Tableau de chasse

Si les martiens n'ont pas encore envahi notre belle planète bleue, il faut par contre reconnaître qu'ils se défendent particulièrement bien contre les agressions robotisées terriennes. Les sondes martiennes que l'homme ne cesse de lancer vers notre voisine depuis les débuts de la conquête spatiale ont effectivement la fâcheuse tendance à tomber comme des mouches. Le palmarès martien est une belle confirmation du caractère belliqueux que l'on reconnaît d'ordinaire à la planète rouge. Jugez plutôt : sur 48 sondes spatiales, on compte seulement 19 succès (tous américains, à l'exception de deux sondes européennes et une sonde indienne !), soit un taux de réussite de 39,6 % seulement. Si l'on est de tempérament optimiste, on peut intégrer dans les rangs des vainqueurs les sondes soviétiques Mars 5 et Phobos 2. Le taux de réussite flirte alors avec les 43,7 %. Mars est un véritable cimetière.

En réalisant les décomptes par pays, on s'aperçoit que les soviétiques et les russes ont subi une véritable hécatombe. Sur les 22 sondes lancées par cet ancien géant de la conquête spatiale, seulement 2 ont survécu assez longtemps pour grappiller quelques données. Côté américain, le taux de réussite est considérablement plus élevé, puisqu'un peu plus des deux tiers (soit 16/22) des sondes envoyées par la NASA ont réussi leur mission. L'agence spatiale européenne possède un taux de succès de 66 %, et n'a pas encore réussi à se poser en surface. Quant au Japon, sa première sonde martienne (Nozomi) a misérablement échoué, après une longue et douloureuse agonie dans l'espace interplanétaire, tout comme l'atterrisseur britannique Beagle 2, pourtant partie sous la bannière de la bonne humeur contagieuse de Colin Pillinger. L'inde possède il est vrai un taux de succès de 100 %, mais elle n'a lancée qu'un seul engin pour l'instant (l'orbiteur Mangalyaan). La Chine, qui a décidé de s'inviter à la fête, a perdu sa première sonde lors du lancement en 2011, mais cela ne compte sans doute pas, car la fusée était ... russe !

La planète rouge dispose de moyens particulièrement raffinés pour mettre à mal nos robots d'exploration, comme l'atteste le tableau ci-dessous. Ce dernier dresse la liste des principales causes d'échec, en indiquant à chaque fois le nom des malheureuses victimes (attention, les sondes Mars 2 et Mars 3 y figurent à deux reprises, orbiteur et atterrisseur). On ne manquera pas de noter à nouveau la consternante hégémonie américaine au niveau des succès (avant dernière ligne), et si ces derniers ont subi un sérieux revers avec les pertes coup sur coup des sondes Mars Climate Orbiter et Mars Polar Lander en 1999, ils n'ont eu à faire face à aucune catastrophe depuis ! Croisons les doigts pour le retour d'échantillons.

Lancement d'une sonde Mariner (Crédit photo : NASA/JPL)

Echec au lancement : explosion en vol, non séparation de la coiffe, les causes d'échec au lancement ne manquent pas. Ce type d'échec est probablement le plus frustrant. Avant même que la mission commence, tout est déjà fini, et des années d'efforts sont réduites en fumée en une fraction de secondes. Encore aujourd'hui, le lancement est un moment aussi excitant que redouté ... 6

Mars Odyssey en orbite (Crédit photo : NASA/JPL)

Echec en orbite terrestre : après un décollage réussi, la sonde se retrouve souvent temporairement en orbite terrestre, surtout quand le lanceur n'a pas eu la puissance suffisante pour placer l'engin sur une trajectoire martienne directe. Pour rejoindre sa cible, le vaisseau doit donc encore s'extraire du champ de gravité de notre planète et quitter son orbite de parking. Il suffit alors d'une défaillance d'un étage supérieur ou d'une mauvaise programmation pour que l'engin spatial se retrouve prisonnier de la Terre. Et après quelques révolutions, la sonde finit immanquablement par s'abîmer sur notre monde. Les russes aiment bien l'océan pacifique apparemment ! 5

Départ trop tardif (Crédit photo : philippe labrot)

Départ trop tardif : les départs vers la planète Mars ne peuvent avoir lieu qu'à des moments bien précis, que l'on nomme fenêtre de tir. Si cette période est dépassée, il faut patienter deux années supplémentaires ! On peut bien sûr lancer la sonde en désespoir de cause, mais étant donnée la nature implacable de la mécanique céleste, celle-ci n'aura pas la moindre petite chance d'atteindre son objectif. 1

Echec durant le trajet Terre - Mars (Crédit photo : droits réservés)

Echec durant le trajet Terre - Mars : le voyage vers la planète rouge s'étale sur de nombreux mois, une durée suffisamment longue pour qu'un pépin survienne. Et les caractéristiques du milieu spatial (vide, écarts thermiques abyssaux entre les zones ensoleillées et celles situées à l'ombre, radiations, éruptions solaires) n'en font pas un environnement de tout repos. La sonde Nozomi doit son échec à une tempête solaire, qui a sérieusement endommagé l'ordinateur de bord, entraînant un ensemble de dysfonctionnements qui ont fini par mener l'engin à sa perte. Une malencontreuse collision avec une météorite peut aussi provoquer de sérieux dégâts et dévier la sonde de sa trajectoire. 3

Insertion orbitale de Mars Climate Orbiter (Crédit photo : NASA/JPL)

Echec lors de la manœuvre d'insertion orbitale : avec le lancement, la mise en orbite constitue la phase la plus critique de la mission. Il s'agit pour la sonde de freiner suffisamment pour être happée par le champ de gravité martien. Une mauvaise trajectoire, un freinage trop timide ou au contraire trop appuyé, et c'est la catastrophe. L'engin rate la planète, ou rentre en collision avec elle ! Si le frottement de l'atmosphère sur les panneaux solaires est mise à contribution pour freiner l'engin (aérofreinage), la moindre imprécision est fatale, et la sonde peut finir comme un papillon dans la flamme d'une bougie. Quant à l'aérocapture, elle n'a toujours pas été tentée, et pour cause ... 4

Echec à l'atterrissage (Crédit photo : droits réservés)

Echec à l'atterrissage : Si la mise en orbite est la bête noire des orbiteurs, l'atterrissage est celle des stations au sol et des rovers. Lors de cette phase de plusieurs minutes où s'enchaînent des évènements d'une incroyable complexité, l'erreur n'a pas droit de cité. Un grain de sable dans les engrenages, et la surface martienne peut se prévaloir de posséder un nouveau (et très coûteux) cratère d'impact ! 7

La tempete de poussiere de 1971 vue par Mariner 9 (Crédit photo : NASA/JPL)

Quand la planète rouge s'en mêle : comme si cela ne suffisait pas, Mars elle-même peut décider de jouer les troubles fêtes. Son arme préférée n'est autre que la tempête de poussière. En recouvrant le globe tant convoité d'un manteau opaque, une tempête peut parfaitement ruiner la mission d'un orbiteur. La modification des paramètres atmosphériques peut aussi compromettre un aérofreinage. D'une manière générale, Mars aime bien s'amuser avec la terre, et elle a des tours très amusants dans son sac. Ainsi, son sol peut être tellement collant, gluant, agglutinant par endroit qu'il peut empêcher tout prélèvement, rendant ainsi un atterrisseur incapable d'effectuer ce pour quoi il est venu, c'est à dire sa mission scientifique. Même chose avec la glace, tellement fascinante que l'on ne peut en détacher son regard, et tellement dure qu'elle est impossible à racler ! Ou comment mourir de soif à quelques centimètres d'un oasis. N'est ce pas, Phoenix ? 2

Phobos 2 (Crédit photo : droits réservés)

Défaillance prématurée des systèmes de bord : ce n'est pas tout d'arriver à bon port, il faut encore pouvoir effectuer sa mission. Si la qualité de fabrication n'est pas au rendez-vous, la sonde risque le délabrement. Au mieux les instruments lâchent les uns après les autres, au pire on perd définitivement le contact. Et comme la loi de Murphy s'applique aussi là bas (surtout là bas), cela arrive généralement au moment le plus important ! 3

Un martien, perplexe, regarde un atterrisseur Viking (Crédit photo : David Hardy)

Mission réussie ! Lorsque l'on voit les obstacles qui jalonnent le trajet Terre - Mars, on comprend facilement la joie et les larmes des personnes impliquées dans une mission martienne lorsque celle-ci est un succès. Oui, dans les salles de contrôle, les hommes pleurent, et ils ont raison ! Si vous ne devez retenir qu'une chose de cette page ma foi bien corrosive, c'est que dans l'histoire de l'exploration martienne, les réussites sont relativement peu nombreuses. Mais lorsqu'une sonde parvient à se frayer un chemin jusqu'à la planète rouge, le résultat dépasse bien souvent les espérances les plus folles des ingénieurs (et parfois, parfois, celles des scientifiques, mais c'est une autre histoire) ... 19

Missions en cours

Mission en partance. Les dès sont lancés, la roue tourne, rien ne va plus, les jeux sont faits ! (un esprit chagrin pourrait ici proposer des paris). 3

 

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