[19 octobre 2016]

Ce mercredi 19 octobre à 16h42, l'Europe va à nouveau tenter d'atterrir sur Mars. Historiquement, le premier essai avait eu lieu le 25 décembre 2003, quand le petit module Beagle 2 de la sonde Mars Express avait essayé de se poser sur l'équateur martien, dans la région d'Isidis Planitia. L'engin n'a jamais donné le moindre signe de vie, et ce n'est que très récemment qu'il a été retrouvé au sol, grâce à la caméra surpuissante de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter. Dans le domaine spatial, le plus petit détail à son importance, et il aura suffi d'un panneau solaire récalcitrant pour que Beagle 2 passe à côté d'un succès immense, pour devenir un échec dramatique, qui a à l'époque fortement secoué la communauté spatiale européenne.

Treize années plus tard, l'agence spatiale européenne, l'ESA, va donc à nouveau s'essayer à l'exercice périlleux qui consiste à déposer un engin robotique sur la surface rouillée de Mars, et ce dans le cadre du programme ExoMars. Jusqu'à présent, la NASA est la seule agence spatiale qui soit parvenue à maitriser la technique de l'amerrissage, au point d'arriver désormais à déposer des rovers d'une tonne en des points très précis de l'astre rouge.

L'engin qui arrive aujourd'hui est considérablement plus modeste que les rovers américains actuellement en action (Opportunity et Curiosity), ou même que Beagle 2. Il s'agit d'un démonstrateur technologique qui n'embarque aucune caméra de surface (ni de charge instrumentale conséquente), dont la durée de vie sera très faible une fois au sol (moins d'une semaine), et qui ne pourra transmettre qu'une petite quantité de données à la Terre (télémétrie et bulletin météo). L'objectif pour l'ESA est de réaliser un test grandeur nature, et de valider un scénario d'atterrissage. L'expérience accumulée servira ensuite à envoyer des sondes de surface bien plus conséquentes et ambitieuses, comme un rover sophistiqué en 2020.

La séquence d'atterrissage de Schiaparelli, qui s'est séparé de son vaisseau porteur (Trace Gas Orbiter) il y a 3 jours, le 16 octobre 2016, va commencer à 16:42 précise, pour  s'achèver 6 minutes plus tard. La phase d'entrée et de descente est classique, et comporte l'utilisation d'un bouclier thermique pour traverser l'atmosphère, suivi d'un freinage sous parachute, et de l'allumage de rétrofusées. L'une des originalités de la mission tient cependant au fait que contrairement aux missions précédentes, le module Schiaparelli va atterrir durement sur le sol, l'énergie du choc devant être absorbé par une couche de matériel déformable. Au niveau communication, la sonde va être suivie par des antennes terrestres, ainsi que par trois orbiteurs martiens présents sur place : Mars Express, Mars Reconnaissance Orbiter et Trace Gas Orbiter. Depuis les pentes du cratère Endeavour, le rover Opportunity, qui est situé très près de l'ellipse d'atterrissage de Schiaparelli, va tenter de photographier le spectacle depuis le sol (la probabilité est très faible d'apercevoir quelque chose, en particulier le parachute, mais l'opération va cependant être tentée). Si la confirmation du contact avec le sol martien devrait nous parvenir en direct grâce notamment à un radiotélescope Indien, il faudra patienter au moins une journée avant de pouvoir admirer la poigné de clichés pris par la caméra de descente DECA (entre 3 km et 1,5 km d'altitude). Il est possible de suivre le plongeon de Schiaparelli vers Mars à l'adresse suivante (twitter). La séquence d'atterrissage est résumée ici.

Notons enfin qu'au moment même où Schiaparelli va se poser, son vaisseau porteur, le satellite Trace Gas Orbiter, va tenter de se placer en orbite autour de Mars, condition indispensable pour que cette mission puisse atteindre les objectifs scientifiques qui lui sont dévolus. Trace Gas Orbiter devrait en particulier nous permettre de résoudre enfin le mystère des émissions de méthane sur Mars.

[15 juillet 2015]

Pluton, le dernier jalon du système solaire

Il y a cinquante ans, le 15 juillet 1965, à 3 heures du matin, la sonde américaine Mariner 4 frôlait la planète Mars à environ 10 000 kilomètres d'altitude, débutant ainsi l'exploration spatiale et robotique de l'astre rouge. Coïncidence surprenante et émouvante, aujourd'hui, 14 juillet 2015, à 13h50, presque jour pour jour après le survol de Mariner 4, la sonde américaine New Horizon va effectuer un passage en rase-mottes au-dessus de Pluton, qui fut longtemps la neuvième planète de notre système solaire, avant d'être déclassé en 2006 pour être rangée dans la catégorie des planètes naines. Ce qui n'empêcha pas la NASA de lancer cette année là un émissaire robotique à destination de ce corps lointain, inconnu et glacé. Dans quelques heures, New Horizon, bardée de sept instruments scientifiques, va effectuer la manœuvre spatiale la plus "simple" de toutes celles que les engins interplanétaires peuvent désormais tenter : arrivant comme un boulet de canon, avec une vitesse impossible à diminuer, elle va très élégamment frôler Pluton à 12 500 kilomètres d'altitude, tous ses capteurs ou presque braqués sur l'astre, avant de le dépasser et de se perdre à jamais dans le vide insondable du cosmos. La campagne d'observation rapprochée comporte également l'étude de plusieurs satellites de la petite planète, dont l'énigmatique Charon. Ainsi, à 50 années de distance, alors que de nombreux orbiteurs circulent autour de Mars, et que des rovers déambulent sur son sol, faisant de la planète rouge l'astre le plus étudié de tout le cortège de planètes qui évoluent autour de notre étoile, un autre engin robotique, bien plus perfectionné que Mariner 4 et pour cause, va clore la première phase de l'exploration du système solaire. Un moment historique qui résonne sur lui-même, et qui est aussi une promesse renouvelée d'émerveillement face aux mystères infinis de l'Univers. De nombreux sites Internet permettent de suivre le survol. L'un des meilleurs (et des moins encombrés !) est ici. Mais l'idéal est encore de télécharger le logiciel "NASA's Eyes" qui permet de suivre en temps réel le survol, comme si vous y étiez !

[19 janvier 2015]

On a retrouvé Beagle 2

Il y a pratiquement onze ans, le 25 décembre 2003, l'atterrisseur britannique Beagle 2 se séparait de son vaisseau mère, l'orbiteur européen Mars Express, pour entamer une périlleuse descente vers les déserts glacés de la planète rouge. Le petit engin ne donnera jamais signe de vie, plongeant l'équipe responsable de sa conception dans des affres sans nom. L'échec cuisant de la mission était d'autant plus douloureux que Beagle 2 embarquait un ensemble d'instruments scientifiques dédiés à la recherche de traces de vie, et qu'un certain nombre d'entre eux étaient véritablement novateurs, depuis les capteurs UV jusqu'à la taupe robotique. A l'époque, l'Agence Spatiale Européenne (ESA) subit de plein fouet le feu de nombreuses critiques (la comparaison avec la réussite des rovers américains Spirit et Opportunity n'aidant pas !), et la disparition de l'atterrisseur éclipsa même les premiers succès de l'orbiteur Mars Express (tant il est vrai que les gens préfèrent les drames aux réussites). Pendant de nombreux mois et années, les planétologues recherchèrent l'épave, en vain. Coup de tonnerre, voilà que la caméra HiRISE de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) vient de retrouver Beagle ... intact. Oui, intact. L'engin est bien posé là où il faut, à proximité de son site d'atterrissage, dans le bassin d'Isidis Planitia, un très large cratère d'impact situé près de l'équateur. Contre toute attente, l'audacieuse capsule britannique est donc parvenue à se poser sur la surface rouillée de Mars, le bouclier thermique, le parachute et les airbags ayant fonctionné comme prévu. Seul un moteur défectueux aurait apparemment empêché le déploiement d'une ou deux pétales recouvertes de panneaux solaires, mettant par là même un terme définitif à la mission. L'antenne radio ne pouvait effectivement être exposée qu'après l'ouverture complète de la sonde. Un retournement de situation exceptionnel, qui laisse espérer un succès pour le démonstrateur technologique Schiaparelli de la mission ExoMars de 2016. Le cliché de Mars Reconnaissance Orbiter est visible ici. Le bouclier arrière, ainsi que le parachute, ont apparemment eux aussi été localisés près de l'engin. Je suis certain que Colin Pillinger aurait aimé voir ça.

[21 septembre 2014]

La sonde américaine MAVEN va se placer en orbite martienne

Cette nuit, la sonde américaine MAVEN va effectuer une manœuvre critique qui doit la placer en orbite autour de la planète rouge, après un voyage interplanétaire de 10 mois. MAVEN est un orbiteur entièrement dédié à l'étude de l'atmosphère martienne. La procédure d'insertion en orbite martienne débutera malheureusement à une heure tardive, à 03h50 heure française, ce qui va empêcher beaucoup d'entre nous de la suivre en direct. L'événement clé de la séquence d'insertion est l'allumage de six moteurs fusées MR-107N, alors que la sonde survolera le pôle nord à une altitude de 380 kilomètres.

Pendant environ 33 minutes, les propulseurs, capables de délivrer chacun une poussée variable pouvant atteindre 296 newtons, vont ralentir l'orbiteur pour permettre sa capture par le champ de gravité martien, en consommant plus de la moitié de l'hydrazine stockée dans le réservoir central. Si tout se déroule correctement, à l'issue de cette manœuvre, le satellite MAVEN se retrouvera alors sur une orbite elliptique inclinée à 75° par rapport à l'équateur.

Cette orbite, que la sonde bouclera en 35 heures avant d'entamer un nouveau tour, frôle la surface martienne à seulement 380 kilomètres d'altitude au niveau du périapse. Le point le plus éloigné de Mars, l'apoapse, est quant à lui situé à 44 600 kilomètres, offrant à l'orbiteur un point de vue unique sur l'ensemble de la planète. Une fois capturée par la planète rouge, MAVEN débutera une phase de mise en service d'une durée de 6 semaines, au cours de laquelle elle effectuera des manœuvres propulsives pour atteindre son orbite définitive.

Toute la procédure d'insertion orbitale (MOI) est entièrement automatisée. Lorsqu'elle débutera, la NASA ne pourra qu'assister au déroulement des opérations. La sonde MAVEN sera suivie en permanence par les antennes du Deep Space Network de la NASA. A aucun moment elle ne passera derrière le globe martien, et l'agence spatiale américaine devrait rester en permanence en contact avec son orbiteur. Le délai de communication entre la planète rouge et la Terre est actuellement de 12 minutes et 13 secondes.

Pour l'instant, tout semble indiquer que MAVEN suit la bonne trajectoire, et deux manœuvres de correction programmées en juillet et septembre ont été annulées, car jugées non nécessaires par les navigateurs interplanétaires. Cependant, pour éviter une catastrophe similaire à celle qui a détruit la sonde Mars Climate Orbiter en 1999 lors de sa mise en orbite, les responsables de la mission peuvent effectuer deux manœuvres d'urgence 24 heures (TCM-5a) et 6 heures (TCM-5b) avant l'insertion orbitale proprement dite.

En cas d'incident, la sonde MAVEN est capable de réagir de façon autonome pour corriger du mieux possible la situation, et parvenir malgré tout à se placer en orbite autour de Mars. Le pire serait que la sonde se crashe sur la planète rouge, ou n'effectue qu'un simple survol, pour se perdre ensuite dans le système solaire.

Ainsi, si la procédure de MOI est annulée par le dispositif de tolérance de panne suite à la détection d'un dysfonctionnement quelconque, MAVEN effectuera une réinitialisation logicielle très rapide pour allumer à nouveau le plus vite possible les moteurs fusées et poursuivre la manœuvre coûte que coûte. Si l'un ou plusieurs des moteurs cessent brutalement de fonctionner en cours de manœuvre, la sonde ordonnera aux propulseurs restants de rester actifs plus longtemps pour atteindre une orbite optimale.

Le tableau ci-dessous indique les différents événements qui ont eu lieu cette nuit :

Evénement

Date

Heure (française) Statut
Initialisation de la séquence d'insertion en orbite martienne (MOI) :
  • préchauffage du réservoir d'hydrazine.
  • déverrouillage des valves des moteurs fusées.
  • Reconfiguration du système de tolérance de panne, pour éviter que la sonde ne bascule en mode sans échec et arrête la séquence d'insertion en cas de dysfonctionnement d'un sous-système.
  • Activation du mécanisme de récupération automatique en cas de bascule en mode sans échec.

18 septembre 2014

N/A SUCCES
  • Prise de décision quant à la réalisation de la première manœuvre de correction de trajectoire d'urgence (TCM-5a).
20 septembre 2014 N/A Décision négative (TCM non nécessaire)
21 septembre 2014 02:50 SUCCES
  • 1er  reconfiguration du système de tolérance de panne.
21 septembre 2014 07:50 SUCCES
  • Prise de décision quant à la réalisation de la seconde manœuvre de correction de trajectoire d'urgence (TCM-5b).
21 septembre 2014 20:30 Décision négative (TCM non nécessaire)
  • Désactivation du système de tolérance de panne.
  • Reconfiguration du dispositif de récupération rapide en cas de bascule en mode sans échec.
  • Pressurisation du réservoir d'hydrazine.
22 septembre 2014 02:50 SUCCES
  • MAVEN bascule de l'antenne à grand gain vers l'antenne omnidirectionnelle à faible gain pour les communications avec le centre de contrôle de la NASA.
22 septembre 2014 03:15 SUCCES
  • Réorientation de la sonde en vue de l'insertion. Au lieu de pointer vers la Terre, les moteurs sont maintenant dirigés vers Mars (position rétrograde en vue du freinage).
22 septembre 2014 03:30 SUCCES
  • MAVEN est maintenant positionnée pour la phase propulsive de la manœuvre d'insertion orbitale.
22 septembre 2014 03:40 SUCCES
  • Allumage des moteurs de contrôle d'attitude MR-106E pour corriger toute déviation éventuelle de l'orbiteur et pour répartir de façon homogène l'hydrazine dans le réservoir central du système de propulsion.
22 septembre 2014 03:50
(MOI + 00:00:00)
SUCCES
  • Mise à feu par paire des six moteurs MR-107N.
22 septembre 2014 03:50
(MOI + 00:00:30)
SUCCES
  • Arrêt des moteurs par décision de l'intelligence de bord, et fin de la procédure d'insertion en orbite martienne.
22 septembre 2014 04:22 - 04:27
(MOI + 00:32 à 00:37)
SUCCES
MOI : 00:34:26
  • Réorientation de la sonde vers la Terre.
22 septembre 2014 04:36
(MOI + 00:45)
SUCCES
  • Bascule des communications sur l'antenne grand gain.
22 septembre 2014 05:00
(MOI + 01:09)
SUCCES
  • Analyse de la manœuvre d'insertion.
  • Vérification de l'état de tout les sous-systèmes de la sonde.
  • Caractérisation précise des données orbitales.
22 septembre 2014 06:00 - 07:30
(MOI + 02:10 à 03:39)
 

Dans sa course vers la planète Mars, l'engin américain est talonné de près par l'orbiteur Mangalyann, qui va permettre à l'Inde de connaître son baptême du feu le mercredi 24 septembre à 03h47 heure française.

[17 août 2014]

Passage en rase motte de la comète "Siding Spring"

Les sondes actuellement en orbite martienne, ainsi que les engins en croisière se préparent à l'arrivée de la comète C/2013 A1 "Siding Spring", qui va frôler la planète Mars à une distance de seulement 132 000 kilomètres (un tiers de la distance séparant la Lune de la Terre, soit 384 400 km) le 19 octobre prochain, à 20:28 heure française. L'objectif principal est d'empêcher à tout prix la collision d'une particule provenant de la chevelure (la coma) et des queues cométaires. Même si ses dernières sont de dimensions négligeables (de 1/10 000éme de centimètre à un centimètre de diamètre), elles vont circuler avec une vitesse considérable (56 kilomètres par seconde par rapport à Mars), ce qui les rend particulièrement létales. Le danger est réel : si le diamètre du noyau de la comète est actuellement inconnu, la taille de la chevelure est suffisante pour englober totalement la planète Mars. L'atmosphère qui entoure un noyau cométaire s'étend en effet sur environ 100 00 kilomètres, soit une sphère atteignant la dimension du globe de Jupiter. La quantité de poussières et autres débris émis par la comète atteint de plus des valeurs spectaculaires : 100 kg par seconde !

Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) a donc réalisé une manoeuvre le 2 juillet, et une seconde est programmée pour le 27 août. De son côté, l'orbiteur Mars Odyssey (qui détient le record de longévité d'un engin sur Mars) a allumé ses moteurs pendant une durée de cinq secondes et demie, le 5 août dernier. L'objectif de ces manoeuvres n'est pas de modifier la forme des orbites suivies, mais de déplacer les sondes sur ces dernières, de manière à ce que les satellites soient de l'autre côté de Mars lorsque la comète effectuera son passage en rase motte, mettant ainsi la masse de la planète entre elles et le danger. La période la plus délicate aura lieu 90 minutes après le survol du noyau cométaire, et durera 20 minutes.

Des précautions ont également été prises pour l'orbiteur MAVEN, qui est actuellement en croisière entre la Terre et Mars, et dont l'arrivée est prévue pour le 21 septembre prochain. Une manoeuvre d'évitement a ainsi été programmée pour le 9 octobre. L'ESA a de son côté pris les mesures nécessaires pour Mars Express, et l'agence spatiale indienne, qui va placer son premier orbiteur autour de la planète rouge le 24 septembre, trois jours après MAVEN, a également dû faire de même, même si les communiqués de l'ISRO mentionnent plus les retombées scientifiques du passage cométaire.

Avant et après le passage de C/2013 A1 "Siding Spring", tous les engins américains tenteront d'étudier l'intrus du mieux possible, en particulier les propriétés physico-chimiques du noyau, de la chevelure et de la queue, ainsi que l'interaction de la comète avec l'atmosphère martienne et le vent solaire. Avec sa puissance caméra HiRISE, la sonde Mars Reconnaissance Orbiter devrait prendre des clichés haute résolution, qui montreront peut-être des détails de surface du noyau cométaire.

Des aurores boréales sont également envisageables. Mars ne possède plus de champ magnétique global, mais une magnétisation de la croûte existe encore, sous la forme de champs locaux qui produisent une multitude d'ombrelles, disséminées sur toute la planète. L'interaction de l'atmosphère cométaire avec ces dernières va peut être donner naissance à un phénomène semblable à celui des aurores polaires sur Terre (les émissions pourraient avoir lieu dans le rouge, le bleu, le vert, ou d'autres longueurs d'ondes non visibles à l'oeil nu).

Au sol, les rovers Opportunity et Curiosity ne risquent rien, l'atmosphère martienne étant suffisamment épaisse pour freiner et brûler les particules cométaires. Ils seront par contre peut être les spectateurs d'une magnifique pluie de météores !

Dix bougies pour Opportunity

Opportunity vient de fêter sa dixième année de fonctionnement sur Mars, et détient désormais le record de la plus grande distance jamais parcourue sur un astre extraterrestre. Le 27 juillet, avec un peu plus de 40 kilomètres à son compteur, il a effectivement battu le record du rover soviétique Lunakhod 2, qui a sillonné sur 39 kilomètres la surface sélène. Ce rover lunaire a atterri le 15 janvier 1973 et a roulé pendant cinq mois. Ses traces ont été étudiées par la sonde américaine Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO), histoire d'avoir une odomètrie précise.

Oppy se déplace actuellement autour du cratère d'impact Endeavour, pour étudier les strates rocheuses exposées sur ses parois, et qui contiennent des argiles et des sulfates, minéraux déposés en présence d'eau liquide. Son prochain objectif scientifique majeur est une ravine située non loin de là, baptisée "Marathon Valley", et au niveau de laquelle les sondes orbitales ont détecté par spectrométrie des lits argileux (smectite).

Statut de Curiosity

De son côté, le rover Curiosity a allumé sa première bougie martienne. Depuis son atterrissage dans le cratère Gale le 5 août 2012, il a bouclé une année martienne bien chargée. Tout ne s'est cependant pas déroulé comme prévu, et le rover est encore bien loin de son objectif scientifique principal, les contreforts du mont Sharp. Les ingénieurs sont très inquiets par les dommages accumulés au niveau des roues, les images montrant des dégâts particulièrement importants : fissures et perforations sont de plus en plus nombreuses, surtout sur les roues situées en avant et au milieu. Réalisées en aluminium, les roues du rover devaient répondre à plusieurs contraintes : elles devaient être légères, flexibles (car c'est sur elles que le rover a atterri, lors de sa dépose par la grue volante "Skycrane") et procurer la traction nécessaire. Ce qui est inattendu, et qui n'avait pas été prévu par les ingénieurs, c'est que certains rochers martiens seraient suffisamment dur pour poinçonner puis percer le revêtement (très fin) de 0,75 millimètre qui les recouvrent. Curiosity subi donc une attaque en règle sur l'un de ses systèmes mécaniques les plus critiques à sa mission, les roues.

Pour pallier à ce problème critique, les ingénieurs ont décidé de faire avancer le rover en marche arrière. Celui-ci effectue donc un demi tour avant de progresser, pour tourner à nouveau sur lui même avant de débuter les mesures scientifiques. Malheureusement, ce mode de progression est lent, en partie parce que les algorithmes de navigation autonome embarqués sur le rover ne fonctionnent pas en marche arrière. Une autre manière de procéder est d'étudier en détail le terrain, pour éviter les roches les plus agressives.

Aujourd'hui, les navigateurs sont confrontés à un dilemme de taille pour rejoindre la zone cible de la mission, les contreforts du mont Sharp. Il était initialement prévu de circuler sur des dalles rocheuses, mais l'état des roues a modifié les plans, et un chemin alternatif a été tracé dans des zones sableuses, qui forment un dédale parmi les affleurements rocheux. Les photos satellites montrent clairement que le terrain qui se profile devant Curiosity devient de plus en plus difficile, et c'est pas un hasard si l'engin vient justement de sortir de son ellipse d'atterrissage (positionnée sur les terrains les moins dangereux possibles, pour réduire au maximum les risques lors de la dépose). Curiosity est actuellement garé devant une langue sableuse, nommée "Hidden Valley". S'il est évident que le sable et la poussière permettraient d'épargner les roues, la probabilité d'enlisement est bien réel. Le rover prendra-t-il le risque de s'enfoncer dans les sables dunaires d'Hidden Valley, ou préférera-t-il monter sur le socle rocheux du plateau de Zabriskie, en acceptant une dégradation de plus en plus importante de ses précieuses roues ?

Sélection des instruments pour le rover de 2020

Les problèmes que connaît actuellement le rover Curiosity sur Mars sont pris en compte par les ingénieurs qui travaillent sur son successeur, dont le départ est prévu pour l'année 2020, et qui poursuivra la stratégie d'exploration de la planète rouge de la NASA : suivre l'eau, explorer le potentiel d'habitabilité et rechercher des traces de vie passées ou présentes. L'agence spatiale américaine vient d'annoncer les sept instruments scientifiques retenus, parmi une sélection de 58 propositions :

  • une caméra couleur 3D sophistiquée capable de réaliser des panoramas et de zoomer à la demande (Mastcam-Z). Elle sera également capable d'obtenir des informations sur la minéralogie de la surface martienne.
  • une version améliorée de l'instrument Chemcam embarquée sur Curiosity, qui permettra d'imager et de déterminer la composition chimique et la minéralogie de la surface martienne, mais aussi de détecter à distance la présence de molécules organiques dans les roches et le sol. Supercam bénéficie d'une participation importante de la France par l'intermédiaire du CNES (Centre National d'Etudes Spatiales) et de l'IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie de Toulouse).
  • un spectromètre à fluorescence X (PIXL) pour déterminer la composition élémentaire (atomique) à petite échelle de la surface martienne (roches et sols), et ce avec une précision encore jamais atteinte. Les éléments chimiques, excités par des rayons X, renvoient en retour des rayons X d'énergie différente, ce qui permet leur identification. L'instrument embarque aussi une caméra haute résolution, pour obtenir des clichés dans le domaine du visible qui serviront de contexte aux mesures. Ces dernières seront rapides, puisqu'une analyse effectuée par PIXL ne prendra que quelques secondes à 2 minutes. L'instrument pourra décaler légèrement le faisceau de rayons X, permettant ainsi la réalisation de cartes chimiques sur une surface similaire à celle d'un timbre poste.
  • un spectromètre laser fonctionnant dans le domaine de l'ultraviolet, pour réaliser des mesures minéralogiques de la surface martienne et détecter des molécules organiques. L'instrument répond au nom amusant de SHERLOCK. Il utilisera deux modes particuliers de spectrométrie UV : la première, basée sur la fluorescence, pour identifier des molécules organiques et la seconde, basée sur l'effet Raman, pour étudier les minéraux, ainsi que des composés organique. Un miroir rotatif permettra de décaler le spot laser (d'un diamètre de 50 microns) pour réaliser des cartes chimiques sur de petites surfaces. Une caméra similaire à la caméra MAHLI qui équipe Curiosity permettra de prendre des images contextuelles dans le domaine du visible.
  • l'expérimentation MOXIE est une mini usine capable de fabriquer, à partir du dioxyde de carbone atmosphérique, de l'oxygène. Il s'agit d'un démonstrateur technologique pour valider la possibilité d'utiliser les ressources locales de la planète Mars dans le cadre d'une exploration par l'homme. L'oxygène produit par ce moyen pourrait servir de comburant pour le moteur d'une fusée, ou être respiré.
  • le package météo MEDA, un ensemble de capteurs pour mesurer la température, la pression atmosphérique, l'humidité, la vitesse des vents et leur directions, ainsi que la taille et la forme des grains de poussière.
  • un radar à pénétration de surface, pour étudier la structure du sous-sol martien à l'échelle du centimètre (RIMFAX).

Enfin, le rover devra également prélever de nombreux échantillons de roches. Les carottes seront placées dans un petit container amovible, qui accueillera aussi certainement des prélèvements de sols et d'atmosphère, en vue de préparer une mission de retour d'échantillons. Le ramassage, par une future mission, du container, devra être possible, si l'intérêt des prélèvements effectués est jugé suffisant.

[27 juillet 2014]

Une fin de mois de juillet tranquille sur Mars, avec deux sondes qui continuent lentement mais sûrement de progresser vers leur destination. D'un côté Mangalyaan, qui marque l'entrée de l'Inde dans le club très fermé des nations capables d'envoyer des engins robotiques vers la planète rouge, de l'autre l'orbiteur américain MAVEN, développé dans le cadre du programme Scout, et dont on peut souhaiter qu'il obtienne des résultats scientifiques supérieurs à son prédécesseur, l'atterrisseur Phoenix. Les deux engins doivent se placer en orbite fin septembre.

Le mois d'août marquait aussi la date à laquelle la sonde Phobos-Grunt devait ramener sur Terre des échantillons du régolite de la plus grosse des deux lunes martiennes, Phobos, si un problème technique dramatique ne l'avait pas condamnée à se désintégrer au-dessus de l'océan pacifique. L'exploration de Mars reste une activité à haut risque, contrairement à ce que pourrait nous faire croire le quotidien des sondes qui sont déjà sur place, depuis la flotte d'orbiteurs américano-européenne, jusqu'au monstre de technologie qu'est le rover Curiosity.

Situation actuelle du rover américain Curiosity dans le cratère Gale (crédit photo : NASA).

Situation actuelle du rover américain Opportunity sur Terra Meridiani (crédit photo : NASA).

La caméra de MPL

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