Voir le cœur de Mars

Il parait que rien n'est en surface chez un homme. C'est peut-être aussi le cas pour les planètes. Jusqu'à présent, et malgré des décennies d'exploration spatiale, nous n'avons jamais fait qu'effleurer la surface de Mars. Depuis l'orbite, les satellites se sont effectivement principalement attelés à imager les reliefs et déterminer la composition chimique de la couche la plus superficielle de la croute. Certes, quelques tentatives ont bien eu lieu pour tenter de voir l'intérieur de la planète à l'aide de radar (MARSIS sur Mars Express et SHARAD sur Mars Reconnaissance Orbiter), mais les informations obtenues se sont révélées décevantes ou ternes.

Quant aux sondes de surface, rovers ou atterrisseurs statiques, elles n'ont fait que gratter la terre et les roches avec un certain embarras, la faute à d'inévitables limitations techniques. Les atterrisseurs Viking ne pouvaient guère faire autre chose que tenter de déplacer de petits cailloux avec leur bras robotique. Le rover Sojourner avait découvert un peu par accident une technique amusante pour creuser le sol, et qui consiste à bloquer trois roues et à faire tourner la quatrième, qui joue alors le rôle d'une excavatrice. Les robots Spirit et Opportunity étaient équipés d'un outil d'abrasion qui leur permettait d'ôter le vernis d'altération qui recouvre la plupart des roches martiennes, et qui masque la véritable nature de l'intérieur. L'étape suivante a été franchie par Curiosity, capable, grâce à une foreuse très perfectionné (PADS), de prélever du matériel rocheux sur une profondeur record de ... 5 centimètres. Enfin, l'atterrisseur Phoenix a essayé tant bien que mal de racler des échantillons de glace vive avec son bras robotique, mais la dureté inattendue de couche blanche et scintillante qui affleurait à la surface a eu raison de l'engin (par comparaison, sur Terre, le forage le plus important jamais tenté est celui de la presqu'île de Kola en Russie, débuté en 1970 et stoppé en 1992, avec une profondeur record de 12 262 mètres, qu'il faut relativiser en la mesurant à l'aune des 6400 kilomètres de rayon de notre planète !).

Ces tentatives timides de pénétration sur une autre planète du système solaire, s'ils témoignent du génie de l'homme, n'ont pour l'instant pas révélés grand-chose des mystères qui se cachent dans les profondeurs insondables de la planète Mars. De nombreux scientifiques donneraient effectivement très cher pour savoir ce qui se niche au cœur de l'astre rouge.

Contrairement à ce que le domaine de l'imaginaire peut laisser penser, depuis le magnifique roman de Jules Verne intitulé Voyage au centre de la Terre (ou une bande d'intrépides héros s'enfoncent dans la cheminée d'un volcan Islandais pour ressortir à la fin par la bouche du Stromboli, après un périple souterrain extraordinaire) jusqu'à des films à grand spectacle comme The Core, il est totalement exclu pour l'homme de pouvoir accéder directement à l'intérieur d'une planète. Certes, il est bel et bien possible de réaliser des forages et de remonter du matériel rocheux, ou d'envoyer des caméras, mais la profondeur maximale atteignable via ces techniques est en réalité très faible face au diamètre de la planète. Nous ne faisons véritablement qu'égratigner le corps planétaire.

Les géophysiciens ont cependant mis au point un ensemble de techniques qui permettent de voir battre le cœur d'un astre, un peu à la manière d'une échographie. La plus connue est sans doute la sismologie, qui utilise la propagation et la réflexion d'ondes, produites naturellement lors de tremblements de terre, ou générées à la demande par différents moyens (charge explosive, camions vibrateurs, etc., sachant qu'il en existe également d'autres, plus surprenants, que nous allons découvrir ici).

Depuis le début de l'exploration martienne, les planétologues ont bien entendu tenté de mettre en œuvre des techniques d'exploration géophysiques sur Mars. Ainsi, les atterrisseurs Viking embarquaient des sismomètres trois axes pour étudier la structure interne de Mars et le niveau de l'activité sismique de la planète, mais ces derniers, boulonnés sur la plateforme des sondes, n'ont malheureusement pas donné les résultats attendus, comme nous le verrons en détail plus loin. De plus, dès qu'une sonde équipée d'un transmetteur radio se pose avec succès sur Mars, des expériences de géodésie peuvent être tentées (ce fut par exemple le cas avec Pathfinder). Enfin, les sondes en orbite, comme Mars Global Surveyor, ont également permis d'obtenir des informations intéressantes concernant la structure interne de Mars, mais de nombreuses inconnues demeurent.

La connaissance de la structure interne de Mars est fondamentale pour tenter de comprendre pourquoi, très tôt après sa formation, la planète rouge s'est écartée du chemin suivi par sa sœur jumelle, la Terre. On peut donc logiquement se demander pourquoi des efforts plus importants n'ont pas été consacrés à un sujet aussi fondamental que l'étude de l'intérieur de la planète Mars. En réalité, ces efforts ont bien eu lieu, mais les difficultés liées à l'exploration spatiale les ont réduits à néants. Un prototype d'un sismomètre avait ainsi été embarqué sur les atterrisseurs de la sonde Mars 96, qui a dramatiquement échoué à quitter l'orbite terrestre lors de son lancement. L'instrument fut proposé pour d'autres projets spatiaux, dont plusieurs martiens (MarsNet, InterMarsNet, NetLander, première version d'ExoMars), qui ne se sont hélas jamais concrétisés. Reste qu'à chaque fois, des améliorations étaient apportées au sismomètre en question, dont les équipes françaises en charge de sa conception ont attendu patiemment qu'une énième occasion se présente. Ce sera InSight.

L'impressionnante maitrise acquise par la NASA dans le domaine des atterrissages sur Mars, parfaitement illustrée par l'exploit réalisé avec le rover Curiosity, ainsi que l'utilisation d'une plateforme au comportement éprouvé (Phoenix) devrait offrir à InSight de bonnes chances de succès, tout en ayant permis de diminuer les coûts de conception et de tests. La structure de la sonde, architecturée autour de la plateforme de l'atterrisseur statique Phoenix, elle-même tirée de celle de la sonde Mars Polar Lander, a effectivement déjà été testée, qualifiée, et validée en conditions opérationnelles sur Mars. Les instruments qui seront déployés sont par contre novateurs, tout comme la science qui sera réalisée.

Il y a fort à parier que la mission InSight soit moins connue ou suivie de la part du public, car elle ne produira que peu d'images, à l'instar de la mission américaine MAVEN, entièrement dédiée à l'étude de l'atmosphère martienne, et qui n'embarque aucune caméra. Il est évident qu'un sismogramme est moins parlant, pour un non-spécialiste, qu'une photographie, et dans le champ de la géologie, la géophysique a toujours été un domaine un peu aride pour ceux qui ne ressentent pas une attirance particulière pour les mathématiques et la physique. Il n'en reste pas moins qu'InSight s'attaque à des éléments clés de la planétologie, et même si elle ne résoudra pas le mystère des origines de la vie, un sujet aussi ambitieux que médiatique, elle devrait marquer d'une pierre rouge l'avancée de nos connaissances sur Mars.

Objectifs scientifiques

InSight (un acronyme qui signifie Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport) représente la douzième mission du programme Discovery de la NASA, auquel appartenait également la sonde martienne Pathfinder. Ce programme regroupe des missions peu onéreuses, dont le coût ne dépasse pas 450 millions de dollars (hors lancement), et dédiées à l'exploration du système solaire.

Si InSight n'est clairement pas une mission à visée exobiologique, ce qui pourrait surprendre de prime abord, tant la recherche de traces de vie passées ou présentes semble constituer le fil rouge de l'exploration martienne, elle va néanmoins répondre à des interrogations fondamentales. Son but est effectivement de comprendre comment la planète Mars s'est formée il y a 4,5 milliards d'années, et comment cette dernière a ensuite évolué pour devenir l'astre que l'on connaît aujourd'hui. Au travers de cette étude, c'est en fait les mécanismes de formation et d'évolution de toutes les planètes telluriques du système solaire qui sont ciblés.

Si la formation des planètes du système solaire interne est connue dans les grandes lignes, de nombreuses inconnues demeurent. Comme la Terre, la planète Mars est née il y a environ 4,6 milliards d'années, dans le nuage turbulent de poussières qui entourait notre jeune étoile, le soleil. La collision et l'agrégation d'un nombre considérable de fragments rocheux, les planétésimaux, ont donné naissance à une sphère de grande taille en fusion, et dont la gravité ne cessait d'attirer d'autres objets, astéroïdes et comètes, qui venaient donc, collision après collision, augmenter encore son diamètre.

La chaleur dégagée par les chocs innombrables amorce alors un mécanisme fondamental de la formation des corps planétaires, que les planétologues nomment différentiation. A l'origine, les planètes s'assemblent à partir d'un mélange de base constitué de matériel météoritique, de glace et de différents gaz. Sous l'effet de l'échauffement, cette soupe va subir une transformation radicale. Les éléments métalliques contenus dans les matériaux accrétés, fer en nickel en particulier, se séparent du reste, et, sous l'effet de la gravité, tombent vers le centre de la protoplanète pour former un noyau métallique. Celui de Mars serait globalement similaire à celui de la Terre, même si les spécialistes estiment qu'il devrait être plus riche en soufre. En admettant que les deux planètes, la Terre et Mars, se soient formées à l'endroit où elles se trouvent aujourd'hui, et qu'elles ne se soient pas déplacées après leur formation dans le système solaire (en se rapprochant ou en s'éloignant du soleil par migration), Mars s'est assemblée dans un secteur de la nébuleuse primordiale situé plus loin du soleil que la Terre. Ce dernier était chalcophile, c'est à dire riche en soufre. Comme cet élément présente une certaine affinité avec le fer et le nickel, une certaine partie est descendue dans le noyau. La planète rouge possède un rapport particulier avec le soufre (ce qui, il faut l'avoue, se marie bien avec sa nature très "volcanique"), car comme nous le savons maintenant, cet élément est également très bien représenté à sa surface, en particulier sous la forme de sulfates, découverts par les rovers au sol (Opportunity, et dans une moindre mesure Spirit), puis cartographiés par les spectromètres infrarouges des sondes en orbite (Mars Express et Mars Reconnaissance Orbiter).

Tandis que le fer et le nickel s'enfoncent dans les profondeurs de la planète pour former le noyau en compagnie du soufre, les éléments les plus légers, les silicates (composés formés par l'union du silicium et de l'oxygène, et d'un ensemble d'autres éléments comme l'aluminium, le sodium et le potassium), s'assemblent en surface comme une écume, qui, en refroidissant, donnera naissance à une croûte (ou écorce) assez mince. Les gaz volatils s'échappent par l'intermédiaire des innombrables bouches volcaniques qui percent l'écorce, et s'accumulent pour former une atmosphère. Pour que cette dernière deviennent permanente, il faut que deux grandes conditions sont respectées : la gravité de la planète doit être suffisante pour empêcher les constituants volatils de se carapater dans l'espace, et deuxièmement, l'astre doit posséder un champ magnétique (émanant du noyau), qui fait office de bouclier et empêche les flux de particules énergétiques venant du soleil et du cosmos d'abraser la fragile atmosphère en formation, dont les gaz mobiles, encore une fois, ne demandent pas mieux que de partir vagabonder dans le milieu spatial.

Enfin, entre la croûte silicatée et le noyau métallique dense s'installe une couche que l'on appelle le manteau. Celui-ci est principalement constitué de minéraux riches en fer, en magnésium et en calcium. Suivant la taille de la planète, le manteau sera plus ou moins homogène. Pour les petits corps, comme la Lune, le manteau est considéré comme uniforme. Pour des planètes de taille importante, comme la Terre, il devient stratifié. A son niveau, les différences de température et de pression sont effectivement telles que des couches de densité et de composition minéralogiques différentes s'individualisent. Les géophysiciens découpent alors le manteau en un certain nombre de discontinuités de phase. Certaines sont très importantes, car elles pourraient permettre la convection du matériel mantellique, qui n'est pas dur comme de la roche ou liquide comme de la lave, mais qui forme plutôt une espèce de pâte solide, chaude et ductile plus ou moins visqueuse.

L'apparition d'une convection dans un manteau planétaire joue un rôle fondamental sur le destin de la planète, car elle donne naissance au mécanisme de tectonique de plaques. Comment une convection parvient-elle à se mettre en place au sein d'un manteau planétaire ? A l'interface du manteau et du noyau, un changement de température important a lieu, et des panaches de matériaux plus fluide peuvent se former et commencer leur ascension vers la surface, un peu comme les sphères colorées des lampes à lave qui décorent peut-être votre lieu de vie. Si le manteau est homogène, la bulle de matière va finir par se refroidir et s'immobiliser, ou atteindre simplement la surface. Maintenant, si le manteau est stratifié, un mécanisme très intéressant peut se produire. L'une des discontinuités de phase, la première rencontrée par notre bulle de matière, possède la propriété thermodynamique de libérer de l'énergie, elle est dite exothermique. Lorsque la bulle traverse cette barrière, des réactions minéralogiques s'enclenchent en produisant de l'énergie, qui réchauffe encore plus notre matériel déjà chaud, accélérant sa remontée et augmentant également son instabilité. Là où les choses deviennent fascinantes, c'est que plus haut, la bulle va rencontrer une autre couche qui possède des propriétés inverses : thermodynamiquement, elle n'est pas exothermique, mais endothermique. Elle absorbe de l'énergie. Quand la bulle arrive à son niveau, les réactions minéralogiques vont consommer de l'énergie au lieu d'en produire. Le matériel se refroidit, devient plus dense que le milieu environnant, et retombe lentement dans les profondeurs, jusqu'à ce qu'il atteigne à nouveau la première couche exothermique, qui va alors le réchauffer, ce qui diminuera à nouveau sa densité, et le renverra vers le haut. Certains géophysiciens contestent ce mécanisme, et estiment que la convection mantellique peut simplement être provoquée par l'existence d'un gradient thermique suffisant, c'est à dire de la simple différence de température entre le centre de la planète et sa surface.

Comme nous l'avons mentionné, la convection est totalement liée au mécanisme de tectonique de plaques, c'est son moteur. En constatant que l'Afrique semblait s'emboiter dans l'Amérique du sud, Alfred Wegener proposa en 1912 l'idée folle que les continents terrestres se déplaçaient à la surface du globe, mais ce visionnaire, qui avait découvert là le plus important phénomène géologique de notre planète, fut moqué et dénigré par les physiciens et géophysiciens de l'époque, car il ne pouvait identifier la source de cette dérive des plaques. L'ironie du sort veut que ce soit ces mêmes géophysiciens qui, en étudiant les étranges zébrures magnétiques de la croute océanique, finissent par découvrir que Wegener avait raison. Cependant, la convection mantellique est également fondamentale pour un autre aspect, celui du champ magnétique. Effectivement, dans l'état actuel de nos connaissances, le champ magnétique d'une planète est produit par des mouvements de convection dans la partie liquide d'un noyau, et ce phénomène est connu sous le nom d'effet dynamo. Cependant, pour que cette dynamo s'active, il est nécessaire que la planète présente un gradient de température suffisant entre le noyau et le manteau. Ce dernier a plus de chance d'exister lorsqu'une convection mantellique a lieu simultanément.

Résumons un instant ce qui vient d'être dit. Après leur accrétion, les planètes subissent un mécanisme de différentiation, qui consiste en une ségrégation des éléments métalliques au cœur de la planète pour former un noyau, tandis que les éléments légers flottent en surface et refroidissent en croûte. Le dégazage produit l'atmosphère, et un champ magnétique s'active par effet dynamo au niveau du noyau. La question que l'on peut maintenant logiquement se poser, c'est pourquoi, en dépit d'une taille similaire, la Terre et Mars sont si différentes ? Que s'est-t-il donc passé pour que Mars suive un chemin aussi différent que notre planète, alors que les deux astres sont sortis de la même nébuleuse, à une distance similaire du jeune soleil ?

C'est à cette question essentielle que la mission InSight doit répondre. Tout ce que l'on sait, c'est que si l'histoire de la Terre est celle d'un triomphe aux dimensions cosmiques, l'histoire de Mars est celle d'une tragédie. Destin terrible que celui de cet astre, qui a bénéficié du même départ que la Terre, mais dont la vitalité et le potentiel ont été coupés net, laissant le corps planétaire à l'agonie. Aujourd'hui, Mars n'est plus qu'un vaste désert froid, mélancolique et monotone, une surface figée depuis des milliards d'années sous une couche de poussière rougeâtre et collante. Très tôt dans son histoire, son champ magnétique s'est éteint, son atmosphère a disparu, l'eau liquide a cessé de couler, les volcans se sont tus. Que s'est-il passé à l'intérieur ? Qu'est ce qui n'a pas marché ?

A l'heure actuelle, nos connaissances de la structure interne de Mars sont pour le moins floues. Les planétologues estiment que le noyau de la planète, qui mesurerait environ 1700 km de rayon est probablement encore liquide, peut-être d'ailleurs à cause de sa richesse en soufre, mais rien n'est moins sûr. InSight doit permettre de préciser les dimensions du noyau planétaire, et déterminer avec certitude son état, solide ou liquide, ainsi que sa densité. Concernant le manteau, là aussi InSight va fortement contribuer à mesurer son épaisseur, sa composition, ainsi que sa vitesse de déplacement. L'épaisseur de la croute sera bien mieux caractérisée (pour l'instant on estime que cette dernière varie de 30 à 100 km), tout comme sa structure. Enfin, la sonde devrait apporter de nombreuses données concernant la mesure du flux thermique, de l'activité sismique, et du taux d'impacts des météorites. Les données sur la structure de la croûte, la localisation des séismes, ainsi que la détermination de l'état liquide ou solide du noyau seront entièrement nouvelles en planétologie. Pour les autres points (épaisseur de la croute, épaisseur du manteau et vitesse de déplacement, taille du noyau et densité, activité sismique), les gains seront multipliés par un facteur de 3x à 10x par rapport aux données obtenues précédemment.

Les découvertes qu'InSight réalisera sur Mars éclaireront d'un jour nouveau notre connaissance des autres planètes du système solaire. Et parmi les Terres du ciel, la planète rouge occupe, encore une fois, une place à part. Effectivement, la Lune possède un diamètre trop faible pour être intéressante : son noyau est minuscule, et son manteau est homogène. La Terre est abondamment étudiée de l'intérieur grâce à des milliers d'instruments (sismomètre, gravimètre, etc.) reliés en réseau, mais l'agitation convective du manteau, et le mécanisme de tectonique de plaques associé, ont effacé bien des traces de son histoire passée. Il serait possible de poser des sismomètres sur Vénus, mais la croûte de cette planète est remodelée en permanence par une intense activité volcanique, et les conditions qui règnent à sa surface, en particulier les températures, 460°C environ, ont fait fondre les rares sondes russes qui ont eu l'audace de s'y poser. La planète Mercure est plus petite que Mars, et sa proximité avec le soleil rend également les choses difficiles. Mars, du point de vue de la géophysique spatiale et de la planétologie comparée, possède au contraire bien des avantages. La planète est suffisamment massive pour avoir connu tous les mécanismes qui ont façonné l'intérieur de la Terre, mais l'absence de tectonique de plaques lui a permis de conserver intactes les traces de ces derniers. La planète rouge constitue donc un témoignage inestimable des forces qui président à l'assemblage des planètes, et qui, d'une façon que nous ne comprenons pas encore totalement, semblent décider de leur destin.

Sismologie martienne : Un pionnier nommé Viking

Comme indiqués en introduction, les atterrisseurs Viking furent les seuls à avoir tenté de réaliser des mesures sismiques sur la planète rouge, il y a de cela 40 ans. Chaque atterrisseur était équipé d'un sismomètre sophistiqué trois axes, pesant 2,2 kg et consommant 3,5 watts, et dotée d'une sensibilité de 2 nanomètres à 3 Hz, et de 10 nanomètres à 1 Hz. Ceux-ci, construits par la société Bendix Aerospace Systems Division, n'ont malheureusement pas donné satisfaction. Leur capacité à détecter des séismes martiens fut effectivement grandement compromise par le fait que, monté sur le pont supérieur des atterrisseurs, ils étaient perturbés par l'activité mécanique des systèmes de bord et les tressautements continuels provoqués par les rafales de vent.

Premier revers, l'instrument embarqué sur Viking 1 ne fonctionna tout simplement pas. Les sismomètres étant par définition des appareils très sensibles, il est nécessaire de les protéger du niveau extrême de vibrations qui caractérise les missions spatiales, en particulier à certaines étapes comme le lancement, la séparation en orbite ou encore l'atterrissage. L'armature des sismomètres des Viking était donc verrouillée mécaniquement pour empêcher les parties mobiles de bouger. Une fois la sonde posée au sol, un dispositif permettait de déverrouiller l'instrument, par passage d'un courant électrique dans un câble qui voyait alors sa résistance mécanique diminuer au point de finir par céder. Hélas, malgré de multiples essais, et pour une raison qui demeure inconnue, le sismomètre de Viking 1 ne put jamais être déverrouillé, ce qui l'empêcha de jouer son rôle. Des deux orbiteurs et des deux atterrisseurs de cette mission exceptionnelle, ce fut d'ailleurs le seul système défectueux.

L'atterrisseur Viking 2 eu plus de chance, du moins en début. Son sismomètre put être mis en fonction du premier coup, et commença à acquérir des données. Cependant, les scientifiques durent bientôt se rendre à l'évidence : l'instrument, fixé sur le pont de la sonde, enregistrait de nombreuses vibrations parasites. Non seulement celles liées à l'activité de la sonde (et qu'il était alors heureusement possible de prévoir), comme la rotation de l'antenne grand gain et des caméras, les mouvements du bras robotique, le versement des échantillons dans le godet du spectromètre à fluorescence X (XRFS), l'enregistrement des données par le magnétophone, mais aussi, plus embêtantes, celles liées aux vents. Effectivement, la plupart des vibrations enregistrées par l'instrument venaient de l'écoulement de l'air sur la plateforme des Viking, et dans une moindre mesure, au passage des tourbillons de poussière, ou dust devils.

Le couplage avec la surface rendait certes les mesures sismiques possibles quand l'activité éolienne était faible (inférieure à 2 ou 3 m/s), par exemple durant la nuit (de minuit à six heures du matin), mais durant la journée, le bruit de fond lié aux vents était souvent trop important. Les pieds des atterrisseurs, trop raides, n'amortissaient pas assez les sautes de pression. C'est ainsi que sur toute la période de fonctionnement de l'instrument, soit 560 sols (ou journées martiennes), un seul événement sismique local fut peut-être détecté sur le site d'Utopia Planitia au cours du sol 80. Cependant, en l'absence de données météo à ce moment-là, les géophysiciens ne sont toujours pas convaincus qu'il ne s'agissait pas là encore d'une rafale de vent. De plus, le sismomètre de Viking 1 étant non opérationnel, il n'a pas pu confirmer le séisme ou permettre de préciser sa localisation. Ce point est important, car la séismologie est une science qui demande, pour des résultats optimaux, le déploiement de plusieurs stations reliées en réseau. Nous verrons plus loin comment la sonde InSight tentera de contourner sa solitude à la surface de Mars d'un point de vue géophysique.

Ainsi, de manière paradoxale, le sismomètre de Viking 2 fonctionnait mieux en tant qu'instrument météorologique qu'en tant que sismomètre proprement dit. Les données qu'il récoltait sur l'activité éolienne autour du site d'atterrissage étaient effectivement meilleures que celles acquises par les capteurs météo de l'atterrisseur ! Ce n'est pas exactement à quoi s'attendaient les géophysiciens impliqués dans la mission Viking.

Le responsable de l'instrument, Don Anderson (Caltech) avait à l'époque des mots assez durs pour décrire Viking. Il considérait en effet que la mission était mal conçue depuis le début, tout comme la façon dont la science allait être menée. Alors que dans le passé les scientifiques concevaient les expériences et les instruments, sur Viking, les scientifiques choisis n'avaient que peu de compétences dans le domaine expérimental, et aucun dans le domaine de l'instrumentation. Ceux qu'Anderson montraient du doigt étaient les exobiologistes, qui certes s'attelaient à une question fondamentale, celle de l'origine du vivant, mais n'avaient aucune idée de la façon dont il fallait procéder. Ces derniers étaient effectivement incapables de concevoir du matériel, de le tester et de le livrer, ceci en temps et en heure, et pour un coût raisonnable. L'objectif prioritaire de Viking était effectivement la recherche de traces de vie, et l'expérience de séismologie était vue comme secondaire, ce qui explique que l'équipe en charge de l'instrument ne put trouver la place ou les crédits pour implémenter un instrument déployable au sol, ce qui lui aurait permis d'être découplé de l'activité perturbatrice de la plateforme Viking.

Cette problématique reste actuelle, et suscite toujours bien des tensions au sein de la communauté scientifique. L'intense fascination qui entoure Mars est fortement liée à la question de nos origines, et à celle de l'existence d'autres formes de vie, microbiennes ou évoluées, dans le système solaire et l'Univers. Cette thématique, à laquelle le public est très sensible, explique l'orientation exobiologique de la majorité des missions martiennes. Si l'on peut se réjouir de cette situation, il faut avoir conscience qu'elle est aussi, revers de la médaille, une sorte de malédiction pour les autres disciplines, comme la climatologie ou la géophysique. Il peut effectivement être surprenant, voir choquant, de constater qu'aucun sismomètre n'a réussi à trouver une place dans une mission vers Mars depuis maintenant 40 ans, si l'on met de côté la malheureuse tentative de Mars 96.

La sonde InSight

Comme nous l'avons déjà mentionné en introduction, la sonde InSight hérite du travail réalisé sur l'atterrisseur Phoenix, qui réutilisait la structure de l'atterrisseur Mars Surveyor 2001, annulé après la perte dramatique de l'atterrisseur Mars Polar Lander, auquel il ressemblait comme deux gouttes d'eau. On le voit, la plateforme de la sonde InSight a donc déjà derrière elle une longue histoire, et il en est de même pour son sismomètre. L'avionique de la sonde est également similaire à celui développé spécialement pour la sonde Mars reconnaissance Orbiter.

Pour l'instant, les détails précis concernant la sonde ne sont pas connus (en tout cas je n'ai rien trouvé lors du travail de recherche bibliographique sur Internet), et j'ai donc repris ci-dessous, à titre temporaire, la description de l'atterrisseur Phoenix. Cette section sera mise à jour dès que j'aurai obtenu plus d'informations sur l'atterrisseur lui-même.

Structure

La sonde InSight se compose d'un étage de croisière de 2,64 mètres de diamètre et de 1,74 mètre de hauteur, équipé de panneaux solaires. Son rôle est d'assurer le transport vers Mars d'une capsule contenant l'atterrisseur soigneusement replié sur lui-même à la manière d'un origami, et composée de deux parties qui jouent respectivement le rôle d'une boite et de son couvercle : un bouclier arrière de 110 kilogrammes et un bouclier thermique de 62 kilogrammes. La société Lockheed-Martin Space Systems basée à Denvers, dans le Colorado, est responsable de la conception et de l'assemblage de l'atterrisseur.

Comme son nom l'indique, l'étage de croisière a pour fonction d'assurer le transfert de la sonde entre la Terre et Mars, pendant les six mois nécessaires à la traversée de l'espace interplanétaire séparant les deux planètes. Il est responsable des manœuvres de correction de trajectoire (TCM), de l'alimentation électrique et des communications radio.

L'atterrisseur proprement dit se présente sous la forme d'une plateforme de 1,5 mètre de diamètre, pensant 350 kilogrammes et reposant sur trois pieds. Celui-ci embarque une charge utile composée de trois instruments scientifiques.

Intelligence embarquée

L'ordinateur de bord de la sonde est architecturé autour d'un processeur RAD 6000, une puce similaire à celle utilisée sur d'anciens modèles de PowerPC, et qui est en particulier durcie pour résister aux conditions extrêmes de l'espace (l'un des plus grands dangers venant des radiations, qui peuvent provoquer des accidents désastreux lorsqu'elles frappent les registres mémoires des microprocesseurs et autres composants électroniques). InSight embarque 74 mégaoctets de mémoire vive, ainsi que de la mémoire flash pour stocker les données.

Propulsion

La sonde InSight est équipée d'une vingtaine de propulseurs brûlant de l'hydrazine. Les quatre premiers permettent d'ajuster l'orientation de la sonde dans l'espace, et serviront également au moment de l'atterrissage, lorsque la sonde devra pivoter pour positionner son bouclier thermique dans la bonne position lors de son entrée balistique dans l'atmosphère martienne. Leur poussée est de 4,4  newtons.

Un jeu de quatre autres fusées permet aux navigateurs de la NASA de modifier la trajectoire d'InSight quand cela se révèle nécessaire (en particulier lors des manœuvres de correction de trajectoires qui doivent être effectuées à intervalles réguliers au cours de la croisière vers Mars). Plus puissantes, elles expulsent leurs gaz avec une force de 15,6 newtons.

Enfin, douze autres rétrofusées pulsées, développant chacune une poussée de 293 newtons, portent la lourde responsabilité de freiner InSight durant les dernières trente secondes de sa descente vers la planète rouge et de la stabiliser dans les trois axes de l'espace. Ils permettent également à la sonde d'effectuer une manœuvre d'évitement du parachute. Durant l'étape finale de l'atterrissage, un radar de descente permet de mesurer en continu la distance et la vitesse par rapport à la surface martienne.

Alimentation énergétique

Comme de nombreuses sondes martiennes (Curiosity représentant une exception avec son RTG), InSight tire son énergie de deux panneaux solaires qui se déploient à la manière d'un éventail, et qui forment alors comme des pétales de chaque côté de la plateforme de l'atterrisseur. Chaque aile est formée par un décagone circulaire d'une surface de 2,1 m2. Les panneaux solaires sont connectés à une paire de batteries lithium-ion. Durant le voyage vers Mars, les panneaux photovoltaïques sont repliés à l'intérieur de la capsule formée par le bouclier arrière et le bouclier thermique, et ne peuvent donc remplir leur rôle. C'est pourquoi l'étage de croisière est également équipé de deux panneaux solaires rectangulaires.

Communications

Durant son voyage vers Mars, InSight restera en contact avec la Terre grâce à une antenne à gain moyen fonctionnant en bande X (8 à 12 GHz). En cas de dysfonctionnement, deux antennes à faible gain, l'une servant pour les transmissions, et l'autre pour la réception, pourront prendre le relais. Les amplificateurs et les transpondeurs sont également redondés.

Au moment de l'atterrissage, les signaux radios seront principalement transmis en ultra haute fréquence (UHF, 300 MHz à 1000 MHz) par plusieurs antennes à différents orbiteurs martiens (Mars Odyssey, Mars Reconnaissance Orbiter, MAVEN et Mars Express), dont la trajectoire aura été ajustée pour l'occasion. Une première antenne se trouve sur le bouclier arrière, et permet de couvrir la première phase de l'atterrissage, depuis l'éjection de l'étage de croisière jusqu'à la séparation du parachute. Une seconde antenne UHF, montée sur la plateforme de l'atterrisseur, couvrira ensuite la phase finale de la descente, et servira, une fois la sonde au sol, pour la transmission quotidienne de données télémétriques et scientifiques aux satellites de télécommunication martiens. Une troisième antenne UHF est présente pour des raisons de redondance.

Lors de son lancement, lnsight sera accompagné par deux microsatellites Mars Cube. De la taille d'une petite valise de type bagage cabine, totalement autonomes, ils voleront en formation derrière la sonde, et auront pour objectif de couvrir la phase d'atterrissage sur la planète Mars.

Navigation

Pour pouvoir se repérer dans l'immensité de l'espace interplanétaire, InSight est équipé d'un capteur stellaire, une sorte de sextant moderne capable, en comparant la position des étoiles observables dans son champ de vision avec des catalogues informatiques, de déterminer ses coordonnées. Ce capteur est assisté dans sa tâche par deux capteurs solaires, notre étoile constituant effectivement le phare naturel le plus visible du ciel.

D'autres équipements sophistiqués vont aider InSight à garder une position correcte, en particulier durant son plongeon vers la surface martienne. Ainsi, la sonde embarque une station de navigation inertielle, composée d'accéléromètres permettant de mesurer les changements de vitesse dans n'importe quelle direction de l'espace, et de gyroscopes lasers renseignant sur le moindre changement d'orientation.

Régulation thermique

Que ce soit au cours de sa longue croisière vers Mars ou une fois solidement plantée sur ses trois pieds dans le vaste désert glacé d'Elysium Planitia, InSight devra affronter des écarts de température extrêmes. Pour protéger ses délicats systèmes électroniques du froid, la sonde dispose de radiateurs, de sondes de température et de diverses protections thermiques. La structure métallique en nid d'abeille de la plateforme offre une bonne isolation, et la surface de l'atterrisseur est recouverte d'une couche à basse conductivité thermique.

Caméras techniques IDC et ICC

InSight étant une mission de géophysique, il ne faudra pas attendre de sa part d'images spectaculaires, comme celles que les missions les plus récentes nous transmettent presque quotidiennement, que ce soit depuis l'orbite (clichés de la caméra HiRISE de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter) ou la surface (images de la caméra MastCam de Curiosity). L'engin emporte cependant des caméras techniques (soupir de soulagement !), qui permettront de caractériser la géologie locale du site d'atterrissage, et surtout de pouvoir diriger les opérations de déploiement des instruments SEIS et HP3 par le bras IDA, qui doivent effectivement impérativement être déposés au sol avant de pouvoir acquérir des mesures (un déploiement impossible ou raté signifiant l'échec de la mission).

Les imageurs équipant InSight sont au nombre de deux. Comme son nom l'indique, le rôle de la caméra IDC (Instrument Deployment Camera) est de supporter l'installation des instruments SEIS et HP3 au sol. Immédiatement après le contact avec le sol, cette caméra a la charge d'acquérir des images stéréoscopiques en noir et blanc du site d'atterrissage, des instruments fixés sur la plateforme de l'atterrissage, et des secteurs ou la dépose des appareils de mesure, sismomètre et capteur de flux de chaleur, est envisagée. Similaire aux caméras NavCam des rovers Spirit, Opportunity et Curiosity, elle possède un champ de vision de 45° et un capteur CCD offrant une résolution de 1024x1024.

La seconde caméra, ICC (pour Instrument Context Caméra), est accrochée sous la plateforme de la sonde. Avec un champ de vision plus large que celui de la caméra IDC (120°), elle fournira des images supplémentaires qui aideront au déploiement des deux instruments de mesure. Cette caméra est basée sur les caméras d'évitement de dangers HazCam des rovers Spirit, Opportunity et Curiosity. Une caméra couleur fut un temps considéré, pour être abandonnée face à des considérations budgétaires.

Système de déploiement IDA

Le système de déploiement du sismomètre SEIS et du capteur de flux de chaleur HP3 (Instrument Arm Deployment) est un bras robotique d'un genre un peu spécial, qui fait partie du système de déploiement des instruments IDS (Instrument Deployment System), et qui est hérité de l'atterrisseur Mars Surveyor 2001. Pour s'accoupler aux différents modules à déposer (SEIS, bouclier thermique et éolien, HP3), le bras utilise un dispositif magnétique.

Mars Cube

L'atterrisseur InSight ne sera pas seul lors de son lancement depuis le centre spatial de Vandenberg en Californie en mars 2016. Si la sonde sera bel et bien l'unique occupant de la spacieuse coiffe du lanceur Atlas V, deux microsatellites de la taille d'un bagage cabine seront effectivement accrochés sous le dernier étage de la fusée. Leur éjection aura lieu après la séparation d'InSight, et les deux engins, appelés Mars Cube One (MarCO), voleront donc derrière en formation.

Totalement autonomes, ils disposent de panneaux solaires pour l'alimentation en énergie, d'un système de propulsion et d'antennes de télécommunication fonctionnant à la fois dans les bandes de fréquence UHF et X. Pour des raisons d'encombrement, l'antenne à grand gain, qui fonctionne en bande X, n'est pas parabolique, mais possède la forme d'une rectangle plat. Lorsqu'ils sont repliés sur eux-mêmes, les deux MarCO ressemblent à une valise rectangulaire de 37 centimètres de longueur, 24 centimètres de largeur et 12 centimètres de profondeur. Il est donc possible d'en transporter un avec soi en voyage sans le moindre souci. On n'arrête plus le progrès !

Bien qu'ils puissent modifier leur trajectoire durant le vol Terre- Mars grâce à des propulseurs, leur petite taille ne leur offre pas la capacité de se placer en orbite martienne, et ils se contenteront simplement de survoler la planète rouge, à l'instar des premières sondes d'exploration martienne Mariner envoyées il y a maintenant plus de cinquante ans. De nombreux microsatellites, souvent conçus par des étudiants, ont déjà été placés en orbite terrestre grâce au supplément de masse disponible lors de certains lancements, mais c'est la première fois qu'ils vont être testés dans l'espace interplanétaire.

L'objectif des Mars Cube est d'être aux premières loges lors de la périlleuse phase d'entrée, de descente et d'atterrissage (EDL) de la sonde InSight. Durant sa chute contrôlée vers la surface rouillée de Mars, l'atterrisseur va transmettre de nombreuses informations télémétriques en UHF à la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter (MRO), dont l'orbite aura été calculée pour lui permettre de survoler à ce moment-là le site d'atterrissage d'Elysium Planitia. Cependant, tant que Mars Reconnaissance Orbiter restera à l'écoute d'InSight, elle ne pourra pas simultanément retransmettre ce qu'elle capte à notre planète dans les fréquences de la bande X. Ainsi, sur Terre, les responsables de la mission devront patienter jusqu'à une heure après l'atterrissage pour recevoir la confirmation que celui-ci s'est bien déroulé. Un délai que certains ont jugé bien trop long ...

Contrairement à Mars Reconnaissance Orbiter, les microsatellites MarsCO peuvent à la fois écouter en UHF et retransmettre en même temps en bande X. Ils vont donc permettre de suivre en temps réel les événements qui se dérouleront sur Mars le 28 septembre prochain. InSight dispose donc de ses propres satellites relais pour l'aider à informer les contrôleurs au sol durant la période la plus critique de sa longue mission.

Les instruments scientifiques

InSight dispose de trois instruments principaux : le sismomètre SEIS, la sonde HP3 et le dispositif RISE. A l'aide de ces derniers l'engin va devoir répondre à un certain nombre d'objectifs scientifiques qui lui ont été assignés, et qui sont brièvement résumés ci-dessous :

  • Déterminer précisément la structure interne de Mars, pour permettre une meilleure compréhension des mécanismes de formation et d'évolution des planètes telluriques (à surface solide) de notre système solaire. Les points cruciaux à étudier sont :
    • La taille, la composition et l'état (solide ou liquide) du noyau planétaire.

    • L'épaisseur, la composition et la structure du manteau martien.

    • L'épaisseur et la structure de la croûte.

    • L'état thermique de la planète.

  • Etudier l'activité tectonique de la planète Mars (tremblements de Mars) : magnitude, fréquence et distribution géographique des séismes.

Sur une année martienne, les instruments devraient renvoyer vers la Terre environ 29 giga-octets de données. Ce volume important est lié au fait que le sismomètre est un instrument prévu pour fonctionner en continu, étant donné qu'il n'est pas possible de prévoir à l'avance la naissance d'un événement sismique.

SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure)

Le sismomètre passif SEIS (il s'agit des quatre premières lettres de SEISmometer, terme qui signifie sismomètre en anglais) est le fer de lance de la mission InSight. Son objectif est d'enregistrer les tremblements de Mars et les impacts météoritiques. Il bénéficie de nombreuses années de travail accumulées lors de la conception et de la fabrication des sismomètres embarqués sur les atterrisseurs de la mission Mars 96, ainsi que ceux qui avaient été envisagés pour la mission Netlander. C'est la première fois que la NASA embarque sur l'une de ses sondes martiennes un instrument principal - dont dépend le succès de la mission -, fabriqué par la France. Jusqu'à présent, notre pays avait certes contribué à des instruments phare, comme ChemCam ou SAM pour le rover Curiosity, mais n'avait jamais occupé ni accepté un rôle avec une telle exigence en terme de responsabilité.

Ce sismomètre de 3 kg est composée d'une sphère en titane dotée de trois capteurs sismiques (pour les trois dimensions de l'espace) longues périodes basse fréquence (appelé aussi très large bande, ou VBB) et ses capteurs de température associés, de trois capteurs sismiques dits à courte période (SP), avec, là encore, des capteurs de températures dédiés, d'une boite électronique permettant l'acquisition des données, d'un système de déploiement MDE/DPL, et enfin d'un logiciel de contrôle. Le qualificatif de passif indique que le sismomètre est dépendant, pour pouvoir ausculter l'intérieur de Mars, de sources externes d'ondes sonores (séismes naturels ou impacts de météorites). Le sismomètre SEIS est de type inertiel, et mesure l'accélération du sol. Comme c'est souvent le cas dans le domaine spatial, SEIS consomme très peu de puissance électrique, seulement 1 watt.

Les sismomètres sont des instruments particulièrement complexes. Les capteurs très large bande sont des pendules obliques, composé de façon très simplifiée d'un ressort auquel est fixé un poids. Lorsque le sol se met à trembler, le pendule se met en mouvement, et ces derniers sont captés par un ensemble d'électrodes fixées sur la partie mobile et la partie fixe (DCS) de l'appareil. Des circuits électroniques de proximité associés aux capteurs VBB transforment les caractéristiques électriques fournies par les électrodes du détecteur de mouvement (que les géophysiciens appellent la capacité) en tension qui est ensuite transmise à l'électronique d'acquisition. Un système d'asservissement du pendule, qui permet d'améliorer les performances de mesure, est rendu possible par la présence d'une bobine de contre-réaction, parcourue par une intensité variable qui dépend du déplacement du pendule. Un mécanisme de calibration permet aux géophysiciens d'équilibrer le pendule, avant la mise en route, en fonction des conditions rencontrées sur Mars (gravité, température, planéité de la surface, etc.). Sur SEIS, les capteurs sont inclinés à 120°, un positionnement qui permet de reconstituer la totalité du jeu de données pour les trois dimensions de l'espace si l'un des capteurs vient à cesser de fonctionner.

En plus des trois capteurs VBB, l'instrument SEIS embarque également des capteurs haute fréquence (courte-période) dont le rôle est d'offrir une redondance partielle en cas de problème avec les capteurs VBB. Là aussi, pour améliorer les mesures, un asservissement par boucle de rétroaction est mis en œuvre.

La sphère de SEIS est montée sur un cadre doté de trois pieds déployables et terminés par une pointe. Une fois en contact avec le sol, les pieds laisseront passer toutes les vibrations qu'ils recevront, pour propager celles-ci jusqu'à la sphère de mesure. Un système de nivellement sophistiqué permettra de placer le sismomètre à l'horizontal local, si le terrain est en pente, sachant que ce dernier ne pourra de toute façon pas être parfaitement plat. Des inclinomètres permettent de quantifier finement le nivellement de la surface. Par contre, la nature du sol (si ce dernier est poussiéreux, friable, meuble, sableux, ou au contraire induré, etc.) n'influencera pas les mesures. Effectivement, pour le sismomètre, les détails à l'échelle du millimètre, du centimètre, du mètre ne sont pas vus, et lors d'un séisme, le sol se déplace d'un seul tenant, quel que soit sa structure.

La sensibilité et la bande passante de SEIS (l'intervalle de fréquence auquel l'instrument peut répondre) est comparable aux meilleurs sismomètres terrestres. SEIS possède une sensibilité supérieure d'un facteur 3 ou 4 par rapport aux sismomètres envoyés vers la Lune par les missions automatiques Ranger puis par l'homme au cours des missions Apollo. Les sismomètres lunaires étaient capables de détecter des déplacements aussi petits que 0,5 angström (1 angström représentant un dixième de milliardième de mètre) de la surface lunaire (nous touchons là à des dimensions atomiques). En l'absence d'atmosphère (et donc de vents), du ressac des océans et de villes bruyantes, la pollution sonore est totalement absente sur la Lune, et des signaux très faibles, inaudibles sur Terre (100 à 1000 fois plus bruyante), pouvaient être captés. Notre satellite possède également un autre avantage. Etant donné que les règles de protection planétaire concernant la Lune sont très légères, il est effectivement possible d'y balancer un peu tout ce que l'on veut (anciennes sondes en orbite, étage supérieur des fusées) pour faire du bruit et réaliser des mesures actives de sismométrie, ce qui n'est absolument pas possible sur Mars. En comparaison, si la planète rouge ne possède pas de cités ni d'océans, les vibrations transmises par l'atmosphère diminue le seuil de ce qu'il est possible d'entendre, et l'environnement sera donc plus bruyant que celui de la Lune. Reste que SEIS sera plus performant que les sismomètres sélènes, avec une résolution de 10 picomètres (1 millième de milliardième de mètre, 1 angström étant égale à 100 picomètres).

La sensibilité d'un sismomètre, aussi bonne soit-telle, ne fait cependant pas tout, loin s'en faut. L'environnement où ce dernier est installé joue aussi un rôle considérable. Sur notre planète, les sismomètres sont installés sous terre, dans des caves sismiques, l'objectif étant de les isoler du mieux possible de vibrations parasites. Ces caves, installées par exemple au niveau d'anciens puits ou galeries de mines, sont des environnements ou la température et la pression sont très stables. Pour des raisons évidentes, l'installation de SEIS sur Mars ne pourra pas avoir lieu dans les mêmes conditions que sur Terre. Aucun ouvrage d'art ne peut bien entendu être construit là-bas par un engin robotique, et même si l'absence d'activité humaine fait de cette planète un véritable paradis de silence et de calme, le sismomètre doit être isolé du mieux possible des vibrations liées aux parties mobiles de l'atterrisseur (par exemple rotation d'une caméra, du bras, de l'antenne grand gain), des vents, etc. Nous avons déjà cité la problématique des sismomètres des Viking, qui n'étaient pas découplés des atterrisseurs.

Les sismomètres sont des instruments qui, d'une certaine manière, aiment méditer. Ils apprécient plus que tout le calme, le silence, la quiétude, le repos et l'immobilité. La sphère de titane de SEIS va fournir un environnement sous vide, dans lequel reposent les capteurs. Plusieurs dispositifs permettent de réduire au maximum les variations de température, auxquelles les sismomètres sont très sensibles, et qui sont significatif sur Mars (la planète offrant des contrastes frappants entre le jour et la nuit). La température sera enregistrée en permanence par des capteurs de température, pour permettre les corrélations.

Une fois placé délicatement au sol par le bras robotique IDA sous le contrôle des caméras techniques IDC et ICC, le sismomètre SEIS sera aussi recouvert par une sorte de chapeau chinois, dont le rôle sera d'isoler encore plus l'instrument des variations de température de la surface martienne, ainsi que des vents et des tourbillons de poussière (dust devils). Ce bouclier thermique et éolien de haute technologie, pensant plusieurs kilos et qui va jouer le rôle d'un cône de "silence", est conçu et fabriqué par le Jet Propulsion Laboratory (JPL). A l'intérieur du bouclier, les énormes amplitudes de température que connaît la surface martienne à l'équateur (environ 60°C entre le jour et la nuit) devraient être réduites à des variations de seulement 5 à 6°C, une belle performance. Petite anecdote, le bras robotique de la sonde Phoenix était capable de pelleter de la Terre, et il n'est pas impossible qu'InSight puisse elle-aussi essayer, pourquoi pas, d'enterrer SEIS et son chapeau sous un monticule de sol rouge après un certain temps !

Il est important de noter que malgré le niveau technologique de SEIS, la sismologie qu'il va permettre de réaliser sur Mars ne sera pas du tout comparable à celle qui est actuellement mise en œuvre sur Terre. D'abord parce que SEIS sera seul, alors que notre planète est couverte par un réseau de plusieurs milliers de stations sismiques. Ensuite, parce que les contraintes amenées par le spatial (capteur capable de résister aux vibrations du lancement et de l'atterrissage, aux radiations, installation dans des conditions non adéquates) font que le niveau attendu en terme de mesures ne peut pas être comparé à ce qui se fait sur Terre. Il faut ajouter que la calibration de l'instrument n'a rien d'évident. Effectivement, le champ de gravité, la sphéricité de la planète Mars, l'altitude à laquelle il va devoir fonctionner n'ont rien à voir avec ceux de la Terre. C'est pourquoi les résultats qu'InSight devrait engranger seront similaires à ceux obtenus dans les années 1920 sur Terre. Il s'agit d'une mission spatiale du 21ème siècle, qui, une fois sur le sol martien, réalisera de la science du 20ème siècle.

L'un des objectifs principaux du sismomètre SEIS est d'enregistrer les séismes, que ces derniers soient associés au refroidissement de la planète (un matériel qui se refroidit se contracte, accumule des contraintes, et peut finir par se casser), ou à une éventuelle activité volcanique de surface ou souterraine (détection des trémors, c'est à dire des vibrations qui accompagnent le déplacement du magma dans les chambres magmatiques et les cheminées avant une éruption). Grace à SEIS, les géophysiciens pensent ainsi être en mesure de détecter, par an, 1 à 2 grands séismes au niveau planétaire (magnitude 5,5), environ 10 séismes de magnitude moyenne (4,5) globaux ou régionaux, et enfin une centaine de petits séismes régionaux (magnitude 3,5).

Devant tous les efforts qui ont été consacrés à mettre au point un sismomètre planétaire, et ceux qui devront encore être réalisés pour permettre son déploiement à la surface de Mars, il est légitime de se demander ce qui se passera si la planète se révèle totalement morte d'un point de vue géophysique, et que les séismes s'y trouvent totalement absents, pour cause d'une activité interne depuis longtemps disparue. En fait, les chances que l'activité sismique martienne soit faible sont assez élevées (c'est d'ailleurs pour cela que le sismomètre des stations au sol de la mission Mars 96 avait été nommé Optimism, car il faut l'être pour vouloir faire de la géophysique martienne !).

Même dans une telle situation, qui est déjà en soi un résultat scientifique, le sismomètre SEIS devrait néanmoins pouvoir enregistrer d'autres bruits, comme des glissement de terrain ou mieux, des chutes de météorites, phénomène qui se produit régulièrement sur Mars, comme c'est le cas sur Terre. Les vibrations générées par les impacts serviront de source pour sonder les profondeurs de la planète, qui ne pourra donc pas échapper à la curiosité insatiable des géologues. InSight devrait pouvoir détecter environ 10 à 15 impacts par an capables d'excaver des cratères d'au moins 30 mètres de diamètre, et ce dans un rayon de 3000 kilomètres autour du point d'atterrissage. L'imagerie orbitale permettra alors de localiser précisément le lieu exact de la chute, et donc les coordonnées de l'épicentre. Le sismomètre SEIS pourra également mesurer les marées du plus gros des deux satellites de Mars, Phobos. A cause de sa proximité avec la surface martienne, ce dernier exerce effectivement une attraction sur la croute, qui se déforme alors de quelques millimètres. Enfin, l'appareil pourra aussi écouter des micro-bruits sismiques, comme les infrasons produits par l'atmosphère martienne.

Pour éviter de retomber dans le cas de figure de Viking 1, qui, comme nous l'avons vu plus haut, ne put déverrouiller son sismomètre de sa position de vol, la partie mobile de SEIS ne sera pas immobilisée durant le voyage entre la Terre et Mars, le risque lié à un déblocage incomplet ou impossible une fois sur Mars étant trop grand. Une autre technique a donc été mise en œuvre pour permettre à l'instrument de résister au niveau extrême des vibrations générées lors du lancement ou de l'atterrissage. Aussi étrange que cela puisse paraître, le stylet mobile de SEIS ne peut pas se déplacer de plus de ... 50 microns ! Lors d'un choc, l'énergie qu'il peut absorber est donc très limitée, car il arrive très rapidement en butée. Les ingénieurs n'ont donc eu qu'à se concentrer sur cette dernière, et s'assurer que son intégrité demeurera bien intacte tout au long du périple vers la planète rouge.

Il parait évident que la possibilité d'envoyer enfin un sismomètre sur Mars, après les débuts mitigés de ceux de Viking et les 40 années de disette qui ont suivi, remplit de joie les géophysiciens et planétologues. Cependant, il paraît également évident que s'ils en avaient eu les moyens, ils auraient pu faire encore mieux. Comme nous l'avons déjà mentionné, par définition, la sismologie est une science de réseaux. Plus le nombre de station est important, plus grande est la probabilité de pouvoir localiser avec précision un séisme par triangulation. Or, InSight sera très isolé à la surface de Mars, c'est le moins que l'on puisse dire. Les scientifiques ont donc dû mettre au point des solutions de contournement pour pallier à cet état de fait. Ainsi, la distance d'un séisme de magnitude relativement importante pourra être déduite du fait que les ondes sismiques qui se déplacent en surface depuis l'épicentre (ondes P) peuvent faire plusieurs fois le tour de la planète (parfois jusqu'à 10 fois, voire 20 fois de suite !) avant de perdre totalement leur énergie et de se dissoudre. En mesurant le temps écoulé entre le premier passage et les passages ultérieurs, la vitesse pourra être déduite, et donc la distance. L'interaction entre les ondes de surface P et les ondes de cisaillement S permettra également de préciser la position de l'épicentre.

L'instrument SEIS est conçu par l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), avec un support technique et financier du Centre National d'Etudes Spatial (CNES), et la collaboration d'autres partenaires (Allemagne, Suisse et Royaume-Unis). Les capteurs sont fabriqués par la société Sodern sous contrat.

HP3 (Heat Flow and Physical Properties Package)

L'instrument HP3 (prononcer "au cube") est une sonde de chaleur développée par l'Allemagne, dont l'objectif est de mesurer le gradient thermique de la planète, ce qui permettra de quantifier son refroidissement au cours du temps, depuis sa formation jusqu'à aujourd'hui

Pour réaliser ces mesures, HP3 va devoir s'enfoncer dans le sol, à la profondeur record de 5 mètres, soit bien plus profondément que tous les systèmes mécaniques (bras, foreuses) jamais envoyés sur la planète rouge. Une petite taupe, très similaire à celle embarquée sur l'atterrisseur britannique Beagle 2, va pénétrer la surface martienne grâce à un mécanisme à percussion électromagnétique : une petite masselotte coulissante va être propulsée vers l'avant par un champ magnétique, pour être ensuite ramenée en arrière histoire de pouvoir engager une nouvelle frappe. A chaque à-coup, le petit stylo rentrera un peu plus dans le sol. La taupe déroule derrière elle un câble électrique relié à l'atterrisseur, ainsi qu'un ruban souple bardé de capteurs de température positionnés à intervalles réguliers, tous les 35 centimètres.

La conductivité thermique du sous-sol de Mars, c'est à dire sa capacité à conduire plus ou moins efficacement la chaleur, sera déterminée en chauffant la taupe, et en mesurant la manière dont la vague de chaleur va alors se déplacer.

RISE (Rotation and Interior Structure Experiment)

RISE est une expérience de géodésie proposée par le Jet Propulsion Laboratory (JPL), responsable par ailleurs de la mission. L'objectif est d'utiliser les ondes radio émises en bande X par l'atterrisseur InSight, en particulier le décalage doppler des signaux, ainsi que le temps de transit, pour mesurer au mieux les mouvements très subtils de la rotation du globe martien (rotation propre, mais aussi précession des équinoxes et enfin nutation). La façon dont la planète oscille lorsqu'elle tourne sur elle-même dépend effectivement de la manière dont les éléments qui constituent son intérieur sont distribués. La géodésie donne accès au moment d'inertie, qui permet de calculer la densité d'un corps en rotation.

L'expérience RISE permettra en particulier de confirmer la nature, liquide ou solide, du noyau martien. Des mesures similaires ont déjà été réalisées sur Mars, mais les données obtenues n'avaient pas une précision suffisante pour pouvoir trancher. Il est probable que le noyau de Mars soit encore liquide, mais ce n'est pas une quasi-certitude. InSight apportera un troisième jeu de données, qui, couplés à ceux obtenus grâce aux atterrisseurs Viking et Pathfinder, permettra de répondre à cette question.

Il faut noter que pour ces expériences géodésiques, l'idéal serait là aussi de déployer à la surface de la planète rouge non pas une sonde, mais une multitude (au moins deux), sous la forme d'un réseau qui couvrirait le globe martien. C'était ce que proposait la mission Netlander, ainsi que, dans une moindre mesure, les micro-pénétrateurs Deep Space 2 embarqués sur la sonde Mars Polar Lander.

Station météorologique APSS

Comme toutes les sondes martiennes destinées à se poser en surface, InSight emmène avec lui une station météorologique complète (APSS, pour Auxiliary Payload Sensor Suite). Celle-ci, à forte contribution espagnole, est équipée de capteurs de température, d'un baromètre pour mesurer la pression atmosphérique (à 10 micro Pascal près) et d'un anémomètre pour étudier la vitesse et la direction des vents.

L'acquisition de données météorologique est importante en tant que telle, pour avancer dans la compréhension de la météorologie et climatologie martienne. Dans le cadre de la mission InSight, les informations recueillies serviront cependant aussi à corriger les données brutes des instruments de géophysique, en particulier le sismomètre, qui est très sensible aux vents. Même sous sa cloche de protection, SEIS enregistra quand même effectivement l'énergie transmise au sol par les vents, ainsi que les déformations très subtiles de la surface en réponse aux champs de pression.

Magnétomètre FluxGate

Le package APSS comporte aussi un magnétomètre (IFG, pour InSight FluxGate) dont le rôle sera de mesurer le champ magnétique local avec une précision de 0,1 nanotesla, et en particulier les perturbations magnétiques causées par l'ionosphère. C'est la première fois qu'un instrument de ce type est déposé au sol, à la surface de Mars.

Le site d'atterrissage

La région de Mars sur laquelle se posera la sonde InSight obéit presque exclusivement à des contraintes d'ingénierie. D'une certaine manière, les responsables de la sélection du site d'atterrissage ne recherchent qu'une chouette place de parking. Contrairement aux sites d'atterrissage de nombreuses autres missions martiennes, les considérations géologiques ou géomorphologiques n'ont ici que peu d'importance, au regard des objectifs scientifiques de la sonde. Seuls comptent les aspects liés à la sécurité. L'endroit sera donc sans doute très certainement monotone et désolé, l'essentiel étant qu'InSight se pose sans souci, et trouve sur place les conditions permettant le déploiement de ses deux instruments majeurs, le sismomètre et le capteur de flux thermique. C'est les profondeurs planétaires sur lesquelles la sonde vient se pencher, et non une région précise de la surface.

La sonde étant alimentée par des panneaux solaires, elle devra atterrir dans un secteur fortement ensoleillé, et ce tout au long de l'année, l'équateur étant alors idéal. L'altitude devra être suffisamment basse par rapport au niveau de référence (qui délimite l'altitude zéro en absence d'océans) pour que le freinage sous parachute puisse être efficace. Enfin, les terrains devront être plats, sans pentes importantes, peu caillouteux, avec un sol suffisamment dur, pour éviter tout enlisement, mais aussi suffisamment meuble, pour permettre le fonctionnement de l'instrument HP3, qui doit pouvoir s'enfoncer à 5 mètres de profondeur. Le sous-sol ne doit pas non plus contenir trop de cailloux, qui pourraient bloquer la taupe dans son parcours vertical.

En tenant compte des paramètres listés ci-dessus, une sélection a été effectuée parmi de nombreux candidats potentiels. Au départ, 22 sites avaient été retenus, pour laisser la place à seulement 4 finalistes, qui se trouvent tous dans la région de la plaine d'Elysium (Elysium Planitia). Dans la mythologie grecque, les champs élyséens représentaient le lieu de repos final pour les âmes des héros et des hommes ayant vécu une vie vertueuse (la toponymie martienne est assez poétique, ce qui fait d'ailleurs tout son charme). Cette région n'a pour l'instant jamais reçu la visite d'une sonde spatiale.

Excepté Elysium Planitia, les deux autres régions potentielles qui auraient pu accueillir InSight étaient les plaines d'Isidis (Isidis Planitia) et l'immense canyon de Valles Marineris. Ils étaient cependant trop rocailleux et venteux, sans compter que les reliefs du second, Valles Marineris, sont très accidentés. Les quatre finalistes sont actuellement étudiés avec un grand luxe de détails, principalement grâce aux données de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter. Le site d'atterrissage final devrait être annoncé sur peu.

L'ellipse d'incertitude (la zone ou la sonde a 99 % de chance d'atterrir) mesurera environ 130 km sur 27 km. Une dimension bien supérieure à celle du rover Curiosity, qui ne pose cependant aucun problème pour InSight. La sonde n'est effectivement absolument pas amenée à se déplacer, alors que Curiosity devait impérativement pouvoir sortir de sa zone d'atterrissage pour commencer véritablement sa mission scientifique.

Déroulement de la mission

L'histoire d'InSight a débuté en 2010, lors d'un appel à proposition lancé par la NASA pour sélectionner la douzième mission du programme Discovery. Un ensemble de 28 propositions ont été reçues par l'agence spatiale américaine, qui annonça en mai 2011 avoir retenu trois candidats parmi tous les participants en lice : une mission qui proposait d'envoyer une sonde flotter sur les océans d'hydrocarbures de Titan (Titan Mare Explorer, ou TIME), un satellite de Saturne où il faudra définitivement retourner un jour, après le succès de la mission européenne Huygens, Comet Hopper, dont l'objectif était d'atterrir plusieurs fois sur une comète (et de marcher ainsi sur les traces de Philae, l'intrépide atterrisseur de Rosetta, mission elle aussi européenne), et enfin InSight, qui s'appelait alors GEMS (Geophysical Monitoring Station,  station de surveillance géophysique), un nom que la NASA modifiera ensuite pour éviter la confusion avec un observatoire spatial fonctionnant dans le domaine des rayons X, et actuellement en cours de développement.

Les trois finalistes avaient reçu un financement de 3 millions de dollars pour mener une étude de concept, qui porte aussi le nom de phase A. Au cours de cette dernière, les équipes impliquées dans une mission donnée doivent prouver de la façon la plus convaincante possible que le projet est réalisable, à la fois en termes de budget, de planning, et de technologies. Le 20 août 2012, dans l'euphorie de la spectaculaire réussite de l'atterrissage de Curiosity (6 août 2012), InSight est choisi. Il n'est pas évident de savoir ce qui a motivé l'agence spatiale américaine dans son choix. L'exploit de Curiosity était dans tous les esprits, est avec lui l'espoir formidable de pouvoir continuer à lever le voile sur quelques-uns des grands mystères que la planète rouge garde encore pour elle. La réutilisation de la plateforme Phoenix, qui a déjà subi l'épreuve du feu en 2008 en se posant sur le pôle nord de Mars a sans doute été un facteur déterminant, non seulement pour des raisons de réduction de cout, mais aussi pour des questions de gestion du risque. Enfin, l'importance des questions scientifiques auxquelles InSight se propose de répondre a du peser fortement dans la balance.

A partir de septembre 2012 débutent les phases B/C/D. La phase B, qui prolonge la phase A, consiste en une définition détaillée. La conception de la sonde dans sa version définitive a lieu durant la phase C. Enfin, la construction proprement dite signe le démarrage de la phase D, qui englobe aussi la totalité des tests des sous-systèmes, leur intégration pour former l'engin final, qui est à nouveau entièrement testé avant sa livraison sur le pas de lancement.

La fenêtre de tir d'InSight s'ouvrira le 8 mars 2016, et se refermera le 27 mars 2016. La sonde partira du complexe de tir 3E du centre de lancement de Vandenberg en Californie, ce qui représente une exception dans l'histoire de l'exploration martienne, tous les engins américains étant jusqu'à présent été lancés depuis Cap Canaveral. Le lanceur retenu est une fusée Atlas-V, dans sa configuration 401 (coiffe de 4 mètres de diamètre, absence de propulseurs d'appoint latéraux et un seul moteur pour l'étage supérieur Centaur), qui fut récemment en œuvre pour lancer l'orbiteur martien américain MAVEN. Notons que la sonde InSight s'appuie sur une plateforme similaire à celles de Mars Polar Lander et Phoenix, qui s'étaient envolées vers Mars à bord d'un lanceur Delta II (respectivement 7425 et 7925).

La fusée Atlas-V devra injecter InSight sur une orbite de parking de haute inclinaison (45 à 50°), d'où elle s'élancera vers la planète rouge. La sonde suivra une orbite trans-martienne de Hohmann de type I, une trajectoire rapide qui lui permettra de rejoindre sa cible en un peu moins de 6,5 mois, en décrivant un arc de cercle de moins de 180° autour du soleil.

L'atterrissage est prévu pour le 28 septembre 2016. Le déroulement de cette phase extrêmement critique pour le reste de la mission sera similaire à celui de Phoenix. La plus grande partie de la vitesse injectée par le lanceur sera perdue par frottement avec l'atmosphère martienne, sous la protection d'un bouclier thermique. La descente continuera ensuite sous parachute. La phase finale sera pilotée par un radar altimétrique : après s'être séparée de son parachute, InSight allumera des grappes de rétrofusées, qui permettront de toucher la surface martienne en douceur (pour plus de détails sur les conditions d'atterrissage d'une sonde martienne, vous pouvez consulter avec intérêt le dossier intitulé la nuit du Phoenix).

Une fois au sol, la première action prise par l'atterrisseur sera de patienter, pour attendre que la poussière soulevée par les jets de gaz brulants des rétrofusées retombe au sol. Les panneaux solaires en oreille de Mickey pourront ensuite se déplier, tandis que l'antenne à grand gain sera pointée le plus rapidement et le plus précisément possible vers la Terre. Les opérations de surface sont prévues pour durer une année martienne, soit deux années terrestres (700 sols, ou jours martiens). Le déploiement des instruments de mesure, fondamental pour la réussite de la mission, est prévu pour s'étaler sur 60 sols, avec une marge de 20 sols en cas de besoin. Les premières données scientifiques devraient être recueillies au début de l'année 2017. La mission doit officiellement prendre fin le 18 septembre 2018, mais il est évident que si l'atterrisseur fonctionne encore à cette date, il ne sera pas désactivé, et une extension de mission sera alors votée.

Pour en savoir plus :

Go ! Liste de liens concernant InSight (page de bibliographie).

Les corps planétaires se forment par accrétion d'un grand nombre de fragments rocheux et glacés, que l'on appelle des planétésimaux. Sous l'immense quantité de chaleur dégagée à la fois par les impacts et par la décomposition radioactive de certains éléments chimiques (comme l'uranium, le thorium, le potassium), une bonne partie de l'astre entre en fusion. Le phénomène de différenciation peut alors rentrer en action, et séparer les éléments légers des éléments lourds. Les éléments légers se regroupent pour former une écume qui reste en surface. En refroidissant, elle constitue une croute rocheuse. Les éléments plus lourds s'accumulent dans le manteau, tandis que le fer et le nickel (mêlés à du soufre) s'enfoncent carrément dans les profondeurs de la protoplanète pour former un noyau. Enfin, les gaz volatils s'échappent par des bouches volcaniques qui percent la croute pour former une atmosphère. La vie et le destin d'une planète dépendent grandement de cette différentiation. Le fait que l'astre possède ou non des volcans actifs, une activité sismique, la composition de son atmosphère, la présence ou l'absence d'un champ magnétique (qui protège la surface des radiations solaires et cosmiques), tout cela est relié à la différentiation (crédit photo : NASA).

Structure interne de la planète Terre (en haut), de la planète Mars (au milieu), et de la lune (en bas). Les planètes et satellites telluriques du système solaire, qui possèdent donc une surface solide, sont composés, un peu à la manière d'une orange, d'une écorce très fine, qui occupe la surface (la croute), d'un manteau (couche de roches ductiles et chaudes) et d'un noyau métallique, qui peut être liquide ou solide. Notre satellite la Lune, très pauvre en fer, possède un tout petit noyau apparemment liquide (diamètre inférieur à 500 km), et son manteau n'est pas stratifié en couche de densités différentes. Au contraire, Mars à une structure interne similaire à celle de la Terre. Les deux planètes ont connu un épisode de fusion (océan magmatique) et de différentiation, qui a donné naissance à un noyau métallique de taille importante. La gamme de pressions qui s'exercent sur le manteau a permis la mise en place de couches de densités différentes. Le manteau martien serait principalement constitué d'olivine (silicates de fer et de magnésium) et d'oxyde de fer. Les géophysiciens y distinguent pour l'instant deux transitions de phase : la première, correspondant au passage de l'olivine en ß-spinelle, et une seconde lorsque la ß-spinelle se transforme en g-spinelle. Ces discontinuités de phase sont très importantes, car sur Terre, ce sont elles qui permettraient la convection du manteau (bien que cette théorie soit controversée). Après la différentiation, les deux planètes se sont ensuite refroidies par des mécanismes de conduction et/ou de convection. Pourtant, contrairement à notre planète, Mars n'a pas connu de tectoniques de plaques, et a donc conservé des traces de processus qui ont, sur Terre, été effacés. Il s'agit donc d'une cible capitale pour les planétologues qui tentent de mieux comprendre les mécanismes de formation des planètes du système solaire (Crédit photo : NASA).

En fonction d'un certain nombre de paramètres (diamètre, distance au soleil, températures et pressions internes), une planète donnée se structure d'une certaine manière, et ce rapidement, dans les premiers centaines de millions d'années de son histoire géologique. Si Mars possède une structure interne similaire à celle de la Terre, son destin est radicalement opposé. Alors que la Terre s'est transformée en un monde paradisiaque, permettant l'apparition puis l'évolution de la vie, Mars a pris un mauvais tournant, pour devenir un désert hostile et glacé. A un moment de son histoire, sans doute très rapidement, un grain de sable est venu bloquer la machinerie planétaire. Les volcans se sont tus, le champ magnétique a disparu, l'atmosphère s'est dissipée, et l'eau liquide a cessé de couler. Quelque chose, au moment de sa formation, a prédestiné Mars à ce destin funeste, celui d'un astre au potentiel brisé. C'est ce moment précis où tout a basculé de façon irréversible que les géophysiciens veulent identifier. (crédit photo : NASA).

Toutes les planètes telluriques du système solaire possèdent une structure interne similaire : tout au centre, un noyau métallique solide ou liquide, puis une couche plus ou moins épaisse, solide, ductile, que l'on nomme le manteau, et enfin une croute extrêmement fine, sur laquelle se déroule toutes les activités de surface, et qui est en contact avec l'atmosphère, si cette dernière existe. Contrairement à celle de la Terre, la vision géophysique de l'intérieur de Mars est encore floue. Les planétologues estiment que l'astre rouge possède un noyau métallique liquide dont le rayon est d'environ la moitié de celui de la planète. L'épaisseur de la croûte est mal connue, pour ne rien dire du manteau. La sismologie martienne en est donc dans ses balbutiements (crédit photo : NASA).

Les premiers sismomètres spatiaux ont été envoyés vers notre satellite la Lune, d'abord par les sondes Ranger 3, 4 et 5 (en 1962, mais aucune n'a réussi) puis surtout au cours des missions Apollo (Apollo 11, mais surtout Apollo 12, 14, 15 et enfin 16). Sur la Lune, l'acquisition de données sismiques était une évidence, contrairement à Mars, ou la recherche biologique l'a vite emporté (Crédit photo : NASA).

Les atterrisseurs Viking ont été les premiers engins robotiques à se poser sur la planète Mars, il y a de cela presque quarante ans, et les seuls à embarquer des sismomètres. Celui d'InSight est 100 fois plus sensible que ces derniers (Crédit photo : Don Dixon).

Données obtenues par le sismomètre de Viking 2 sur l'axe X durant le sol 23. Au grand dam des géophysiciens, son sismomètre s'est révélé plus utile en météorologie qu'en géophysique ! Monté sur la plateforme de l'atterrisseur, ce dernier a effectivement surtout mesuré les vibrations transmises par les vents. Le bruit de fond visible sur le graphique est dû à ces derniers. Les deux flèches indiquent le passage de tourbillons de poussière, qui n'ont par contre eu aucun effet sur l'axe mesuré. Le sismomètre de Viking 1 ne fonctionna pas, ce qui empêcha les corrélations entre les deux sondes (Crédit photo : Lorenz et Nakamura, 2013).

Ca va secouer ! La sonde InSight sera lancée par une fusée Atlas V, que l'on admire ici au décollage. La force hallucinante des vibrations durant une phase aussi violente fait courir des risques très importants à des instruments aussi sensibles que des sismomètres. L'ingéniosité humaine permet pourtant de les délivrer en état de marche à la surface de Mars. Le décollage d'InSight est prévu pour le mois de mars 2016 (Crédit photo : United Launch Alliance).

La sonde InSight sera accompagnée de deux anges gardiens, qui décolleront en tant que passager clandestin, et qui voleront en formation derrière la sonde. Au cours de l'atterrissage, les deux microsatellites relais MarCO retransmettront en temps réel à la Terre la télémétrie envoyées en UHF par l'atterrisseur (Crédit photo : NASA/JPL-Caltech).

La tête de Curiosity dépasse malicieusement devant le dôme du mont Sharp. Pourquoi pas un rover pour InSight ? Lors de la mission Phoenix, la NASA avait indiqué qu'il s'agirait très certain du dernier atterrisseur statique. Il s'agissait alors de réutiliser une plateforme déjà construite pour la mission Mars Surveyor 2001, annulée suite à la perte de Mars Polar Lander. Si la structure de la sonde n'avait pas déjà été à moitié construite, on aurait pu penser que la NASA aurait envoyé un robot mobile, pour faire suite au succès de Spirit et d'Opportunity, et à cause des avantages offerts par la mobilité. Cependant, pour une mission de géophysique, un rover est tout simplement inenvisageable, car un sismomètre ne peut absolument pas fonctionner en mouvement. Bien entendu, il aurait été possible de concevoir un instrument déployable, que le rover aurait déposé quelque part avant de s'éloigner définitivement à l'horizon. Cependant, dans ce cas de figure, le sismomètre aurait dû être totalement autonome pour son alimentation en énergie et les communications avec la Terre (crédit photo : NASA).

InSight est une station géophysique équipée d'un sismomètre capable de détecter des accélérations équivalentes à un milliardième de la gravité martienne, d'un capteur de flux de chaleur et d'une expérience de géodésie. L'objectif est d'appliquer des stéthoscopes pour prendre le pouls de la planète, si tant est que cette dernière possède encore un cœur qui bat (crédit photo : NASA).

La sonde InSight se posera sur le site d'Elysium Planitia, choisi pour des questions purement pratiques de gestion du risque lors de l'atterrissage, et de survivabilité une fois l'engin posé. Les curieux qui voudraient découvrir un nouveau paysage martien en seront pour leurs frais, Elysium risquant d'être très monotone et ennuyeux, ce qui est par contre parfait pour un sismomètre ! (Crédit photo : droits réservés).

L'ellipse d'incertitude d'InSight sur Elysium Planitia est (pour l'instant) centrée sur 4,5° de latitude nord et 136° de longitude est, et mesure 130 kilomètres de longueur pour 27 kilomètres de large (Crédit photo : NASA-JPL-Caltech).

Le sismomètre SEIS, fixé initialement sur le pont de l'atterrisseur, est déposé délicatement en surface par le bras robotique IDA, sous le contrôle de deux caméras techniques. Le bras ne peut pas déposer en même temps le sismomètre et son bouclier de protection, pour des questions de poids (crédit photo : NASA).

Une fois le sismomètre au sol, la sonde dépose sur ce dernier un bouclier de protection thermique et éolien, pour atténuer autant que possible les perturbations liées aux  changements de température et aux vents. Le bouclier joue donc le rôle d'une cave sismique. L'isolation thermique est réalisée grâce à l'utilisation d'un aérogel high-tech. Une jupe, disposée tout autour du bouclier, et non représentée ici, renforcera encore l'étanchéité (crédit photo : NASA).

Le capteur de flux de chaleur HP3 est ensuite posé au sol à distance du sismomètre. La représentation ci-dessus n'est en fait pas correcte, et HP3 sera en fait placé le plus loin possible de SEIS, pour éviter au maximum les perturbations ! (crédit photo : NASA).

Vue interne du capteur de flux de chaleur HP3 avant pénétration du sol. On distingue en haut le ruban scientifique, qui possède des sondes de température, et en bas le ruban technique, qui assure la connexion électrique entre l'instrument et l'atterrisseur InSight (crédit photo : NASA).

Le pénétrateur de l'instrument HP3 présente un design similaire à celui de la taupe Pluto de l'atterrisseur britannique Beagle 2. Le système de percussion est composé d'une masselotte propulsée vers l'avant par des bobines magnétiques, puis ramenée en arrière avant un nouveau cycle (crédit photo : NASA).

A cause des mesures de protection planétaire, et contrairement à la Lune, les géophysiciens ne peuvent pas balancer des trucs lourds sur Mars pour faire du bruit (anciens sondes, étages de fusées). En cas d'absence d'activité sismique naturelle, ils comptent donc sur des impacts de météorites. InSight devrait pouvoir bénéficier d'une quinzaine d'impacts dans un rayon de 3000 km autour du site d'atterrissage (16 à moins de 2000 km et 4 à moins de 400 km). L'image ci-dessus, prise par la caméra HiRISE de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, montre un cratère très récent de 30 mètres de diamètre, entouré par une zone de blast très nette (Crédit photo NASA/JPL-Caltech/University of Arizona).

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'atterrisseur Phoenix n'y est pas allé de main morte lorsqu'il lui a fallu délivrer des échantillons de sol à l'instrument TEGA (ce qui nous a valu quelques dessins humoristiques et de nombreuses sarcasmes, justifiés ou non, je vous laisse décider). Reste que l'idée de s'enterrer sur Mars est bonne, en tout cas du point de vue du sismomètre SEIS de la mission InSight. Cette sonde sera-t-elle la première à construire un château de sable sur Mars ? (Crédit photo : droits réservés).

La Terre est une planète qui craque et vibre sans arrêt. Quand un séisme se produit, elle se met à résonner comme une cloche, pour le plus grand plaisir des géologues. Les sismomètres, en étudiant les différences de vitesse de propagation des ondes sismiques dans le manteau, permettent de mettre en évidence des zones hétérogènes. Lorsque le milieu est plutôt froid ou dense, les ondes sismiques se déplacent rapidement, tandis qu'au contraire, lorsque le milieu est plutôt chaud ou léger, la vitesse de propagation diminue. Les images de tomographie produites par les réseaux de sismomètres disséminés sur le globe sont de véritables échographies de l'intérieur de notre planète, et montrent des phénomènes fascinants, comme ce qui se passe dans les zones de subduction (image ci-dessous), où encore la manière dont le manteau terrestre se meut et convecte. Ce genre de prouesse ne sera pas possible sur Mars avant longtemps. InSight signe les débuts de la sismologie martienne, qui correspondent grosso-modo aux 30 premières années de sismologie terrestre (crédit photo : droits réservés).

Le rêve des géophysiciens est de déployer non pas une seule, mais plusieurs stations de mesure sismique sur Mars (de quatre au minimum à dix). Plusieurs projets avaient cette ambition (comme Netlander), mais aucun n'a pour l'instant réussi à se concrétiser. La science de réseau offre la possibilité de localiser par triangulation un séisme, et permet également d'autres expérimentations, comme les sondages magnétiques ou la géodésie (deux stations au minimum étant nécessaires pour bien caractériser la rotation de la planète). Un projet consistant à déployer quatre stations géophysiques serait à l'étude pour 2022-2023 (Crédit photo : droits réservés).

 

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