Chroniques martiennes

La surface martienne trop accidentée

Vendredi 7 avril 2000
La sonde Mars Polar Lander (Crédit photo : NASA/JPL)

Alors que la sonde Mars Polar Lander fonçait vers la surface de la planète rouge le 3 décembre 1999, les scientifiques regardaient avec anxiété les dernières images à haute résolution du site d'atterrissage. Au fur et à mesure que les clichés s'accumulaient, il devenait de plus en plus évident que le site d'atterrissage était loin d'être idéal, comme on l'avait initialement supposé.

Parmi les premières hypothèses avancées pour expliquer la disparition de Mars Polar Lander, la nature accidentée du site d'atterrissage figure en bonne place. On sait aujourd'hui que l'échec de l'atterrisseur polaire est probablement dû à un incident technique, mais les scientifiques ont retenu la leçon. Ils ne sont plus près d'envoyer à l'aveuglette une sonde vers la surface martienne.

La sélection des prochains sites risque pourtant d'être un exercice particulièrement ardu. Ken Edgett, un géologue planétaire qui examine depuis plus de deux ans les clichés de Mars Global Surveyor, note que la plupart des terrains présentant un intérêt scientifique sont trop accidentés pour les sondes de la NASA. Employé par le laboratoire qui a conçu la caméra de Mars Global Surveyor (Malin Space Science Systems), il a l'immense privilège de pouvoir scruter en avant première les images de l'orbiteur.

Edgett rappelle que la planète Mars n'a pas connu de pluies depuis des milliards d'années. Or, la pluie est un élément indispensable dans l'érosion et l'aplanissement des terrains. Rien n'a donc adouci la surface martienne : celle-ci est constellée de pics, de crêtes, de collines et de cuvettes qui constituent autant de pièges mortels pour les sondes conventionnelles de type Polar Lander.

Mars Polar Lander était basée sur le modèle des sondes Viking : une plate-forme horizontale montée sur pieds, avec une garde au sol de quelques dizaines de centimètres. Ce type de sonde est très sensible à la nature du terrain. Une pente trop inclinée, des cailloux un peu trop gros et l'atterrissage n'est pas possible, ou alors il se termine en catastrophe.

Ce genre d'atterrisseur ne convient donc pas à la planète que Mars Global Surveyor est en train de nous dévoiler. Le prochain challenge pour la NASA sera de concevoir des sondes pour un site d'atterrissage donné, et non pas de faire l'inverse, c'est-à-dire de retenir des sites en fonction des possibilités de l'atterrisseur. Sinon, comme Ken Edgett le rappelle, nous serons forcés d'atterrir sur des endroits aussi plats et lisses qu'une piste d'aéroport, des endroits très rares et d'un intérêt scientifique plus que limité. Un constant plutôt déprimant pour les scientifiques !

Avec Mars Polar Lander, ceux-ci s'étaient laissés griser par la perspective fascinante d'atterrir sur une région dont la géologie était en grande partie inconnue. Qui sait ce que Mars Polar Lander aurait trouvé en surface, si elle avait pu terminer sa descente saine et sauve ?

La perte de Mars Polar Lander est d'autant plus triste que les américains avaient déjà réussi l'exploit de se poser sur Mars en 1976, avec les sondes Viking. Lors de cette mission spectaculaire, l'environnement de surface était là aussi totalement inconnu, car on ne s'était encore jamais posé en douceur sur Mars (la sonde russe Mars 3 avait bien réussi à toucher la surface rouillée de la planète rouge, mais pour se taire définitivement 20 secondes après son arrivée). La NASA avait alors fait preuve d'une grande prudence. Des régions propices à l'atterrissage avaient bien été présélectionnées grâce à des observations télescopiques et des études minutieuses des photographies de Mariner 9, mais il était hors de question de lâcher les atterrisseurs avant d'avoir pu jeter un ultime coup d'œil.

Accrochés aux orbiteurs comme des chauves-souris sur une branche, les atterrisseurs ont donc patiemment attendu que ceux-ci certifient les sites d'atterrissage. Ce système apparemment lourd s'est avéré très utile, sinon salvateur, pour la mission Viking. Tous les sites d'atterrissage qui avaient été initialement retenus étaient en définitive bien trop dangereux.

L'atterrisseur Viking 1, qui devait rejoindre le secteur d'Ares Vallis, a finalement été détourné vers un site jugé plus sûr dans Chryse Planitia. Dès les premières images transmises par les orbiteurs, on s'était effectivement aperçu qu'Ares Vallis était très complexe du point de vue géologique, un rien trop ambitieux pour une première tentative.

Pourtant la région d'Ares Vallis possédait un intérêt scientifique indéniable et les scientifiques s'étaient promis d'y retourner à la prochaine occasion. Il a fallu attendre 20 ans et la mission Pathfinder pour voir ce rêve exaucé.

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Geoman Cet article a été publié pour la première fois sur le site Geoman.Net.

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