Chroniques martiennes

Le mystère des carbonates martiens 

Vendredi 14 avril 2000
White Rock (Crédit photo : NASA/JPL)

A l'occasion de la 31ème conférence scientifique du Lunar and Planetary Institute qui s'est tenue à Houston au Texas, les derniers résultats d'un instrument important et peu médiatisé de la sonde Mars Global Surveyor ont été présentés. 

L'orbiteur américain est équipé d'un spectromètre infrarouge (TES) capable d'identifier, en analysant la lumière solaire réfléchie par les roches, les principaux minéraux constitutifs de la surface martienne. 

Sur le podium des minéraux que l'on recherche activement sur la planète rouge, les carbonates occupent la première place. Sur Terre, les carbonates sont très répandus. L'exemple le plus connu n'est autre que le calcaire, un carbonate de calcium. 

L'importance des carbonates est multiple. Ces minéraux ne se forment qu'en présence d'eau et ils constituent donc des indicateurs précieux pour la recherche de régions dans lesquelles l'eau liquide a pu séjourner. Les carbonates peuvent précipiter (c'est-à-dire se transformer en petite particules solides) par simple réaction chimique, mais des microorganismes peuvent également intervenir dans le processus. Enfin, lors de leur formation, les roches carbonatées emprisonnent bien souvent des êtres vivants. Elles sont donc très prometteuses pour la chasse aux fossiles martiens. Mais pourquoi y aurait-il des carbonates sur Mars ? 

Les réseaux de vallées qui entaillent les hauts plateaux de l'hémisphère sud semblent prouver que Mars a connu au tout début de son histoire un climat plus chaud et plus humide que celui qui prévaut actuellement. L'atmosphère devait être beaucoup plus dense, permettant à l'eau de ruisseler librement à la surface. 

Cette atmosphère, principalement composée de dioxyde de carbone, a laissé la place à une couche d'air très ténue. La pression atmosphérique martienne est aujourd'hui 160 fois inférieure à celle de la Terre. Une partie de l'atmosphère a pu s'échapper dans l'espace, mais de nombreux scientifiques pensent que le dioxyde de carbone s'est dissous dans les eaux de pluie pour s'accumuler à la surface sous la forme de carbonates. 
Sur notre planète, une bonne partie du CO2 est ainsi piégée dans les sédiments carbonatés qui recouvrent le fond des océans. 

En théorie, nous devrions donc logiquement trouver de nombreux affleurements de roches carbonatées sur Mars. L'existence de ces dépôts sédimentaires semble même confirmée par la découverte de carbonates dans la plupart des météorites martiennes que nous avons ramassées sur Terre. Ceux-ci sont concentrés le long de fissures qui parcourent la roche. La présence de failles et de fractures a autorisé la circulation de fluides et le dépôt ultérieur de carbonates. 

Malheureusement tous ces beaux espoirs s'écroulent devant les données collectées par Mars Global Surveyor. Son spectromètre n'a pas détecté la moindre trace de carbonate à la surface de la planète. Devant cette absence caractérisée, les scientifiques se sont mis à proposer plusieurs hypothèses. Le rayonnement ultraviolet intense qui frappe la surface de Mars pourrait facilement détruire les dépôts de carbonates, ceux-ci ne pouvant alors survivre qu'en profondeur, là où il est impossible de les détecter depuis l'orbite martienne. Pour d'autres, les sulfates que l'on trouve en abondance dans le sol martien pourraient se transformer en acide sulfurique qui rongerait les précieux sédiments. 

A moins que le spectromètre embarqué sur Mars Global Surveyor ne soit tout simplement pas assez sensible pour les repérer. D'après les travaux de deux chercheurs, si le spectromètre infrarouge de Mariner 9 en 1971 (IRIS), celui de Mars Global Surveyor (TES), ou même celui de l'orbiteur programmé pour 2001 (THEMIS) avaient pu survoler la région de Mormon Mesa dans le Nevada, ils n'auraient rien vu du tout. Alors qu'un géologue amateur aurait eu vite fait, armé d'un marteau et d'une loupe, de mettre à jour des tonnes de carbonates ! 

La détection de carbonates depuis l'orbite martienne pourrait donc être un exercice extrêmement ardu. La rugosité de la surface, combinée à des températures très basses donneraient naissance à des bandes d'émissions très faibles, pratiquement indécelables par les spectres infrarouges.

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Geoman Cet article a été publié pour la première fois sur le site Geoman.Net.

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