Beagle 2

En 1976, pour la première fois dans l'histoire de l'exploration spatiale, deux atterrisseurs américains se sont posés sur la surface de Mars pour rechercher des formes de vie. Les trois expériences embarquées sur les sondes Viking donnèrent des résultats positifs, mais ceux-ci ne reçurent par la confirmation d'un quatrième instrument. Le spectromètre de masse des Viking fut en effet incapable de déceler dans le sol martien la moindre trace de matières organiques. Comment expliquer l'activité fébrile qui régnait dans les chambres de culture par le développement de bactéries martiennes, si l'on était incapable d'identifier la brique à partir de laquelle tous les êtres vivants sont construits, la matière organique ? Les données positives renvoyées par les expériences biologiques des sondes Viking furent donc expliquées comme une conséquence de l'agressivité chimique du sol martien. Baigné par un flux ultraviolet, celui-ci a fini par s'enrichir en molécules oxydantes (comme le peroxyde d'hydrogène), qui ne font qu'une bouchée des molécules organiques qui auraient l'imprudence de passer dans leur voisinage. Les quelques rescapés n'auraient pas fait long feu, car le rayonnement ultraviolet lui-même est un puissant destructeur de matières organiques.

Quelque peu refroidie par les résultats décevants et confus des Viking, la NASA n'a plus jamais osé aborder de front la problématique de l'existence d'une vie martienne, qu'elle soit présente ou fossile. 27 ans après, c'est un petit atterrisseur britannique qui va reprendre le flambeau des atterrisseurs Viking. Baptisé Beagle 2, en hommage au navire qui a transporté Charles Darwin lors de son voyage vers les fameuses îles Galápagos, cette sonde ne cache pas ses ambitions d'être la première à découvrir des traces de vie sur Mars. Bien loin de la frilosité habituelle de la NASA, qui fait grand cas de la recherche d'une vie martienne sans pour autant passer à l'acte, Beagle 2 est avant tout une sonde exobiologique, même si son équipement va également l'autoriser à mener à bien des études géochimiques, minéralogiques, atmosphériques ou géomorphologiques.

Bien qu'accroché, tel un passager clandestin, sur le dos de l'orbiteur Mars Express de l'agence spatiale européenne, Beagle 2 n'a pas été financé par l'ESA. Le projet est effectivement sous la responsabilité d'un consortium dirigé par l'Open University.

En règle générale, les sondes spatiales sont financées par des gouvernements, seules entités à pouvoir supporter les coûts extrêmement élevés des missions planétaires. Beagle 2 rompt avec cette tradition, les fonds alloués à ce projet provenant à la fois du secteur privé et du secteur public. Pour l'équipe responsable de la sonde, la course aux subventions s'est transformée en un véritable parcours du combattant. Le budget, 60 millions d'euros dont une partie non négligeable devra être remboursée, n'a été bouclé qu'au début de l'année 2002, soit un an seulement avant le lancement !

Le gouvernement britannique, tout en se montrant intéressé et enthousiaste, avait d'abord refusé de participer financièrement à Beagle 2. Au mois d'août 1999, le secrétaire d'Etat aux Sciences, Lord Sainsbury, avait cependant annoncé une contribution financière d'un montant de 7 millions d'euros par l'intermédiaire du département du commerce et de l'industrie. Un supplément de 8,5 millions d'euros a également été débloqué par le PPARC (Particle Physics and Astronomy Research Council) pour la construction des différents instruments scientifiques. Le British National Space Centre a également participé au financement, ainsi que l'Open University. De son côté, après avoir été réticente, l'agence spatiale européenne (ESA) a finalement mis la main à la poche, en avançant 16 millions d'euros, dont les deux tiers devront être remboursés dans les années à venir. Enfin, à la donation du gouvernement britannique et de l'ESA s'est ajouté plusieurs millions d'euros drainés du secteur privé (5 millions d'euros d'EADS Astrium, la société qui a fabriqué Beagle 2, et 3,5 millions du Wellcome Trust).

Des sponsors, qui se seraient tenus dans l'anonymat pour ne se dévoiler qu'en cas de succès, auraient dû permettre de boucler le budget et de rembourser les emprunts. En contrepartie de cette aide financière bienvenue, la petite sonde aurait dû se plier à des obligations publicitaires. Les sponsors auraient effectivement eu le droit d'accoler leurs logos sur l'atterrisseur, ses airbags et son parachute. Ces derniers seraient également apparus dans les séquences numériques utilisées pour illustrer le déroulement de la mission à la télévision et sur Internet. En cas de succès, les sponsors du secteur privé auraient bénéficié d'une publicité sans précédent (rappelons qu'au cours de la mission Pathfinder, le site de la NASA avait été pris d'assaut par les internautes : en un mois, l'agence spatiale américaine avait enregistré 500 millions de hits !). Il semble cependant que l'équipe de Colin Pillinger n'ait pas réussi à attirer ces sponsors providentiels. Le livre que Colin Pillinger a publié en 2003, et qui illustre les étonnantes similitudes entre le voyage du navire de Darwin et l'histoire mouvementée de Beagle 2, se termine d'ailleurs sur une phrase qui montre à quel point le financement de la mission a dû être éprouvant. De façon plutôt émouvante, Colin Pillinger espère que ses créanciers ne se montreront pas trop sévères si les promesses du sponsoring ne se matérialisent pas ...

Pour se faire connaître, Beagle 2 avait cependant d'autres tours dans son sac. Ainsi, pour annoncer son arrivée sur le sol de la planète rouge le 25 décembre 2003, l'atterrisseur enverra vers la Terre une petite mélodie de 9 notes (tirée d'un morceau intitulé Beagle 2) spécialement écrite par le fameux groupe de pop britannique Blur. En attendant sa retransmission depuis la surface de Mars, il est d'ores et déjà possible de l'écouter sur la face B du single "No Distance Left to Run" de l'album "13". La participation de Blur, et en particulier celle d'Alex James (basse) et de Dave Rowntree (batterie), a été un tournant dans la mission, en popularisant le petit atterrisseur et en soulevant l'intérêt du public.

Une peinture d'un artiste britannique quelque peu controversé, Damien Hirst, sera également à bord. La composition en elle-même n'a rien de spectaculaire : il s'agit d'un ensemble de taches de couleur à tendance automnale. Outre son côté esthétique, la peinture de Hirst a également une utilité technique. Elle va effectivement permettre la calibration des caméras embarquées. Réalisée avec divers pigments à base d'oxydes de fer et des minéraux de composition connue, elle assurera aussi le réglage des deux spectromètres (Mössbauer et rayons X) embarqués.

Colin Pillinger, personnage emblématique et père de Beagle 2, n'a donc pas ménagé ses efforts pour faire aboutir son projet. Certes, bardée de ses décorations, Beagle 2 risque de ne pas ressembler beaucoup aux sondes spatiales classiques. Mais elle n'est pas anglaise pour rien, n'est-ce pas ?

La sonde

L'atterrisseur est un poids plume, ce qui ne doit pas l'empêcher de mener à bien un grand nombre d'observations scientifiques. Lorsque Beagle 2 a été conçu en 1997, il pesait 108 kg et faisait partie d'un projet de réseau d'observation planétaire sensé fournir des données géophysiques. Il était d'ailleurs à cette époque en concurrence directe avec le projet franco européen Netlander. L'ESA a par la suite revu à la baisse la capacité d'emport de Mars Express, et tous les candidats en lice se sont vus annoncer que le poids des atterrisseurs proposés dépassait de loin le maximum autorisé. Les britanniques se sont alors cassés la tête pour faire maigrir leur engin (en partie en remplaçant le rover initialement prévu par la taupe Pluto), qui ne pèse plus maintenant que 68 kg, soit 33 kg une fois déployé à la surface de Mars. Une belle performance, quand on voit les prouesses techniques que l'atterrisseur sera capable de réaliser.

Beagle 2 mesure 65 centimètres de diamètre pour une épaisseur de 23 centimètres, et ressemble à s'y méprendre à une montre gousset. Une fois sur Mars, il s'ouvrira à la manière d'un coquillage pour laisser apparaître plusieurs panneaux solaires. Ces derniers, qui représentent une surface totale de 1 m2, alimenteront la sonde en énergie et rechargeront des batteries au lithium pour les opérations de nuit.

Beagle 2 est bien trop petit pour se permettre d'avoir un système de chauffage sophistiqué capable de lutter contre les rigueurs extrêmes du climat martien et de protéger les délicats composants électroniques d'un froid trop intense. Pour se maintenir au chaud, le petit atterrisseur profitera donc de la chaleur dissipée par ses instruments scientifiques (certaines analyses chimiques seront effectuées pendant la nuit), ainsi que des rayons du soleil qui viendront lécher son revêtement doré (celui-ci absorbe l'énergie solaire, tout en limitant les pertes thermiques dans l'infrarouge). La poussière, en se déposant sur l'atterrisseur, pourrait cependant finir par empêcher le revêtement thermique de capter la chaleur du soleil. La structure de Beagle 2 est également garnie de mousse aux propriétés isolantes.

Dans les premières versions, les ingénieurs avaient prévu d'utiliser un dispositif original pour réchauffer les batteries. Il existe des substances qui dégagent de la chaleur en gelant, et la plus célèbre n'est autre que l'eau. Les batteries de Beagle 2 devaient donc être entourées d'une enveloppe creuse remplie d'eau. Pendant la journée, la chaleur du soleil aurait été suffisante pour rendre l'eau liquide. La nuit, celle-ci se serait mise à geler en libérant une certaine quantité de chaleur (dite chaleur latente de fusion) qui aurait contribué à réchauffer les batteries. Ce système D a finalement été abandonné au profit de petits radiateurs électriques. Il est à noter que contrairement aux sondes américaines, Beagle 2 n'utilise pas de générateurs radio-isotopiques, - des systèmes qui exploitent la désintégration d'une substance radioactive (comme le plutonium) pour dégager de la chaleur -, de façon à éviter des problèmes d'interférence avec certains instruments scientifiques.

A l'image de son illustre prédécesseur, Beagle 2 a été compartimenté comme un navire. Le spectromètre de masse (l'un des principaux instruments scientifiques) occupe ainsi la cabine du capitaine, tandis que les systèmes électroniques et les batteries sont entassés dans la galerie. Les systèmes de télécommunications sont situés dans la cabine du second, et les instruments scientifiques sont naturellement disposés sur le pont.

Côté communication, Beagle 2 devra s'appuyer sur les orbiteurs évoluant autour de Mars pour transmettre ses données à la Terre. La plupart des transmissions s'effectueront par le biais de Mars Express, qui est doté d'un sous-système de télécommunication  (MELACOM) pour établir des liaisons avec l'atterrisseur. Pour joindre son satellite relais, Beagle 2 utilisera de son côté une antenne UHF (400 Mhz). Les communications ne seront possibles que lorsque Mars Express passera à l'aplomb du site d'atterrissage, événement qui aura lieu tous les 1 à 4 jours martiens.

La perte catastrophique de Mars Polar Lander en décembre 1999 a prouvé que les capacités de communication comptaient parmi les éléments les plus critiques dans une mission spatiale. En cas d'absence ou de défaillance de son relais principal, Beagle 2 recevra l'aide d'un autre orbiteur, Mars Odyssey. Cette sonde américaine devra en particulier assurer les communications avec la Terre pendant les dix premiers jours de la mission. On pourra cependant regretter l'absence d'un système radio permettant une liaison directe avec la Terre (pour des raisons de poids), comme ceux qui équipent les rovers américains Spirit et Opportunity.

La mission

Beagle 2 a décollé de Baïkonour au Kazakhstan en même temps que la sonde Mars Express le 2 juin 2003. Après un voyage de seulement 6 mois, elle atterrira sur Mars le 25 décembre, juste à temps pour célébrer la fête de Noël. L'atterrisseur ne dispose d'aucun système de propulsion et il est donc entièrement dépendant de la sonde Mars Express pour la phase de croisière entre Mars et la Terre, ainsi que pour l'injection sur une trajectoire d'entrée atmosphérique. C’est seulement après sa séparation, cinq jours avant son atterrissage, que Beagle 2 volera de ses propres ailes.

Largage

Juste avant le largage vers la planète rouge, les batteries de Beagle 2 seront rechargées grâce à une interface électrique. Puis un mécanisme complexe (SUEM, Spin Up and Eject Mechanism), qui restera sur Mars Express, lancera l'atterrisseur vers son destin, la surface martienne. Ce dispositif assurera non seulement la séparation de Mars Express et de Beagle 2 (grâce à un système à ressort), mais conférera également à l'atterrisseur une vitesse de 0,3 mètre par seconde, tout en lui appliquant une rotation (14 tours par minute). Beagle 2 tournera alors sur lui-même à la manière d'un ballon de rugby, ce qui lui permettra de rester stable durant son approche.

Le SUEM, d'un poids de 1,6 kg, est critique pour la mission de deux sondes. Si par malheur Beagle 2 ne se détache pas, sa mission sera non seulement terminée, mais la surcharge pondérale causée par sa présence empêchera aussi Mars Express d'effectuer sa mission de cartographie ...

La séparation de Beagle 2 interviendra le plus tard possible, 5 jours avant l'insertion orbitale de Mars Express autour de la planète rouge, pour permettre à l'atterrisseur d'effectuer un atterrissage avec le maximum de précision. Cet événement, actuellement prévu pour le 19 décembre 2003, sera suivi par une caméra embarquée sur Mars Express. Au moment du largage, l'ensemble Mars Express / Beagle 2 se trouvera sur une trajectoire de collision. Après s'être débarrassée de son compagnon, Mars Express allumera immédiatement son moteur pour modifier sa trajectoire et éviter une collision avec Mars qui autrement serait inévitable.

Atterrissage

Le dispositif d'entrée, de descente et d'atterrissage (EDL) de Beagle 2 comprend un bouclier thermique, deux parachutes et des airbags. L'atterrisseur possède aussi un bouclier biologique arrière qui protège la sonde d'une éventuelle contamination (qui rendrait inexploitable les résultats des expériences d'exobiologie placées à bord). Ce bouclier joue également un rôle protecteur pendant le voyage Terre Mars et la phase de rentrée atmosphérique.

Le 25 décembre 2003, après avoir abandonné son vaisseau porteur, Beagle 2 entamera sa descente dans l'atmosphère martienne, qu'il percutera à la vitesse de 20 000 km/h (soit plus de 5,5 km/s) avec un angle de 16°. L'atterrisseur sera d'abord ralenti par frottement de l'air sur son bouclier thermique, ce qui réduira sa vitesse à environ 2000 km/h après seulement deux minutes de vol. Il sera alors temps pour Beagle 2 d'actionner un mortier pour déployer un premier parachute, dont le rôle sera de stabiliser la sonde lors de son passage derrière le mur du son. Beagle 2 est alors à une altitude de 10 kilomètres.

15 secondes plus tard, à 500 km/h et une altitude de 5 kilomètres, trois boulons explosifs libèreront le bouclier arrière, qui sera entraîné en arrière par le petit parachute. Beagle 2 déploiera alors son parachute principal d'un diamètre de 10 mètres, tandis que le bouclier thermique, devenu inutile, sera largué. La vitesse de la petite sonde diminuera rapidement, et lorsque celle-ci atteindra 190 km/h, Beagle 2 sera descendu sous son parachute le long d’un câble en kevlar de 150 mètres de long (pour un diamètre de seulement 2 mm). Le principal objectif de ce filin sera d’éloigner le plus possible l’atterrisseur du parachute, de manière à éviter que ce dernier ne retombe sur la sonde une fois celle-ci au sol.

A seulement 200 mètres de la surface martienne, sous le contrôle d’un radar altimétrique, trois airbags de protection, similaires à ceux de Pathfinder, se gonfleront en 3 secondes et envelopperont la sonde. Dans son cocon de protection, 5 minutes seulement après les débuts des opérations, Beagle 2 percutera violemment la surface martienne à la vitesse de 65 km/h. Le câble qui relie l’atterrisseur à son parachute sera immédiatement sectionné, tandis que Beagle 2 rebondira une première fois à une hauteur d’environ 100 mètres. En tout et pour tout, la sonde effectuera une dizaine de rebonds pendant environ 2 minutes avant de s’immobiliser définitivement à la surface d’Isidis Planitia. Il est alors tout juste deux heures de l'après-midi sur Mars.

Une fois au sol, les airbags ne se rétracteront pas sous l'atterrisseur, histoire d'éviter le genre de mésaventures qu'a connu Pathfinder (l'un des airbags ne s'était pas complètement rétracté sous les pétales de l'engin américain, ce qui a bloqué la rampe de descente principale du petit rover). Un accéléromètre commandera simplement la séparation des trois airbags, qui vont bondir de chaque côté sous leur propre pression interne. L’atterrisseur parcourra alors le dernier mètre le séparant encore de la surface martienne en chute libre. Beagle 2 tombera lourdement sur le sol, éventuellement à l'envers, en étant protégé par une couche de mousse anti-choc. Le puissant moteur responsable de l'ouverture replacera alors si besoin est l'atterrisseur dans la bonne position. Une fois le couvercle de la sonde ouvert, Beagle 2 déploiera l'un après l'autre ses quatre petits disques tapissés de cellules solaires, qui viendront reposer sur le sol de Mars comme les pétales d'une fleur fanée ...

Si les séquences d’atterrissage n’ont pas de secrets pour vous, vous aurez certainement noté que contrairement à Pathfinder et aux deux rovers américains Spirit et Opportunity, Beagle 2 ne dispose pas de rétrofusées capables de s'allumer quelques secondes avant l'impact pour compléter le freinage et stopper la sonde en plein ciel. Beagle 2 va donc devoir compter uniquement sur son parachute (dont le développement a causé quelques soucis aux ingénieurs) pour freiner et atteindre le sol à une vitesse raisonnable. Malgré l'adaptation de ce dernier à la faible densité de l'atmosphère martienne, l'atterrisseur frappera néanmoins la surface de Mars à une vitesse très élevée. Même si les airbags ont été spécialement dimensionnés pour permettre à la sonde de survivre à ce choc terrifiant, les risques d'échecs ne sont pas nuls.

Sans rétrofusées, Beagle 2 ne pourra pas non plus contrer d'éventuelles sautes de vents soufflant à l'horizontale, contrairement aux rovers américains qui possèdent un dispositif spécialement étudié (des rétrofusées couplées à une caméra de descente). Ces bourrasques, qui peuvent déporter latéralement la sonde et compromettre l'atterrissage, semblent être le talon d'Achille des systèmes d'atterrissage de type Pathfinder. Comme n'importe quelle mission spatiale, Beagle 2 devra donc compter sur une part de chance pour atteindre saine et sauve la surface de Mars.

Juste après son ouverture, le petit atterrisseur émettra vers la Terre un thème musical de 9 notes, qui n'est autre que le refrain principal d'une chanson intitulée Beagle 2 et composée par le groupe de pop britannique Blur. Ce signal triomphal, qui sera capté par l'antenne du radiotélescope de Jodrell Bank en Angleterre, avertira les contrôleurs au sol que Beagle 2 s'est posé sans encombre sur les déserts rouillés de la planète rouge.

Beagle 2 devrait fonctionner pendant au moins 350 jours terrestres (soit la moitié d'une année martienne), ce qui est déjà ambitieux (la durée de vie des rovers américains est deux fois moindre). Si tout se déroule sans accroc, la mission pourrait même être étendue à une année martienne (soit deux années terrestres).

Le site d'atterrissage

La sélection du site d’atterrissage de Beagle 2, une tâche toujours longue et difficile, s’est terminée à la fin de l’année 2000. En décembre 2003, l’atterrisseur devrait se poser sur Isidis Planitia (11,6°N, 90,5° E), un bassin d’impact accolé au grand triangle sombre de Syrtis Major, et délimité au sud par une chaîne de montagne, Lybia Montes. Avec un diamètre de 1238 kilomètres, Isidis Planitia est l'un des plus importants cratères d'impact de la planète Mars. Etant donné sa taille, il s'est probablement formé il y a plus de 4 milliards d'années.

D’un point de vue scientifique, le secteur d’Isidis Planitia semble très intéressant. Il est effectivement à cheval sur la frontière qui sépare les hauts plateaux cratérisés de l’hémisphère sud des basses plaines de l’hémisphère nord, et il permettra peut-être ainsi aux géologues d’en savoir plus sur la fameuse dichotomie martienne. De plus, Isidis Planitia semble être un ancien bassin sédimentaire, et ses affleurements rocheux ont donc peut-être conservés les traces fossiles d’une éventuelle vie martienne. Des petits cônes volcaniques d'un diamètre variant entre 400 et 900 mètres, vraisemblablement formés de la rencontre entre des coulées de lave et de la glace, jonchent également la surface d'Isidis Planitia.

Le site d’atterrissage respecte également de nombreuses contraintes techniques. Pendant les 3 mois martiens de la mission (l'arrivée de Beagle 2 coïncidant avec la fin de l'hiver dans l'hémisphère nord), les températures durant la journée seront assez clémentes pour ne pas paralyser les systèmes électroniques, et l'ensoleillement sera suffisant pour alimenter les panneaux solaires. De plus, l’altitude du site est assez basse pour permettre au parachute d’assurer un freinage efficace pendant la descente. Le taux de poussière et de rochers au niveau du sol se situe dans les normes acceptables. Pour terminer, la surface serait assez plate et ne présenterait pas de pentes abruptes.

L’ellipse d’incertitude, qui délimite la zone à l'intérieur de laquelle la sonde se posera, est encore assez importante, puisqu’elle mesure pour l’instant 300 kilomètres de longueur pour 150 km de large. Sa taille dépend de différents paramètres, comme la trajectoire suivie par la sonde pendant la descente, l’angle de rentrée ou la vitesse. Comme certains paramètres n’ont pas encore été définitivement fixés, il n’est pas possible de connaître la forme finale de l’ellipse d’incertitude. En février 2004, un mois environ après l'atterrissage, une éclipse de Phobos permettra aux ingénieurs de déterminer avec une précision de quelques kilomètres les coordonnées du site d'atterrissage de Beagle 2.

Le choix du site a aussi une grande influence sur la mission de Mars Express, car l'orbiteur va devoir effectuer des manœuvres compliquées pour éjecter Beagle 2 vers Mars. Ces manœuvres consommeront une grande quantité d'ergols, ce qui pourrait avoir de sérieuses implications pour la suite de la mission.

Les instruments scientifiques

Beagle 2 comprend 9 kg d'instruments scientifiques, pour un poids total de 32,7 kg, une fois à la surface de Mars. Le rapport de la charge utile sur le poids total de la sonde est de 1:3. De toutes les sondes spatiales jamais lancées vers Mars, Beagle 2 est donc celle qui alloue, par kilogramme, le plus de place à l'instrumentation scientifique.

Pour mener à bien sa mission, l'atterrisseur dispose de 5 instruments principaux, qui sont tous montés (à l'exception du GAP) sur un présentoir (PAW) fixé à l'extrémité d'un bras robotique doté de 5 degrés de liberté, et pesant 2 kg. Avec deux caméras, deux spectromètres, une multitude de capteurs environnementaux, des outils géologiques comme une meule et un dispositif de forage, sans oublier un petit robot fouisseur baptisé Pluto, Beagle 2 est un véritable laboratoire scientifique.

Caméra (SCS, Stereo Camera System)

Beagle 2 est équipé d'une paire d'yeux électroniques dotés de 12 filtres colorés (visible et proche infrarouge, de 440 nm à 1000 nm). Les deux objectifs sont montés de part et d'autre du bras robotique. Des torches lumineuses (lumière blanche) permettront à la caméra de fonctionner durant la nuit, et d'acquérir ainsi des vues inédites de la surface martienne. Pendant la journée, la poussière en suspension dans l'atmosphère martienne diffuse effectivement la lumière du soleil dans le rouge. Sous cet éclairage sanguin, les roches apparaissent rougies et ne dévoilent donc pas leurs vraies couleurs, ce qui pose problème pour les études géologiques.

La caméra stéréoscopique de Beagle 2 servira dans un premier temps à construire un modèle numérique de terrain (MNT) du site d'atterrissage. Ce MNT constituera un cadre de référence pour le bras robotique, en délimitant son espace d'évolution et en lui permettant de positionner avec précision ses instruments.

La caméra SCS fournira bien sur des images panoramiques du site d'atterrissage. Grâce à un zoom intégré, la caméra pourra également obtenir des vues rapprochées de la surface des roches et du sol, avec un grossissement moyen de 6,4 x. Celles-ci permettront de faire le lien entre les vues générales et les images à haute résolution fournies par le microscope. La caméra SCS devra aussi photographier le ciel martien, de jour comme de nuit. Les images du soleil, des étoiles et des deux lunes martiennes, Phobos et Deimos, permettront de déterminer la plus ou moins grande richesse de l'atmosphère en poussière, les propriétés des aérosols et la teneur en vapeur d'eau.

L'une des caméras supporte un miroir (WAM), probablement ajouté par un impatient. Son rôle sera effectivement d'obtenir un panorama de la surface martienne dès l'ouverture de la sonde, sans avoir à attendre le déploiement du bras robotique. Ce miroir servira également à surveiller les opérations de déploiement et de rétraction de la taupe. Les deux caméras possèdent enfin un essuie-glace d'un genre spécial, qui devra dépoussiérer à intervalles réguliers les objectifs.

MIC (Microscopic camera)

En plus de sa caméra stéréo, Beagle 2 dispose d'une caméra microscopique, elle aussi intégrée au bras robotique et porté par le PAW. Son objectif sera de prendre des vues rapprochées d'une section rocheuse après nettoyage et élimination des couches superficielles oxydées par la meule. Sa résolution sera de 4 microns et elle sera capable d'acquérir des images dans différentes longueurs d'onde (elle est en particulier équipée de trois diodes ultraviolettes pour stimuler la fluorescence de certains minéraux).

S'il fournira d'importantes données géologiques sur les roches, les sols et la poussière, ce petit microscope pourrait aussi ravir les exobiologistes, qui rêvent depuis longtemps d'observer sur Mars des microfossiles, des textures en couche (similaires à celles des stromatolithes) ou des minéralisations d'origine biogénique.

MBS (Mössbauer spectrometer)

Beagle 2 emporte avec lui un spectromètre Mössbauer particulièrement bien adapté à l'environnement martien, puisqu'il excelle dans l'analyse géochimique des roches riches en fer. Ce spectromètre bombarde l'échantillon à analyser par un flux de rayons gamma émis par une source radioactive (cobalt 57). L'échantillon va réagir à cette excitation en émettant à son tour des rayons gamma, dont les caractéristiques varieront selon la minéralogie de l'échantillon étudié.

XRS (X-ray spectrometer)

Second spectromètre embarqué sur Beagle 2, le XRS est similaire au spectromètre APXS de Pathfinder, ou au spectromètre du même nom qui équipe les rovers américains Spirit et Opportunity. Grâce à deux sources radioactives distinctes (fer 55 et cadmium 109), le XRS va bombarder l'échantillon à étudier de rayons X. Celui-ci va alors se mettre à fluorescer, ce qui va permettre à l'instrument de mesurer la composition élémentaire (c'est à dire les différents atomes) de l'échantillon étudié. Avec ces données, les géologues seront alors à même de donner un nom aux différentes roches (le principe est expliqué plus en détail ici). En mesurant la teneur des roches en potassium, et en couplant les données obtenues avec la concentration en argon 40 établie par le GAP, le XRS pourrait aussi servir à dater de manière absolue les roches du site d'atterrissage.

Système d'analyse des gaz (GAP, Gas Analysis Package)

Le GAP, monté sur la plateforme, est l'un des instruments clés de Beagle 2. Son objectif est de mesurer, à la fois de façon qualitative ou quantitative, la composition chimique (isotopes compris) de l'atmosphère et des échantillons de roches et de sols collectés par le dispositif de prélèvement. Ce système comporte plusieurs composants :

  • Des fours (présents à 12 exemplaires) capables d'élever progressivement la température d'un échantillon solide (roche ou sol). A chaque nouvelle élévation de température, une petite quantité d'oxygène est injectée, ce qui va permettre de brûler tous les composés renfermant du carbone. La combustion s'accompagne d'un dégagement de dioxyde de carbone.
  • Un système permettant de diriger les gaz générés par le four vers le spectromètre de masse.
  • Un spectromètre de masse capable de mesurer la quantité de dioxyde de carbone libéré à chaque étape de la cuisson et de distinguer les différents isotopes du carbone (12C/13C). Le spectromètre pourra également analyser d'autres gaz comme le méthane.

Capteurs environnementaux (ESS, Environnemental Sensor Suite)

Beagle 2 sera bardé d'un ensemble de 7 capteurs qui permettront de caractériser avec une finesse sans précédent le site d'atterrissage, du point de vue exobiologique et météorologique. Un dernier capteur collectera aussi des données pendant la phase d'entrée, de descente et d'atterrissage, ce qui fournira aux ingénieurs des informations essentielles sur le déroulement de cette phase particulièrement critique.

Les capteurs d'intérêts exobiologiques sont les suivants :

  • Un détecteur UV pour étudier le rayonnement ultraviolet qui baigne la surface de Mars (entre 200 et 400 nm). C'est la première fois qu'un tel capteur équipe un atterrisseur martien. Les biologistes estiment que sans couche d'ozone protectrice, la surface de Mars est irradiée par un intense flux ultraviolet, qui doit littéralement stériliser le sol de la planète rouge. Aucune mesure directe de ce flux n'a cependant eu lieu jusqu'à présent, et nous ne sommes pas à l'abri d'une surprise, bonne ou mauvaise ...
  • Un détecteur de peroxyde d'hydrogène (plus connu sous le nom d'eau oxygénée) pour étudier la présence de ce composé extrêmement oxydant dans l'atmosphère et le sol martien. Baptisé ESOS, il se présente sous la forme d'un film sensible aux molécules oxydantes. Comme nous l'avons vu en introduction, depuis les expériences biologiques des sondes Viking, les exobiologistes estiment que le peroxyde d'hydrogène confère au sol de Mars un fort pouvoir oxydant, qui serait à l'origine des réactions inhabituelles qui se sont déroulés dans les chambres d'incubation des atterrisseurs Viking. Une poignée de scientifiques (dont le chef de file est Gilbert Levin) continuent cependant de penser que les réactions enregistrées correspondaient non pas à une destruction des bouillons de culture par le peroxyde d'hydrogène (dont l'existence sur Mars n'a encore jamais été prouvée), mais bel et bien à une croissance de microorganismes martiens. Plus de 25 ans après les missions Viking, Beagle 2 pourrait enfin nous permettre de clore ce débat ...
  • Un détecteur de radiations pour étudier le niveau d'irradiation à la surface de Mars. Grâce à ce dernier, les scientifiques pourront recenser les particules (protons du vent solaire, noyaux lourds du flux cosmique) qui frappent continuellement le sol de Mars.
  • Un conductimètre pour étudier les propriétés électriques de l'atmosphère. Les résultats de cet instrument seront couplés avec ceux fournis par le détecteur de peroxyde d'hydrogène.

Pour les données météorologiques, Beagle 2 dispose de capteurs suivants (les informations fournies par les capteurs de température, de pression et de vitesse des vents joueront également un rôle dans la régulation thermique de l'atterrisseur) :

  • Des thermocouples pour mesurer la température atmosphérique, situés sur le PAW ainsi que sur le bord externe de l'un des panneaux solaires.
  • Un capteur de pression pour mesurer la pression atmosphérique pendant le jour et la nuit, et ce avec une précision de 0,1 mbar.
  • Des capteurs pour mesurer la vitesse et la direction des vents.
  • Un détecteur capable, en enregistrant les impacts des particules de poussière, de déterminer leur vitesse, leur direction et leur abondance.

Un capteur permettra de plus d'acquérir des données pendant l'atterrissage :

  • Un accéléromètre trois axes pour étudier la densité et la pression atmosphérique pendant la phase de descente (cet appareil servira également à orienter la sonde dans la bonne direction pendant l'atterrissage).

PAW (Position Adjustable Workbench)

Le bras de Beagle 2 était initialement conçu pour saisir différents instruments disposés sur la plate-forme et les amener au contact de roches ou du sol, pour qu'ils puissent effectuer des mesures. Une fois l'analyse terminée, l'instrument était rangé à sa place. Ce système a été par la suite abandonné au profit d'une architecture plus fonctionnelle et moins périlleuse du point de vue technique. Les principaux instruments et outils (meule, foreuse, taupe) font désormais partie intégrante d'un présentoir (PAW) en aluminium riveté sur le bras robotique. Le PAW supporte également des accessoires comme un miroir grand angle (qui permettra d'obtenir un premier panorama de la surface martienne immédiatement après l'atterrissage, alors que le bras sera encore rangé dans son logement) et un minuscule dispositif de collecte (qui constituera une solution de secours si la taupe se révèle incapable de prélever des échantillons de sol). Il s'agit donc d'un véritable couteau suisse spatial.

Les dispositifs de prélèvement

Le dispositif de prélèvement de Beagle 2 a été conçu avec un objectif majeur : la collecte d'échantillons non soumis à l'érosion et aux agressions de surface. Lors de la mission Pathfinder, le petit robot Sojourner s'est trouvé incapable d'enlever la couche de poussière qui revêtait tel un manteau toutes les roches. A chaque fois que Sojourner appliquait le capteur de son spectromètre contre une roche, il étudiait également le manteau de poussière qui la recouvrait. Des traitements compliqués ont été mis en œuvre pour soustraire des résultats l'influence de la poussière, mais il est permis de douter de leur efficacité. La poussière a également constitué une gêne au cours des observations géologiques effectuées par la caméra de Pathfinder (pour plus de détails, cliquez ici).

Même si l'on parvient à ôter le revêtement poussiéreux des roches (par exemple à l'aide d'un plumeau spatial), il reste encore le problème de l'oxydation. Durant plusieurs milliards d'années, la surface des roches martiennes a effectivement été soumise à l'érosion, à l'oxydation et au rayonnement UV. Ainsi, sa composition et ses propriétés ne sont plus représentatives de la roche elle-même. Pour réaliser une étude géologique valable, il faut impérativement atteindre la roche saine située en dessous de la couche vieillie et altérée de surface (d'où l'importance des forages).

Le dispositif de forage (RCG)

Le dispositif de forage qui équipe Beagle 2 comporte une petite meule capable d'ôter la couche superficielle érodée des roches et d'atteindre des régions saines qui n'ont subi aucune érosion ou altération, tout en préparant une surface plate propice aux analyses (les surfaces trop rugueuses ou courbes peuvent effectivement diminuer les performances des instruments d'analyse). Une fois ce décapage effectué, les spectromètres peuvent être mis en œuvre pour déterminer la composition chimique et minéralogique de la roche. La fraiseuse, fournie par l'institut polytechnique de Hong Kong, a été conçue par un dentiste chinois. Elle devrait donc être particulièrement efficace pour ôter les caries (la couche d'altération superficielle) des roches martiennes !

Si la roche se révèle vraiment intéressante, un foret peut ramener une carotte d'une longueur de 1 cm pour un diamètre de 2 mm. Cette carotte, qui représente environ 100 mg de matériau rocheux, est alors transférée sur l'atterrisseur pour y subir des analyses plus poussées (grâce au GAP).

La taupe (PLUTO, Planetary undersurface tool)

Beagle 2 comprend aussi un petit robot mobile d'origine allemande, lointain cousin du robot Sojourner qui a fait le succès de la mission Pathfinder. Ce robot, baptisé Pluto, est en fait une véritable petite taupe artificielle de 27 cm de longueur pour 2 cm de diamètre. Il ajoute une mobilité limitée à l'atterrisseur, qui est stationnaire. Pluto serait capable d'évoluer dans un rayon de 5 mètres autour de Beagle 2. La taupe et son câble pèsent 600 grammes.

Pluto est enfermé dans une sorte de tube de lancement, qui est lui-même placé sur un râtelier à l'extérieur de l'atterrisseur. Lorsqu'elle doit être déployée, le bras robotique de Beagle 2 saisi le tube de lancement et le positionne contre la base d'un rocher, près du sol, avec un angle assez faible. La taupe glisse alors hors de son logement et commence à s'enterrer sous le rocher en question, ce qui va lui permettre d'atteindre un sol non exposé au flux ultraviolet qui cuit la surface martienne.

Pour progresser dans le sol, la taupe utilise un ingénieux système constitué d'un ressort et de deux contrepoids. Grâce à ce système de percussion, elle sera capable d'avancer de 1 cm toutes les 6 secondes sur une surface plate ou de s'enfoncer de 1 mm dans le sol pour chaque bond vers l'avant. En théorie, sur une surface entièrement constituée de régolite, elle pourrait atteindre une profondeur de 1,5 à 2 mètres.

La gueule de Pluto est renforcée et possède des mâchoires capables de prélever des échantillons de sol (environ 60 mg). Pendant qu'elle s'enterre sous son rocher, la taupe déroule un câble derrière elle. Ce câble sert à la fois à la transmission des données mais aussi de système de récupération, une fois le travail de collecte terminé (si par malheur la taupe reste définitivement bloquée, le câble peut être sectionné pour libérer le bras robotique). Quand la taupe a regagné l'intérieur du tube de lancement, elle est rangée sur l'atterrisseur, en attendant de pouvoir resservir ultérieurement. L'échantillon est dirigé vers le spectromètre de masse du GAP pour analyse. La taupe pourra également être placée à la verticale, mais il est peu probable qu'elle puisse s'enfoncer sur une grande profondeur. Après quelques dizaines de centimètres, elle sera vraisemblablement stoppée dans sa progression par un obstacle rocheux. Malgré ses qualités, Pluto ne peut donc être considéré comme un véritable système de forage.

En permettant de collecter des échantillons de sol situé en profondeur, donc non soumis au flux ultraviolet qui brûle la surface martienne, Pluto présente un intérêt essentiel pour les études exobiologiques. Il mesurera également la variation de la température avec la profondeur, et permettra de déterminer les propriétés mécaniques du sol martien.

A la recherche d'une vie martienne

Grâce à son vaste équipement scientifique, Beagle 2 devra répondre à trois questions fondamentales :

  • Peut-on trouver sur Mars de l'eau et des substances carbonées ? Si la réponse à cette question est oui, alors toutes les conditions pour l'apparition de la vie sur Mars sont réunies.
  • Peut-on observer un enrichissement de la matière organique en carbone 12 par rapport au carbone minéral des carbonates (étude du rapport isotopique 12C/13C) ? Si la réponse à cette question est oui, alors la vie a pu apparaître sur Mars dans un lointain passé.
  • Peut-on trouver du méthane dans l'atmosphère martienne ? Si la réponse à cette question est oui, alors la vie existe peut-être encore sur Mars.

Recherche de matière organique

L'importance de l'eau pour l'apparition de la vie a déjà fait l'objet d'un certain nombre de discussions dans les nombreuses pages de ce site. Nous allons nous concentrer ici sur les carbonates et la matière organique. Les carbonates martiens ont été détectés pour la première fois dans une Nakhlite, une météorite martienne tombée en Egypte en 1911. Sur Terre, une roche très connue, le calcaire, est presque constituée de carbonate de calcium (CaCO3). Les carbonates sont très intéressants, car ils se déposent généralement en présence d'eau (un élément indispensable pour la vie tel que nous la connaissons). De plus, ils sont souvent accompagnés de traces de matières organiques (tous les êtres vivants laissent des traces de leur existence sous la forme de matière organique, que l'on peut considérer comme un fossile "chimique"). Sur Terre, le calcaire est d'ailleurs un excellent candidat pour la recherche de fossiles.

La fameuse météorite ALH84001 (qui selon certains scientifiques renferme des preuves de l'existence d'une ancienne vie martienne) montrait aussi des veines de carbonates et des traces de matière organique. Le débat a fait rage pour savoir si cette matière organique provenait bien de Mars (une contamination par de la matière organique terrestre est effectivement possible). L'une des façons de régler ce problème est d'aller sur Mars pour rechercher sur place des traces de matière organique en liaison avec des minéraux déposés en présence d'eau comme les carbonates.

Pour détecter la présence de matière organique, des échantillons de sol et de roches seront chauffés progressivement en présence d'oxygène. Le gaz carbonique émis pendant la combustion sera analysé par un spectromètre de masse. Beagle 2 sera capable de faire la différence entre le carbone d'origine organique (présent dans les résidus organiques) et le carbone minéral (présent dans les carbonates) grâce à un contrôle précis de la température : les carbonates ne libèrent du CO2 que pour des températures bien supérieures à celles nécessaires pour briser les molécules organiques. Si l'on chauffe les échantillons à des températures suffisamment basses, on ne récupère que le carbone d'origine organique. Un chauffage plus poussé permet ensuite de libérer le carbone minéral.

La détection de matières organiques sur Mars serait une découverte importante, car elle remettrait en question les analyses de l'instrument GC-MS des atterrisseurs Viking. Comme nous l'avons vu en introduction, c'est l'absence de matières organiques dans le sol martien qui a conduit les scientifiques à proposer une explication purement chimique aux étranges réactions ayant eu lieu dans les chambres de culture des sondes Viking.

Néanmoins, la mise en évidence de molécules organiques dans les roches et le sol martien ne serait qu'un indice, et non une preuve décisive, de l'existence de formes de vie sur la planète rouge. Certaines réactions chimiques peuvent effectivement conduire à la formation de molécules organiques, sans intervention du moindre être vivant. Ainsi, les molécules organiques abondent dans les météorites, et même le sol lunaire, pourtant complètement stérile, est enrichi en composés organiques par les nombreuses micrométéorites qui échouent continuellement sur notre satellite. Il existe cependant un moyen de distinguer les deux types de matière organique, celle d'origine biologique et celle d'origine chimique.

Toutes les molécules rentrant dans la composition des êtres vivants contiennent du carbone. Quand vient le moment de ramasser du carbone, les cellules ont le choix, car la nature en offre plusieurs variétés : si l'on met de côté le carbone 14 (14C), qui est radioactif et qui se désintègre, il est possible d'utiliser une forme légère (12C) ou une forme plus lourde (13C). Or, et cela ne devrait étonner personne, les êtres vivants sont par nature fainéants. Ils préfèreront toujours utiliser l'isotope léger du carbone (12C) plutôt que son isotope lourd (13C), ce qui conduit inéluctablement à un enrichissement de la matière organique en 12C. Pour l'instant, on ne connaît pas de réaction non biologique capable de conduire à un enrichissement en 12C par rapport au 13C, même si de récents travaux suggèrent que cela pourrait être le cas. Le spectromètre de masse de Beagle 2 est capable de reconnaître les différents isotopes stables du carbone (12C et 13C). Si la différence entre le rapport isotopique 12C/13C des carbonates et celui de la matière organique dépasse 3 %, alors il y aura de fortes présomptions en faveur d'une vie martienne (passée ou présente).

La différence de concentration entre les isotopes stables du carbone, que l'on appelle fractionnement isotopique, est une signature qui subsiste bien après la mort des organismes vivants. Le fractionnement isotopique constitue en quelque sorte le plus vieux fossile chimique au monde, sans compter que la valeur du ratio entre les isotopes stables du carbone donne de plus des indications sur la nature des processus biologiques à l'origine du fractionnement (photosynthèse, méthanogenèse). C'est ce phénomène qui a permis de montrer que la vie était déjà présente sur Terre il y a environ 3,8 milliards d'années. Dans des roches extrêmement vieilles du Groenland (région d'Isua et île d'Akilia), des géologues ont effectivement mis en évidence un enrichissement de la matière organique en 12C. Même si ces travaux sont aujourd'hui remis en question pour plusieurs raisons, le fractionnement isotopique du carbone reste un outil de premier choix pour détecter la présence passée de formes de vie dans les roches.

Recherche de méthane

Le méthane est un gaz courant sur Terre, mais il est extrêmement instable dans l'atmosphère terrestre actuelle. Les molécules de méthane sont effectivement facilement détruites par photolyse. Si l'on observe en permanence du méthane dans l'atmosphère terrestre, c'est qu'un mécanisme n'arrête pas de le régénérer. Or, sur Terre, ce sont les êtres vivants eux-mêmes qui sont responsables de l'émission continuelle de méthane dans l'atmosphère (principalement les ruminants et certaines bactéries méthanogènes qui vivent dans les marais). Le méthane est donc un formidable marqueur de l'activité biologique (pour une vie telle que nous la connaissons), même s'il n'est pas exclu qu'il puisse également être produit par d'autres voies (volcanisme par exemple).

Le méthane est également instable sur Mars. Dans l'atmosphère martienne actuelle, une molécule de méthane ne pourrait effectivement pas subsister plus de 300 ans. Si celle-ci en contient, il faudra alors postuler l'existence d'un mécanisme permettant sa régénération.

Si nous trouvons du méthane sur Mars, il faudra se rendre à l'évidence. Quelque part sur la planète, et pas nécessairement au voisinage immédiat de l'atterrisseur, des organismes vivants sont à l'œuvre. Beagle 2 sera la première sonde martienne à tenter de détecter directement du méthane dans l'atmosphère martienne. Ce type de recherche est intéressant, car elle peut s'effectuer depuis n'importe quel endroit de la surface de Mars. L'atmosphère martienne est en effet continuellement brassée par les vents et les tempêtes, et même si l'émission de méthane a lieu au niveau d'une région très localisé, ce gaz finit par se diluer dans la totalité de l'atmosphère. Contrairement aux autres recherches exobiologiques, qui demandent une sélection très soignée des sites d'atterrissage, la recherche de méthane apparaît beaucoup moins contraignante.

En plus de la détection de méthane, Beagle 2 sera aussi capable de mesurer avec précision la concentration d'éléments à l'état de trace comme les gaz nobles dans l'atmosphère martienne, histoire de révéler l'évolution géologique et climatique de la planète. Ces données pourront aussi servir à confirmer la nature martienne des météorites SNC. Selon l'équipe scientifique de Beagle 2, l'étude du potassium par le spectromètre XRS et l'étude de l'argon par le spectromètre de masse du GAP permettra de connaître l'âge absolu des roches par la méthode potassium/Argon (40K/40Ar). Notons cependant que la datation précise et fiable de roches nécessite en général un matériel considérable (qui occupe en général une pièce entière). Tout en applaudissant l'audace de ce type d'analyse, il est permis de douter de la valeur scientifique des datations qui seront réalisées par Beagle 2 sur Mars (certains scientifiques tiennent d'ailleurs pour impossible le fait que Beagle 2 puisse fournir des valeurs acceptables).

Epilogue : si près du but

La petite sonde britannique s'est séparée de son vaisseau mère, la sonde européenne Mars Express, le 19 décembre 2003 à 09:31 heure française, quelques jours avant les fêtes de Noël, pour parcourir la dernière ligne droite en solitaire. Comme l'atterrisseur Mars Polar Lander, l'atterrissage avait lieu sans aucune communication radio, et les ingénieurs ne pouvaient donc qu'estimer le déroulement des opérations, en attendant les premiers signaux émis depuis la surface de la planète rouge. Aujourd'hui, plus personne n'oserait (du moins il faut l'espérer !) poser une sonde sur Mars dans ces conditions, en aveugle.

La confirmation de la séparation de Beagle 2 est accueillie avec un grand soulagement par l'agence spatiale européenne (ESA), qui redoutait que le petit module ne reste fixé sur Mars Express, ce qui aurait alors compromis la mission de ce dernier. Après le largage, il ne restait plus à Beagle 2 que 1,4 millions de kilomètres à franchir. L'engin était seulement stabilisé par une rotation de 14 tours par minute, imprimée par le mécanisme responsable de l'éjection. De façon très simple, comme une balle de fusil, en suivant une trajectoire balistique, Beagle 2 avait rendez-vous avec son destin.

L'engin britannique a du entamer la phase critique de descente vers la surface martienne le 25 décembre 2003 à 03:40 du matin, pour parvenir à destination cinq minutes plus tard. Après l'heure estimé de l'atterrissage, aucun signal radio ne fut cependant reçu par la première sonde à pouvoir engager les communications, Mars Odyssey, et l'engin fut rapidement déclaré en perdition. De nombreuses tentatives de communication sont alors lancées dans l'urgence, depuis l'orbite martienne, via le vaisseau porteur Mars Express et l'orbiteur américain Mars Odyssey, ou depuis la Terre, grâce à des paraboles radios géantes. Au sol, les équipes attendent anxieusement un contact, en vain. Le ciel reste silencieux. Les essais se poursuivent sur janvier et février 2004, sans plus de succès. L'agence spatiale européenne annonce finalement la perte de la sonde le 6 février, et lance dans la foulée une commissions d'enquête. Un article complet, faisant le point sur la disparition de Beagle 2 en juin 2004, est disponible ici.

La disparition de Beagle 2 est un coup très dur pour l'équipe de Colin Pillinger, et, à cause de l'importante médiatisation de la mission, éclabousse même le succès de la sonde Mars Express, qui intéresse beaucoup moins le public, au grand dam de l'ESA. L'échec est d'autant plus douloureux que le petit module embarquait une charge utile originale, et s'apprêtait à réaliser une série de premières, comme la mesure du taux de rayonnement UV frappant la surface martienne, la recherche de méthane, ou encore la détermination de l'âge absolu d'une roche martienne. Ces expériences seront en fait effectuées bien plus tard, en 2012, par le super rover Curiosity de la NASA.

En l'absence de données radios transmises durant la phase d'entrée, de descente et d'atterrissage, les spéculations vont bon train sur ce qui n'a pas marché. Les deux commissions d'enquête mises sur pied (celle de l'ESA et une seconde interne) fournissent un grand nombre de recommandations, tandis que les critiques s'abattent sur les responsables, et que les ingénieurs se perdent en conjecture sur la liste vertigineuse d'avaries pouvant être à l'origine de la perte de la mission. Tandis que les années passent, de nombreuses personnes scrutent les images des orbiteurs martiens, comme Mars Global Surveyor ou Mars Reconnaissance Orbiter, sans obtenir de résultats probants. Personne n'imagine alors ce qui s'est réellement passé, car Beagle 2 a en réalité réalisé l'inconcevable : il est parvenu à atteindre sain et sauf la surface de la planète rouge, après un freinage impeccable sous bouclier thermique et parachute, suivi du gonflage puis de l'éjection de ses airbags !

En janvier 2015, onze années après la disparition du module, la NASA annonce effectivement que la caméra à super haute résolution HiRISE embarquée sur l'orbiteur américain Mars Reconnaissance Orbiter semble avoir retrouvé du matériel terrestre sur le site d'atterrissage supposé de Beagle 2, au niveau d'Isidis Planitia, par 11,53° de latitude nord et 90,43° de longitude est. Les images montrent plusieurs objets, identifiés comme étant le bouclier arrière, avec le parachute ralentisseur, le parachute principal, ainsi que la sonde elle-même, partiellement déployée. Beagle 2 s'est en fait posée correctement à la surface de Mars, mais a échoué tout près de l'objectif ultime, lors de la phase de déploiement. La sonde était effectivement conçue pour ne pouvoir activer son système de télécommunication qu'une fois tous ses panneaux solaires en forme de pétale déployés. Or au moins l'un d'eux, vraisemblablement à cause d'un moteur défectueux, ou d'une obstruction, ne s'est pas ouvert, bloquant l'antenne radio et empêchant toute transmission. Les panneaux ne pouvaient pas de plus se déployer de façon indépendante : l'ouverture de l'un conditionnait le déploiement des suivants.

On ne peut que rêver de ce qu'aurait été Noël 2003 si le panneau solaire en question avait bien voulu se mettre en place. Nul doute que les premières images et données reçues depuis la surface martienne aurait été un triomphe pour l'Angleterre, qui est passé très près de réaliser un exploit que seuls les Etats-Unis parviennent, même encore aujourd'hui, à réussir et à reproduire. Colin Pillinger, décédé le 7 mai 2014, n'aura jamais su à quel point il s'était approché du but.

Pour en savoir plus :

Go ! Chroniques martiennes : La chute de Beagle 2.
Go ! Chroniques martiennes : L'envol de Beagle 2.
Go ! Chroniques martiennes : Un microscope sur Mars.
Go ! Liste de liens concernant Beagle 2 (page de bibliographie).

La première version de Beagle 2

Voilà à quoi ressemblait la première version de la sonde Beagle 2 (la sonde subira par la suite d'importantes modifications). Fermée, elle avait la taille d'un écran d'ordinateur. La sonde a été baptisée en hommage au Beagle, le navire sur lequel Darwin s'est embarqué le 21 décembre 1831 pour un tour du monde qui durera cinq ans. Au cours de ce périple, Darwin réunira les éléments et observations qui le conduiront à écrire, bien après son retour, l'ouvrage le plus célèbre de toute l'histoire de la biologie, De l'origine des espèces. Le navire de Darwin était le troisième bâtiment à porter le nom de Beagle (sur une série de 9) (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Beagle 2

Beagle 2 aujourd'hui. Une soucoupe ronde et plate qui contient, empilés les uns sur les autres dans son couvercle, une série de panneaux solaires en forme de disque (en haut à gauche). Tout en améliorant les chances de survie à l'atterrissage, ce nouveau design a également permis une stérilisation plus aisée de la sonde. La section inférieure droite est occupée par le bras robotique et le porte instrument (PAW). La nouvelle version de Beagle 2 apparaît donc plus dépouillé, plus simple et plus robuste que la première (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Animation du déploiement de Beagle 2

Séquence de déploiement d'une version intermédiaire de l'atterrisseur Beagle 2 (Crédit photo : Beagle 2 Team).

La nouvelle version de Beagle 2 totalement déployée

Une version intermédiaire de Beagle 2 totalement déployée. A gauche on remarque les quatre panneaux solaires, au centre ce qui ressemble à une antenne de communication et à droite, la plate-forme scientifique avec le bras robotique et le logement de la taupe à son extrémité (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Le bras robotique de Beagle 2

Le bras robotique de Beagle 2 est en configuration déployée, ce qui permet d'admirer l'imposant panel d'instruments qu'il supporte : la taupe (Pluto) et son treuil de récupération, la meule et la foreuse, la caméra stéréo (SCS) ainsi que le microscope (MIC), le spectromètre rayons X (XRS) et le spectromètre Mössbauer (MBS), deux capteurs environnementaux (température et vitesse des vents), un miroir grand angle et un dispositif de prélèvement de secours (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Dernière version de Beagle 2

Au cours de son développement, Beagle 2 fut doté d'un cinquième panneau solaire. Les quatre panneaux mobiles (repliés à l'origine dans le couvercle de la sonde) ne sont plus circulaires, mais légèrement pentagonaux. Ce nouveau design devrait fournir 30 % d'énergie en plus par rapport au premier concept (Crédit photo : Beagle 2 Team).

La dernière version de Beagle 2

L'ultime version de Beagle 2. La structure de l'atterrisseur est désormais recouverte d'un revêtement doré (une sorte de couverture de survie) qui permettra de réduire au minimum les pertes calorifiques à la surface de Mars (les versions précédentes utilisaient un revêtement aluminisé deux à trois fois moins efficace). Le carré jaune indique l'emplacement de l'antenne UHF de forme plate (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Stérilisation de Beagle 2

Etant donné que l'atterrisseur Beagle 2 devra effectuer des expériences exobiologiques à la surface de Mars, il est impératif qu'il n'emporte pas avec lui des organismes terrestres. Un grand soin a donc été apporté à la stérilisation de la sonde : celle-ci a été nettoyée à l'alcool, avant d'être stérilisée par chaleur sèche (30 heures à 120°) puis par des ultraviolets (Crédit photo : ESA).

Colin Pillinger

Colin Pillinger, le charismatique père de Beagle 2, n'a pas ménagé son énergie pour faire connaître son projet et recueillir les fonds nécessaires à son développement. La motivation de l'équipe réunie autour de Pillinger est particulièrement visible au travers des bulletins narrant l'histoire singulière de la mission. Véritable bijou de vulgarisation et d'humour, leur lecture est fortement recommandée à tous ceux qui veulent découvrir la genèse de Beagle 2 (Crédit photo : droits réservés).

Cible de calibration

La déco de Beagle 2 ! La sonde britannique sera la première galerie d'art spatiale, puisqu'elle emportera avec elle cette étonnante peinture de Damien Hirst, un artiste britannique controversé. Ce dernier est en effet connu pour ses expositions assez macabres ou il est possible d'admirer d'infortunés animaux (entiers ou coupés en rondelles) exhibés dans des cuves remplies de formol ! Outre son aspect esthétique (que l'on est en droit d'apprécier ou non, les goûts et les couleurs ...), le travail de Damien Hirst possède également une fonction utilitaire. Cette œuvre permettra effectivement de calibrer les caméras de l'atterrisseur ainsi que les spectromètres rayons X et Mössbauer. La cible est une petite plaque en aluminium de 8 cm sur 8 cm, dans laquelle plusieurs trous ont été percés. L'ensemble ne pèse que 26,5 g, et n'a donc pas fait peser de compromis sur le reste de la charge utile. Les cupules ont été remplies par une résine contenant des oxydes de fer et des minéraux de composition connue. La cible comporte ainsi 9 peintures contenant du fer plus ou moins oxydé, et qui représentent les tons typiquement martiens : du jaune, de l'orange, du rouge, du brun, du violet, du noir (certains pigments à base d'oxydes de fer portent d'ailleurs le nom de Mars). A côté de cette palette martienne, on trouve également d'autres couleurs plus terriennes : du blanc (de l'oxyde de titane), du vert (pigment fabriqué à partir de fer plus ou moins oxydé) ainsi que du bleu (du carbonate de cuivre). Les dernières cupules contiennent des éléments que l'on rencontre fréquemment dans les roches, et qui serviront à la calibration des instruments scientifiques : du molybdène, du cobalt (vert) et du manganèse (pourpre). La surface des points colorés, qui possède une certaine rugosité, servira elle-même de test pour la caméra microscopique (Crédit photo : droits réservés).

Recherche de matière organique

Principe de la combustion par étapes. Pour mettre en évidence la matière organique, la sonde Beagle 2 va brûler des échantillons de sols et de roches en présence d'oxygène. Tout le carbone présent dans l'échantillon finira, au terme de la combustion, sous la forme de gaz carbonique. Pour des températures assez basses, seul le carbone des molécules organiques s'échappera sous forme de CO2. A des températures plus élevées, le carbone minéral, enfermé dans les carbonates, sera libéré à son tour (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Charge utile de Beagle 2

Beagle 2 sera l'engin le plus compact jamais envoyé sur Mars. Sa petite taille n'aura d'égale que son instrumentation. Ce diagramme indique le niveau d'instrumentation scientifique (en %) par rapport au poids total de l'atterrisseur (en kg). Y figure : le module de descente de la sonde Cassini-Huygens (H), le module de descente de la sonde Galileo (G), les atterrisseurs Viking (V), Mars Pathfinder (M), Mars Odyssey (M1), NetLander (N) et InterMarsNet (I, un projet de l'ESA qui n'a pas abouti). D'après ce graphique, Beagle 2 est la sonde qui possède la charge utile la plus importante par rapport à son poids. La petite sonde britannique va vraisemblablement jouer le rôle de précurseur pour un certain nombre de futures missions, comme la mise en place d'un réseau de petites stations géophysiques à la surface de Mars (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Mars Express et Beagle 2

La sonde britannique Beagle 2 voyagera sur le dos du satellite de l'Agence spatiale européenne, Mars Express. Sur cette image, Mars Express arrive à proximité de la planète rouge. Beagle 2 (que l'on aperçoit juste à gauche de l'antenne parabolique blanche) va bientôt prendre son envol. Il devrait toucher la surface martienne le 25 décembre 2003 (Crédit photo : ESA).

Largage de Beagle 2

Beagle 2 se sépare en douceur de Mars Express, à l'aplomb de l'imposant canyon de Valles Marineris. Notez les nombreuses tuiles du bouclier thermique qui protégera la sonde pendant la rentrée atmosphérique. Ce bouclier est similaire à celui de la sonde Pathfinder (Crédit photo : ESA).

Entree atmospherique

Le frottement de l'air sur le bouclier thermique contribue à ralentir la sonde lors de la traversée de l'atmosphère martienne. La température à la surface du bouclier atteindra 1700°C. Difficile de croire, en voyant cette image, que la température des délicats composants électroniques de la sonde ne va guère varier (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Beagle 2

La petite capsule qui déposera Beagle 2 à la surface de Mars mesure 90 centimètres de diamètre. L'avant est occupé par le bouclier thermique, constitué d'une structure en nid d'abeille héritée de celle développée pour la sonde Huygens (qui doit atterrir sur Titan, l'une des lunes de Saturne) et d'une vingtaine de tuiles de Norcoat, un mélange de poudre de liège et de résine phénolique. Ce matériau a été spécialement adapté pour éviter de libérer des composés qui pourraient polluer Mars Express durant la croisière vers la planète rouge (Crédit photo : droits réservés).

L'atterrissage de Beagle 2

Lors de la descente, Beagle 2 déploie un parachute, avant de gonfler trois gros airbags, qui formeront autour d'elle un cocon protecteur. Ce système est comparable à celui mis en œuvre par Pathfinder. Cependant, une fois au sol, les airbags ne se rétracteront pas mais seront violemment expulsés de chaque côté. Sans rétrofusées pour ralentir, le choc de Beagle 2 avec la surface de Mars sera plutôt rude (Crédit photo : Beagle 2 Team).

La taupe de Beagle 2 en action

Vue d'artiste de Beagle 2 à la surface de Mars, alors que la taupe est au travail. La taupe est un petit engin très original : elle est capable de se déplacer à la surface, avant de s'enfoncer sous un rocher, pour y trouver un sol préservé des conditions agressives régnant en surface. Un dispositif de prélèvement situé dans son nez permet la collecte d'échantillons. On voit ici le tube de lancement au centre et la taupe (en bas à droite) qui progresse lentement mais sûrement sur la surface rouillée de Mars. Le câble qui relie la taupe au tube de lancement permet les communications avec le robot et la récupération de l'engin. La sonde Beagle 2 est également dotée d'un bras robotique qui comporte une petite meule pour nettoyer la surface des roches et un dispositif de forage capable d'extraire des carottes de 1 cm de longueur (Crédit photo : Beagle 2 Team).

Beagle 2 à la surface de Mars

Beagle 2 à la surface de Mars. Cet ingénieux petit atterrisseur prendra-t-il de vitesse la NASA dans la quête d'une vie martienne ? (Crédit photo : Beagle 2 Team).

La séparation de Beagle 2

La première image de la séparation de Beagle 2 obtenue par la caméra VMC (Video Monitoring Camera) de Mars Express. Le petit atterrisseur est à seulement 20 mètres de distance de son vaisseau porteur (Crédit photo : ESA).

Onze années après sa disparition, la puissante caméra HiRISE de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter retrouve la sonde Beagle 2 posée intacte sur le bassin d'Isidis Planitia (Crédit photo : HiRISE/NASA/Leicester).

Zoom sur l'image de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter. Le déploiement de la sonde apparaît partiel, et seuls deux panneaux solaires semblent être ouverts. Un  moteur défectueux, ou une obstruction, ont dû empêcher le déploiement complet des pétales, mettant un terme définitif à la mission (Crédit photo : HiRISE/NASA/JPL/Parker/Leicester).

 

Labrot © 1997-2024. Dernière mise à jour : 13 mars 2015. Des commentaires, corrections ou remarques ? N'hésitez pas, écrivez moi!

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