Mars Reconnaissance Orbiter

La mission

La sonde Mars Reconnaissance Orbiter a quitté la Terre le 12 août 2005 à 13h43 sous la coiffe d'une fusée Atlas V-401 (le modèle le moins puissant de la famille des lanceurs Atlas-V) depuis la base de lancement de Cap Canaveral. Le lanceur Atlas V-401 ne possède que deux étages à propergols liquides. Le premier a conduit la sonde à 112 kilomètres d'altitude. Juste après son éjection, l'étage supérieur Centaur a pris le relais, et a injecté la sonde sur une orbite de parking à 185 kilomètres d'altitude. 35 minutes plus tard, le moteur du second étage s'est à nouveau allumé pour extraire l'orbiteur du champ de gravité terrestre et le catapulter à vive allure vers son objectif, la planète rouge.

Après un voyage de 7 mois dans l'espace interplanétaire et un parcours de 500 millions de kilomètres, Mars Reconnaissance Orbiter se placera en orbite autour de Mars au mois de mars 2006. Lors de l'insertion orbitale, qui durera 25 minutes, la sonde survolera la surface martienne à une altitude de 300 kilomètres. A l'issue de cette manoeuvre, Mars Reconnaissance Orbiter aura rejoint une orbite polaire très elliptique (périapse à 300 kilomètres, apoapse à 45 000 kilomètres), qu'elle bouclera en 35 heures. Six mois environ de freinage atmosphérique (une technique consistant à profiter de la friction avec l'atmosphère martienne pour ralentir la sonde et abaisser son orbite) seront nécessaires avant que la sonde ne puisse se caler sur son orbite finale de cartographie, une orbite héliosynchrone presque circulaire caractérisée par un périapse de 255 kilomètres (au-dessus du pôle sud), un apoapse à 320 kilomètres (au-dessus du pôle nord) et une période de révolution de 2 heures. Point intéressant, l'orbite suivie par Mars Reconnaissance Orbiter sera à certains moments tellement basse que la sonde a été considérée comme un atterrisseur en terme de protection planétaire. Sur une telle orbite, les risques de crash à la surface (suite par exemple à un impact avec une particule) sur une période de 50 ans ne sont pas négligeables, et l'orbiteur a donc été stérilisé comme s'il s'agissait d'un véritable atterrisseur !

L'orbiteur est prévu pour fonctionner deux années autour de Mars (de novembre 2006 à novembre 2008), et devra servir de satellite de télécommunication pendant au moins 2 années supplémentaires. Mars Reconnaissance Orbiter fournira de nombreux services aux futures sondes martiennes comme une aide à la navigation et à l'approche, des signaux permettant une mise à jour très précise de leur horloge de bord, ou encore une couverture UHF (grâce au package Electra) pour des atterrisseurs ou des rovers présents à la surface de Mars. La mission de Mars Reconnaissance Orbiter doit se terminer officiellement en décembre 2010, mais en cas de besoin, la NASA pourrait la prolonger de cinq ans.

La sonde

Mars Reconnaissance Orbiter est un monstre dans tous les sens du terme. D'un poids de 2180 kilogrammes (soit une masse deux fois supérieure à celle de Mars Global Surveyor), la sonde embarque une charge utile de 139 kilogrammes, constituées de six instruments scientifiques (autant que Mars Global Surveyor) et de trois démonstrateurs technologiques. Le satellite est particulièrement imposant, et mesure 6,5 mètres de haut pour 13,6 mètres de large. Presque tous ses systèmes vitaux sont redondés, ce qui lui donne une grande fiabilité. L'ordinateur de bord est architecturé autour d'un processeur cadencé à 133 Mhz tournant sous le système d'exploitation VxWorks. Pour stocker les données, l'orbiteur dispose d'une mémoire de 160 gigabits. Mars Reconnaissance Orbiter ne sera pas construite par le Jet Propulsion Laboratory, mais par la société Lockheed Martin Astronautics, le fabricant attitré de la NASA pour les orbiteurs martiens. Son coût est estimé à 720 millions de dollars.

Alimentation énergétique

Mars Reconnaissance Orbiteur dispose de deux panneaux solaires d'une longueur de 5,35 mètres et d'une largueur de 2,53 mètres. Représentant une surface totale de 20 m2, ils capteront l'énergie du soleil et rechargeront deux batteries nickel hydrogène, qui assureront l'alimentation électrique de la sonde durant les périodes d'obscurité. Ces panneaux sont mobiles et peuvent suivre en permanence le soleil. Lorsque la sonde sera en orbite autour de Mars, ils délivreront une puissance de 2000 Watts (contre 6000 Watts au niveau de la Terre).

Propulsion

Les moteurs de la sonde brûlent de l'hydrazine, qui est stocké dans des réservoirs d'une capacité de 1187 kg. 70 % du carburant sera consommé lors de la manoeuvre d'insertion orbitale, le reste servant aux modifications de trajectoire durant le voyage Terre - Mars, ainsi qu'aux changements d'orientation de la sonde (l'attitude pouvant également être contrôlée par les roues à réaction).

Pour l'insertion orbitale, l'orbiteur est équipé de six moteurs fusées capables de délivrer une pousée de 170 newtons (soit 1020 newtons lorsqu'ils fonctionnent ensemble). Les corrections de trajectoire sont assurées par un groupe de six petits moteurs de 22 newtons (durant la phase de croisière, jusqu'à cinq manoeuvres de correction de trajectoire pourront avoir lieu pour affiner l'itinéraire de la sonde). Huit autres petits propulseurs d'appoints de 0,9 newtons sont utilisés pour contrôler et modifier l'attitude de la sonde (son orientation dans l'espace).

Contrôle d'attitude

L'orientation de la sonde est un paramètre vital pour la réussite de la mission, ne serait-ce que pour pointer l'antenne grand gain vers la Terre, les panneaux solaires vers le soleil, ou les instruments de la charge utile vers Mars. Pour déterminer sa vitesse, son orientation, et la vitesse à laquelle elle tourne sur elle-même, la sonde est équipée d'une batterie de capteurs.

  • huit senseurs solaires (plus huit de secours) permettront à Mars Reconnaissance Orbiter de déterminer à tout moment la position du soleil.
  • une caméra stellaire (plus une de secours) qui permettra à la sonde d'identifier dans le ciel des groupements d'étoiles et de calculer ainsi sa position.
  • deux centrales de navigation inertielle (une plate-forme principale et une autre de secours) comportant des accéléromètres et des gyroscopes lasers. Ces centrales offrent un cadre de référence pour mesurer la rotation de la sonde sur elle-même.

Pour modifier son orientation, en plus des 8 petits moteurs de contrôle d'attitude que nous avons déjà mentionné, Mars Reconnaissance Orbiteur possède également quatre roues à réaction.

Navigation

Le contrôle depuis la Terre de la position et de la vitesse de la sonde le long de sa trajectoire durant le voyage vers Mars sera assuré de trois manières différentes. En mesurant le décalage doppler des signaux radios émis par l'orbiteur (c'est à dire le changement de fréquence du à la vitesse relative de la sonde par rapport à la Terre), les navigateurs pourront connaître la vitesse d'éloignement de Mars Reconnaissance Orbiter. Le temps nécessaire à la réception d'un signal permettra de plus de connaître la distance exacte, à un instant donné, séparant l'orbiteur de notre planète.

Une troisième technique plus complexe servira à déterminer avec une excellente précision la position de la sonde dans l'espace. Cette technique consiste à collecter avec deux antennes séparées par une grande distance (par exemple une antenne située à Goldstone en Californie et une autre à Madrid en Espagne), non seulement un signal radio émis par l'orbiteur, mais également une autre source radio (comme un pulsar) dont la position est fixe dans le ciel. Grâce à ces mesures différentielles, les navigateurs interplanétaires de la NASA obtiendront des informations cruciales sur la position et la distance de l'orbiteur, qui permettront d'éviter le genre de mésaventure qu'à connu Mars Climate Orbiter en septembre 1999.

La sonde Mars Reconnaissance Orbiter aura également le privilège de tester pour la première fois un dispositif de navigation optique. Non nécessaire à l'accomplissement de sa mission, ce dispositif pourrait cependant se révéler crucial pour les futurs atterrisseurs et rovers martiens, qui devront réaliser des atterrissages de haute précision. Ces sondes pourront alors atterrir dans un mouchoir de poche, alors qu'à l'heure actuelle, les ellipses d'incertitude (c'est à dire les régions ou les sondes sont certaines d'arriver) se mesurent en centaine de kilomètres). Un mois avant l'arrivée sur la planète rouge, l'orbiteur prendra une série d'images des deux lunes martiennes, Phobos et Deimos. En comparant la position des deux satellites par rapport à des valeurs théoriques, les navigateurs pourront déterminer avec une grande précision la position de la sonde par rapport à Mars, et effectuer si nécessaire des corrections de trajectoire.

Communications

A charge utile exceptionnelle, moyens de communication exceptionnels ! Le principal dispositif de communication de Mars Reconnaissance Orbiter est une antenne grand gain de 3 mètres de diamètre fonctionnant en bande X (8 Gigahertz). Deux antennes à faible gain sont également fixées sur la coupole de l'antenne grand gain. Bien moins puissantes que cette dernière, ces deux antennes n'ont cependant pas besoin d'être pointées vers la Terre pour émettre et recevoir des données, et serviront à relayer des données lors d'événements particuliers (comme la manoeuvre d'insertion orbitale), ou en cas de panne de l'antenne principale.

Pour la première fois dans l'histoire de l'exploration martienne, Mars Reconnaissance Orbiter va également transmettre des données depuis la planète rouge sur la bande Ka. Avec une fréquence moyenne de 32 Gigahertz (soit quatre fois la fréquence de la bande X), cette bande devrait permettre de transmettre encore plus d'informations vers la Terre.

Le diamètre de l'antenne grand gain, ainsi que la puissance des équipements radio, vont permettre à Mars Reconnaissance Orbiter de transmettre des données avec un débit maximal de 3 à 4 mégabits par seconde (soit une vitesse 8 fois supérieure à celle d'une connexion Internet ADSL classique de 512 kbps), ce qui représente une amélioration d'un facteur dix par rapport aux précédents orbiteurs. Au cours de ses deux premières années de fonctionnement, MRO est sensé envoyer 34 térabits d'information, soit plus de données que la totalité des sondes jamais lancées jusqu'à présent par le Jet Propulsion Laboratory ! (et cinq fois plus que toutes les missions martiennes combinées).

Objectifs scientifiques

Doté d'une charge utile d'exception, la sonde Mars Reconnaissance Orbiteur pourrait bien bouleverser nos connaissances actuelles sur la planète rouge. Avec cette sonde, les scientifiques vont pouvoir explorer les reliefs de la surface martienne avec une précision sans précédent, cartographier les minéraux (en particulier ceux qui se forment en présence d'eau), détecter des poches d'eau ou de glace dans le sous-sol, étudier la distribution de l'eau et de la poussière dans l'atmosphère, et enfin obtenir des relevés météorologiques quotidiens.

Pour réaliser sa mission, la sonde Mars Reconnaissance Orbiteur va s'appuyer sur plusieurs instruments scientifiques de haut vol. Une caméra surpuissante fournira les images les plus détaillées jamais obtenues de la surface martienne. Elle sera mise à contribution pour étudier différentes structures géologiques énigmatiques, véritables clés pour comprendre le passé géologique et climatique de la planète, et servira également à identifier et caractériser finement les sites d'atterrissage des futurs atterrisseurs ou rovers martiens. Deux autres instruments feront écho à la puissance de la caméra HiRISE : le spectromètre infrarouge CRISM, qui fournira des cartes minéralogiques très précises de la surface martienne, et le radar SHARAD qui sondera le proche sous-sol à la recherche de poches d'eau ou de glace.

Mars Reconnaissance Orbiteur va également permettre de récupérer deux expériences perdues avec la sonde Mars Climate Orbiter, la caméra météorologique MARCI et le sondeur atmosphérique PMIRR. La sonde va enfin servir de plateforme pour tester un ensemble de technologies qui pourraient bien se révéler essentielles au succès des futures sondes martiennes.

Les instruments scientifiques

HiRISE (High Resolution Imaging Science Experiment)

La caméra HiRISE est l'un des instruments phares de la sonde MRO. Capables de fournir des images couleurs, stéréoscopiques et à très haute résolution de la surface de Mars, cet instrument va probablement bouleverser nos connaissances de la surface martienne (une seule image de HiRISE non compressée pouvant peser jusqu'à 28 gigabits !). Avec un miroir de 50 centimètres de diamètre et une résolution de 25 à 32 centimètres par pixel, le gain de précision sera d'un facteur 2 à 5 par rapport à la caméra MOC qui équipe Mars Global Surveyor (et dont la résolution est de 1,4 mètres par pixel en mode normal, et de 50 centimètres par pixel dans la direction nord-sud lorsqu'elle fonctionne en mode cProto).

Etant donné qu'il faut au moins trois pixels pour apercevoir la forme d'un objet, la plus petite structure visible sur les images de MRO mesurera environ 1 mètre de côté (à condition qu'il offre un contraste suffisant avec les zones environnantes). La sonde pourra ainsi distinguer des objets aussi petits qu'un bureau. A titre de comparaison, Mars Global Surveyor permet de distinguer en surface un objet de la taille d'une petite voiture, et sur les meilleurs clichés des sondes Viking, on ne pouvait pas apercevoir des objets plus petits qu'un terrain de football ! Durant la totalité de sa mission (deux années terrestres), Mars Reconnaissance Orbiter ne pourra observer qu'environ 1 % seulement de la surface martienne avec HiRISE, ce qui donne une petite idée de son pouvoir grossissant.

La caméra de Mars Reconnaissance Orbiter sera construite par la société Ball Aerospace, pour la modique somme de 31 millions de dollars. HiRISE est une caméra dont la structure est complexe. Elle est dotée de 14 capteurs CDD de 2048 sur 128 pixels, et dispose de filtres rouge, bleu-vert, et proche infrarouge, ce qui lui permet de se livrer à des études minéralogiques. Une image centrée sur le rouge mesure 20048 pixels de côté (soit 6 kilomètres), tandis que les images bleu-vert ou proche infrarouge sont  moins larges (seulement 4048 pixels, ce qui correspond à 1,2 kilomètres).

Contrairement aux images de Mars Global Surveyor (qui sont stockées six mois avant d'être rendues publiques), les clichés délivrés par HiRISE seront dévoilés quelques jours ou quelques semaines seulement après leur prise de vue. Mars Reconnaissance Orbiter pourra pointer sa caméra à +/- 30° de la verticale, ce qui lui permettra de réaliser des prises de vues latérales, bien utiles lorsque l'objet à photographier n'est pas situé exactement sous le satellite.

Avec HiRISE, la NASA compte clairement s'engager dans une reconnaissance très détaillée de la surface de Mars, avant de s'aventurer à nouveau en surface pour mener des investigations in situ et recueillir à terme des échantillons de sols et de roches. La caméra à très haute résolution permettra de faire le lien entre les images prises en surface par les atterrisseurs et les rovers, et les clichés obtenus par les satellites en orbite. Pour la première fois, on pourra donc apercevoir depuis l'orbite les mêmes objets que depuis la surface martienne. Le rocher Yogi du site d'atterrissage de Pathfinder, ou le rocher Big Joe du site d'atterrissage de Viking 1 deviendront visibles, pour ne rien dire des atterrisseurs eux-mêmes. Les clichés promettent d'être étonnants, bien plus encore que les magnifiques images des deux rovers Spirit et Opportunity que la sonde Mars Global Surveyor a réalisé début 2004 (camouflés sous une fine couche de poussière, les autres atterrisseurs comme Viking ou Pathfinder n'ont jamais pu être imagés par Mars Global Surveyor). Il est même possible d'espérer que MRO retrouve les traces de Mars Polar Lander ou de Beagle 2 !

Mis à part cette reconnaissance à très haute résolution des sites d'atterrissage des futurs atterrisseurs, HiRISE nous permettra également d'observer avec un luxe de détails les régions les plus intrigantes de la surface martienne, comme les rigoles découvertes par Mars Global Surveyor, les strates sédimentaires qui affleurent au fond de Valles Marineris ou sur les versants des cratères d'impact, ou encore les dépôts stratifiées des calottes polaires. L'objectif principal de MRO est de déterminer l'influence de l'eau dans l'histoire géologique de Mars en scrutant l'atmosphère, la surface et la sub-surface de la planète rouge.

CTX (caméra de contexte)

La capacité de la caméra HiRISE à fournir des vues à très haute résolution de la surface martienne a un prix, et les scientifiques seront confrontés dès les premières images au syndrome du timbre poste. Si les images renvoyées par HiRISE seront effectivement très précises, elles couvriront également une très petite surface, et les scientifiques seront alors bien en peine de savoir quelle région exacte de la surface martienne a été observée.

Ce problème est bien connu des astronomes amateurs. Imaginons que vous commenciez à observer la voûte céleste avec un télescope équipé de votre oculaire donnant le plus fort grossissement. Dans le champ de votre instrument apparaît le disque blafard d'une nébuleuse planétaire. L'objet est certes magnifique, mais dans quelque constellation, et à proximité de quelques étoiles est-elle située ? La façon la plus rapide de le savoir est de passer à des oculaires de plus faible grossissement : la belle nébuleuse planétaire a pris l'aspect d'un point indistinct, mais dans le champ viennent d'apparaître des alignements d'étoiles que vous connaissez bien, et qui vont vous permettre de situer précisément votre nébuleuse dans les immensités du ciel étoilée ...

Vous l'avez compris, la solution au syndrome du timbre poste est de réaliser une série d'images emboîtées avec des résolutions de plus en plus faible (la comparaison de chaque image avec la suivante permettant alors de localiser les images à très haute résolution). C'est précisément l'objectif de la caméra de contexte CTX. En réalisant des prises de vue très larges et en noir & blanc de la surface martienne, cette caméra va permettre de localiser précisément les régions qui seront imagées par la caméra à haute résolution HiRISE et le spectromètre CRISM, et de les replacer ainsi dans leur contexte. La caméra CTX possèdera une résolution de 6 mètres par pixel et observera des régions de 40 kilomètres de côté.

MARCI (Mars Color Imager)

Cette caméra grand angle couleur, qui fonctionne à la fois dans le visible et l'ultraviolet, va fournir chaque jour des vues de la totalité du globe martien. Elle collectera des données fondamentales sur le climat martien, à l'échelle de la journée, de la saison et de l'année, tout en permettant de surveiller les nuages et les tempêtes de poussière, de suivre les changements des calottes polaires et de mesurer la quantité d'ozone, de poussière et de dioxyde de carbone dans l'atmosphère martienne. Cet instrument est hérité de la caméra MARCI qui équipait Mars Climate Orbiter, et possède une résolution de 1 à 10 kilomètres par pixel.

CRISM (Compact Reconnaissance Imaging Spectrometer for Mars)

Malgré de nombreuses preuves de l'écoulement d'eau liquide sur Mars il y a des milliards d'années (comme les réseaux de vallées et les chenaux d'inondations observés par la sonde Mariner 9 dès 1972, ou, plus proche de nous, les strates sédimentaires découvertes par Mars Global Surveyor), aucune roche (ou minéral) déposée en milieu liquide n'avait encore jamais été clairement identifiée. La seule avancée dans ce domaine a été réalisée par l'instrument Oméga de la sonde Mars Express, qui a détecté de grandes quantités de sulfates au niveau des dépôts stratifiées qui comblent le fond du gigantesque canyon de Valles Marineris, et qui a ainsi confirmé la découverte qu'Opportunity a effectué sur Terra Meridiani.

L'objectif de CRISM, un spectro-imageur hyperspectral fonctionnant dans le domaine du visible et de l'infrarouge (entre 370 nanomètres et 3940 nanomètres), sera de dresser une cartographie minéralogique détaillée de la surface de Mars, et de rechercher des minéraux déposés en présence d'eau, dans des environnements tels que des sources chaudes, des bouches volcaniques, des lacs et des mers ...

Jusqu'à présent, les spectromètres infrarouges embarqués sur les sondes précédentes (TES de Mars Global Surveyor, THEMIS de Mars Odyssey) fonctionnaient dans l'infrarouge thermique. De son côté, CRISM travaillera dans des longueurs d'ondes plus courtes, celles du proche infrarouge. CRISM est en concurrence directe avec le spectro-imageur Omega de la sonde Mars Express. Si Oméga a l'avantage d'être d'ores et déjà en action autour de Mars, il est cependant moins puissant en terme de résolution spatiale que CRISM. En moyenne, la résolution d'Omega est de 1 à 5 km/pixel, cette valeur pouvant atteindre 300 m/pixel au plus proche de la planète. Avec une résolution maximale de 20 à 30 m/pixel, le spectromètre proche infrarouge de MRO sera donc environ 10 fois plus précis. A l'instar d'Omega, il ne pourra cependant observer à haute résolution qu'un faible pourcentage de la surface martienne. CRISM coûtera quelque 17,6 millions de dollars.

MCS (Mars Climate Sounder)

L'instrument MCS est dérivé de l'infortuné PMIRR, un radiomètre déjà envoyé deux fois, et sans succès, vers la planète Mars. Perdu lors de la disparition tragique de la sonde Mars Observer au mois d'août 1993, le PMIRR avait été renvoyé sur la sonde Mars Climate Orbiter, qui s'est désintégrée dans l'atmosphère martienne lors de sa mise en orbite en septembre 1999. On espère donc sincèrement que la troisième fois sera la bonne !

Fonctionnant entre 0,3 et 50 microns, ce radiomètre visible et infrarouge devra mesurer les variations de pression atmosphérique et dresser des profils de température depuis la surface de Mars jusqu'à 80 kilomètres d'altitude. L'instrument MCS permettra également de suivre l'humidité atmosphérique, la teneur en poussière de l'air, ainsi que l'évolution saisonnière des calottes polaires. Il réalise ses observations en analysant la tranche d'atmosphère visible au limbe (c'est à dire sur les côtés) de la planète. Ce sondeur atmosphérique est très similaire aux instruments météorologiques qui sont utilisés sur Terre pour prédire le temps et étudier les climats.

SHARAD (Shallow Radar)

Ce radar de deuxième génération, doté pour une fois d'un acronyme agréable et développé par la même équipe que celle du radar MARSIS qui équipe la sonde européenne Mars Express, est avec la caméra haute résolution HiRISE l'un des instruments les plus prometteurs de la mission Mars Reconnaissance Orbiter.

L'objectif de SHARAD sera de pénétrer le sous-sol martien pour y rechercher des poches d'eau ou de glace. Contrairement à MARSIS, qui utilise des basses fréquences (de 1,3 à 5,5 MHz) pour sonder la croûte martienne sur plusieurs kilomètres de profondeur, SHARAD fonctionnera dans une gamme de fréquence plus haute (de 15 à 25 MHz). Sa puissance est de 10 watts. S'il ne pourra ausculter le sous-sol martien que sur quelques centaines de mètres environ (1 kilomètre au maximum), sa résolution spatiale sera par contre bien supérieure à celle de son prédécesseur (15 mètres verticalement, et 0,3 à 3 kilomètres horizontalement). Il devrait permettre de confirmer la découverte réalisée par Mars Odyssey de l'existence de grandes quantités de glace dans le premier mètre de la surface martienne. Si cette couche de glace pourrait être en équilibre avec l'atmosphère, il pourrait également s'agir du toit d'immenses poches de glace enfouies dans les profondeurs de la croûte martienne ...

Radio Science

Comme Mars Global Surveyor ou Mars Express, la sonde MRO effectuera également des analyses en utilisant ses émetteurs radios. Baptisées radio science, ces expériences s'appuient uniquement sur le sous-système de télécommunication, et ne nécessitent pas d'instruments dédiés. En analysant le décalage doppler des signaux radios transmis vers la Terre, les scientifiques pourront ainsi étudier finement le champ de gravité martien, qui fournira en retour d'importantes informations sur la structure interne de la planète ou la formation et le retrait des calottes polaires. Etant donné que la sonde Mars Reconnaissance Orbiter va survoler Mars avec une altitude sensiblement plus faible (30 % environ) que les deux dernières sondes américaines Mars Global Surveyor et Mars Odyssey, elle obtiendra des cartes de gravité plus précises, sur lesquelles les géophysiciens pourront distinguer des structures plus petites.

Démonstrateurs technologiques

En plus de ses six instruments scientifiques, la sonde Mars Reconnaissance Orbiter emporte trois instruments d'ingénierie, qui seront mis au banc d'essai. Nommé Electra, le premier est un package radio qui permettra de relayer les communications des sondes de surface, tout en servant de balise de navigation pour les futures sondes martiennes.

Le second instrument est un dispositif de navigation optique que nous avons déjà évoqué. Un peu similaire à un sextant, il permettra à Mars Reconnaissance Orbiter de naviguer en utilisant les deux lunes martiennes. Cette caméra de navigation, d'un diamètre de 6 centimètres, servira non seulement à éviter les erreurs grossières (comme celle qui a coûté la vie à Mars Climate Orbiter), mais permettra également de réaliser des économies de carburant (ce qui augmentera la durée de vie des sondes). Dans le futur, ce type d'instrument se révélera également crucial pour les atterrisseurs et les rovers qui devront réaliser des atterrissages de haute précision sur Mars, et qui pourront ainsi se poser sur des secteurs dangereux, mais excitants d'un point de vue scientifique.

Enfin, Mars Reconnaissance Orbiter effectuera pour la première fois des communications en utilisant la bande Ka, en lieu et place de la traditionnelle bande X. La transmission d'informations via la bande Ka demande moins d'énergie que la bande X : les signaux seront émis avec une puissance de 100 watts pour la bande X, contre 35 watts pour la bande Ka. Revers de la médaille, la bande Ka est plus sensible que la bande X à l'humidité de l'atmosphère terrestre.

Pour en savoir plus :

Go ! Liste de liens concernant Mars Reconnaissance Orbiter (page de bibliographie).

Le lanceur Atlas V-401

Alors que les derniers orbiteurs américains étaient lancés vers Mars par des fusées Delta II, Mars Reconnaissance Orbiter utilisera un lanceur Atlas V (dont la capacité d'emport maximale est de 2180 kg) pour quitter la Terre. La fenêtre de tir de 2005 étant moins favorable que celle de 2003, et la sonde étant plus massive que les précédentes, un lanceur puissant était nécessaire. D'après la NASA, c'est la première fois depuis 1973 qu'une fusée Atlas/Centaur propulsera une sonde interplanétaire. La sonde Mariner 4 avait cependant été lancée par un modèle sensiblement différent (Atlas/Agena) le 28 novembre 1964 (Crédit photo : NASA/JPL).

Le lancement de Mars Reconnaissance Orbiter

La sonde Mars Reconnaissance Orbiter a décollé en direction de Mars le 12 août 2005, depuis le pas de tir LC-41 de Cap Canaveral (Crédit photo : © Pat Corkery).

Manoeuvre d'insertion orbitale (MOI)

Lors la phase d'insertion en orbite martienne, manœuvre particulièrement délicate, MRO allumera ses six moteurs (capable de délivrer chacun une poussée de 170 newtons) pendant environ 25 minutes. Les six moteurs ont été jugés plus sur qu'un seul moteur de forte puissance : si l'un d'entre eux tombe en panne, les autres seront effectivement toujours là pour freiner la sonde, permettant ainsi sa mise en orbite (sur une orbite certes différente de celle initialement prévue). Au début de l'insertion, la sonde survolera l'hémisphère sud à une altitude de 360 kilomètres. A l'issue de la manoeuvre, elle se retrouvera sur une orbite très elliptique (35000 kilomètres sur 200 kilomètres), qui sera ensuite modifiée par aérofreinage pour atteindre l'orbite finale de cartographie (Crédit photo : NASA/Corby Waste).

MRO en cours d'aerofreinage

Comme Mars Global Surveyor et Mars Odyssey, la sonde MRO utilisera la technique d'aérofreinage pour gagner son orbite finale de cartographie, au cours de plus de 500 plongeons dans la haute atmosphère martienne. L'orbite finale de cartographie, dont l'altitude sera comprise entre 255 kilomètres (périapse au-dessus du pôle sud) et 320 kilomètres (apoapse au-dessus du pôle nord), sera parcourue en 112 minutes. Elle sera en moyenne 20 % plus proche de la surface que celle des trois précédentes sondes martiennes (Mars Global Surveyor, Mars Odyssey et Mars Express). Tous les 359 jours, MRO repassera au-dessus de la même région, mais grâce à ses capacités d'inclinaison latérale (jusqu'à 20° à gauche ou à droite par rapport à la verticale), elle pourra réobserver le même secteur avec un angle légèrement différent tous les 17 jours (Crédit photo : NASA/Corby Waste).

Schéma technique de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter. Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Crédit photo : NASA/JPL).

Mars Reconnaissance Orbiter

Equipé d'une caméra cinq fois plus puissante que celle de Mars Global Surveyor, MRO fournira des vues de la surface martienne d'une incroyable précision. Les images obtenues par une petite caméra (CTX) serviront de cadre de référence pour replacer les images à très haute résolution de HiRISE dans leur contexte (Crédit photo : NASA/JPL).

La structure de vol de la caméra HiRISE

La structure de vol de la caméra HiRISE. Avec un diamètre de 70 centimètres (pour un diamètre de miroir de 50 centimètres), une longueur de 1,4 mètres et un poids de 65 kg, cette caméra est un monstre ! (Crédit photo : HiRISE Team).

L'orbiteur MRO

MRO emporte un sondeur atmosphérique, MCS. En cartographiant la pression, la température, l'humidité et les aérosols (poussière), cet instrument compensera la perte du radiomètre infrarouge PMIRR, déjà embarqué sans succès sur Mars Observer et Mars Climate Orbiter (Crédit photo : NASA/Corby Waste).

Le Mars Climate Sounder

Version allégée du PMIRR de Mars Observer et Mars Climate Orbiter, le radiomètre MCS réalisera ses observations en regardant à la fois devant lui vers l'horizon, et sous lui, et ce dans le domaine du visible et de l'infrarouge (Crédit photo : NASA/Corby Waste).

L'antenne du radar SHARAD

Grâce à son radar SHARAD, dont on aperçoit ici les deux antennes (de 5 mètres de longueur chacune), MRO pourra sonder le sous-sol martien sur quelques centaines de mètres (voire 1 kilomètre) pour y rechercher des poches de glace ou d'eau (Crédit photo : NASA/Corby Waste).

Le radar SHARAD

En émettant des pulses d'ondes radio (chaque pulse durant 85 millisecondes), SHARAD devrait permettre de savoir si la mince pellicule de glace détectée par la sonde Mars Odyssey dans les hautes et moyennes latitudes de Mars est simplement en équilibre avec la vapeur d'eau de l'atmosphère, ou si au contraire il ne s'agit que du sommet de couches de glace très épaisses (Crédit photo : NASA/Corby Waste).

L'antenne de 70 mètres de la station DSN de Goldstone dans le désert de Mojave en Californie

La charge utile de Mars Reconnaissance Orbiter va faire peser de lourdes contraintes sur le sous-système de télécommunications (on estime que l'orbiteur retournera 20 fois plus de données que Mars Global Surveyor). Certains instruments - comme HiRISE ou CRISM - vont effectivement générer un flot considérable de données, qu'il va bien falloir envoyer vers la Terre. Certes, les données pourront être temporairement stockées sur des enregistreurs de bord, mais ces derniers n'auront de toute façon pas une capacité illimitée. Le sous-système de communication va donc être dimensionné en conséquence, et on ne sera pas étonné d'apprendre que Mars Reconnaissance Orbiter sera équipé d'une antenne grand gain de 3 mètres de diamètre. A titre de comparaison, celle de Mars Global Surveyor mesure seulement 1,5 mètres de diamètre (crédit photo : NASA).

MRO au dessus de Nilosyrtis Mensae

Mars Reconnaissance Orbiter au-dessus de Nilosyrtis Mensae. Notez la taille imposante de l'antenne grand gain ! (Crédit photo : NASA/Corby Waste).

 

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