucun soulagement, car l'atterrissage est la partie la plus périlleuse de la mission.

A cause de la distance séparant la Terre de la planète rouge au moment de l'atterrissage (environ 248 millions de kilomètres), les signaux émis par le vaisseau en bande X et dans le domaine UHF mettent quelques 13,8 minutes avant de parvenir au centre de contrôle du Jet Propulsion Laboratory à Pasadena en Californie. Ainsi, comme l'atterrissage est prévu pour durer en tout et pour tout 7 minutes, quand les choses débutent sur Terre, tout est en fait déjà fini sur Mars, et Curiosity est au sol ! En marche ou en mille morceaux, mais au sol. Simplement, il n'est pas encore possible de le savoir ...

La NASA a pris l’habitude de résumer l'étape de l'atterrissage d'une mission martienne par l'expression « 7 minutes de terreur ». Une fois n’est pas coutume, le qualificatif est juste. Mais jugez plutôt avec ce qui suit.

(T : - 10 min) : Le 6 août 2012, à 07:14:35 du matin, soit 10 minutes avant que le vaisseau n'entre dans l'atmosphère martienne et ne débute donc la phase d'entrée, l’étage de croisière, c'est-à-dire le vaisseau sur lequel était fixé Curiosity durant le trajet Terre – Mars, se sépare du rover. L'ensemble d’instruments de mesure MEDLI rentre alors en action. Le rôle de ce package technique est de collecter une foule d’informations sur les conditions atmosphériques et les performances du bouclier thermique. Les communications avec la Terre sont assurées par l'antenne à faible gain de l'étage de croisière (bande X).

(T : - 9 min) : une minute après l’éjection de l’étage de croisière, des rétrofusées s’allument pour annuler la rotation de la sonde, qui tournait effectivement sur elle-même à raison de 2 tours par minute pour se stabiliser dans l'espace. Toujours grâce aux rétrofusées, la sonde modifie son orientation pour placer le bouclier thermique vers l'avant et se préparer à l'entrée.

(T : - 8 min) : des masselottes de tungstène appelées "balance cruise mass devices" de 75 kilogrammes chacune sont larguées, ce qui a pour effet de décentrer le centre de gravité de l’engin, permettant alors au bouclier thermique de générer de la portance avec l’atmosphère martienne. Les jets de gaz des rétrofusées continuent également à orienter ce dernier vers l’avant, paré pour l'impact avec l'atmosphère martienne.

(T : 0 min) : à 07:24:34, Curiosity touche les couches les plus hautes et les plus diffuses de l’atmosphère martienne au niveau du point d'entrée, à une altitude de 131,1 kilomètres, débutant ainsi officiellement la séquence d'entrée, de descente et d'atterrissage (EDL), et initialisant le chronomètre de cette dernière. Les communications en bande X basculent sur l'antenne coudée du bouclier arrière. Le point d'entrée n'est pas situé à l'aplomb de la cible visée par le rover, l'intérieur du cratère Gale. Entre le point d'injection et ce dernier, Curiosity va devoir se déplacer vers l'est, et parcourir une distance de 630 kilomètres. Alors que les choses viennent seulement de commencer, l'équipe en charge de la séquence d'atterrissage reçoit l'un des signaux codés utilisés par Curiosity pour informer la Terre du déroulement des opérations. Ce signal, "Beta ouf of balance. Catastrophic." est terrifiant, car il indique généralement que la perte de la sonde est imminente. Heureusement, il n'a pas été annoncé par l'ingénieur en charge des opérations et de la dynamique de vol pour l'EDL, Al Chen, car celui-ci a estimé avec raison qu'une perte du vaisseau était très improbable à une étape aussi calme que celle du contact avec l'atmosphère. Les prochains signaux transmis par le rover confirment ce diagnostic, l'incident étant simplement dû à un manque temporaire de données reçus par l'ordinateur de bord quant à l'orientation de la sonde dans l'espace. La tension n'en est pas moins à son comble dans les salles de contrôle du JPL. Sept minutes plus tard, Curiosity sera soit à la surface de Mars en état de marche, soit en pièces détachées.

(T : + 75 sec) : à 07:25:49, la friction avec l’air martien porte la température du bouclier thermique (recouvert de tuiles PICA résistantes à la chaleur) à son maximum, soit 2100°C. Le package MEDLI enregistre la performance de ce dernier.

(T : + 85 sec) : à 07:25:59, sous l'effet du choc frontal avec l'atmosphère, le pic de décélération est atteint, avec des valeurs pouvant aller de 10 à 15 G, qui seraient tout simplement mortelles pour l'être humain.

Par rapport aux sondes précédentes, la descente sous bouclier thermique de Curiosity est guidée, une première dans l’histoire de l’exploration martienne. Le bouclier thermique se comporte effectivement comme une aile d’avion, ce qui va donner la possibilité à la sonde de surfer sur l’atmosphère de Mars. Des petites rétrofusées ajustent en permanence l’angle et la direction du bouclier, et la sonde décrit également des virages en S, sous le contrôle d’une centrale de navigation inertielle. L’objectif est d’augmenter de manière sensible la précision de l’atterrissage, l'entrée guidée devant permettre à Curiosity d’atterrir dans un mouchoir de poche. La friction du bouclier thermique avec l’atmosphère de Mars va annuler les 9/10ème de la vitesse de la sonde. Mais cela ne sera pas suffisant, d'où la nécessité de continuer à freiner en utilisant l'air martien, avec un parachute cette fois-ci.

(T : + 254 sec) : à 07:28:05, six petites masses de tungstène de 25 kilogrammes chacune (appelées "entry balance mass devices"), sont éjectées à leur tour, ce qui modifie à nouveau le centre de gravité de la sonde et le replace dans l’axe de symétrie. Le parachute supersonique, d’un diamètre de 16 mètres, s’ouvre peu après, à une altitude de 11 kilomètres.

(T : + 278 sec) : à 07:28:29, 24 secondes après l'ouverture du parachute, le bouclier thermique, devenu inutile, est largué. Pour la caméra de descente MARDI fixé sur le rover, c'est le moment de vérité. La disparition du bouclier thermique fait l’effet d’un appareil photo auquel on viendrait d’ôter le bouchon d’objectif. Pour notre plus grand plaisir, MARDI va commencer à enregistrer une vidéo de la descente vertigineuse vers la surface martienne (à raison de 5 images par seconde), et ce jusqu’à ce que le rover touche le sol (soit un ensemble de 500 images environ). Bien que des caméras de descente similaires aient été embarquées sur les sondes Mars Polar Lander et Phoenix, nous n’avons encore jamais vu un seul film de ce genre : la première s’est effectivement crashée, et dans le cas de Phoenix, la caméra n’a pas été utilisée par précaution, les ingénieurs ayant estimés qu’elle présentait un risque pour l’atterrissage.

(T : + xxx sec) : Peu après l’éjection du bouclier thermique, un radar embarqué (nommé "terminal descent sensor") rentre en action pour surveiller la vitesse de descente et la distance séparant Curiosity du sol. Il va alimenter les ordinateurs de bord avec des données cruciales pour la phase finale de l'atterrissage. L'un des risques encourus au cours de cette étape est que le radar verrouille le bouclier thermique en train de chuter, au lieu de la surface martienne.

(T : + 364 sec) : A 07:30:19, le bouclier arrière, sur lequel est fixé le parachute, se sépare de la sonde, et les communications basculent sur l'antenne UHF de l'étage de descente, tandis que la bande X n'est désormais plus utilisable à cause de la position de la Terre. Le rover tombe alors en chute libre, mais cette dernière est immédiatement stoppée par l’allumage des huit rétrofusées à poussée variable qui équipent l'étage de descente, et qui avaient déjà été utilisées sur Mars pour les atterrisseurs Viking en 1976. Dans un premier temps, l'étage de descente effectue des manœuvres d'évitement, pour éviter toute collision avec le parachute et le bouclier arrière restés derrière en hauteur. La poussée est d'abord configurée au 2/3, avant d'être amenée à pleine puissance. Curiosity n’est alors plus qu’à 1,6 kilomètre du sol martien.

(T : +  404 sec) : A 07:30:59 secondes, c'est impératif, la vitesse de la sonde doit avoir été ajustée à la valeur constante de 0,75 mètre par seconde. Quatre des huit rétrofusées sont alors coupées, tandis que la poussée des quatre autres est réduite, alors que le rover s'apprête à être pris en charge par le système de grue aéroportée (skycrane). Il s’agit ici de la phase la plus spectaculaire et la plus risquée de la mission. Suspendu par trois câbles de nylon, Curiosity commence lentement à être descendu en dessous de l'étage de descente qui est toujours en vol. Les brides vont arrêter de se dérouler lorsque le rover se trouve à 7,5 mètres sous ce dernier, et c'est donc hélitreuillé que Curiosity va rejoindre la surface de Mars. L'altitude de l'étrange assemblage n'est alors plus que de 20 mètres, et il reste 12 secondes seulement avant le touchdown. Exposée grâce à la séparation avec la grue skycrane, l'antenne UHF de Curiosity rentre en action.

(T : +  405 sec) : A 07:31:xx secondes, juste avant le contact avec le sol, les roues et le système de suspension rocker-bogie, qui vont servir de train d’atterrissage, se mettent en place. C'est en partie en prévision de ce déploiement que les ingénieurs ont cherché à rendre les roues du rover les plus légères possibles, avec les conséquences que l'on sait pour leur résistance. S'ils avaient augmenté l'épaisseur de la peau d'aluminium qui les recouvre d'un seul millimètre, le rover aurait pesé 10 kg de plus. Devenues plus lourdes, les roues auraient pu faire osciller ce dernier lors de leur libération, mettant en péril l'atterrissage.

(T : +  416 sec) : A 07:31:15 secondes, c'est le contact tant attendu avec Mars. Pour être certain d'avoir bel et bien touché le sol martien, et d'être dans une position stable, Curiosity va patienter 1,5 seconde. Après quoi les câbles de la grue sont immédiatement sectionnés par des guillotines pyrotechniques. L’étage de descente remonte alors vers le haut le plus rapidement possible, avant de s’écraser au loin par mesure de sécurité, au moins à 150 mètres de distance, sinon plus. Si la grue spatiale skycrane reste accrochée au rover, celui-ci basculera sur le côté et sera traîné comme un poids mort sur le sol martien jusqu'à l'arrêt des rétrofusées.

Sur Terre, dans la salle de contrôle du Jet Propulsion Laboratory, au moment des dernières secondes, l'un des ingénieurs appartenant à l'équipe EDL a levé son poing vers le haut en signe de victoire, alors que tous les autres étaient encore silencieux et concentrés. Comment les ingénieurs savent-ils que l'atterrissage est vraiment terminé, et que Curiosity est bel et bien posé sain et sauf sur la surface rouillée de Mars ? Si vous avez regardé avec attention la vidéo de l'événement tourné par la NASA, vous avez sans doute noté que Adam Steltzner, le chef de l'équipe responsable de l'atterrissage, et qui est toujours très expressif, semble bel et bien savoir quelque chose, tout en se gardant de l'annoncer. C'est effectivement ce qui s'est passé.

Pour clarifier la situation finale, les ingénieurs doivent d'abord s'assurer que les roues métalliques du rover touchent bien le sol, une information enregistrée de manière indirecte par l'étage de descente, et qui est transmise à la Terre en temps réel via Mars Odyssey. Le message confirmant le contact des roues avec le sol est "tango delta". Deux autres informations sont cependant encore nécessaires pour pouvoir annoncer le touchdown. Le second point concerne l'immobilité du rover. Il faut absolument s'assurer que ce dernier ne bouge plus d'un pouce à la surface de Mars. Curiosity a effectivement pu atterrir sur une pente rocheuse, une dune, le versant d'un petit cratère d'impact, et il pourrait être en train de glisser vers un destin funeste. C'est le travail de la centrale de navigation inertielle (RIMU, pour Rover Inertial Measurement Unit) d'indiquer si le rover se déplace, ce qui n'est clairement pas une indication plaisante pour la suite des opérations. Enfin, il est impératif que l'étage de descente se soit désolidarisé du rover, et que les câbles aient tous été sectionnés par les boulons pyrotechniques. Dans le cas contraire, l'engin volant pourrait retomber sur Curiosity, ce qui serait bien entendu catastrophique pour la mission. La rupture des câbles et le dégagement vers le haut de l'étage de descente était programmé pour prendre place dans les 10 secondes après le contact des roues avec le sol. Les ingénieurs s'attendaient donc à rester en contact avec Curiosity en UHF après ce délai maximal de 10 secondes. Si les communications finissaient par être perdues, quelque chose de dramatique avait sans doute eu lieu.

Dans les derniers moments de l'atterrissage, alors que la tension est à son comble, l'ingénieur Jody Davis (NASA Langley) annonce "Tango Delta nominal", signalant par-là que les roues ont touché le sol. Presque immédiatement après, Dave Way (lui aussi du centre de Langley) indique "RIMU stable", informant la salle de contrôle que Curiosity demeure immobile. Les secondes passent, longues, infinies, puis Brian Schwartz lance "UHF strong !". L’incroyable mécanique de précision mise au point par la NASA pour l’atterrissage s’est déroulée à la perfection, et Curiosity est au sol, prêt à explorer le cratère Gale et sa montagne centrale. Sur Mars, il est 3 heures de l'après-midi. La NASA vient de réaliser l'un de ses plus grands exploits.

Si vous n'avez pas pu vivre en direct l'atterrissage de Curiosity ou que vous découvrez ici son incroyable déroulement, rassurez-vous, vous pouvez facilement trouver sur Internet des vidéos qui illustrent en images de synthèse toutes les étapes de la séquence EDL, ainsi que d'autres qui couvrent le déroulement des opérations depuis la salle de contrôle de la NASA au Jet Propulsion Laboratory (JPL). Ces vidéos sont toujours aussi fascinantes à revoir, même plusieurs années après.

Une petite anecdote pour ressentir quelques derniers frissons avant de laisser dernière nous la séquence à couper le souffle de l'atterrissage et de rejoindre Curiosity à la surface de Mars. En analysant les données recueillies durant la descente de la sonde, les ingénieurs en charge de l'EDL se sont rendu compte que l'atterrissage avait duré un peu trop longtemps, surtout durant les dernières secondes du vol propulsé (skycrane). Pour comprendre d'où venait cette anomalie (car tout est une question de détails, et dans le spatial, la lumière est faite sur tous les points d'ombre, même les plus petits), ils ont commencé à fouiller dans les algorithmes et les paramètres qui ont permis à Curiosity de contrôler sa progression vers la surface. Pour finir par se rendre compte que l'engin utilisait une valeur banale, générique, pour la gravité martienne, valeur inadaptée au site d'atterrissage choisi spécialement pour la mission. Effectivement, avec des caractéristiques géologiques bien particulières (reliefs, collines, pic du mont Sharp, mais aussi dépression du cratère d'impact), la gravité locale de Gale était subtilement différente de celle employée dans toutes les simulations effectuées par le Jet Propulsion Laboratory. Or la gravité enregistrée dans les mémoires de Curiosity n'avait pas été mise à jour pour refléter la spécificité du site d'atterrissage.

Heureusement, la valeur utilisée par le rover pour caractériser l'accélération gravitationnelle du cratère Gale était supérieure (de 0,1 %, soit une erreur de seulement 450 mg) à celle qu'il aurait fallu logiquement configurer. Pensant que le site d'atterrissage l'attirait plus fortement qu'en réalité, la grue spatiale Skycrane a freiné plus que nécessaire, augmentant la durée de la phase finale de l'atterrissage et entraînant un touché plus doux que nécessaire (diminution de 0,1 m/s de la vitesse verticale prévue pour le contact). Normalement la vitesse de descente du rover est placée sous le contrôle du radar TDS, qui suit donc la vitesse verticale, mais dans la toute dernière partie de la séquence d'atterrissage, au moment de la séparation du rover, quatre des six faisceaux du radar sont coupés, ce qui empêche alors l'acquisition de mesures valides dans les trois dimensions de l'espace. Trois faisceaux sont effectivement nécessaires pour mesurer la vitesse horizontale sur les axes X et Y, et la vitesse verticale sur l'axe Z. Avec seulement deux faisceaux fonctionnels, la vitesse sur l'un des axes devait être estimée, et l'axe choisit lors du design fut, vous l'avez deviné, l'axe Z, c'est à dire l'axe vertical. La différence entre la vitesse verticale optimale (0,75 m/s) et la vitesse verticale réelle est donc passée inaperçue aux yeux du radar.

Cette situation, dans laquelle l'accélération gravitationnelle locale de Mars est surestimée, présentait déjà en tant que tel un risque. Une descente trop lente par rapport à ce qui était prévu aurait effectivement pu conduire à l'épuisement des ergols, et donc à un arrêt brutal et inattendu des rétrofusées, ce qui aurait alors provoqué un crash ou un touché trop brutal. Mais le pire ce serait sans doute produit en cas de sous-estimation (au lieu d'une surestimation), avec une constante gravitationnelle configurée inférieure à celle en vigueur sur le site. La grue skycrane n'aurait alors pas freiné suffisamment, et la vitesse avec laquelle Curiosity serait entré en contact avec la surface martienne aurait alors pu dépasser la valeur maximale envisageable, 0,85 m/s, avec les conséquences que l'on imagine. Même un choc un peu trop brutal, sans pulvériser le rover, aurait pu endommager de manière irréversible certains systèmes et instruments de bord. En général, si un dispositif ne fonctionne pas correctement suite à l'atterrissage, les doigts sont toujours pointés vers l'équipe en charge de l'EDL, jugée responsable d'avoir fait atterrir la sonde trop brutalement. Il s'en est finalement fallu de peu que Curiosity connaisse l'infortuné destin de la sonde Mars Climate Orbiter, perdue à cause d'une erreur de conversion d'unité et plongeant le Jet Propulsion Laboratory et ses partenaires dans un embarras planétaire. Comme dans chaque mission spatiale, la chance a son rôle à jouer, et cette fois ci, elle était du côté de Curiosity. C'est rarement le cas avec Mars.

Le lieu de la surface martienne ou rover Curiosity a touché le sol fut baptisé en l'honneur de Ray Bradbury, l'auteur des chroniques martiennes.

Opération en surface

Une fois sain et sauf à la surface de Mars, Curiosity peut enfin débuter sa mission. Même s'il est directement à pied d'œuvre, contrairement aux autres rovers qui ont dû descendre de leur plateforme d'atterrissage (Sojourner, Spirit et Opportunity), un grand nombre de vérifications ont lieu avant les premiers tours de roue, pendant environ 10 sols (c'est ainsi que sont désignés les journées martiennes).

Le premier jour, à Sol 0, Curiosity s'est contenté de parcourir une check-list pour vérifier l'état (nominal ou non) de ses systèmes de bord, ainsi que sa stabilité par rapport à la surface martienne. Les premières images sont obtenues par les caméras HazCam, à travers l'opercule transparent qui protège les lentilles de la poussière soulevée par l'atterrissage. Des boulons pyrotechniques sont mis à feu pour ôter ces derniers, et de nouvelles images sont alors ensuite capturées.

Les activités du sol 1 ne nécessitent pas d'envoi de commandes depuis la Terre, toutes les opérations ayant été préprogrammées pour être effectuées de façon autonome par le rover. L'un des tests les plus importants pour le robot est de vérifier le bon fonctionnement des moteurs de l'antenne grand gain, qui doit pouvoir s'orienter correctement vers la Terre. La caméra MAHLI, montée à l'extrémité du bras robotique, qui est encore replié, prend les premières images en couleurs, son objectif étant alors dirigé vers l'un des côtés du rover. La station météo REMS ainsi que l'instrument RAD commencent à récolter les premières mesures.

Le déploiement du mât supportant la caméra MastCam, les caméras de navigation NavCam ainsi que l'instrument ChemCam a lieu au cours du sol 2. L'un des objectifs prioritaires est d'imager le ciel avec la caméra NavCam, de manière à pouvoir déterminer la position du soleil, et d'en déduire la direction vers laquelle l'antenne grand gain doit être pointée. Une période de mise en marche prudente des instruments s'étale ensuite sur plusieurs semaines, et permet de s'assurer que tous les systèmes du rover fonctionnent correctement après l'atterrissage, dans l'environnement martien.

Pour l'équipe en charge de Curiosity, une journée type se déroule comme suit : très tôt le matin, des instructions sont envoyées au rover, pour que ce dernier puisse effectuer les activités souhaitées par les ingénieurs et les scientifiques. De nombreux éléments sont pris en compte pour définir ce planning, comme le temps nécessaire à une activité, la puissance électrique consommée, le volume de données généré et la priorité à affecter à leur transmission, l'impact du fonctionnement de tel système sur l'équilibre thermique, etc. Curiosity transmet ensuite le résultat de son labeur à l'un des orbiteurs relais, qui survole le site d'atterrissage au milieu de l'après-midi. Il est alors possible de planifier le jour suivant en fonction des données reçues. De manière à utiliser le rover de la façon la plus efficace possible, un immense travail de préparation est réalisé en amont. La coordination entre toutes les équipes impliquées atteint des sommets d'efficience, et chaque réunion se concrétise par des décisions approuvées par tous. Ce qui ne signifie pas que tout a été fixé à l'avance, l'organisation mise en œuvre par la NASA offrant effectivement assez de flexibilité pour permettre aux scientifiques (et aux ingénieurs) de réagir à une découverte, et de modifier les activités du rover en conséquence.

Chaque jour, au cours de nombreuses réunions, les équipes en charge du rover décident donc des déplacements à effectuer, des cibles à analyser, des instruments à activer, des mesures à réaliser, des jeux de données à transmettre ou à stocker en vue d'une retransmission ultérieure. Les ingénieurs collaborent étroitement avec les scientifiques pour contrôler si telle ou telle activité demandée est réalisable ou si au contraire elle est jugée trop risquée. Ces derniers sont également responsables de l'écriture des séquences de commandes, et de leur vérification. L'ensemble est entièrement informatisé, et les ingénieurs utilisent des interfaces homme machine plus ou moins sophistiquées qui s'appuient énormément sur des représentations en 3D du rover et du terrain. Les séquences sont codées avec un logiciel conçu spécialement pour ce rôle, et qui fonctionne sur la base de mots clés, choisis dans une immense base de données référençant toutes les actions que Curiosity peut potentiellement effectuer.

Pendant les trois premiers mois de la mission, toutes les équipes sont obligées de vivre à l'heure de la planète rouge, et sont physiquement réunies pour l'occasion au Jet Propulsion Laboratory. La journée martienne durant environ 40 minutes de plus que le jour terrestre, le décalage devient vite important, avec les conséquences que cela peut avoir sur la santé et le moral. Un horloger de Pasadena a fabriqué des montres spéciales, qui affichent l'heure martienne et qui permettent aux personnes impliquées dans la mission de suivre avec un peu plus de facilité le rythme, qui reste pourtant exténuant. Au bout de cette période intense et éreintante pour le physique et le mental, les opérations peuvent basculer sur un rythme terrestre, et le mode de vie martien est progressivement abandonné. Les personnes ne travaillant pas au Jet Propulsion Laboratory peuvent retourner sur leur lieu de travail habituel, aux Etats-Unis ou ailleurs, les échanges ayant alors lieu par téléconférence et Internet.

L'exploration du cratère Gale

Après son atterrissage et la phase de vérification des systèmes de bord, Curiosity devait initialement mettre le cap vers les premières pentes du Mont Sharp, pour examiner les strates riches en argiles détectées depuis l'orbite martienne, sortant ainsi de son ellipse d'atterrissage. Le trajet du rover avait été planifié en détails bien longtemps en avance, mais sur Mars, les choses ne se déroulent jamais exactement comme prévu.

Lorsque les premières images du site d'atterrissage sont parvenues aux scientifiques, les géologues n'ont pas tardé à s'intéresser à un secteur particulier, qui semblait constitué de trois unités géologiques distinctes. Intrigués, ils décidèrent d'abandonner le plan initial, et de diriger Curiosity dans une direction opposée à celle qu'il était censé prendre. Situé à environ 400 mètres du site d'atterrissage, le secteur fut baptisé Glenelg, un nom qui possède la particularité de pouvoir être lu de manière identique dans les deux sens, de gauche à droite et de droite à gauche, ce qui est la définition d'un palindrome. Il s'agissait d'un trait d'humour (de scientifique !) lié au fait que le rover allait devoir traverser deux fois ce secteur, une fois à l'aller, et une fois  au retour. Même si la décision de s'écarter du chemin tracé allait faire naitre des tensions au sein de l'équipe en charge du rover, ce crochet inattendu permis au robot d'effectuer des découvertes spectaculaires.

Capable d'effectuer des analyses à distance, ChemCam a été l'un des premiers instruments à acquérir des données sur les roches martiennes. Le 19 août 2012, au cours du sol 13, des salves laser d'inauguration sont tirées en direction d'une roche nommée "Coronation", qui se révélera être un banal basalte. Plus loin, Curiosity se trouve face à face avec une roche particulière, que les géologues n'avaient encore jamais croisé sur Mars : une mugéarite. Il s'agit d'un type de lave plus différencié que les basaltes, qui se rencontre sur Terre dans des contextes particuliers tels que des points chauds (comme celui ayant donné naissance à l'île de la Réunion). La différentiation est un processus fondamental affectant les magmas, ceux-ci changeant de composition au fil du temps, en donnant naissance à des séries de roches de plus en plus différenciées. Une série de roches caractéristique du volcanisme de point chaud commence avec les basaltes, puis passe par des hawaiites et des mugéarites, pour terminer par des benmoréite et des trachytes. La découverte d'une mugéarite sur Mars est la promesse de trouver des laves encore plus différenciées que les mugéarites, comme des phonolites ou des trachytes. Pourtant, l'identification de la mugéarite fut bientôt remise en question, malgré une publication dans le journal Science. Des géologues pensent aujourd'hui qu'il ne s'agirait pas d'une roche volcanique mais d'une roche ... sédimentaire ! La pierre analysée par Curiosity pourrait effectivement être formée par la cimentation d'innombrables fragments rocheux provenant de la désagrégation de roches volcaniques faiblement altérées. Sa composition chimique globale est donc bien celle d'une roche volcanique, mais sa nature est sédimentaire. Sur Terre, un géologue ne peut pas commettre une erreur aussi importante que celle constituant à prendre une roche sédimentaire pour une roche volcanique, à moins de devoir changer de métier rapidement. Les deux roches n'ont effectivement rien à voir entre elle, et se forment par des processus totalement différents. Cet exemple est instructif, car il montre que l'identification formelle d'une roche à la surface d'une autre planète n'a absolument rien de trivial.

Le premier coup de tonnerre est arrivé lorsque le rover a été dirigé vers l'affleurement Hottah. Les images se sont mises à parler d'elles même, et même sans analyse chimique ou minéralogique, les géologues ont immédiatement identifié les roches exposées par l'érosion à cet endroit : des conglomérats, et plus particulièrement des poudingues, constitués par une multitude de galets roulés et polis par un cours d'eau, puis cimentés entre eux par une matrice généralement composée de grains de sable et de particules argileuses. Curiosity était ni plus ni moins en train de rouler sur le lit d'une ancienne rivière ! La mise en évidence d'un conglomérat aussi rapidement après l'atterrissage indiquait déjà que l'immense travail d'analyse du cratère Gale grâce aux images et données recueillies par les satellites en orbite allait porter ses fruits.

Curiosity s'est ensuite dirigé vers un amoncellement de matériaux fins, composé de sable, de limon et de particules de poussière, qui fut baptisé Rocknest. Sur place, il a procédé aux premiers prélèvements de sol. L'objectif était d'abord de se servir du sol pour nettoyer le système de traitement des échantillons CHIMRA, de façon à ôter tous les contaminants et particules terrestres qui auraient pu s'y glisser et y demeurer. Le sol martien a donc été utilisé comme une sorte de poudre à récurer. Une fois ces opérations de nettoyage terminées, des échantillons ont été délivrés aux instruments d'analyse CheMin et SAM. Les analyses ont montré que le sol prélevé était composé de minéraux volcaniques (olivine, pyroxènes, plagioclases), avec une petite quantité de magnétite (un oxyde de fer aux propriétés magnétiques), un soupçon de gypse (sulfate de calcium hydraté), et une fraction non négligeable (25 à 35 %) de verre volcanique. Les perchlorates, des molécules particulièrement oxydantes découvertes pour la première fois par la sonde Phoenix au pôle nord, et qui ont une implication fondamentale dans la recherche de molécules organiques, ont également été détectés. La probabilité que ces composés oxydants soient disséminés sur toute la planète est donc assez élevée, Curiosity ayant atterri à l'équateur.

Le 8 février 2013, au cours du sol 182, Curiosity réalisa ce qui est pour l'instant sa plus grande découverte, qui vaut sans doute à elle seule le déplacement. Dans une cuvette très peu profonde baptisée Yellowknife Bay, les géologues décident d'effectuer le premier forage, sur une roche baptisée John Klein. Suite au nettoyage de la surface rocheuse par la brosse métallique, les images montrent que la couleur de la pierre a changé : initialement orangé, celle-ci apparaît désormais grisâtre. Cela peut paraître anecdotique, mais quand un échantillon contenant du fer passe de l'orange au gris, les géologues savent que l'explication tient vraisemblablement dans le fait que le fer passe de l'état oxydé à un état réduit. Or, si la surface martienne est un milieu fortement oxydé, à cause notamment du rayonnement UV et de la présence des perchlorates, les géologues estimaient que des environnements caractérisés par des conditions plus réductrices pouvaient avoir existé sur Mars dans des temps reculés.

Lors de ce premier forage, les ingénieurs se sont avant tout intéressés à la performance de la foreuse. Plusieurs semaines de préparation minutieuse ont été nécessaires avant que les premiers coups de foret ne puissent être donnés. De leur côté, les géologues étaient très impatients de savoir à quoi ressemblait l'intérieur de la roche, même si certains savaient sans doute déjà au fond d'eux-mêmes que l'affaire était conclue. Un forage préliminaire est effectué sur une profondeur de 2 centimètres deux jours avant le forage définitif. Les résultats étant concluants, Curiosity perce alors un puits d'une profondeur de 6,4 centimètres, et d'un diamètre de 1,6 centimètre, en utilisant une force de percussion moyenne (4 sur un maximum de 6). Le foret pénètre la roche comme dans du beurre, et une poudre gris clair très fine s'accumule autour de l'orifice sur la dalle rocheuse. Des tirs laser sont effectués sur les parois du puits, qui laissent apparaître des veines blanchâtres zigzagant dans la matrice grise, ainsi que sur un petit tas de poudre déposé par le bras robotique. Puis des échantillons sont délivrés à CheMin et SAM.

Les analyses montrent que John Klein est une roche sédimentaire que les géologues anglo-saxons appellent mudstone. Il n'est pas évident d'en donner une traduction en français, et le terme est en général utilisé tel quel. Le nom d'argilite (roche composée d'argiles) n'est pas totalement approprié, il faudrait sans doute parler plus de pélites ou de lutites. Une mudstone désigne une roche composée de grains très fins, qui a l'apparence d'une boue durcie, et qui renferme une quantité non négligeable d'argiles. Curiosity vient d'atteindre son objectif : découvrir le fond d'un ancien lac, qui a autrefois occupé le fond du cratère Gale. En déterminant le rapport isotopique entre le potassium 40 et l'argon 40 avec l'instrument SAM, les géologues ont estimé que John Klein s'est formé entre 3,8 et 4,6 milliards d'années, soit un âge moyen d'environ 4,2 milliards d'années. Le potassium 40 est effectivement un élément radioactif, qui se décompose en argon 40 avec un temps de demi-vie de 1,25 milliards d'années (voir les techniques de datation dans le dossier consacré aux météorites martiennes pour plus d'informations). Le lac du cratère Gale était donc très ancien ! Il est remarquable de constater que cette datation absolue, réalisée pour la première fois sur le sol d'une autre planète, coïncide très bien avec la datation relative effectuée sur la base du comptage des cratères d'impact (en taille et en nombre), sur la base des images acquises par les orbiteurs. L'âge relatif estimé pour le cratère Gale était effectivement d'environ 3,6 à 4,1 milliards d'années.

Alors que le détour par Glenelg et Yellowknife Bay ne devait être que temporaire, Curiosity restera sur place pendant 10 mois, dont huit consacrés à des analyses scientifiques. Un second forage aura lieu sur une roche appelée "Cumberland" le 19 mai 2013, au cours du sol 279, qui va se révéler crucial pour la recherche de composés organiques (voir ci-dessous). D'un point de vue minéralogique, les roches "John Klein" et "Cumberland" contiennent des minéraux détritiques basaltiques (similaires à ceux des sols et des dépôts éoliens), du sulfate de calcium (gypse), qui forme les veines blanchâtres et qui atteste de la circulation de fluides dans la roche après sa mise en place, des oxydes de fer, des hydroxydes de fer, des sulfures de fer, des matériaux amorphes (verre) et ... des argiles (smectites), ces fameuses argiles que les sondes Mars Express (avec Omega) puis Mars Reconnaissance Orbiter (avec CRISM) ont mis en évidence en certains endroits de la surface martienne. D'autre part, SAM a également détecté tous les atomes nécessaires à la formation des briques du vivant : du carbone, de l'hydrogène, de l'oxygène, de l'hydrogène, du soufre et du phosphore. Le doute ne semble plus permis : le cratère d'impact Gale a bel et bien accueilli un lac il y a des milliards d'années, dont les eaux neutres et riches en éléments minéraux auraient pu permettre, d'un point de vue théorique, le développement de la vie.

Sur la base des analyses chimiques effectuées, les exobiologistes estiment que le fond du lac aurait pu supporter des micro-organismes que les microbiologistes appellent, de façon un peu barbare, chimio-litho-autotrophe. C'est l'un des huit types trophiques existant dans la nature (chaque type trophique définissant comment un organisme donné obtient l'énergie et les éléments dont il a besoin pour vivre). Pour information, les êtres humains sont des chimio-organo-hétérotropes (ce qui signifie en un mot que sans tous les autres êtres vivants de la planète, nous ne serions pas là, puisque nous avons besoin de composés organiques préexistants pour obtenir tout ce qui est indispensable à notre survie, c'est à dire de l'énergie, du carbone, et des donneurs électrons).

Malgré cette découverte spectaculaire et fondamentale pour l'étude de la jeune Mars primitive, le temps passé à Yellowknife ne fut pas du gout de tout le monde. Rattrapé par les impératifs de son planning et sa feuille de route, Curiosity est bientôt amené à reprendre le chemin vers son objectif principal, les versants du Mont Sharp. A cet endroit, la stratigraphie, c'est à dire la succession des strates rocheuses, est particulièrement intéressante : on y trouve une couche épaisse d'hématite grise (oxyde de fer), des argiles (montmorillonite et nontronite appartenant au groupe des smectites), et enfin des sulfates. Bref, pour les géologues, c'est le Saint Graal, et c'est cet objectif que la NASA veut absolument atteindre pour pouvoir déclarer le succès de la mission. La montagne qui occupe le centre du cratère Gale est cependant ceinturée par une bande de dunes de sable noir infranchissables, ce qui a empêché une approche directe depuis le site d'atterrissage. Grâce aux satellites en orbite martienne, la NASA a heureusement repéré une interruption dans le cordon dunaire. Celle-ci, baptisée "entry point", doit permettre à Curiosity d'atteindre sa cible.

Les conducteurs ont donc été chargés de dessiner une nouvelle trajectoire rapide vers le point d'entrée, conçue pour regagner en partie le retard accumulé, ponctuée ici et là d'arrêts scientifiques au niveau de secteurs jugés intéressants. Sur le site intermédiaire de Kimberley ou il stationnera deux mois, Curiosity réalisera ainsi un troisième forage (roche Windjana, sol 621, 5 mai 2014), avant de repartir plus avant.

Pour de nombreuses raisons, comme la dégradation alarmante de la bande de roulements des roues d'aluminium, la nature accidenté des terrains rencontrés, la frilosité des ingénieurs à pousser dans ses limites ce rover de 2,5 milliards de dollars, l'efficacité relative des logiciels de navigation autonome, Curiosity ne progresse pourtant pas assez vite à la surface de la planète rouge. Pour tenter de concilier la réalité avec les objectifs de mission, la NASA va alors diriger le rover vers un secteur particulier, Pahrump Hills. Bien qu'encore séparé de plusieurs kilomètres des contreforts montagneux d'Aeolis Mons, cet affleurement semble constituer des mêmes roches que celles qui forment la base du mont Sharp (et que les géologues nomment formation Murray). En septembre 2014, le rover réalise ainsi d'une pierre deux coups lors de ce qui ressemble un peu à un tour de passe-passe : il atteint sa cible sans même avoir à se déplacer ! Une fois sur son nouveau terrain de jeu, Curiosity s'est mis à arpenter en long, en large et en travers les environs, revenant sur ses traces pour effectuer des observations et analyses plus poussées. Au niveau de Confidence Hills (sol 759, 24 septembre 2014), il effectue un quatrième forage, puis un cinquième le 29 janvier 2015 sur la roche Mojave 2 (sol 882). Au moment où ce document a été rédigé, Curiosity se trouvait toujours à Pahrump Hills, et venait de terminer un sixième forage au niveau d'un affleurement baptisé "Telegraph Peak" (24 février).

Quelles sont donc les principales découvertes de notre audacieux rover (bien que nous en ayons déjà mentionnée certaines) ? Quel bilan pouvons nous tirer de son périple ? Depuis le début de sa mission, Curiosity a évolué sur des terrains sédimentaires (argiles, grès) déposés par des cônes de déjection (amas de débris laissés par un torrent ou une rivière), des deltas et des petits lacs qui semblent avoir occupés le fond du cratère. Les matériaux détritiques rencontrés (Crater Floor Sediments) possèdent une composition chimique et minéralogique laissant penser qu'ils proviennent surtout de la désagrégation et du remaniement de roches volcaniques préexistantes. C'est la première fois, dans l'histoire de l'exploration martienne, qu'une mission au sol découvre et décrit autant de terrains sédimentaires, qui laissent peu de doute quant au fait qu'il y a des milliards d'années, l'eau liquide a coulé sur Mars, et ce de façon stable pendant des périodes de temps importantes (centaines, milliers voire million d'année).

Les roches sédimentaires sont absolument essentielles pour les géologues, étant donné leur capacité à conserver des traces de vie, sous la forme de fossiles ou de matières organiques. L'un des objectifs prioritaires de l'instrument SAM était de rechercher des composés organiques. Après une année d'étude, la NASA a annoncé la découverte de plusieurs molécules organiques assez simples (faible nombre d'atomes de carbone) et chlorées : chloro-méthane, dichloro-éthane, dichloro-propane, dichloro-butane, et enfin chloro-benzène, pour des concentrations atteignant les 500 parties par milliard. Lors des premières détections sur la roche Cumberland (30 mai 2013, sol 290), l'équipe responsable de SAM avait dû lutter contre une contamination de l'instrument lié à la fuite d'un réactif organique nécessaire aux opérations de dérivatisation. Le MTBSTFA (N-tert-Butyldimethylsilyl-N-methyltrifluoroacetamide), c'est son nom, permet de rendre certaines molécules organiques plus volatiles, ce qui facilite ensuite leur analyse, tout en évitant de passer par une étape de chauffage potentiellement destructeur. Après des investigations poussées, les scientifiques de SAM ont estimé que seulement 3 % des composés organiques détectées émanaient d'une contamination, le reste, soit 97 %, provenant de matériaux organiques d'origine martienne. Pour l'instant, rien ne permet de déterminer s'il s'agit de molécules organiques exogènes, déposées par les pluies de météorites, ou endogènes, formées sur Mars, par des processus géologiques ou biologiques.

Les exobiologistes sont bien sûr fascinés par l'hypothèse que ces molécules organiques représentent les restes carbonés de bactéries chimio-litho-autotrophes, qui auraient pu vivre dans les eaux du lac du cratère Gale, et dont nous avons parlé plus haut. Sur Terre, les bactéries chimio-litho-autotrophes se développent dans différents environnements, comme les sources hydrothermales, les profondeurs de la croûte terrestre, et tirent leur énergie non pas du soleil, mais de composés minéraux (d'où le préfixe chimio). Ces mêmes composés servent également de donneurs d'électrons (sans rentrer dans les détails, ce qui nous éloignerait trop de notre sujet, disons que ces électrons sont nécessaires au métabolisme), d'où le terme litho. Enfin, le terme autotrophe fait référence au fait que le carbone, indispensable à la fabrication des molécules organiques, est récupéré sous forme minérale (sous la forme de gaz, dioxyde de carbone ou méthane). Dit autrement, les bactéries chimio-litho-autotrophes se nourrissent de roches. Si elles peuvent survivre dans des milieux très hostiles (sans lumière, sans nourriture organique fabriquée par d'autres êtres vivants), elles ne peuvent pas se développer de façon exubérante : elles survivent du mieux qu'elles peuvent, mais ne peuvent pas prétendre à se multiplier à l'infini. Ainsi, la biomasse qu'elles fabriquent est très faible, et la quantité de carbone organique mesurée par Curiosity semble déjà trop importante pour ce type de formes de vie. Les centaines de parties par milliard de carbone mesurées par l'instrument SAM seraient donc plus compatible avec des composés organiques météoritiques. Il est également possible que le fond du lac du cratère Gale ait été bien plus accueillant que ce que l'on pourrait penser, et que des micro-organismes appartenant à d'autres types trophiques aient pu s'y développer.

Le fait que les molécules détectées par Curiosity sur Mars présentent toutes des atomes de chlore s'explique probablement par une réaction avec les perchlorates contenus dans le sol martien, au cours du chauffage (pyrolyse) des échantillons à l'intérieur de SAM. Dans les argiles, les molécules ne devaient sans doute pas être chlorées. La petite taille des molécules détectées semble indiquer que ces dernières ne sont en fait que des fragments de chaînes carbonées plus grandes, dont nous ne connaissons pas la nature. Ces précurseurs, dont l'identification va être très difficile, sont sans doute détruits par les perchlorates (qui contiennent de l'oxygène, élément très oxydant et réactif), le chauffage à l'intérieur de SAM, ou encore l'intense bombardement énergétique, rayons ultraviolets et particules cosmiques, qui frappe en permanence la surface de Mars.

L'instrument RAD embarqué sur Curiosity a ramené des résultats assez parlants sur le sujet. Effectivement, comme nous venons de le mentionner, la surface martienne est baignée par un flux de radiations cosmiques ionisantes. Sur des dizaines et des centaines de millions d'années, ce bombardement peut détruire presque toutes les molécules organiques dans le sol et les roches, fragmentant et dissociant les fragiles assemblages de carbone, et ce sur des profondeurs de plusieurs mètres. Or le foret du rover ne peut creuser que sur quelques centimètres.

Sans système de forage profond, la cause semble donc perdue d'avance. Cependant, la Nature peut, ici encore, nous aider. Effectivement, après sa formation, une roche peut parfaitement être enfouie sous des kilomètres de sédiments plus récents, qui forment comme un couvercle protecteur, empêchant les rayons cosmiques de jouer leur rôle destructeur. Des milliards d'années plus tard, les forces érosives, en particulier le vent, peuvent entailler les dépôts sédimentaires, et finir par exhumer à la surface notre roche. Certes, au fur et à mesure de sa "remontée" vers le ciel martien, celle-ci va finir par subir les effets néfastes des particules cosmiques, mais sur des périodes de temps relativement courtes, peut être seulement quelques dizaines de millions d'années. Les scientifiques placent donc beaucoup d'espoirs dans des roches qui auraient été mises à nu bien plus récemment par l'érosion. Mais comment déceler ces dernières ?

Pour trouver les roches les plus à même d'avoir préservées, intactes, des traces de matières organique, il faut être capable de choisir celles qui ont été exposées le plus tardivement possible à l'air libre. Or il se trouve que l'instrument SAM peut mesurer la quantité d'éléments cosmogéniques, qui se forment à la suite de l'interaction des rayons comiques avec la roche, comme certains isotopes de l'hélium, du néon ou de l'argon. Plus la quantité de ces derniers sera faible, moins la roche aura été abîmée par le rayonnement cosmique. Ainsi, les roches lacustres "John Klein" et "Cumberland" analysées par Curiosity, qui sont déjà en elles-mêmes très vieilles (environ 4 milliards d'années) ont été exhumées entre 30 et 110 millions d'années par l'érosion, une période déjà très longue, au cours de laquelle la matière organique, si tant est qu'il en reste, a eu largement le temps d'être sérieusement malmenée par les UV et les rayons cosmiques.

Outre la matière organique, Curiosity devait également rechercher une autre molécule très intéressante d'un point de vue exobiologique, le méthane atmosphérique. Dans un premier temps, la NASA avait annoncé une absence de détection, et ce malgré les analyses très fines effectuées par l'instrument SAM. Le "bruit de fond" constaté était de 0,69 parties par milliard, soit une quantité très faible, à la limite des seuils de détection, et qui s'explique par des apports exogènes (méthane déposé par les chutes d'astéroïdes et de comètes). La NASA est ensuite revenue sur ses déclarations initiales, pour indiquer qu'au cours des sols 300 et 500, deux pics de méthane ont été détectés, pour des concentrations dix fois supérieures au bruit de fond (environ 7,2 parties par milliard). Ces deux émissions ont été très brèves, et proviennent sans doute de l'environnement local. Le processus impliqué, au sein du cratère Gale, demeure inconnu. Il n'est pas impossible que ce méthane provienne d'un dégazage inopiné du rover lui-même (certains matériaux, comme des mousses, des résines, ayant pu capter du méthane terrestre). Les difficultés de la recherche du méthane dans l'air martien sont bien illustrées par le fait que l'intérieur de SAM contient en fait 1000 fois plus de CH4 que l'atmosphère de la planète rouge. Ce qui explique pourquoi certains scientifiques restent sceptiques sur les résultats de l'instrument. Pour eux, la détection de méthane sur Mars est encore loin d'être une certitude.

L'analyse de l'atmosphère martienne par l'instrument SAM, l'un des objectifs prioritaires que le rover devait réaliser le plus rapidement possible une fois l'atterrissage effectué, a permis d'engranger des résultats scientifiques très importants. Ainsi, des mesures isotopiques ont montré que Mars a vraisemblablement perdu la majorité de son atmosphère très tôt dans son histoire. Par rapport à la Terre, l'atmosphère actuelle de Mars possède un rapport deutérium/hydrogène six fois plus important. Cet enrichissement en deutérium indique que l'atmosphère s'est évanouie dans l'espace, l'hydrogène ayant plus de facilité à échapper à la faible gravité martienne que son isotope le deutérium. Au niveau des argiles du cratère Gale, vieilles de 4 milliard d'années environ, le rapport D/H est déjà trois fois plus important que le rapport terrestre. Ce résultat signifie que l'atmosphère martienne avait déjà commencé à disparaitre dans les profondeurs de l'espace interplanétaire, et que l'échappement a été multiplié par deux entre 4 milliards d'années et maintenant. La perte catastrophique de l'atmosphère martienne dans l'espace, et les mécanismes d'échappement impliqués sont actuellement étudiés plus en détail par l'orbiteur américain MAVEN. Les données obtenues ont également permis de fournir une preuve définitive de l'origine martienne de certaines météorites découvertes sur Terre. Ces dernières contiennent effectivement parfois des bulles de gaz dont la composition est identique à celle de l'atmosphère martienne. Enfin, à ce sujet, Curiosity n'a pas pu s'empêcher de réitérer l'exploit d'Opportunity, son chemin l'ayant conduit près d'un gros bloc de fer météoritique échoué sur Mars, et provenant de la ceinture d'astéroïde.

Sur Mars, à un rythme lent mais inéluctable, Curiosity continue ses investigations scientifiques. Si les magnifiques yardangs stratifiés photographiés par le robot peu après son atterrissage sur les flancs du mont Sharp sont encore bien loin, le rover ne cesse de progresser dans leur direction. Même si elle devait s'arrêter demain, la mission serait déjà l'un des plus grands succès jamais engrangé par la NASA. Mais l'agence spatiale américaine ne compte pas en rester là, et il est pratiquement certain que le plus beau reste à voir. D'une certaine manière, nous n'en sommes qu'au début. Curiosity est un éclaireur qui a commencé à tracer un chemin vers une connaissance nouvelle de la planète rouge. Année après année, Mars se dévoile, toujours plus intrigante, mystérieuse, fascinante. Qui sait quelles merveilles se nichent sur les versants du Mont Sharp ? Qui sait quels témoignages majeurs se cachent dans les feuillets cristallins des argiles du cratère Gale ?

Pour en savoir plus :

Go ! Liste de liens concernant Curiosity (page de bibliographie).

Smart Lander

En 2007, la NASA devait poser sur Mars un atterrisseur qui répondait au nom de Smart Lander. Ce dernier transportait sur son dos un rover de taille impressionnante. Sur ce dessin d'artiste, Smart Lander s'apprête à débarquer dans une région aux reliefs très marqués. L'engin devait non seulement être capable d'effectuer un atterrissage de précision, mais aussi de survivre à un choc avec un rocher de 1 mètre de diamètre, ou à une pente de 30° d'inclinaison. Un atterrissage précis et sécurisé est la clé permettant de s'aventurer dans des régions difficiles d'accès, qui peuvent être très intéressantes d'un point de vue scientifique. Un autre challenge était de faire atterrir des charges très lourdes. Une technique envisagée était de crasher volontairement la plateforme d'atterrissage après une descente sous parachute et rétrofusées, le froissement du métal devant absorber l'énergie de l'impact. A l'arrière-plan, on devine les rigoles mises en évidence par la sonde Mars Global Surveyor. A l'époque, ces ravines, éventuellement creusées par des écoulements d'eau liquide, étaient considérées comme une cible irrésistible pour la recherche de traces de vie. Comme nous allons le voir, les critères retenus pour le site d'atterrissage du rover Curiosity seront bien différents (Crédit photo : NASA/JPL).

Il s’appelle Curiosity. Un nom magnifique pour l’un des engins les plus complexes jamais réalisés par la main de l’homme. Avec un poids de 900 kg et par l’ampleur des objectifs qui lui ont été assignés, il est sans doute le premier engin martien à pouvoir vraiment rivaliser avec les mythiques sondes Viking, qui se sont posées sur Mars en 1976 (Crédit photo : NASA).

Le rover Curiosity comparé à l'un des Mars Exploration Rover (MER) lancés en 2003. Les performances des deux robots n'ont absolument rien à voir (Crédit photo : NASA).

Photo de famille au Jet Propulsion Laboratory (JPL). Les rovers MER (Spirit ou Opportunity, au choix) à gauche, Sojourner (en bas) et Curiosity (à droite) posent en compagnie de deux ingénieurs en blouse blanche (Crédit photo : NASA/JPL).

Comparaison entre les roues du rover Sojourner à gauche, des Mars exploration Rover (MER) au centre, et de Curiosity à droite. Plus gros ne veut pas toujours dire mieux. Malgré leur imposant diamètre (50 centimètres), les roues vont malheureusement constituer le plus gros souci technique de la mission, une fois le rover posé sur Mars (Crédit photo  NASA).

Les mêmes roues, cette fois-ci vues de côté (Crédit photo  NASA).

Le modèle en LEGO du rover Curiosity (boîte n° 21104), hélas introuvable, à moins de le payer une fortune sur le marché de l'occasion, permet de comprendre comme fonctionne la suspension rocker-bogie (Crédit photo : © LEGO Group).

Les quatre objectifs scientifiques majeurs de Curiosity sont l'étude du potentiel biologique d'au moins un environnement au sein du cratère Gale (nature et inventaire des briques du vivant, atomes ou molécules), la caractérisation de la géologie du site d'atterrissage à toutes les échelles possibles, la détermination de l'évolution de l'atmosphère martienne au cours du temps (ainsi que l'étude du cycle de l'eau et du carbone), et enfin la mesure du niveau de radiations reçues par la surface martienne.

Dessin d'artiste représentant un tir laser de ChemCam (dans la réalité, le laser est infrarouge, et il est donc invisible à l'œil nu). C'est probablement l'instrument le plus sexy de la mission car quoi de plus normal pour un robot que d'être armé d'un canon laser ? ChemCam permet pour la première fois d'effectuer des analyses chimiques rapides, et ce sans contact direct avec les roches ou le sol. C'est un instrument éclaireur, qui sert à évaluer rapidement l'intérêt scientifique de nombreuses cibles, avant d'enchaîner avec de la science de contact (MAHLI, APXS, puis CheMin et SAM), ce qui permet des analyses certes plus précises mais aussi beaucoup plus longues et laborieuses. ChemCam est un spectromètre associé à une ablation laser (une technique connue sous l'acronyme LIBS). Un laser de puissance provoque la vaporisation localisée d'une roche, en portant cette dernière à très haute température. L'émission de lumière induite est alors analysée par spectrométrie. ChemCam remplace avec avantage les spectromètres d'émission thermique infrarouge (Mini-TES) embarqués sur les rovers Spirit et Opportunity, qui étaient trop sensibles à la mince couche superficielle de poussière recouvrant les roches (Crédit photo : droits réservés).

Un autre dessin d'artiste représentant ChemCam en fonctionnement. Le laser est désormais rouge, mais ce n'est pas encore la bonne couleur ! Après acquisition de la cible, le télescope effectue la mise au point, tandis qu'une image de la surface de l'échantillon est obtenue par la caméra RMI. Une rafale de tirs laser dépose alors une puissance de 14 millijoules sur une zone d'environ 1 mm2. La lumière émise par le plasma incandescent est collectée par le télescope puis analysée par la batterie de spectromètres. Des analyses supplémentaires peuvent être effectuées après une brève recharge du laser. Une analyse classique dure 6 minutes et consomme seulement 0,07 watt. La même analyse pouvaient demander jusqu'à 3 jours de travail à Spirit et Opportunity (Crédit photo : droits réservés).

Séquence de lancement de la sonde Mars Science Laboratory. Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Crédit photo : NASA/JPL).

La sonde Mars Science Laboratory (MSL) a décollée le 26 novembre 2011 depuis le complexe de tir 41 de Cap Canaveral à 16h02 heure française, à bord d'une fusée Atlas V-541. Quarante-quatre minutes après le décollage, la sonde se séparait de l'étage supérieur Centaur. Les risques d'échec au décollage étaient d'environ 5 % (Crédit photo : NASA).

La fusée qui a propulsé Curiosity vers Mars était une version 541 du lanceur Atlas 5. Ce nombre fait référence au diamètre de la coiffe (5,4 mètres), à la présence de quatre moteurs d'appoints SRB, et à l'utilisation d'un seul moteur pour l'étage supérieur Centaur (Crédit photo : NASA).

Photographie prise par une caméra embarquée sur le lanceur et montrant la séparation de la sonde Mars Science Laboratory avec l'étage supérieur Centaur, à T+44 minutes après le décollage. Délicatement poussé par des ressorts, l'engin commence son long périple vers la planète rouge (Crédit photo : NASA).

Le vaisseau Mars Science Laboratory se compose de quatre unités : l'étage de croisière, les boucliers protecteurs (bouclier arrière et bouclier thermique), l'étage de descente et enfin le rover Curiosity lui-même (Crédit photo : NASA).

Schéma technique du robot Curiosity. Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Crédit photo : NASA/JPL).

Comparaison de la taille de l'ellipse d'atterrissage de Curiosity (20 x 7 kilomètres), avec celle des missions précédentes : Viking (300 kilomètres de longueur), Pathfinder (200 kilomètres), Mars Exploration Rover (environ 100 kilomètres) et Phoenix (70 kilomètres). Première dans l'histoire de l'exploration martienne, la phase de rentrée atmosphérique de Curiosity est pilotée. Lorsque la sonde, protégée par son bouclier thermique, rencontre les hautes couches de l'atmosphère, elle va contrôler activement sa trajectoire grâce à de petits moteurs, plutôt que de se laisser simplement "tomber". Ce pilotage va permettre de corriger les déviations dues à l'activité atmosphérique ainsi que les erreurs liées à notre mauvaise connaissance de l'atmosphère martienne. Le résultat sera une réduction significative de la taille de l'ellipse d'incertitude, c'est à dire de la zone au sein de laquelle la sonde va se poser. Ce type de technique permet d'ouvrir sur Mars des sites d'atterrissage considérés jusqu'à présent comme trop risqués, voir insensés (Crédit photo : ESA/DLR/FU Berlin/G. Neukum).

Séquence d'atterrissage de Curiosity. Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Crédit photo : NASA/JPL/Labrot).

Le véhicule de croisière mesure 4,5 mètres de diamètre pour une hauteur de 3 mètres. Il comprend l'étage de croisière, ainsi que deux boucliers (thermique et arrière) entre lesquels est encastré le rover Curiosity (replié sur lui-même) et son étage de descente (Crédit photo : NASA).

Dix minutes avant le contact avec l'atmosphère martienne et le début de la séquence d'atterrissage, l'étage de croisière est éjecté. Une minute plus tard, la rotation de la sonde sur elle-même sera stoppée. Contrairement aux autres missions précédentes, l'engin sera stabilisé par des rétrofusées durant la traversée de l'atmosphère (Crédit photo : NASA).

Une fois l'étage de croisière éjecté, la sonde effectue un demi-tour pour pointer le bouclier thermique dans la direction de l'atmosphère martienne (Crédit photo : NASA).

Huit minutes avant la phase d'entrée, les deux masselottes de tungstène de 75 kilogrammes (balance cruise mass devices) sont larguées pour décentrer le centre de gravité du vaisseau (Crédit photo : NASA).

A T + 0, Mars Science Laboratory atteint son point d'insertion, et rentre en contact avec l'atmosphère martienne. Il reste environ 7 minutes avant de toucher la surface du  cratère Gale, que l'on aperçoit en surface, sur le côté droit de la sonde. Au cours de cette période, l'engin va passer par six configurations de vol différentes (Crédit photo : NASA).

La trajectoire suivie par le vaisseau Mars Science Laboratory fait en sorte qu'il progresse dans la direction de rotation de la planète Mars, qui, vue depuis le pôle nord, tourne dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Le cratère Gale, le site d'atterrissage, est situé à 4,5° au sud de l'équateur. La sonde va l'aborder en volant d'ouest en est, ce qui définira le grand axe de l'ellipse d'incertitude, la zone ou Curiosity a 99 % de chance de se poser (Crédit photo : NASA).

La friction de l'atmosphère martienne avec le bouclier thermique commence à ralentir la sonde, qui arrive à la vitesse complètement folle de 21 240 km/h (Crédit photo : NASA).

Le parachute, compressé dans un cône fixé au sommet du bouclier arrière, se déploie à 11 kilomètres d'altitude (Crédit photo : NASA).

Le bouclier thermique, devenu inutile, est éjecté, libérant le champ de vision de la caméra MARDI embarquée sur le rover, que l'on aperçoit lové à l'intérieur bouclier arrière (Crédit photo : NASA).

L'étage de descente, dont le rôle est d'assurer la partie la plus périlleuse de l'atterrissage, vient d'allumer ses huit rétrofusées et cherche à se stabiliser. Son rôle est d'annuler tous les déplacements horizontaux, et d'atteindre une vitesse verticale constante. Le rover est encore fixé à la structure par des boulons pyrotechniques (Crédit photo : NASA).

La rupture des boulons pyrotechniques provoque la désolidarisation du rover, qui commence à glisser vers le bas suspendu à trois brides de 7,5 mètres de longueur. Un ombilic un peu plus long assure une connexion électrique et informatique entre l'étage de descente et Curiosity. L'inconvénient majeur de ce genre de configuration est celui du risque de balancement du rover sous la plateforme volante, la moindre oscillation pouvant conduire à la catastrophe. Notez qu'à ce stade, les roues montées sur la suspension rocker-bogie sont encore repliées. Elles vont devoir se déployer à la manière du train d'atterrissage d'un avion pour pouvoir établir un contact avec le sol. Les ingénieurs ont cherché à rendre ces dernières les plus légères possibles, pour limiter au maximum les oscillations (Crédit photo : NASA).

La grue Skycrane dépose Curiosity sur Mars (le radar de descente est visible en haut à gauche). Tous les atterrissages sur Mars sont des moments absolument uniques, et même s'il arrive parfois que la science effectuée derrière ne suive pas, ce sont des moments magiques, rendus possibles par l’obsession et la ténacité d’équipes qui portent leur art à son plus haut niveau. Curiosity s'est posé sur Mars le 6 août 2012 à 07:31 heure française (Crédit photo : NASA/JPL).

Ambiance de folie au Jet Propulsion Laboratory (JPL) après l'arrivée de Curiosity sur la planète rouge. Les ingénieurs responsables de la séquence d'entrée, descente et atterrissage (EDL) ignorent encore qu'une erreur aussi tétanisante que celle ayant provoquée la perte de Mars Climate Orbiter s'est glissée dans le logiciel du rover, risquant à tout moment de compromettre définitivement la mission. Adam Steltzner (à droite) aurait moyennement apprécié (Crédit photo : NASA/JPL).

Le 6 août 2012, au petit matin, et comme pour chaque atterrissage sur Mars, l'Univers nous a fait vibrer pendant 7 minutes survoltées via des valeurs les plus pures et nobles de l’âme humaine : la curiosité. Le spectacle fut magistral ! (Crédit photo : NASA).

Adam Steltzner, le chef de l'équipe responsable de l'atterrissage de Curiosity (EDL), reçoit un trophée au Musée National de l'Air et de l'Espace de la Smithsonian Institution à Washington. Une récompense bien méritée ! (Crédit photo : NASA/JPL).

Les premières images prises par la caméra de descente MARDI sont à couper le souffle. Le cliché ci-dessus montre l'éjection du bouclier thermique, qui ira se fracasser contre la surface martienne. Au sol, on devine le champ de dunes volcaniques situé à proximité du site d'atterrissage, et qui empêche le rover de progresser directement vers les pentes du Mont Sharp. Des vidéos spectaculaires, en haute résolution, en couleurs et avec une piste audio rajoutée sont disponibles sur Youtube pour encore plus de frissons (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

En immortalisant la descente mouvementée de Curiosity vers Mars le 6 août 2012, une minute avant le contact avec le sol, l'équipe en charge de la caméra espion HiRISE sur le satellite Mars Reconnaissance Orbiter a réalisé un véritable exploit technique. Les ingénieurs sont effectivement parvenus à calculer la position vers laquelle HiRISE devait être pointée pour tenter de surprendre le rover en plein vol. Le cliché a été obtenu par le capteur CCD RED 1, situé à l'extrémité de la bande de capture de HiRISE. On distingue parfaitement le parachute (y compris l'ouverture centrale et la bande latérale) au bout duquel se balance le bouclier arrière, dans lequel est encore encastré l'astromobile. Probablement à cause de leur couleur et de l'éclairage ambiant, les suspentes demeurent invisibles, alors qu'elles avaient pu être imagées avec la sonde Phoenix (Crédit photo NASA/JPL/University of Arizona).

Détail amusant (et en complément de l'image précédente), le bouclier thermique est également visible sur l'image complète (non représentée ici). Le cliché de Mars Reconnaissance Orbiter Orbiter a été réalisé juste après la séparation du bouclier, qui a donc lui aussi été immortalisé en plein vol ! (Crédit photo NASA/JPL/University of Arizona).

La caméra HiRISE de Mars Reconnaissance Orbiter a permis de retrouver tous les morceaux de Mars Science Laboratory. De haut en bas, le rover Curiosity (intact !), le bouclier arrière attaché à la toile du parachute (dont on imagine qu'elle claque sous les assauts du vent), le bouclier thermique (qui a creusé un beau cratère, et qui a aussi été capturé un peu avant en vol par la caméra MARDI) et enfin l'étage de descente skyCrane, apparemment pulvérisé. L'une des premières images capturées par les caméras HazCam immédiatement après l'atterrissage montre le panache de poussière soulevé par le crash de celui-ci. La dernière photo permet d'admirer les impacts laissés par les deux masselottes de tungstène de 75 kg éjectées durant la descente. Elles aussi ont été retrouvées, et ont servi aux géologues à déterminer les propriétés de la couche superficielle de la surface martienne. Dans le domaine spatial, les budgets sont tels que rien n'est perdu (Crédit photo NASA/JPL/University of Arizona).

La première image de la surface martienne a été obtenue par une caméra HazCam, encore protégée par son capot transparent. La vignette a été relayée à l'orbiteur Mars Odyssey, juste avant qu'il ne passe sous l'horizon, grâce à l'antenne à faible gain (1 mégaoctet de données ont pu être transmis). Aussi incroyable que cela puisse paraître, l'objectif a également capturé le crash de la grue volante skyCrane, visible au loin, à environ 800 mètres, sous la forme d'un nuage de poussière (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Autoportrait de Curiosity par la caméra MAHLI, alors que le rover est occupé à effectuer des prélèvements de sol un peu partout au niveau du site de Rocknest. Le robot n'a pas encore fait de pâté de sable, mais ça ne saurait tarder ! (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Un autoportrait du mât de Curiosity, obtenu par la caméra MAHLI montée sur la tourelle du bras robotique. La partie supérieure accueille le boîtier électronique, ainsi que le miroir du télescope de l'instrument ChemCam. Dans la partie basse, aux extrémités, on aperçoit les yeux circulaires des caméras de navigation (NavCam). Enfin, de gauche à droite, entre les NavCam, se trouve le téléobjectif de 100 millimètres (M-100) de la caméra MastCam, et à droite le grand angle de 34 millimètres (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Schéma technique de la tourelle équipant le bras robotique. Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Crédit photo : NASA/JPL).

Photographie de la tourelle rotative montée à l'extrémité du bras robotique de Curiosity sur Mars. Au centre, on distingue le capteur du spectromètre APXS (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Le plumeau de Curiosity (DRT), doté de deux balais rotatifs en acier, permet d'ôter la couche de poussière rougeâtre qui recouvre les roches et qui perturbe les analyses de surface (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

La foreuse PADS de Curiosity, imagée par la caméra MAHLI sur Mars (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Gros plan sur le foret de la foreuse à percussion de Curiosity. Ça n'a peut-être l'air de rien comme cela, mais la foreuse embarquée sur le rover est une merveille d'ingénierie (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Une mini-pelle fixée sur la tourelle du bras permet de prélever proprement des échantillons de sols, qui sont ensuite pris en charge et tamisés par le dispositif CHIMRA. Le godet mesure 7 centimètres de long pour 4,5 centimètres de large (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Le travail de sagouin réalisé par l'atterrisseur Phoenix lors de la distribution d'échantillon à l'instrument TEGA en 2008. Curiosity dispose heureusement d'un dispositif monté sur la tourelle du bras robotique, le CHIMRA, bien plus efficace. La distribution des échantillons aux instruments scientifiques est un problème majeur. Il faut en effet éviter la problématique complexe de contamination croisée entre les différents prélèvements, et certains détails aussi anodins qu'une saute soudaine de vent peuvent venir tout gâcher (Crédit photo : NASA/JPL).

Curiosity dispose de deux petits plateaux d'observation, qui permettent le dépôt de sol ou de poudre de roches en vue d'analyses rapprochées par les instruments du bras robotique (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Les contreforts du Mont Sharp situés près de l'ellipse d'atterrissage présentent des pentes faibles, qui ne devraient pas gêner la progression de Curiosity. La structure géologique du mont Sharp est complexe. Il semble composé par des matériaux très divers, limitant ainsi le risque de tomber sur un seul type de roche, mise en place par un processus unique. La diversité des matériaux, des événements, des environnements, basé sur la minéralogie, les propriétés physiques, la nature des lits rocheux, l'effet de l'érosion sur ces derniers, la géomorphologie, en font une cible scientifique hautement prioritaire (Crédit photo : droits réservés).

Schéma illustrant l'histoire du cratère Gale. Ce dernier s'est formé suite à un impact massif il y a plus de 3 milliards d'années (il n'y a sans doute pas eu apparition d'un pic central de rebond, contrairement à ce que laisse penser la première image). Au fil du temps, des dépôts sédimentaires recouvrent le cratère, peut-être sous une grande étendue d'eau, avant d'être ôtés par l'érosion (2 ,3 ,4). De nouvelles strates rocheuses se mettent en place (5, 6). L'érosion effectue alors un travail de sape et enlève une épaisseur conséquente de sédiments, laissant juste un pic central stratifiés d'une hauteur de 5 kilomètres, qui conserve l'histoire du cratère (Crédit photo : droits réservés).

Cartographie du cratère Gale. Le site est désormais l'un des endroits les mieux connus de Mars. En rouge, les canyons et vallées. En bleu foncé et en bleu clair, des dunes noires volcaniques et des yardangs (crête rocheuse créé par l'érosion) stratifiés. Le sommet du mont Sharp apparaît en orange pâle. L'ellipse d'atterrissage est visible en haut au centre, sous le forme d'un ovale blanc (le grand axe de l'ellipse correspondant à la direction de vol). Pour réussir sa mission, Curiosity sera amené à la quitter (Crédit photo : Anderson et al).

Zoom sur le secteur d'atterrissage de Curiosity. L'ellipse d'incertitude mesurait initialement 25 x 20 km (ce qui était déjà une belle prouesse), mais elle a été ultérieurement réduite à une zone de 20 km sur 7 km, à cause de la précision du guidage. L'inconvénient de ce rétrécissement est qu'il a empêché le rover d'aller visiter un cône alluvial de basse inertie thermique (FAN, en violet). En bleu pâle est indiqué une unité à forte inertie thermique, qui se refroidit donc lentement pendant la nuit, signe de la présence de matériaux rocheux dense. Les couches argileuses apparaissent en vert, et les sulfates sont figurés en jaune (Crédit photo : droits réservés)

Carte minéralogique dressée par le spectro-imageur CRISM de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter. A : oxydes de fer. B : olivine (dunes noires volcaniques). C : argile de type smectite (plus précisément nontronite). D : olivine et smectites. E : sulfates et smectites. F : sulfates de magnésium. G : très faible signal de sulfates. Certaines espèces minérales, comme la silice, les carbonates, les sulfates, les phosphates et les argiles peuvent préserver de façon plus ou moins optimale des microfossiles ou de la matière organique. La détection de sulfates et surtout d'argiles au niveau du cratère Gale explique en partie pourquoi il a été retenu comme site d'atterrissage pour Curiosity. La ligne blanche indique une discordance, c'est à dire un contact anormal du à l'érosion entre deux unités géologiques qui n'auraient normalement pas dû se toucher (Crédit photo : NASA).

Curiosity n'a pas attendu longtemps pour effectuer des découvertes spectaculaires : Sur le site de Hottah, le rover a mis en évidence des strates inclinées durcies, qui se sont révélées être des poudingues (à gauche), similaires à ceux qui se forment sur Terre dans le fond des rivières (à droite). A peine arrivé sur Mars, Curiosity était donc déjà en train de rouler dans le lit d'un ancien cours d'eau ! (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Conglomérat siliceux ou poudingue du mont Saint-Odile (Alsace) datant du trias inférieur. Après des décennies passées à se convaincre que Mars était une planète entièrement recouverte de laves volcaniques, il est assez difficile de prendre conscience et d'accepter que des roches sédimentaires de type conglomérats existent aussi là-bas (Crédit photo : Roches, fossiles et minéraux, Alsace, Vosges, Lorraine, Georges Sigwarth, édition Delta 2000, 1981).

Un échantillon de sol prélevé sur le site Rocknest grâce à la mini-pelle. Notez la couleur rougeâtre de l'échantillon, due à la présence d'oxydes de fer (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

La poudre résultant du forage de la roche baptisée "John Klein", sur le site "Yellowknife" a été récupérée dans le godet du bras robotique. Le matériel est gris clair, ce qui est très intriguant. Les analyses effectuées par ChemCam et l'APXS indiquent la présence de fer, mais au vu de la couleur, ce dernier doit être en partie sous forme réduite (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Les deux trous percés par la foreuse de Curiosity dans la roche "John Klein". Le trou situé en haut est un premier essai, tandis que le trou en bas est le résultat du forage complet. Le matériau excavé est clairement de nature différente de la surface rocheuse, très oxydée. Les points noirs correspondent aux endroits "zappés" par le laser de ChemCam. A l'intérieur du puits foré par le rover, on aperçoit une veine blanche de gypse, un sulfate de calcium hydraté (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

L'entonnoir à échantillons de l'instrument CheMin, opercule ouvert et montrant le tamis métallique (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

L'instrument CheMin bombarde des échantillons réduits en poudre pour obtenir des figures de diffraction. Le détecteur mesure les angles, ainsi que l'intensité, avec lesquels les rayons X primaires (émis par une source de cobalt) sont diffractés. En haut, la figure de diffraction obtenue pour un échantillon de sable et de poussière collecté à Rocknest (composé de plagioclases, de pyroxènes, d'olivine, d'une petite quantité de magnétite et de sulfate de calcium anhydre, et enfin de 25 à 35 % de matériau vitreux, non cristallin). En bas, la figure de diffraction réalisée sur un échantillon de poudre d'une roche baptisée John Klein, et identifiée comme étant une mudstone (boue solidifiée). En bas au centre, et par rapport à l'image de Rocknest, on distingue un disque supplémentaire correspondant à la présence d'argiles de type smectite (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech).

Liste des molécules organiques détectées par l'instrument SAM de Curiosity. SAM est une merveille d'ingénierie. D'un poids de 40 kilogrammes, l'appareil comporte plus de 50 micro-valves, un labyrinthe de tuyauterie, une pompe turbo-moléculaire tournant à 100 000 tours/minute, des fours capables de chauffer des échantillons à 1100°C, des dizaines de cupules pour les analyses. Il s'agit d'un chromatographe phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse quadripôle, additionné d'un spectromètre laser ajustable. Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Crédit photo : droits réservés).

L'une des six roues du rover, peu après l'atterrissage sur Mars. Chaque roue a été usinée dans un bloc d'aluminium pur. A l'origine, les ingénieurs voulaient graver le nom "JPL" sur la surface des roues, mais la NASA s'y est opposé, peut-être parce que cela aurait été trop voyant. Des cavités ont donc été découpées, et forment le mot "J" "P "L" en morse ("·---" "·--·" "·-··"). Ces signes laissés sur le sol au niveau des traces ne servent pas seulement à faire joli, ou à exprimer une quelconque vantardise. Ils permettent en effet aux caméras de compter le nombre de tours de roue effectué pour un segment de navigation donné, et donc la distance parcourue par odométrie (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

La même roue que ci-dessus, après usage. Lors du sol 411, les ingénieurs découvrent un peu inquiet que les bandes de roulement semblent s'user bien plus vite que prévu. Les dégâts vont finir par être considérables. D'abord poinçonné, le métal finit par accumuler des perforations, qui se transforment en fissures et en déchirures. Les roues du rover sont bien entendus renforcées en de nombreux points, mais entre les chevrons, la couche d'aluminium est très fine : elle ne mesure que 0,75 millimètres (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Au film du temps, les dégâts sont de plus en plus inquiétants. Le métal est poinçonné de toute part, et se fissure par endroit, laissant apparaître d'affreuses déchirures. Le site d'atterrissage de Curiosity est constellé de roches affûtées par les vents depuis des milliards d'années (des ventifacts ou dreikanters), et qui dépassent du sol comme autant de pointes acérées. A force de rouler dessus, les roues sont littéralement mises en pièce. Pour limiter les dégâts, le rover roule à l'envers (les roues avant étant les plus abîmées), ou tente de passer dans des dunes, au risque de s'ensabler et de finir comme Spirit. L'usure des roues est devenue un problème cauchemardesque, et pourrait compromettre la mission de Curiosity. Si le rover continue de rouler sur un terrain aussi agressif, il ne pourra plus parcourir que 8 kilomètres avant que ses roues ne soient en lambeaux (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Scarecrow, le double de Curiosity, durant un test dans le désert du Mojave. Le poids du rover a été diminué par rapport à celui de Curiosity, de manière à simuler la faible gravité (0,38) de l'environnement martien (Crédit photo : droits réservés).

Les équipes au sol utilisent des logiciels sophistiqués pour programmer les activités du rover Curiosity. Ici, un prototype d'interface du projet OnSight de la NASA, qui s'appuie sur des casques de vision holographique signés Microsoft et baptisés HoloLens (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech)

Curiosity transporte 5 blocs cylindriques composés de céramique en silice mélangée à de petites quantités de molécules fluorées que l'on ne s'attend pas à trouver sur Mars, et qui serviront à détecter une éventuelle contamination terrestre lors des analyses effectuées par l'instrument SAM. Ces blocs à usage unique sont attachés sur le devant du rover, à portée du bras robotique, et sont protégés par un couvercle métallique. (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS)

La cible de calibration pour la caméra MAHLI. Celle-ci comporte plusieurs plaquettes colorées (certaines étant capables de réagir aux ultraviolets) ainsi qu'une pièce de un cent "Lincoln" (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Parmi les objets amusants transportés par Curiosity sur Mars, on trouve un disque de basalte qui sert à calibrer l'instrument APXS. Comme s'il n'y en avait déjà pas assez là-bas ! (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Distances parcourues par différents véhicules spatiaux sur la Lune et Mars. Avec 42 km, Opportunity détient le record, tandis que Curiosity a déjà parcouru plus de 10 kilomètres. Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Crédit photo : NASA/JPL).

Le dilemme de Curiosity est parfaitement résumé sur ce petit dessin : avancer, ou faire de la science. Certes, lorsqu'il est en mouvement, le rover peut prendre des images des environs et tirer des salves de laser, mais guère plus. Curiosity a commencé sa mission en stationnant presque une année sur le site de Yellowknife, avant de se mettre à foncer vers le mont Sharp. Il s'est ensuite arrêté de nouveau de longs mois sur le secteur de Pahrump Hills, mais devrait bientôt reprendre la route (Crédit photo : droits réservés).

Une image superbe, prise par le téléobjectif de la caméra MastCam montée sur le mât de Curiosity, des contreforts du mont Sharp. On distingue parfaitement un ensemble de collines, haute d'environ 2 à 10 mètres, définissant un labyrinthe de canyons et de gorges. La stratification est évidente, et si Curiosity parvient à rouler jusque là, les paysages que l'on pourra découvrir seront sans doute visuellement magnifiques. Avec ses 5 kilomètres de hauteur, le mont Sharp est l'un des plus imposants dépôts sédimentaires de la planète rouge, une véritable machine à remonter le temps. Pour l'instant, nous ne pouvons qu'imaginer ce que les strates rocheuses exposées sur les contreforts du mont Sharp contiennent. Peut-être s'agira-t-il du même matériau que celui analysé sur le site de Yellowknife ou Pahrump Hills, et dans ce cas, d'une certaine manière, le rover Curiosity a déjà été sur place. Les couches auxquelles "John Klein",  Cumberland ou Mojave appartiennent se prolongent effectivement peut-être jusqu'à la base du Mont Sharp. D'un autre côté, il est aussi possible que les matériaux visibles sur cette image soit d'une nature radicalement différente, offrant alors d'autres découvertes inattendues, surtout si ces roches sont encore plus anciennes. Malgré des difficultés évidentes de déplacement liées aux dégâts causés par des roches tranchantes sur ses roues en aluminium, Curiosity tente de progresser vers le pic central qui domine le cratère Gale. Le rover, qui a déjà parcouru plus de 8 kilomètres, devrait atteindre les premières pentes d'Aeolis Mons à la fin de l'année (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

Le travail de la foreuse, observé de nuit par la caméra MAHLI, qui dispose de sa propre source d'éclairage. Les petits cratères sur le tas de poudre sont l'œuvre du laser de l'instrument ChemCam. Robot infatigable, Curiosity peut effectuer des analyses de nuit, pour profiter des températures extérieures glaciales qui conviennent bien aux détecteurs de certains instruments, comme l'APXS. L'image est remarquable, quand on pense que la planète Mars est plongée dans l'obscurité, mais qu'au fond du cratère Gale brille une toute petite lumière tremblotante, celle de la curiosité des hommes (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech/MSSS).

 

Le mont Sharp (Aeolis Mons) dans toute sa splendeur, en vraies couleurs (la balance des blancs ayant été ajustée). Pour ceux qui se demandent pourquoi le ciel est gris bleu, voyez ici ! (Crédit photo : NASA/JPL).

 

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