Calendrier des fenêtres de tir de 1960 à 1995 |
Calendrier des fenêtres de tir de 1996 à 2037 |
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Sonde soviétique
Sonde russe
Sonde américaine
Sonde japonaise
Sonde de l'agence spatiale européenne
Sonde britannique
Sonde indienne
Sonde chinoise
Sonde des Emirats arabe unis
Fenêtre de tir disponible
Année sans fenêtre de tir
Mission actuellement en cours
Succès (la plupart du temps éclatant)
Echec (la plupart du temps cuisant)
Bilan mitigé, demi échec ou demi succès (typique des sondes russes)
Le tableau ci-dessus rassemble toutes les missions martiennes jamais lancées par l'homme, depuis les premières tentatives héroïques jusqu'à celles qui n'existent encore que sur une planche à dessin, ou dans l'imagination de quelques rêveurs. Un seul coup d'œil suffit pour déduire certaines caractéristiques de l'exploration de la planète rouge.
Les premières missions ont été lancées dès 1960 par les soviétiques, quelques années après le vol de Spoutnik. Les Soviétiques, puis les russes, s'acharneront sur la planète rouge en occupant presque toutes les fenêtres de lancement de 1960 à 1973, à l'exception de la fenêtre de tir de 1967 qui ne sera exploitée par personne. Toutes les missions pourront être considérées comme des échecs (ou des demi-échecs) en regard des résultats choquants qui seront engrangés par les sondes concurrentes américaines. Après 1973, littéralement dégouttés par les performances de la flottille de sondes envoyées cette année-là, les russes jetteront l'éponge et stopperont temporairement leurs efforts concernant l'exploration de la planète rouge. Après 15 années de silence, ils repartent néanmoins à l'assaut en 1988 avec les deux sondes Phobos, qui ne connaîtront pas un destin plus enviable que leurs prédécesseurs. En 1996, bien décidés à laver l'affront, les russes tentent d'envoyer l'un des plus gros engins interplanétaires jamais construits : Mars 96. La sonde ne parviendra même pas à quitter l'orbite terrestre. Cet accident tragique semble clore d'une manière terriblement brutale l'épopée des sondes russes martiennes, mais la réalité sera encore plus cruelle. En 2011, les russes essayent tant bien que mal de revenir dans la course avec une mission très ambitieuse, Phobos-Grunt, dont l'objectif n'est ni plus ni moins que de ramener des échantillons de la plus grosse des deux mini-lunes de Mars, Phobos. Là aussi, la sonde restera prisonnière de l'orbite terrestre, et retombera, exactement comme Mars 96 avant elle, dans l'océan Pacifique, où elle sombrera corps et âme. En définitive, les russes n'auront jamais eu de chance avec la planète rouge. A titre de consolation pour l'exploration interplanétaire robotique, ils peuvent se targuer d'avoir réussi avec Vénus, planète infernale s'il en est, ce qu'ils ont raté avec Mars.
De leur côté, les américains s'élancent plus tardivement que les soviétiques à l'assaut de la planète rouge (ils débutent en 1964), mais ils vont rapidement connaître d'insolents succès, avec les premières photos jamais prises de la planète par Mariner 4, la reconnaissance réussie du tandem Mariner 6 et Mariner 7, l'incroyable moisson de résultats qui sera ramenée par Mariner 9 (et qui nous fera découvrir Mars telle qu'elle est réellement), sans oublier le triomphe technique et scientifique des sondes Viking. Pendant la première période de l'exploration de Mars, deux fenêtres de tir seulement ne seront pas utilisées par les américains : celle de 1967 et celle de 1973, cette dernière étant mise à profit par les soviétiques avec la série de sondes Mars 4, Mars 5, Mars 6 et Mars 7. Au moment du lancement de Viking en 1975, les soviétiques ont par contre déjà abandonné plus ou moins la course. Après les missions Viking, l'exploration de Mars va entrer dans un sommeil profond, à cause des résultats jugés très décevants renvoyés par le laboratoire de détection de vie des atterrisseurs. Les américains attendront 17 ans avant de lancer Mars Observer, qui connaîtra un destin funeste en disparaissant quelques jours avant sa mise en orbite. Mars a sans aucun doute l'un des plus beaux palmarès de tout le système solaire en ce qui concerne les pertes d'engins spatiaux. Le nombre d'échecs est édifiant, comme on peut le voir sur le tableau ci-dessus (comptez donc les pastilles rouges). Si, comme nous l'avons vu, les soviétiques en ont vraiment été pour leur frais, les américains ne seront pas non plus épargnés, comme l'a prouvé la disparition dramatique de Mars Climate Orbiter lors de sa manœuvre d'insertion orbitale en 1999, et la perte trois mois plus tard de Mars Polar Lander pendant son atterrissage. Quand il s'agit de Mars, personne n'est épargné.
Suite à la perte de Mars Observer, la stratégie adoptée par la NASA pour les missions d'exploration martienne change. Plus question de lancer des engins uniques et énormes coûtant des milliards, et dont la perte est catastrophique. Avec le leitmotiv aussi utopiste que célèbre du faster, better, cheaper (plus vite, mieux et moins cher), les américains envisagent dans les années 1990 de faire partir une flottille de petites sondes légères, peu coûteuses, développées en un temps record et focalisées sur des objectifs bien précis. Mars Global Surveyor fut la première sonde de cette nouvelle génération à prendre son envol vers Mars en 1996, pour être rejointe quelques mois plus tard par Mars Pathfinder, qui connaîtra un immense succès technique, scientifique et surtout médiatique, avec son petit robot Sojourner. Mars Global Surveyor, qui fonctionnera pendant 9 ans autour de Mars, fut aussi une grande réussite. On pourra retenir la réalisation de la première carte altimétrique martienne (toujours utilisée aujourd'hui, elle est d'une précision phénoménale), la détection d'un champ magnétique fossile, la mise en évidence de minéraux déposés en présence d'eau, ou encore la couverture à haute résolution d'une petite partie de la surface martienne. Avec le programme Mars Surveyor, qui devait culminer avec un retour d'échantillons, les américains étaient bien décidés à occuper toutes les fenêtres de tir depuis 1996 et jusqu'en 2005 au moins. Malheureusement, la perte consécutive de Mars Climate Orbiter et Mars Polar Lander déjà évoquée va forcer la NASA à repenser de A à Z sa stratégie d'exploration de Mars.
Après d'intenses réflexions, l'agence spatiale américaine accouchera donc d'un nouveau programme plus prudent et très ouvert, à forte participation internationale. Avec la nouvelle architecture, le calendrier des lancements est de nouveau bien rempli. L'agence spatiale américaine commence par lancer en 2001 un nouvel orbiteur, Mars Odyssey, puis en 2003, elle envoie un couple de rovers, Spirit et Opportunity, qui vont changer à jamais le visage de la planète rouge. Sur la plaine de Meridiani, sélectionnée sur la base des informations minéralogiques fournies par le vénérable Mars Global Surveyor, Opportunity découvre en effet les premières roches sédimentaires martiennes, et ce immédiatement après son atterrissage. Plus aucun doute n'est alors permis : dans un lointain passé, l'eau a coulé sur la planète Mars.
L'époque où seuls les Etats-Unis participaient à l'exploration de la planète rouge est cependant définitivement révolue. En 2003, la NASA est rejointe dans son effort par les Européens avec Mars Express, les Japonais avec Nozomi, et les Britanniques avec Beagle 2. Bien entendu, pour les nouveaux venus, l'hécatombe est au programme, et tandis que Nozomi se retrouve incapable d'effectuer une mise en orbite, après des débuts hasardeux et une tempête solaire croisée plus tard par malchance, Beagle 2 disparaît purement et simplement des radars durant son atterrissage. Seul Mars Express tire finalement son épingle du jeu. Bref, si de nouveaux acteurs sont arrivés, la NASA continue cependant de caracoler en tête. En 2005, elle lance un satellite espion, Mars Reconnaissance Orbiter, au palmarès impeccable, puis en 2008 la sonde Phoenix, dans une tentative de venger Mars Polar Lander. Si Phoenix se pose pratiquement directement sur de la glace d'eau pure, son bilan sera hélas décevant, à cause de nombreux soucis techniques. Phoenix semble marquer le crépuscule des atterrisseurs, et la NASA ne cache pas qu'elle travaille sur un nouveau rover. En 2011, elle catapulte vers Mars une machine ultra-sophistiquée d'une tonne, Curiosity, qui parvient à se poser d'une manière spectaculaire à l'intérieur du cratère Gale. Lentement mais surement, Curiosity va confirmer l'habitabilité de l'endroit, ce qui donne à la NASA le feu vert pour embrasser enfin le saint graal de l'exploration martienne, j'ai nommé une campagne de retour d'échantillons. Dans l'intervalle, elle fait partir en 2013 la sonde MAVEN, dédiée à l'étude de l'atmosphère (en particulier sa fuite dans l'espace), et en 2018 la mission InSight, qui dépose le premier sismomètre à la surface de Mars. La fenêtre de tir de 2016 est uniquement mise à contribution par l'agence spatiale européenne, qui lance la première brique de son programme ExoMars. Si le satellite Trace Gaz Orbiter (TGO) va suivre les traces de Mars Express, le petit module d'atterrissage Schiaparelli suivra quant à lui celles, moins flatteuses mais plus médiatiques, de Beagle 2.
Ce qui nous amène tout droit en 2020. Cette année-là, la NASA compte lancer vers Mars le frère jumeau de Curiosity, Perseverance. Merveille de technologie, capable de se poser avec une précision inégalée, Perseverance embarque un hélicoptère miniature, ainsi qu'un système aussi complexe que perfectionné de prélèvement d'échantillons. Sa mission principale est d'identifier des traces de vie fossiles dans les roches du cratère Jezero. Perseverance est une mission très ambitieuse, mais la NASA ne peut effectivement plus se permettre de tergiverser, car la concurrence se presse de nouveau sur les pas de tir, et avec pugnacité. En 2013, en même temps que MAVEN, les indiens étaient parvenus à insérer en orbite martienne un petit satellite à bas coût, Mangalyaan. Pour les japonais et les chinois (qui avaient placé le petit satellite Yinghuo-1 sur l'infortunée sonde russe Phobos-Grunt de 2011), la claque est rude. Mais avec la fenêtre de tir de 2020, l'adversité est clairement montée d'un cran. Initialement, comme en 1973, quatre missions devaient partir vers Mars. L'agence spatiale européenne dû cependant déclarer forfait pour son rover ExoMars, à cause d'incidents critiques avec les parachutes lors des tests. La NASA se retrouve cependant en compagnie des Emirats arabes unis, qui envoient un satellite météorologique (Hope) et surtout de la Chine. Celle-ci, après avoir abandonné toute velléité de collaboration avec d'autres puissances étrangères et forte de ses récents succès lunaires, s'apprête en effet à injecter vers Mars Tiawen-1, une mission composée d'un orbiteur, d'une plateforme d'atterrissage et d'un rover. Inutile de dire que la NASA tient là un prétendant très sérieux, qui pourrait véritablement rebattre les cartes de l'histoire déjà longue et mouvementée de l'exploration martienne. Les chinois ne cachent effectivement pas leur ambition, et ils ont d'ores et déjà annoncé avoir aussi dans les cartons une future mission de retour d'échantillons.
Ramener sur Terre des fragments de la planète Mars pour les étudier avec toute la puissance des meilleurs laboratoires terrestres permettra effectivement de réaliser des avancées scientifiques considérables. Avancées qui ne seront sans doute dépassées que lorsque nous nous déciderons à envoyer le plus fragile mais aussi le plus efficace moyen d'observation que nous connaissons, l'homme lui-même. Mais c'est une autre histoire.
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