Racine de Lupin (Lupinus) avec nodosités matures, coupe transversale (x4)

 

 

Le lupin (Lupinus) est un genre appartenant à la famille des fabacées, appelée plus couramment légumineuses. Quand on examine avec attention les racines d'une légumineuse, il n'est pas rare d'y apercevoir des petits nodules dont l'intérieur est un peu rosâtre : ce sont des nodosités, lieu d'établissement d'une relation étonnante entre la plante et des bactéries (des rhizobiums).

La coupe d'une nodosité d'une racine de lupin présentée ci-dessus a été colorée par de l'Etzold FCA : les cellules à parois lignifiées sont colorées en rouge/rose par la fuchsine basique, celles à parois subérifiées apparaissent en jaune/brun grâce à la chrysoïdine, et celles dont les parois sont restées cellulosiques sont teintées en bleu par le bleu astral.

Contrairement aux nombreuses coupes de racines disponibles sur ce site, il est bien difficile de reconnaître sous le microscope la structure d'une racine de dicotylédone. Celle-ci est en effet déformée de manière significative. Si l'on peut reconnaître l'assise subéroïde qui se délite, le parenchyme cortical coloré en bleu et le cylindre central avec ses vaisseaux du xylème bien visibles, le reste de la racine est occupé par plusieurs poches d'un tissu teinté en rose. Ces zones sont constituées par des cellules parenchymateuses à parois cellulosiques infestées par une bactérie, un rhizobium pour être plus précis. Ces nodosités, qui peuvent chacune contenir des centaines de millions de rhizobium et qui repoussent les tissus normaux de la racine en se développant, ne sont ni plus ni moins qu'un nouvel organe, qui n'apparaît qu'en présence des deux partenaires, chacun modifiant le fonctionnement de l'autre.

A voir la racine dans cet état, on pourrait penser que cette dernière est malade d'avoir accueilli autant de bactéries, mais il n'en est rien. Le lupin a sciemment attiré le rhizobium en relâchant dans le sol quantités de petites molécules attractives. Les cellules de rhizobium, encore munie à ce stade d'un flagelle, se sont en retour dirigées vers la racine avant d'y pénétrer via un cordon d'infection, pour finalement se faire phagocyter par les cellules du parenchyme cortical. Encapsulé chacun dans une membrane, les rhizobiums peuvent ainsi commencer leur seconde vie, immobile et sans flagelle, dans le cytoplasme des cellules végétales.

L'association du lupin et du rhizobium est un très bel exemple de symbiose mutualiste, où les deux partenaires tirent des avantages de la présence de l'autre. Dans ce cas précis, la plante va nourrir le rhizobium en lui cédant une partie des molécules organiques qu'elle fabrique par son activité photosynthétique. De son côté, le rhizobium est capable de réaliser une prouesse peu commune dans le monde vivant : celle de capter l'azote atmosphérique pour le transformer en ammoniac, et pouvoir ensuite l'utiliser d'un point de vue métabolique pour fabriquer protéines et acides nucléiques. Le rhizobium dispose pour cela d'une enzyme spéciale, la nitrogénase. Mais il y a un hic de détail : cette enzyme ne peut pas fonctionner en présence d'oxygène. Pour résoudre le problème, le lupin va synthétiser au niveau des nodosités une molécule semblable à l'hémoglobine de notre sang, une léghémoglobine, qui en s'accumulant entre la membrane de séquestration et la paroi des rhizobium, va fixer l'oxygène, ce qui empêche alors ce dernier d'interférer avec la nitrogénase. C'est cette variété d'hémoglobine qui explique la jolie couleur rosée des nodosités.

 

Labrot © 1997-2024. Dernière mise à jour : 09 mars 2021. Des commentaires, corrections ou remarques ? N'hésitez pas, écrivez moi! index