Alors que la sonde Mars
Polar Lander fonçait vers la surface de la planète rouge le 3 décembre
1999, les scientifiques regardaient avec anxiété les dernières images à
haute résolution du site d'atterrissage. Au
fur et à mesure que les clichés s'accumulaient, il devenait de plus en plus
évident que le site d'atterrissage était loin d'être idéal, comme on l'avait
initialement supposé.
Parmi les premières hypothèses avancées pour expliquer la disparition de Mars
Polar Lander, la nature accidentée du site d'atterrissage figure en bonne
place. On sait aujourd'hui que l'échec de l'atterrisseur polaire est
probablement dû à un incident technique, mais les scientifiques ont retenu la
leçon. Ils ne sont plus près d'envoyer à l'aveuglette une sonde vers la
surface martienne.
La sélection des prochains sites risque pourtant d'être un exercice
particulièrement ardu. Ken Edgett, un géologue planétaire qui examine depuis
plus de deux ans les clichés de Mars Global
Surveyor, note que la plupart des terrains présentant un intérêt
scientifique sont trop accidentés pour les sondes de la NASA. Employé par le
laboratoire qui a conçu la caméra de Mars Global Surveyor (Malin Space Science
Systems), il a l'immense privilège de pouvoir scruter en avant première les
images de l'orbiteur.
Edgett rappelle que la planète Mars n'a pas connu de pluies depuis des
milliards d'années. Or, la pluie est un élément indispensable dans l'érosion
et l'aplanissement des terrains. Rien n'a donc adouci la surface martienne :
celle-ci est constellée de pics, de crêtes, de collines et de cuvettes qui
constituent autant de pièges mortels pour les sondes conventionnelles de type
Polar Lander.
Mars Polar Lander était basée sur le modèle des sondes Viking
: une plate-forme horizontale montée sur pieds, avec une garde au sol de
quelques dizaines de centimètres. Ce type de sonde est très sensible à la
nature du terrain. Une pente trop inclinée, des cailloux un peu trop gros et
l'atterrissage n'est pas possible, ou alors il se termine en catastrophe.
Ce genre d'atterrisseur ne convient donc pas à la planète que Mars Global
Surveyor est en train de nous dévoiler. Le prochain challenge pour la NASA sera
de concevoir des sondes pour un site d'atterrissage donné, et non pas de faire
l'inverse, c'est-à-dire de retenir des sites en fonction des possibilités de
l'atterrisseur. Sinon, comme Ken Edgett le rappelle, nous serons forcés
d'atterrir sur des endroits aussi plats et lisses qu'une piste d'aéroport, des
endroits très rares et d'un intérêt scientifique plus que limité. Un
constant plutôt déprimant pour les scientifiques !
Avec Mars Polar Lander, ceux-ci s'étaient laissés griser par la perspective
fascinante d'atterrir sur une région dont la géologie était en grande partie
inconnue. Qui sait ce que Mars Polar Lander aurait trouvé en surface, si elle
avait pu terminer sa descente saine et sauve ?
La perte de Mars Polar Lander est
d'autant plus triste que les américains avaient déjà réussi l'exploit de se
poser sur Mars en 1976, avec les sondes Viking.
Lors de cette mission spectaculaire, l'environnement de surface était là aussi
totalement inconnu, car on ne s'était encore jamais posé en douceur sur Mars
(la sonde russe Mars 3 avait bien
réussi à toucher la surface rouillée de la planète rouge, mais pour se taire
définitivement 20 secondes après son arrivée). La NASA avait alors fait
preuve d'une grande prudence. Des régions propices à l'atterrissage avaient
bien été présélectionnées grâce à des observations télescopiques et des
études minutieuses des photographies de Mariner
9, mais il était hors de question de lâcher les atterrisseurs avant
d'avoir pu jeter un ultime coup d'œil.
Accrochés aux orbiteurs comme des chauves-souris sur une branche, les
atterrisseurs ont donc patiemment attendu que ceux-ci certifient les sites
d'atterrissage. Ce système apparemment lourd s'est avéré très utile, sinon
salvateur, pour la mission Viking. Tous les sites d'atterrissage qui avaient
été initialement retenus étaient en définitive bien trop dangereux.
L'atterrisseur Viking 1, qui devait rejoindre le secteur d'Ares
Vallis, a finalement été détourné vers un site jugé plus sûr dans
Chryse Planitia. Dès les premières images transmises par les orbiteurs, on
s'était effectivement aperçu qu'Ares Vallis était très complexe du point de
vue géologique, un rien trop ambitieux pour une première tentative.
Pourtant la région d'Ares Vallis possédait un intérêt scientifique
indéniable et les scientifiques s'étaient promis d'y retourner à la prochaine
occasion. Il a fallu attendre 20 ans et la mission Pathfinder
pour voir ce rêve exaucé.
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Cet article a été publié
pour la première fois sur le site Geoman.Net.
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