Chroniques martiennes

Mars en trois mois

Mercredi 21 juin 2000
Vaisseau martien (Crédit photo : NASA)
Une équipe du centre Johnson de la NASA travaille depuis quelques années sur un moteur à plasma qui permettrait de réduire à quelques mois un voyage vers la planète rouge.

Pour atteindre notre voisine, les astronautes ne peuvent aujourd'hui compter que sur les moteurs chimiques conventionnels qui équipent nos fusées et vaisseaux. Cette technologie, certes éprouvée, rend cependant le voyage long et incertain. Dans le meilleur des cas, nos intrépides explorateurs devraient patienter 8 mois avant d'atteindre la planète Mars, une période bien suffisante pour expérimenter les affres de l'apesanteur et du milieu spatial. Mais pour lutter contre les rayons cosmiques, l'atrophie musculaire, la décalcification des os ou plus simplement l'ennui profond, la meilleure solution consiste encore à raccourcir le trajet.

C'est avec cette idée en tête qu'une équipe du laboratoire de propulsion avancée du centre Johnson de la NASA, travaille d'arrache-pied sur le VASIMR (Variable Specific Impulse Magnetoplasma Rocket ), un acronyme peu sympathique pour désigner un moteur à plasma.

Le plasma est souvent présenté comme le quatrième état de la matière. C'est un milieu gazeux très chaud, que l'on peut comparer à une soupe de particules. Electriquement neutre, le plasma est constitué par des électrons qui baignent librement aux côtés des noyaux atomiques auxquels ils ont été arrachés.

L'efficacité d'un moteur dépend notamment de la température du gaz qui s'échappe de la tuyère, et avec le plasma, on atteint des sommets. La température d'un plasma flirte allégrement avec les dizaines de milliers de degrés, voire le million de degrés, là où les moteurs chimiques traditionnels atteignent péniblement les quelques milliers de degrés.

Maîtriser pareille fournaise n'est pas chose aisée et aucun métal, même le plus résistant, ne pourrait contenir du plasma. Dès que le fluide brûlant toucherait les parois métalliques de la tuyère, cette dernière serait instantanément pulvérisée. Pour confiner cet enfer, les ingénieurs sont contraints à utiliser des champs magnétiques extrêmement puissants, générés par des matériaux supraconducteurs.

Le moteur VASIMR comporte trois cellules magnétiques montées les unes à la suite des autres. La première cellule reçoit de l'hydrogène - dont la légèreté n'a pas d'égale dans l'univers (quitte à accélérer un gaz dans un moteur, autant prendre celui qui pèse le moins lourd). L'hydrogène est chauffé violemment par des ondes radio, comparables à celles qui réchauffent les aliments dans nos fours à micro-ondes. Excité par le rayonnement radio, l'unique électron de l'atome d'hydrogène se sépare de son noyau et le gaz ionisé se transforme en plasma.

Une deuxième cellule amplifie le processus et permet de porter le plasma à la température et à la densité désirée. La troisième cellule fait office de tuyère magnétique en servant d'exutoire au fluide surchauffé, dont la température atteint alors les 50 000° C.

Une boite de vitesse, analogue à celle des automobiles, permet de commander le moteur et de choisir le régime le plus approprié. En jouant des manettes, il est possible de faire varier la poussée et la vitesse des particules rejetées par la tuyère.

La puissance du moteur VASIMR est telle qu'elle permettrait à un vaisseau de 100 tonnes de rejoindre Mars en moins de trois mois. Le voyage serait réparti en deux phases de durée égale. Pendant la première phase dite d'accélération, le vaisseau prendrait progressivement de la vitesse. L'accélération continue à laquelle l'équipage serait soumis donnerait naissance à une gravité artificielle, faible mais toujours bienvenue pour lutter contre les effets de l'apesanteur. Au milieu du trajet Terre - Mars, le vaisseau effectuerait un demi-tour pour placer son moteur vers sa destination. La deuxième phase dite de décélération, pourrait alors débuter. Il peut sembler étonnant de freiner au beau milieu du trajet, mais le vaisseau est obligé de perdre une bonne partie de sa vitesse afin de pouvoir se placer en orbite autour de la planète.

Les chercheurs du centre Johnson de la NASA doivent faire face à de nombreux challenges. La production et le chauffage du plasma est l'un d'eux. L'énergie mise en jeu dans le processus de fabrication du plasma est colossale, et les panneaux solaires, habituellement utilisés pour fabriquer de l'électricité sur les vaisseaux actuels, devront laisser la place à des réacteurs nucléaires embarqués. La surveillance du moteur impose également la mise au point de sondes capables de mesurer les principales caractéristiques du plasma tout en supportant son incroyable température.

Le fonctionnement du moteur est actuellement étudié grâce à des programmes informatiques qui simulent le comportement de plusieurs millions de particules virtuelles. Les ingénieurs espèrent dépasser rapidement le stade de la simulation, en construisant un petit prototype qui pourrait s'envoler pour l'orbite terrestre en 2004. D'après les ingénieurs, si le moteur à plasma ne cale pas trop au démarrage, il pourrait être opérationnel pour la prochaine décennie.

Geoman Cet article a été publié pour la première fois sur le site Geoman.Net.

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