Description et fonctionnement du
microscope optique
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Nous avons vu, dans un précédent dossier publié en début d’année 2021 au niveau de la partie microscopie de ce site, quelques éléments pour choisir son premier microscope. Le propos tenu sur cette page se voulait très simple et abordable. Ce qu’il fallait surtout retenir était de fuir comme la peste les innombrables microscopes en plastique neufs ou d’occasions vendu un peu partout, que ce soit dans des boutiques de jouets ou (hélas) des magasins d’optique, ou encore sur Internet, sur des sites de vente en ligne. Un deuxième point (qui devrait à mon avis mériter toute l’attention d’une personne désireuse d’acquérir un instrument optique grossissant) tient dans le choix un peu cornélien loupe binoculaire versus microscope. Pour un public très jeune, ou une personne ne voulant pas s’investir dans le champ exigeant de la confection de préparations microscopiques, aussi bien temporaires que permanentes, la loupe binoculaire reste en effet un excellent choix. Quel que soit l’objet placé dessous (animal, végétal, minéral), elle en offrira effectivement une superbe vision en relief (donc avec une grande profondeur de champ), et avec des grossissements permettant déjà d’apercevoir une foule de détails.
Contrairement à une loupe binoculaire (qui ne sera pas traitée ici), le microscope se présente comme un instrument plus complexe, avec un pouvoir grossissant plus vaste et plus fort, mais qui va, sauf exception (faune et flore microscopiques de l’eau d’un vase, d’une mare ou d’un étang, etc.), nécessiter pour beaucoup d’objets un certain travail préparatoire. Ce dernier va principalement consister à rendre les objets suffisamment transparents pour que la lumière puisse les traverser. Ainsi, dans le cas du matériel végétal (racines, tiges, feuilles), il va surtout s’agir de récupérer des coupes les plus fines possibles de ce que l’on souhaite étudier. Le monde végétal offre une foule de matériaux suffisamment durs pour pouvoir être coupés à la main, mais ce n’est pas le cas du monde animal. Si vous voulez voir à l’intérieur d’un insecte ou du poumon d'une grenouille, il faudra non seulement, dans bien des cas, disséquer des spécimens, fixer les prélèvements avec des fixateurs chimiques souvent toxiques, mais également inclure, par exemple en paraffine ou en résine, les tissus et les organes qui sont sauf exception très mous, trop en tout cas pour être sectionnés à main levée. De plus, une fois les coupes obtenues, il faudra encore les colorer, car les tissus biologiques, quand ils sont suffisamment fins pour enfin laisser passer la lumière, ne montrent bien souvent aucune structure d’intérêt s'ils ne sont pas teintés.
Admettons que le travail requis pour effectuer des préparations microscopiques dignes de ce nom ne vous rebute pas, ou que vous aviez décidé de vous cantonner dans un premier temps à l’étude sérieuse de petits objets (le pollen, le plancton d’eau douce ou d’eau de mer avec ses diatomées, ses desmidiées, ses infusoires, amibes, cyanobactéries, etc.). Vous avez déjà décidé de vous orienter vers un microscope, peut-être un appareil plus puissant (et donc plus coûteux) que les modèles destinés à l’enseignement et présents sur toutes les paillasses des collèges et lycées. Pour faire le bon choix parmi les différents modèles existants, il est hautement recommandé de se familiariser au préalable avec la bête.
La première manière d’aborder le sujet est de passer en revue les différents composants d’un microscope. Comme nous allons le voir, chacun des éléments qui composent un microscope à son importance, et tous doivent être examinés avec un œil avisé et critique. Le second impératif pour choisir avec justesse un microscope est d’avoir une idée de son fonctionnement. C’est souvent là que le mât blesse, car la manière dont un microscope grossit un objet placé sous l’objectif n’est pas facilement appréhendable de prime abord. Bien entendu, tout le monde a déjà utilisé une loupe, et comprend qu’un bloc de verre poli en lentille, peut, par un phénomène purement physique, donner une image agrandie d’un objet examiné à la bonne distance. Grosso-modo, le même mécanisme doit être à l’œuvre dans un microscope, l’appareil comportant simplement manifestement plus de lentilles et de vis de réglages. C’est d’une certaine manière vraie, les mêmes lois fondamentales d’optique s’appliquent pour une loupe ou un microscope. Cependant, le microscope reste un instrument complexe, dont le fonctionnement intime a longtemps échappé à ses fabricants. Les premiers opticiens et savants ayant inventés et mis au point les premiers microscopes composés ne savaient d’ailleurs pas réellement ce qui se jouait vraiment dans le ventre de ces instruments. Ils procédaient par essais et erreurs, et parvenaient parfois, suite à un heureux hasard, à des solutions qui fonctionnaient, mais ces dernières n’étaient jamais idéales. Il faudra attendre les travaux géniaux d’un opticien allemand, Ernst Abbe, dont nous aurons l’occasion de reparler plus loin, pour que la physique à l’œuvre derrière le microscope trouve un solide cadre théorique, et se voit enfin conceptualisée. Ernst Abbe fut en effet le premier non seulement à permettre la conception de microscopes très performants, capables d’atteindre dans certaines conditions un haut niveau d’excellence, mais également à poser de manière stricte et définitive les limites de ces derniers. Malheureusement, les lois de la physique posent des contraintes à tous les types de microscope existants, et dans le cas de ceux qui nous intéressent ici, ces dernières sont plutôt brutales et désopilantes. Disons simplement, pour résumer avant d’aller plus loin, que le grossissement d’un microscope n’est pas l’élément le plus important de toutes ses caractéristiques, et que ce dernier sera toujours limité par des valeurs d’agrandissement qu’il sera impossible de dépasser. Dit autrement, le super microscope vendu sur Internet avec un grossissement exceptionnel de 2000x est très probablement une arnaque.
N’étant ni physicien, opticien ou mathématicien, je n’aborderai pas les notions du fonctionnement d’un microscope optique à transmission (une technique que les spécialistes nomment diascopie) par le biais d’équations, que je n’aime ni ne comprend. Une seule et unique équation sera présentée en détail sur cette page, et elle est relativement simple, tout en étant très éclairante. Des descriptions que j’ai essayé de rendre le plus accessible possible, mais qui seront peut-être entachées d’approximations et d'erreurs, seront employées pour le reste. Seront abordés des concepts fondamentaux, comme la théorie des plans conjugués, l’éclairage de Köhler, le concept d’ouverture numérique ou encore la physique de la diffraction à l’œuvre derrière le pouvoir de résolution. Inutile de fuir à toutes jambes à la vue de cette litanie de termes barbares. Encore une fois, j’essayerai d’être le plus simple possible, sachant qu’il est impossible de vouloir comprendre le fonctionnement d’un microscope sans devoir au moins se frotter à ces concepts de manière superficielle. Ainsi, la dernière fois que vous avez regardé dans un microscope, il est fort probable que l’éclairage ait été réglé à la façon de Köhler, et les plans conjugués étaient bien à l’œuvre. Invisibles, mais réellement là, travaillant en sourdine. Le niveau de détails que vous avez aperçu dans l’oculaire était aussi principalement contrôlé par l’ouverture numérique (écrite en petits caractères sur le barillet de l’objectif enclenché), c’est-à-dire la capacité de ce dernier à capter le plus de lumière possible, non seulement les rayons directs, mais également ceux que les physiciens qualifient de diffractés. Terminons ici cette courte introduction, et rentrons maintenant sans plus tarder dans le vif du sujet.
En permettant de voir l’invisible et d’explorer un monde dont l’immensité et la beauté n’a pas d’égal, le microscope est l’un des appareils les plus fascinants jamais inventés par l’homme. Le microscope est remarquable non seulement parce qu'il ouvre une porte vers l'immense champ de l'infiniment petit, mais aussi parce que pour fonctionner, il repose sur la lumière, l'un des phénomènes physiques les plus mystérieux, même encore à ce jour, de notre Univers (principalement à cause de la fameuse dualité ondes/corpuscules). Mais comment un microscope parvient-il à transcender les capacités de l’œil humain pour permettre l’exploration du micro-monde ?
Tout personne désirant observer un objet de plus près est immédiatement tenté de le rapprocher de son œil, dans l’espoir d’apercevoir un plus grand nombre de détails. L’œil humain est un organe d’une complexité étourdissante, qui permet de distinguer des objets sur un très large intervalle de distance. Au repos, la lentille de l’œil, le cristallin, permet naturellement une vision lointaine. La vision de près nécessite quant à elle un effort, une déformation du cristallin grâce à un ensemble de muscles, de manière à ce que l’image de l’objet observé puisse continuer à se projeter sur la rétine, qui avec ses innombrables cônes et bâtonnets constitue le capteur de l’œil. Grâce à cette accommodation, nous pouvons distinguer de manière nette des objets situés à une distance maximale de 25 centimètres environ (cette distance est toutefois plus courte pour les personnes affectées de myopie, et plus grande pour les hypermétropes). Au-delà de cette limite de proximité, l’œil n’est plus capable d’accommoder, et les objets deviennent immanquablement flous.
Grâce à un ensemble plus ou moins importants de lentilles en verre, le microscope (du grec micros qui signifie petit et scopein qui signifie voir) va permettre de pallier à cette limitation de l’œil humain, et d’examiner avec une foule de détails des objets qui, à l’œil nu, cachent toute la complexité de leurs structures. Pour pouvoir comprendre comment un microscope fonctionne vraiment, il est nécessaire de s’interroger sur ce qui fait qu’un petit objet puisse être vu distinctement. Bien que cela semble un peu contre intuitif, la simple action de grossir n’est en elle-même pas suffisante. Ainsi, on pourrait imaginer que pour pouvoir observer un très petit objet, il suffise de le prendre en photo, d’agrandir la photographie ainsi obtenue (par exemple avec une loupe, ou en utilisant la fonction zoom d’un logiciel de traitement d’images), de prendre en photo le résultat pour en faire un second cliché, qui lui-même pourrait ensuite être agrandi, et ce jusqu’à l’infini, ou tout du moins jusqu’à ce que le résultat souhaité soit enfin obtenu. Cependant, comme la plus simple intuition l’indique, cette technique (appelée « grandissement à vide » par les spécialistes) ne marche tout simplement pas.
L’une des notions clés pour pouvoir appréhender le fonctionnement d’un microscope et jauger sa puissance est celle dite de résolution, ou de pouvoir séparateur. On appelle pouvoir séparateur la distance minimale à laquelle doivent être séparés deux points situés sur un objet pour qu’ils puissent être aperçus comme deux entités distinctes par l’œil. En dessous d’une certaine limite, ces deux points ne peuvent plus être visualisés indépendamment l’un de l’autre, et apparaissent donc confondus, alors qu’en réalité ils ne le sont pas. Le rôle du microscope, par rapport à un œil seul, est d'augmenter par des moyens optiques la capacité de résolution, et de distinguer comme étant séparés des éléments que nos yeux ne voient pas, ou très mal.
Contrairement à certains microscopes à lentille simple ou unique mis au point par des esprits géniaux au 17e siècle, les microscopes optiques actuels comprennent tous plusieurs lentilles, et ils sont appelés pour cela microscopes composés. Le premier groupe de lentille qui rentre en action se trouve au niveau des objectifs, un dispositif optique situé comme son nom l’indique près de l’objet à examiner. Le second groupe se situe dans les oculaires, qui sont localisés quant à eux du côté des yeux de l’observateur. Les objectifs vont fournir une image agrandie de l’objet à étudier, qui sera reprise par les oculaires, qui vont alors en donner une image encore plus agrandie. Outre ses composants optiques fondamentaux, un microscope se distingue également par de nombreux composants purement mécaniques, qui jouent également un grand rôle dans les performances de l'instrument. Par souci de facilité, c’est par eux que nous allons débuter la description de la structure d’un microscope optique (ou photonique) droit standard. Une fois cette partie traitée, nous pourrons alors revenir sur les composants optiques proprement dit, et préciser la théorie auxquels ils sont implacablement liés.
Les composants mécaniques de tout microscope qui se respecte
Les principaux éléments mécaniques de tout microscope digne de ce nom sont le statif, la platine et le tube optique, auquel est couplé un indispensable système de mise au point grossière et/ou fine.
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Une vue en face avant du microscope de l'auteur (un MOTIC BA 310), qui permet de distinguer les principaux composants, mécaniques et optiques, de cet instrument. Du bas vers le haut, on remarquera en particulier la source lumineuse, le condenseur, la platine porte-objet, la tourelle à objectifs et les oculaires. Ce microscope est dans une configuration dite droite. Il existe des microscopes inversés, au niveau desquels tout est inversé : la source lumineuse est en haut et la tourelle des objectifs et en position basse. Ces microscopes sont très courants dans les laboratoires, où ils permettent par exemple l'examen de cellules dans des plaques spéciales à puits, mais ne sont pas recommandés pour un amateur (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Le corps d’un microscope est appelé statif. Son rôle est de garantir la stabilité de l’instrument, qui doit être la plus grande possible, et de supporter les autres composants, comme la source d’éclairage, la platine porte-objet, le tube optique, etc. Un bon microscope se doit d'être extrêmement stable. Effectivement, si au moindre choc, à la moindre manipulation, par exemple lors de la mise au point, voire la simple action de mettre l’œil à l’oculaire, le microscope bougeait, le centrage de l’objet au centre du champ d’observation pourrait être perdu, ce qui compliquerait alors très fortement toute tentative d’étude. Les anciens microscopes possédaient souvent un pied en fonte possédant la forme d’un fer en cheval. Une charnière permettait d’incliner la partie supérieure, de manière à pencher le tube optique et à faciliter les observations lorsque ces dernières devaient être menées en position assise (pour l’examen de liquide, ces microscopes devaient cependant impérativement être utilisées en position verticale). Les microscopes modernes sont également massifs, mais aussi plus pratiques : les portes oculaires sont généralement coudés à 45° pour faciliter l’observation, tandis que la platine porte-objet reste toujours à l’horizontale.
La platine porte-objet
La platine du microscope constitue le support sur lequel les préparations à examiner sont posées. Elle est percée en son centre d’un orifice permettant le passage de la lumière. Sur les microscopes biologiques, les platines sont généralement de formes carrées. Sur des microscopes polarisants destinés à observer des sections très fines de roches et de minéraux (lames minces), la platine est au contraire ronde, et peut tourner sur elle-même à 360°. Pour identifier les minéraux présents dans les roches, il en en effet nécessaire de pouvoir tourner la platine pour amener les minéraux à une position dite d’extinction, où la lumière ne passe plus. Des repères gradués permettent alors de mesurer assez précisément cette valeur. Dans la suite de ce texte, nous allons nous intéresser majoritairement aux microscopes biologiques (le matériel nécessaire à l’examen de lames minces de roche sera cependant traité rapidement plus loin).
Sur des microscopes biologiques très simples, une fois fixée sous les deux valets de la platine, la lame doit être déplacée manuellement par les mains de l’observateur, que ce soit pour centrer une zone précise ou balayer l’ensemble de la préparation en vue d’une exploration complète. Sur des microscopes plus sophistiqués, la platine est munie d’un chariot à double mouvement très pratique, qui permet d’effectuer des déplacements horizontaux très précis mais aussi très rapides. Un ensemble de graduations, avec parfois un vernier, permet également d’effectuer des repérages de la position de certains objets, de manière à pouvoir ensuite les retrouver très facilement lors d’un nouvel examen. Sur ces platines, les lames sont souvent immobilisées non pas par des valets, mais par un levier à ressort qui peut être actionné d’une main.
Placer correctement une préparation sur la platine d’un microscope n’est que l’étape préliminaire à son étude. Pour qu’une observation au microscope puisse avoir lieu, l’objet à examiner doit ensuite être amené à une certaine distance de la lentille frontale d'un objectif. Selon les microscopes, ce réglage peut avoir lieu de deux manières : soit la platine porte-objet est fixe, et c’est le tube optique que l’on monte ou que l’on descend par le biais de vis, soit au contraire le tube optique est fixe, et c’est alors la platine que l’on déplace verticalement. Sur les microscopes anciens, la mise au point était réalisée de manière assez grossière, et pouvait par exemple simplement consister à faire glisser une partie du tube optique dans une autre, de manière à allonger ou au contraire à raccourcir l’ensemble. Historiquement, le tube optique fut ensuite fixé sur une crémaillère, sur laquelle venait s’engrainer des pignons aux dents plus ou moins grosses.
Les microscopes modernes possèdent généralement deux dispositifs permettant une mise au point très efficace : une vis offrant des mouvements rapides (dite vis macrométrique) servant à effectuer un premier réglage grossier (qui peut cependant se révéler suffisant pour des objectifs de faible grossissement) et une vis autorisant des mouvements plus lents mais très fins (dite vis micrométrique), indispensable pour les observations à plus fort grossissement. Les deux vis sont maintenant très souvent coaxiales, ce qui signifie qu’elles sont situées sur un même axe. Elles sont alors en même temps à la portée de la main de l’opérateur, ce qui permet d’effectuer des réglages grossiers puis fins sans mouvements inutiles. Idéalement, leur position est basse, de manière là aussi à diminuer la fatigue de l'observateur durant de longues sessions d'étude. Les bras peuvent en effet simplement reposer sur la table qui supporte le microscope, le système de mise au point se trouvant alors naturellement à portée de main.
Les systèmes mécaniques mis en œuvre sur les microscopes peuvent être fort complexes, et les réparations touchant le système de mise au point nécessitent très souvent l’intervention de spécialistes ayant des compétences en micro-mécanique. Leur description détaillée dépasserait le cadre de cette simple page de vulgarisation.
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Cette vue de profil d'un microscope BA310 permet notamment de voir le disque du condenseur, qui permet d'utiliser le microscope dans différents modes (champ clair, fond noir et contraste de phase), ainsi que les composants permettant les prises de vue (adaptateur photo au niveau de la tête binoculaire et diviseur de faisceau, qui permet d'envoyer une certaine quantité de lumière vers les oculaires, et la partie restante vers la caméra ou l'appareil photo) (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Aux côtés du statif et de la platine, le tube optique est une pièce centrale d’un microscope, puisque c’est lui qui supporte à son extrémité inférieure le ou les objectifs, et à son extrémité supérieure le ou les oculaires. L’un des rôles essentiels du tube est d’assurer un centrage le plus parfait possible entre les objectifs et les oculaires (sur les microscopes en plastique destinés à un public jeune, ce centrage est calamiteux et empêche toute utilisation sérieuse du microscope). Bien souvent, c'est un usinage de précision qui permet de garantir, sur un microscope donné, l'excellent alignement entre les objectifs et les oculaires. Aucun dispositif ne permet vraiment de corriger cet alignement, qui doit donc être très bon de base.
A l’origine, certains microscopes anciens n’étaient ni plus ni moins qu’un tube coulissant monté sur un petit trépied. Lorsque les composants mécaniques se sont modernisés, les microscopes se sont généralement retrouvés munis d’un tube monoculaire droit (qui supportait donc un seul oculaire), possédant à son autre extrémité une tourelle révolver porte-objectifs rotative et inversée sur laquelle venait se fixer plusieurs objectifs. Selon les modèles, ces tubes monoculaires ont ensuite cédé la place à des tubes binoculaires (à deux oculaires, un pour chaque œil) coudés. Sur des tête plus complexes, l’intervalle séparant les deux oculaires (distance inter-pupillaire) est même réglable, l’ensemble offrant alors un très appréciable confort d’utilisation. Enfin, si on se destine à la capture d’images et si le budget suit, il est recommandé d’investir dans un tube muni d’une tête non plus binoculaire mais trinoculaire, qui dégage un emplacement supplémentaire pour un appareil photo ou une caméra. Il est bien entendu tout à fait possible d’adapter une caméra sur une tête monoculaire ou binoculaire, mais la tête trinoculaire reste un vrai plus en termes de confort.
Pendant une période assez importante, la longueur du tube mécanique (c’est-à-dire la distance entre le pas de vis permettant la fixation des objectifs sur la tourelle et le haut du tube dans lequel viennent s’insérer le ou les oculaires) d’un microscope a été fixée arbitrairement à une certaine valeur (le plus souvent 160 mm, mais cela peut également être 180 mm, 210 mm, etc.), ce qui signifiait que les rayons traversant l’objectif étaient focalisés à une distance fixe et déterminée, à laquelle devait donc se trouver l’oculaire (faisons ici une petite remarque : il faut faire attention à ne pas confondre la longueur du tube mécanique avec la longueur optique du tube, qui est la distance séparant le plan focal arrière de l'objectif et la position de l'image intermédiaire, et qui coïncide grosso modo avec la position du diaphragme fixe des oculaires).
La longueur du tube mécanique a ensuite été modifiée, et les microscopes modernes sont désormais corrigés à l’infini (à l'intérieur du tube, les rayons progressent de manière parallèle, et un groupe de lentilles supplémentaire, dites de tube, se chargent de la focalisation des dits rayons sur l’oculaire située en bout de tube). La correction à l’infini permet notamment de placer sur le trajet optique tout un tas d’accessoires (comme des filtres, des prismes) sans que des corrections soient nécessaires, ce qui se révèle très pratique. Dit autrement, avec un tube corrigé à l’infini, on peut emboîter autant de modules que l’on veut entre les objectifs et les oculaires, sans que la précision de focalisation sur les oculaires ne s'en ressente. Contrairement aux tubes de longueur fixes (pour lesquels des objectifs adaptés étaient nécessaires), des objectifs corrigés pour l’infini (∞) peuvent théoriquement se fixer sur n’importe quel microscope du même type, à condition bien sûr que le filetage de l’objectif et le filetage de la tourelle correspondent aussi. Cependant, certaines gammes de microscopes modernes sont devenues si complexes que les ajustements apportés par un constructeur donné sur des objectifs corrigés à l'infini font qu'il n'est pas au final recommandé de les monter sur un autre système d'une marque différente (les subtilités de design pouvant conduire à des désillusions). D’une manière plus générale, si vous comptez acquérir des objectifs seuls, d’occasion ou neufs, il convient de bien faire attention à leur type : acheter un objectif prévu pour être monté sur un tube de 160 mm et le fixer sur un tube à l’infini n'est guère une bonne idée.
Les composants optiques d’un microscope
Tous les composants mécaniques d’un microscope sont là pour supporter au mieux les composants optiques de l'instrument : l’indispensable système d’éclairage, mais également les objectifs et les oculaires, qui constituent à eux deux la colonne vertébrale de l’instrument. Commençons par étudier l’éclairage, pour pouvoir ensuite aborder sereinement objectifs et oculaires, sur lesquels nous resterons un moment, car c’est derrière eux que se cache principalement la théorie physique qui permet à un microscope de former des images.
Que la lumière soit : le système d’éclairage ou d'illumination
Le microscope étant un appareil qui utilise la lumière, son fonctionnement est entièrement dépendant de la présence d’une bonne source d’éclairage. Cette dernière, composée d’une source lumineuse et d’un dispositif optique spécial, le condenseur, doit en particulier non seulement délivrer une lumière d’intensité constante, mais également permettre un éclairage le plus homogène possible du champ d’observation. Historiquement, les premiers microscopes utilisaient comme source d’éclairage la lumière du jour, collectée par un miroir, ou la flamme d’une lampe à huile, dont la lumière jaune était focalisée par un dispositif optique adapté. Les premiers microscopes que Robert Hooke employait au 17e siècle lors de ses célèbres observations, après avoir plongé son cabinet d’étude dans l’obscurité, fonctionnaient ainsi à la bougie.
Contrairement à la bougie, et même si ses caractéristiques sont par définition changeantes, la lumière du jour peut constituer dans certains cas une source d’éclairage tout à fait acceptable pour le microscopiste amateur moderne. Elle sera collectée par un miroir, fixé sous la platine, et orienté de telle façon qu’un cylindre de lumière le plus large possible parvienne au condenseur. La face plane du miroir doit être utilisée si l’on veut alimenter le condenseur avec un pilier de lumière fait de faisceaux parallèles. La face concave n’a d’utilité qu’avec les objectifs à faibles grossissements, quand le condenseur a été ôté ou est absent.
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que les microscopes modernes utilisent tous désormais un éclairage électrique, qui permet d’alimenter des ampoules plus ou moins puissantes. Si, initialement, l'éclairage reposait sur des ampoules à incandescence ou halogène, des LED, qui délivrent une lumière blanche très intense et pure, sont de plus en plus utilisées maintenant.
Les diaphragmes à iris
Outre la source lumineuse elle-même, deux autres dispositifs sont essentiels à la mise en place d’un bon éclairage : il s’agit des diaphragmes et du condenseur. Comme ceux que l’on retrouve sur les appareils photos, les diaphragmes sont des structures constituées d’un ensemble de petites lames qui, en coulissant les unes sur les autres, ménagent une grande ouverture (si le diaphragme est ouvert) ou au contraire une petite ouverture (si le diaphragme est fermé), à la manière de l'iris de l'œil. En ouvrant ou en fermant un diaphragme donné, il est ainsi possible de contrôler la quantité de lumière transmise.
Sur un microscope qui se respecte, les diaphragmes sont au nombre de deux. Le premier diaphragme est le diaphragme de champ, situé juste au-dessus de la source lumineuse à laquelle il est lié, au pied du microscope. Selon qu’il est ouvert ou fermé, la surface éclairée dans le champ d’observation sera plus ou moins grande. Ce diaphragme contrôle le diamètre du cylindre de lumière qui est envoyé vers le condenseur. Modifier son ouverture n'affecte pas la résolution optique du microscope, l'ouverture numérique ou l'intensité de l'illumination. Le rôle du diaphragme de champ n'est cependant pas anecdotique, car il permet notamment d'éliminer des reflets gênants. L'ouvrir entièrement à fond n'est parfois pas une bonne idée, car l'excès de lumière peut en effet dégrader la qualité de l'image.
Le second diaphragme, dit diaphragme d’ouverture, est quant à lui localisé au niveau du condenseur. Généralement commandé par un petit levier ou un anneau cranté, il contrôle l’angle d’illumination, c’est-à-dire la forme, étroite ou large, du cône lumineux qui est envoyé vers l'échantillon. Lorsqu’il est fermé, le pouvoir de résolution diminue, mais le contraste est amélioré. A l’inverse, lorsqu’il est ouvert, le pouvoir de résolution augmente, mais le contraste est plus faible. Comme nous le verrons plus loin, son bon réglage est essentiel pour pouvoir tirer parti du maximum de résolution offert par un objectif donné. Le réglage du condenseur, très souvent oublié par les utilisateurs de microscope, est absolument critique pour les réglages de l'illumination façon Köhler.
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Le condenseur d'un microscope est un dispositif très important, bien que souvent délaissé ou oublié. Caractérisé par son ouverture numérique, il permet d'envoyer vers le spécimen à observer un cône de lumière, étroit ou au contraire ouvert, en fonction de l'objectif choisi. C'est à son niveau que se trouve le diaphragme à iris d'ouverture, et il peut également supporter des dispositifs permettant l'observation en fond noir, à contraste de phase ou à contraste différentiel interférentiel (crédit photo : © ZEISS). |
A quoi correspond le condenseur, sur lequel se trouve le diaphragme à iris d'ouverture, et que nous venons d’évoquer à plusieurs reprises ? Il s’agit d’un dispositif essentiel dont tout microscope devrait être pourvu, et qui répond à plusieurs impératifs : fournir un éclairage homogène dans le champ de vision, éclairer correctement l’ouverture frontale de l’objectif, et éventuellement supporter des dispositifs d’amélioration du contraste optique (comme le fond noir, le contraste de phase et le DIC sur lesquels nous reviendrons).
Le format de condenseur le plus connu est le condenseur d’Abbe à deux lentilles. Introduit en 1882 (la même année que la découverte du bacille tuberculeux par Koch), il a depuis largement prouvé son efficacité. Le condenseur est généralement fixé sur une petite crémaillère, ce qui permet de le monter ou de le descendre. Il est également normalement muni de deux petites molettes qui servent à le centrer précisément sur le chemin optique qui débute au niveau de la source lumineuse et qui se termine aux oculaires. Certains condenseurs peuvent posséder une lentille supérieure escamotable : celle-ci est conçue pour être placé sur le chemin optique en cas d'utilisation d'objectifs à fort grossissement, et il convient de l’ôter lorsque l’on emploie des objectifs à plus petit grossissement.
Selon la sophistication du microscope, il existe différents types de condenseur. Ainsi, à côté du condenseur d'Abbe très répandu, on peut trouver des condenseurs aplanétiques ou achromatiques, capables de corriger les aberrations chromatiques ainsi que les aberrations de sphéricité. L’absence de correction des aberrations chromatiques au niveau du condenseur se détecte facilement par l’apparition d’une frange violette autour du diaphragme de champ lors du réglage de l’éclairage façon Köhler, que nous allons aborder maintenant (à ce sujet, notons que le condenseur est le seul dispositif d'un microscope dont il est possible de modifier le centrage).
Illumination de Köhler et champs conjugués
Comme tous les instruments, le microscope demande quelques ajustements avant de pouvoir être utilisé correctement. L’un des réglages les plus importants est celui de l’éclairage, dit de Köhler, d’après le nom de l’opticien allemand August Köhler (1866 - 1948) qui l’a mis au point en 1893 lorsqu’il travaillait pour la firme germanique Carl Zeiss. D’un point de vue pratique, la mise en place d’une illumination Köhler est relativement simple, c’est en fait la théorie qui le sous-tend qui est un peu plus compliquée et intimidante (ce qui fait qu'elle est hélas souvent mal comprise ou tout simplement ignorée).
Sur un microscope, l’illumination de Köhler permet d’obtenir un éclairage de haute qualité, avec un fond homogène, un bon contraste et des reflets limités. Pour le mettre en œuvre, le mieux est de se référer à la procédure fournie par le constructeur du microscope que vous possédez, ou dont vous comptez faire l’acquisition. Voyons en quelques étapes comment s’y prendre d’une manière générale et de façon concrète :
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Un condenseur d'Abbe très simple d'un microscope de marque Euromex. La lentille frontale est visible à gauche. Une fois renversé (à droite), le condenseur montre le diaphragme à iris d'ouverture (contrôlable par une petite languette métallique). Ce condenseur est également équipé d'un porte filtre, situé devant le diaphragme (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Derrière la procédure en l’apparence simple qui vient d'être décrite se cache en fait un concept théorique assez fascinant, celui des champs conjugués. L’idée, élégante et géniale, de Köhler, a été de découpler ou de défocaliser le plan de la source lumineuse du plan sur lequel s’observe l’objet à étudier.
Pour bien comprendre le concept des plans conjugués, il faut imaginer un microscope mal conçu utilisant une lampe à incandescence située à proximité immédiate de la platine sur laquelle repose le spécimen à examiner. A cause de la faible distance existant entre d'une part la source lumineuse et d'autre part l'échantillon, l'image du filament de l'ampoule se confondrait alors avec l'image grossie de l'objet. Dans ces conditions, l'image finale obtenue serait fortement dégradée. C'est cette situation que le système de plans conjugués de Köhler permet de régler. L'idée générale est de défocaliser le filament de l'ampoule de notre exemple, de manière à le faire disparaître de l'image finale, en le remplaçant par un champ lumineux, clair, diffus et homogène.
Au niveau d'un microscope, il existe en fait deux groupes séparés de quatre plans entrelacés, qui portent le nom de plans conjugués. L'une des propriétés de la conjugaison fait que si un objet est amené au focus dans l'un des plans, il sera également visible de manière nette dans les autres plans situés au-dessus. Nous verrons plus loin quelle importance ce comportement pourra avoir pour le microscopiste.
Le premier ensemble de plans conjugués est dédié à l'illumination. Les plans de ce groupe se situent :
Le second ensemble de plans conjugués est celui de l'image renvoyée par le microscope. Les plans qui en font partie sont les suivants :
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Le fonctionnement d'un microscope repose sur quelques principes fondamentaux, parmi lesquels se trouve la notion de plans conjugués. Mise au point par August Köhler, elle consiste à entrelacer deux séries de plans, les plans dits d'illumination, qui contrôlent l'éclairage, et les plans dits image, où se trouvent l'image agrandie de l'échantillon observé. Les deux séries de plan sont décalées, de telle manière à ce que l'image de la source lumineuse (par exemple le filament de l'ampoule) soit vue de façon complètement floue au niveau des plans images. Une autre conséquence des plans conjugués est qu'un objet vu de manière nette dans un plan donné, apparaît également de manière nette dans les autres plans supérieurs du même groupe (par exemple, une lettre écrite sur un papier transparent placé au niveau du diaphragme de champ de la source lumineuse apparaîtra superposée à l'image de l'échantillon posé sur la platine) (crédit photo : © ZEISS/Philippe Labrot). |
Sur un microscope bien réglé (selon le réglage de Köhler), les plans conjugués sont en action sans que l'on s'en rende compte. Le groupe des plans de l'illumination renvoie une image de la source lumineuse sur le diaphragme du condenseur, le plan focal arrière de l'objectif et la surface de l'œil de l'observateur. Parallèlement, les plans responsables de la formation de l'image fournissent une image du spécimen vers le diaphragme fixe de l'oculaire et la rétine du microscopiste (ou le capteur de l'appareil utilisé pour capturer des images). Cette description n'est absolument pas théorique. Le fonctionnement des plans conjugués peut en effet se vérifier avec un simple papier servant d'écran de projection, que l'on peut placer à différents endroits du microscope (par exemple au niveau du diaphragme du condenseur, ou juste au-dessus de l'oculaire), ou un support transparent sur lequel un petit symbole (par exemple une lettre, un point) a été gravé au marqueur.
La connaissance des plans conjugués peut aussi se révéler très pratique si le microscopiste détecte une saleté (poussière, fibre, poil, vilaine trace de doigt) dans l'image renvoyée par le microscope. Si la contamination apparaît de manière très nette, elle est à rechercher dans les plans conjugués "images" : lentille de la source lumineuse, préparation posée sur la platine, réticule ou lentille inférieure de l'oculaire. Au contraire, si la saleté semble floue, il faut la traquer sur les plans conjugués de l'illumination : lentille supérieure du condenseur, lentille frontale de l'objectif, lentille supérieure de l'oculaire.
Si l'on voulait simplifier à l'extrême, on pourrait dire que les objectifs constituent le cœur d'un microscope, tout le reste n’étant là que pour supporter leur fonction vitale. Contrairement à ce que l'on imagine un peu vite, la raison d'être principale d'un objectif est d’offrir du pouvoir de résolution, et non simplement de grossir un objet. Le pouvoir grossissant d'un objectif n’est là que pour permettre à l’œil d’apercevoir les fins détails qui ont été capturés. Si ces derniers sont absents, le grandissement sera impuissant : qu’importe sa valeur, même la plus élevée possible : il fournira une image qui n’aura pas le moindre intérêt, ni le moindre sens. On retiendra donc qu'avec les microscopes, grossir plus n'est pas forcément le mieux. De même, on veillera à ne pas confondre fort grossissement avec grande résolution. Enfin, nous l'avons vu avec le condenseur, avoir une bonne résolution ne suffit pas à obtenir une bonne image. Encore faut-il avoir du contraste (c'est à dire des différences franches entre des éléments sombres et des éléments clairs), sachant que toute image de microscopie peut être vue comme une sorte de compromis entre résolution et contraste.
Dans le choix ou l'usage d'un microscope, une attention toute particulière devra donc être accordée aux caractéristiques des objectifs montés dessus, étant donné que ces derniers peuvent faire ou défaire un microscope par ailleurs correct sur d’autres aspects comme par exemple la partie mécanique. La meilleure manière de faire connaissance avec les objectifs des microscopes est d'être un peu attentif aux inscriptions qui figurent en plus ou moins grosses lettres au niveau de leur barillet. Tout microscopiste digne de ce nom doit savoir les décrypter instantanément. Nous allons ici les passer en revue, en insistant plus fortement sur celles qui sont fondamentales.
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Il existe un très grand nombre d'objectifs de microscopie, pour tous les budgets. Sur le barillet de chaque objectif, on trouve au minimum figuré le grossissement et l'ouverture numérique. D'autres indications peuvent apparaître, comme la longueur du tube optique nécessaire, la distance de travail ou encore l'épaisseur de la lamelle nécessaire. Avec des objectifs bon marché, le nombre de lentilles est généralement réduit au minimum. Au contraire, sur des objectifs haut de gamme, on trouvera des doublets ou des triplets supplémentaires, chargés de corriger au mieux les aberrations chromatiques et géométriques (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Grossissement, ouverture numérique (NA) et pouvoir de résolution
La première caractéristique que l'on note sur un objectif est (malheureusement pourrait-on ajouter) celle du grossissement. Même sur les objectifs les plus humbles, le grossissement est en général inscrit en toutes lettres. On distingue des objectifs à faible grossissement (x4, x10), des objectifs à grossissement dit moyen (par exemple x20, x40) et des objectifs à fort grossissement (x60, x100). Le grossissement marque le rapport entre la taille de l’image renvoyée par l’objectif par rapport à la taille de l’objet réel observé (il s’agit dans les faits d’un rapport de valeurs angulaires). Sur certains objectifs, la valeur du grossissement peut aussi être indiquée par un anneau coloré, qui suit les couleurs du spectre lumineux, depuis le rouge vers le bleu (attention toutefois, d'autres caractéristiques peuvent aussi être codées par des bagues colorées supplémentaires) :
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Trois objectifs de microscope en exemple. A droite, un objectif à immersion à huile de marque Euromex: les spécifications inscrites sur le barillet indiquent le grossissement (x100) et l'ouverture numérique (1.30), tandis que l'anneau rouge indique une immersion à huile/glycérine/eau. La lentille frontale est rétractable. Le second objectif est un objectif MOTIC x100 (bague blanche) à immersion à huile (bague noire). L'ouverture numérique est de 1.25, l'objectif convient à un tube à l'infini, et l'épaisseur de la lamelle doit être de 0.17 mm pour une correction optimale des aberrations sphériques. Enfin, l'objectif de droite est un objectif plan d'occasion de marque Olympus LCIPlanFi en plus ou moins bon état, de grossissement x40 (bague bleu clair) et d'ouverture numérique 0.60. Il est muni d'une bague de correction pour les variations d'épaisseur des lamelles Notez la taille de la lentille frontale, d'un diamètre bien plus important que celle des deux objectifs à immersion (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Un simple coup d’œil sur la lentille frontale d’un objectif permet aussi généralement de deviner sa gamme de grossissement. En effet, plus le grossissement est faible, plus la lentille frontale de l’objectif est grande. A l’inverse, plus le grossissement est important, et plus la lentille frontale sera de (très) petite taille.
Les objectifs fonctionnent de concert avec les oculaires fixés au sommet du microscope : le grossissement final peut se calculer très facilement en multipliant le facteur d'agrandissement offert par l'objectif sélectionné avec le grandissement des oculaires. Ainsi, pour obtenir une vue d'ensemble d'une préparation microscopique, on peut choisir un objectif de faible grandissement (x5 par exemple), qui, couplé avec des oculaires x10, donnera un grossissement final de cinquante fois (x50). Une fois les zones d'intérêts repérées, on peut faire tourner la tourelle du microscope pour enclencher un objectif de grandissement moyen (x20 ou x40), qui, avec nos oculaires x10, vont fournir un grossissement de x200 ou x400. Enfin, pour aller encore plus loin dans l'inspection de la préparation, on peut basculer sur un objectif à fort grossissement (x60 ou x100) pour bénéficier d'un grossissement final de x600 ou x1000. En règle générale, on ne dépassera pas le grossissement x1000 (nous verrons plus loin pourquoi), qui nécessite de plus d'utiliser un objectif à immersion. Ainsi, si l'on vous propose d'acquérir un microscope offrant un facteur d'agrandissement exceptionnel de 2000x, vous pouvez sans problème hausser les sourcils.
Comme nous l'avons déjà dit plus haut, le grossissement, bien qu'apparaissant en grosses lettres sur les objectifs, n'est pas là où réside la véritable valeur de cette pièce optique. Effectivement, à droite du grandissement, en lettres minuscules, est indiqué un petit nombre d'apparence anodine, mais qui permet en réalité de savoir si vous êtes ou non en possession d'une bête de course. C'est l'ouverture numérique (NA), qui désigne la plus ou moins grande capacité de l'objectif à collecter le plus de lumière possible, et d'offrir en retour une plus ou moins grande qualité d'image.
Pour comprendre le principe de l'ouverture numérique, remontons un peu dans le passé. Avant l'arrivée des travaux d'Ernst Abbe pour le compte de la firme allemande Carl Zeiss vers la fin du 19e siècle, les constructeurs de microscope utilisaient pour fabriquer des objectifs des recettes empiriques, mises au point à force d’essais et d’erreurs. Ces dernières fonctionnaient parfois, sans que l’on comprenne cependant vraiment pourquoi. Pour évaluer les performances de leurs objectifs, ils utilisaient différents sujets de tests, comme par exemple les fins détails d'écailles d'ailes de papillon ou de frustules de diatomées (des algues unicellulaires qui se protègent en s'enfermant entre deux coques de silice s'emboîtant l'une dans l'autre, et dont l'ornementation est souvent aussi riche que délicate).
Les constructeurs gagnèrent en rigueur avec l'arrivée des lames micrométriques artificielles. Au milieu du 19e siècle, un scientifique allemand, Friedrich Adolf Nobert avait mis au point une machine dite "à diviser les cercles" permettant de graver sur des lames de verre, grâce à un diamant, des réseaux délicats de lignes très fines, séparées les unes des autres par des distances micrométriques connues. Ces plaques de test, qui portaient le nom de leur inventeur, existaient en plusieurs versions. A chaque fois qu'une plaque parvenait à être résolue avec un objectif donné, Nobert en fabriquait une autre, plus difficile encore à résoudre que les précédentes. Entre 1845 et 1873, Nobert fabriquera 7 versions de ses lames micrométriques, depuis une plaque à 10 bandes jusqu'à une plaque à 30 bandes, en passant par des plaques à 12, 15, 19 et 20 bandes. La disponibilité de ces standards micrométriques fut d'une grande importance dans l'amélioration des performances optiques des lentilles de microscope, ainsi que pour le développement de nouvelles méthodes de fabrication. En 1873, Nobert fabriqua sa dernière plaque, dont les 20 bandes étaient espacées de 0,11 microns, un écart impossible à résoudre par le microscope optique, ce qui provoqua immédiatement une controverse (l'examen au microscope électronique à balayage de la plaque des décennies plus tard montra que les bandes invisibles étaient belle et bien là).
Cependant, même avec l'aide des plaques de Nobert et en l'absence de tout cadre de référence, il restait difficile pour les fabricants de savoir ce qui pouvait être fait sur un microscope pour l'améliorer optiquement. Tout le génie d’Ernst Abbe a été de comprendre totalement les principes optiques à l’œuvre dans un microscope, ce qui lui a permis, grâce à des calculs complexes et sophistiqués, de concevoir des dispositifs optiques (objectifs, oculaires, condenseurs) sur des bases non plus empiriques, mais théoriques. A la suite de ces travaux anciens mais d'avant-garde, la firme Zeiss continue encore aujourd’hui de caracoler en tête des meilleurs fabricants de microscope, et possède un savoir-faire qui n’a pas réellement d’équivalent dans le monde (même si elle est talonnée, parfois de très près, par des firmes comme Nikon, Olympus ou Leica).
Il est également remarquable de constater que les objectifs mis au point grâce aux travaux théoriques d'Abbe à la fin du 19e siècle permettaient de résoudre des structures situées à la limite théorique de visibilité d'un microscope optique. Même si les méthodes de fabrication actuelles ont bien entendu progressé depuis, les meilleurs objectifs disponibles à la fin du 19e siècle étaient déjà caractérisés par une ouverture numérique maximale, qu'il n'était plus possible d'améliorer, et possédaient par conséquent des capacités n'ayant rien à envier à nos objectifs modernes. En admettant qu'ils aient été traités avec soin, tenu à l'abri de la corrosion, que les lentilles aient pu échapper à la délamination, à la dévitrification ou au développement de moisissures, ils constituent alors, même encore aujourd'hui, des pièces optiques de grande valeur, aussi bien historiques que pratiques, offrant la production d'images hautement résolues.
Si la publication en 1873 de la théorie d'Ernst Abbe sur les principes qui sous-tendent la formation d'une image par un microscope optique constitue donc assurément une date clé dans l'histoire de la microscopie, il faut comprendre aussi que cette dernière constitue une barrière, une frontière infranchissable. Effectivement, elle indiquait que le microscope photonique n'était pas perfectible au-delà d'une certaine limite, imposée par des lois indépassables de la physique. L'influence d'Abbe dans ce domaine était telle que certains scientifiques ont reproché à ses travaux d'avoir longtemps paralysé chercheurs et physiciens autour de la question. Aujourd'hui, la barrière de la limite de résolution du microscope optique a été dépassé, notamment grâce à la mise en œuvre de techniques ultrasophistiquées, comme la super-résolution, et dont la description dépasserait très clairement le cadre de cette modeste page. Une autre façon de la contourner a été d'utiliser pour l'observation non plus des photons, mais des électrons, dans la microscopie dite électronique (qu'elle soit à transmission ou à balayage). Mais revenons à notre microscope optique traditionnel et à ses objectifs.
A quoi correspond l’ouverture numérique d’un objectif ? Dit simplement, ce petit chiffre sans unité désigne la capacité que possède un objectif donné de capter des rayons émis obliquement par l’objet à étudier. Effectivement, si les rayons qui partent verticalement d’un spécimen éclairé disposé sur la platine d’un microscope sont certains de pouvoir pénétrer dans le tube optique, il n’en est pas de même pour les rayons qui s’échappent par les côtés. C’est uniquement si l’objectif possède une ouverture numérique suffisante que ceux-ci pourront être collectés, et qu’ils pourront alors participer à la formation de l'image, et enrichir son niveau de détails.
Répétons-le, l’ouverture d’un objectif est la propriété la plus importante d’un objectif, bien avant le grossissement. Elle va conditionner le pouvoir de résolution, c’est-à-dire la capacité à séparer, et donc révéler, les plus petits détails possibles d’un objet, ainsi que la luminosité globale de l’image et la profondeur de champ (c'est à dire l'épaisseur dans laquelle la mise au point sera possible). En microscopie, seule une partie des rayons diffractés par un objet peut être collecté par l'objectif et utilisée pour former une image. Toute l’affaire de la microscopie optique tourne finalement autour d’un seul point : capturer la plus grande quantité de lumière possible. Pour bien saisir l’importance de l’ouverture numérique, il faut comprendre que tous les rayons lumineux qui partent d’un objectif transportent de l’information : plus la quantité de lumière capable d’être captée par un objectif sera grande, plus précise et résolue sera donc l’image qu’il en donnera.
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Un exemple des indications qui peuvent figurer sur un objectif. Ici il s'agit d'un objectif de marque ZEISS grossissant 63x, et possédant une ouverture numérique excellente de 1.3. Nous sommes en présence d'un objectif à la planéité corrigé, de type semi-apochromatique. Compatible avec la technique du contraste différentiel interférentiel, c'est un objectif à immersion qui, grâce à une bague correctrice, peut s'adapter à différents liquides (huile, eau et glycérine). Prévu pour être monté sur un tube optique à l'infini, il accepte des lamelles dont l'épaisseur doit être comprise entre 0,15 et 0,19 mm (crédit photo : © ZEISS/Philippe Labrot). |
Pour fixer tout de suite les idées, pour un objectif grossissant quatre fois (x4), l’ouverture numérique (NA) se situe en moyenne entre 0.10 et 0.15. Pour des objectifs à immersion grossissant cent fois (x100), elle peut varier de 1.25 à 1.40. Pour une même ouverture numérique, il est bien plus difficile de concevoir des objectifs à faible grossissement que des objectifs à fort grossissement. Ainsi, un objectif x20 avec une ouverture numérique de 0.75 vaudra par exemple deux fois plus cher qu’un objectif x40 avec une NA de 0.8. L’objectif x20 fournira en effet presque le même niveau de résolution que l'objectif x40, mais avec des aberrations mieux corrigées, et une profondeur de champ bien plus grande. Effectivement, l'augmentation de l'ouverture numérique entraîne avec elle certains inconvénients, comme une diminution de la distance de travail ou une augmentation de la courbure du champ.
Comment peut-on calculer l'ouverture numérique d'un objectif ? Même si la physique derrière ce concept reste compliquée, l'équation finale est fort simple. L’ouverture numérique, qui est la meilleure représentation théorique du pouvoir de résolution d’un objectif, répond à la formule suivante :
NA (ouverture numérique) = n x sin α
Dans cette équation, n représente l'indice de réfraction du milieu d'observation situé entre la lamelle couvre objet et la lentille frontale de l'objectif. L'indice de réfraction est une valeur, là encore sans unité, qui caractérise le comportement de la lumière lorsque celle-ci traverse un milieu donné. Il s'agit d'une notion dont l'influence est majeure en microscopie, et qu'il est important de connaître. L'indice de réfraction renseigne sur le changement de direction de la lumière, lié à une diminution (ou une augmentation) de sa vitesse de propagation quand cette dernière rencontre un milieu de densité supérieure (ou inférieure) à celui où elle se propageait jusqu'alors. Ainsi, si on prend l'exemple d'un faisceau lumineux voyageant dans l'air et frappant avec un certain angle une surface d'eau, le rayon en question va changer de direction (en se rapprochant de la verticale), car l'indice de réfraction de l'eau est plus grand (1,33) que celui de l'air. Le changement de direction dépend également de la longueur d'onde : ainsi, un rayon de lumière bleue sera plus réfracté (il pliera plus) qu'un rayon de lumière rouge voyageant à ses côtés (ce comportement particulier est à la base des aberrations chromatiques).
De son côté, α représente le demi angle d'ouverture, c'est à dire l'angle entre la verticale passant par le centre de l’objectif et le rayon lumineux le plus oblique capable d’être capté, et donc de contribuer à l’image.
Les limites de grossissements minimales et maximales d'un microscope peuvent être simplement calculées grâce à l’ouverture numérique : elles sont respectivement de 500NA et de 1000NA (en dessous de la valeur minimale, l’image est très brillante, mais l’œil ne peut y distinguer qu’un faible niveau de détail, et au-dessus de la valeur maximale, le grandissement s'effectue à vide, sans rien apporter à l'image).
L'ouverture numérique contrôle également d'une main de fer la limite de résolution d'un microscope optique. En moyenne, cette dernière est de 0,2 microns, une valeur à comparer avec celle l’œil humain, 0,2 millimètre, et celle du microscope électronique (qui repose sur l'emploi d'électrons en lieu et place de photons), qui est de 0,2 nanomètre. La limite de résolution extrême d'un microscope est généralement calculée avec de la lumière monochromatique bleue, et un objectif possédant une ouverture numérique maximale de 1.4. Effectivement, si l'ouverture numérique est le facteur le plus important gouvernant le pouvoir de résolution, ce dernier dépend également de la longueur d'onde. Pour calculer le pouvoir de résolution d'un objectif, la formule suivante s'applique :
d = λ / 2 x NA
Dans cette formule elle aussi très simple, d représente la distance entre deux points, λ la longueur d'onde de la lumière, et NA l'ouverture numérique de l'objectif. Ainsi, si on considère un objectif possédant une ouverture numérique excellente de 1.45, et une source lumineuse émettant une lumière monochromatique verte (λ = 514 nm, soit une longueur d'onde approximativement située au milieu du spectre lumineux), on tombe sur une résolution de 0,177 microns.
Si l'on peut retenir la valeur moyenne de 0,2 µ comme étant celle du pouvoir de résolution maximale d'un microscope, il faut cependant noter, si l'on veut être le plus précis possible, que la résolution est en fait différente selon que l’on se place sur un plan horizontal ou vertical : la résolution latérale maximale est de 0,177 microns comme l'a montré le calcul ci-dessus, mais la résolution axiale (sur l’axe vertical, que l'on nomme par convention Z) est bien moindre : elle n'est que de 0,5 à 0,8 microns. Ceci n’est pas sans avoir d’effets sur l’imagerie de très petites structures, ou pour des techniques comme le Z-stacking, qui consiste à empiler les unes sur les autres des images obtenues avec différentes valeurs de Z (c'est à dire différentes positions de la molette micrométrique de mise au point), pour pouvoir reconstituer dans les trois dimensions de l'espace un objet microscopique.
En appliquant la formule donnée ci-dessus pour le calcul de l'ouverture numérique, on voit tout de suite que pour un objectif dit à sec (c'est à dire conçu pour fonctionner dans l'air), la valeur de l’ouverture numérique (NA) ne peut pas dépasser 1. Effectivement, l’indice de réfraction de l’air est de 1, et au maximum, l’angle α mesure 90°. Cet angle théorique n'est en fait jamais atteint, car il supposerait que la lentille frontale de l'objectif soit confondue avec la lamelle couvre-objet de la préparation (effectivement, si α mesure 90°, l'angle total est de 180°). La meilleure ouverture numérique pour un objectif à sec est de 0.95.
Contrairement aux objectifs à immersion dont il va bientôt être question, les objectifs à sec sont très désavantagés côté ouverture numérique, à cause de la réfraction qui prend place à l’interface de la lamelle couvre-objet (qui est en verre) et de la couche d’air qui sépare cette dernière de l’objectif. A partir d’un certain angle (dit angle critique, environ 41°), tous les rayons qui partent de l’objet sont réfléchis par le couvre-objet, et ne peuvent donc plus contribuer à l’image. Le remède imparable à cette situation implacable dictée par la physique est de remplacer l’air situé entre la lamelle couvre-objet et l’objectif par un liquide possédant le même indice que le verre. En annulant la différence d’indice de réfraction, le comportement des rayons est alors changé du tout au tout, et une bien plus grande quantité d’entre eux peut monter vers l’objectif et rentrer à l’intérieur.
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Illustration du comportement de la lumière lors du passage entre deux milieux d'indice de réfraction différent. L'indice de réfraction d'un milieu donné permet de décrire le comportement de la lumière lorsqu'elle traverse ce dernier. Le dispositif utilisé ici comporte une source lumineuse (un laser rouge), envoyé dans une cuve dont le demi hémisphère inférieur est rempli d'eau, tandis que le demi hémisphère supérieur contient de l'air. Selon l'angle que fait le laser avec la verticale, la lumière adopte un comportement différent. L'angle a ici été choisi pour montrer les deux principaux phénomènes observés : la réfraction (le rayon laser traverse l'interface, mais son angle par rapport à la verticale a changé, il s'est agrandi) et la réflexion (le rayon laser ne traverse pas l'interface, il est renvoyé dans l'eau avec un angle identique à celui du rayon incident) (crédit photo : © Philippe Labrot). |
La figure ci-dessous permet de bien comprendre le principe à l'œuvre derrière l'immersion des objectifs. Si l'on représente graphiquement le destin de différents rayons lumineux traversant un spécimen recouvert d'une lamelle dans le cas d'un objectif à sec, on remarque immédiatement que seuls les rayons les plus proches de l'axe optique vertical parviennent à rentrer dans l'objectif. Plusieurs rayons latéraux sont réfractés au niveau de l'interface lamelle/air avec un angle tel qu'ils ne peuvent plus atteindre l'objectif, quand ils ne sont pas tout simplement totalement réfléchis vers la préparation. Lorsque l'on remplace l'air par un liquide, les rayons ne sont plus déviés par réfraction ou réflexion, et traversent pratiquement en ligne droite, sans dévier, l'interface lamelle/liquide. L'ouverture numérique de l'objectif est automatiquement augmentée, puisque la valeur de la variable n (plus petit indice de réfraction entre le spécimen et l'objectif) passe de 1 (valeur de l'air) à par exemple 1,5 (huile à immersion).
Historiquement, l'importance de la technique d'immersion en microscopie fut suspectée par le grand Robert Hooke (qui indiqua que pour étudier la structure fine de certains objets, il convenait de les observer non pas dans l'air, mais dans l'eau ou dans une huile très claire), mais il faudra attendre les années 1840 pour voir apparaître le premier objectif à immersion digne de ce nom. A l'époque, l'immersion était utilisée non pas tant pour améliorer l'ouverture numérique d'un objectif (le concept n'étant pas encore découvert), mais pour tenter de réduire les aberrations chromatiques. Le temps passant, de nombreuses améliorations furent apportées. Outre l'emploi de liquides autres que l'huile, on peut citer la mise au point d'objectifs à lentille frontale interchangeable (l'une pour une utilisation à sec, l'autre pour l'immersion), ou muni d'une bague correctrice permettant d'adapter l'objectif à différents indices de réfraction. Le maximum théorique pour l'ouverture numérique d'objectifs à immersion à huile est de 1.50 (en pratique, on n'atteint que la valeur 1.4). Pour des objectifs à immersion à eau, l'ouverture numérique théorique maximale est de 1.3 (soit 1.2 en pratique).
Dans sa recherche d'un liquide d'immersion idéal, Ernst Abbe étudia les propriétés réfractives et dispersives d'une centaine de liquide, avant de fixer son dévolu sur de l'huile naturelle de cèdre. Pendant longtemps, elle constitua le liquide d'immersion par excellence, mais elle n'était pas exempte d'inconvénients : en effet, exposé à l'air, elle avait tendance à s'épaissir en changeant d'indice de réfraction, puis à se solidifier entièrement. Aujourd'hui, les microscopistes utilisent des huiles synthétiques qui ne durcissent pas, et dont l'indice de réfraction demeure constant au cours du temps. Une bonne huile doit également répondre à plusieurs autres critères, comme la non-toxicité, l'inertie chimique (y compris au niveau des traitements de surface des lentilles) ou encore la facilité de nettoyage. D'autres liquides autres que l'huile furent investigués, et continuent aujourd'hui d'être employés. On peut notamment citer l'eau (indice de réfraction de 1,33), la glycérine (indice de réfraction 1,47) ou encore le silicone. Une bague additionnelle colorée (que l'on ne doit pas confondre avec celle notant le grossissement) est généralement gravée sur le barillet des objectifs à immersion, pour indiquer le liquide à employer. Ainsi les objectifs à immersion à huile portent un anneau noir, tandis que ceux à eau sont marqués d’un anneau blanc. Un anneau orange correspond à la glycérine, et un anneau rouge signe un objectif capable d’accepter plusieurs liquides d’immersion possibles. Ce dernier est alors presque obligatoirement muni d'un collier de correction.
Un élément qui est souvent et à tort ignoré dans l'emploi d'un objectif à immersion est l'ouverture numérique du condenseur. Ainsi, monter un objectif à immersion possédant une ouverture numérique de 1,4 sur un microscope équipé d'un condenseur fait pour travailler à sec (ouverture numérique de 0.95) donnera des résultats plus que décevant, car l'ouverture numérique totale du système optique sera celle du composant le plus limitant, soit ici celle du condenseur. Pour pouvoir dégager toute leur puissance, les objectifs à immersion doivent donc être accompagné d'un condenseur adapté. Cependant, même dans ce cas, le condenseur peut continuer à être limitant. Pour pousser le microscope dans ses retranchements, il peut alors être nécessaire d'appliquer le liquide d'immersion non seulement entre la lamelle et la lentille frontale de l'objectif, mais aussi entre la lentille frontale du condenseur et la lame de verre porte-objet. Une telle configuration d'immersion, dite "homogène", maximise l'ouverture numérique d'un microscope, et donc son pouvoir de résolution.
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Schéma illustrant la propagation des rayons lumineux dans le cas d'un objectif à sec (à gauche) et d'un objectif à immersion (à droite). Avec l'objectif à sec, seuls les rayons lumineux venant de l'objet 1 et 2 parviennent à rentrer dans l'objectif. Le rayon 3, presque parallèle à la lamelle, s'échappe par le côté, tandis que les rayons 4 et 5, ayant dépassés l'angle critique, sont totalement réfléchis vers l'arrière par la lamelle de verre. La situation est dramatiquement différente à droite. Le milieu d'immersion possédant un indice de réfraction similaire à celui du verre, les rayons ne sont pratiquement pas réfractés ou réfléchis, et ils peuvent tous pénétrer dans l'objectif et participer à la création d'une image bien résolue (crédit photo : © Olympus). |
Inutile de dire qu'avec de l'huile sur le condenseur en plus de la lamelle, la plus grande propreté est de mise. L'immersion à huile est effectivement en soit une technique salissante. Lorsque les observations sont terminées, il est nécessaire de bien nettoyer la lentille frontale de l'objectif d'immersion, le plus souvent avec un papier optique doux imbibé d'alcool (il convient de faire très attention lors de l'utilisation d'autres solvants, certaines molécules agressives pouvant attaquer les objectifs). Si en plus on a déposé de l'huile sur le condenseur, il faut impérativement veiller à ce qu'elle ne dégouline pas vers la base du microscope (d'éventuelles traces d'huile peuvent fortement dégrader les performances optiques de l'instrument, tout en constituant également un piège à poussière). Pour l'immersion, l'eau est un liquide qui se révèle à l'usage beaucoup moins salissant, et bien plus facile d'emploi, que les huiles (mais elle demande bien sûr des objectifs adaptés, souvent coûteux et difficile d'accès pour le microscopiste amateur).
Notant enfin pour terminer avec les objectifs à immersion que leur distance de travail (c'est à dire la distance entre le spécimen et la lentille frontale de l'objectif) est souvent très faible. Il convient donc d'être prudent lors de la mise au point, pour ne pas involontairement faire rentrer en contact l'objectif avec la lamelle. Pour faire face à cette problématique, les objectifs à immersion sont souvent équipés d'un dispositif antichoc à ressort : l'extrémité portant la lentille frontale est très souvent rétractable sur une courte distance.
Avec les objectifs à immersion, l'ouverture numérique, et donc le pouvoir de résolution, est maximisé. Mais il ne faudrait pas croire que tous les objectifs à immersion sont excellents. Car, qu'ils soient à sec ou destinés à travailler dans un liquide, les objectifs de microscope peuvent être affectés par des tares héréditaires, qui portent le nom d'aberrations. Et comme nous allons le voir, elles peuvent très fortement dégrader la qualité des images obtenues.
Historiquement, les premiers microscopes composés mis au point à la fin du 16e siècle possédaient des performances médiocres, car ils étaient affligés par deux phénomènes optiques dégradant fortement la qualité des images : l’aberration chromatique et l’aberration géométrique de sphéricité.
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Principe des aberrations chromatiques : selon sa longueur d'onde (couleur), un rayon lumineux est réfracté de manière plus ou moins forte en traversant une lentille : le rayon bleu se plie plus fortement que le rayon rouge, et ses derniers recoupent donc l'axe optique dans des positions différentes. Dit autrement, le point focal de la lentille n'est pas le même pour la lumière bleue, verte ou rouge (crédit photo : © ZEISS). |
Malgré les améliorations mécaniques successives apportées, les ancêtres de nos vénérables microscopes fournissaient une image non seulement globalement floue, mais également affectée par d’étranges halos irisés, franges et reflets colorés. L'aberration chromatique responsable de ces irritants phénomènes est due au fait que lorsque la lumière traverse une lentille, les différentes longueurs d’onde dont elle est constituée ne se réfractent pas de la même manière. Ainsi, si l’on considère de manière simplifiée que la lumière blanche est constituée de rayons rouges, verts et bleus, ces derniers ne se focalisent pas sur le même plan. Tout se passe comme si l’objet à observer donnait naissance à trois images fantomatiques, l’une rouge, la seconde verte et la troisième bleue, incapables de se superposer. Dans un microscope affecté par l’aberration chromatique, les objets apparaissent entourés par un contour irisé, qui non seulement gêne par sa présence l’observateur, mais qui diminue également de manière sensible la résolution.
Si l'on considère le fait que plus un microscope comporte de lentilles, plus le niveau de l'aberration chromatique augmente, on comprend les difficultés auxquelles étaient confrontés les premiers concepteurs de microscopes. L'importance des dégradations dues à l'aberration chromatique était d'ailleurs telle que de nombreux observateurs finirent par être convaincu de l'inutilité du microscope composé. Pour eux, le doute et la méfiance quant à la réalité des images produites étaient si grands que l'instrument ne pouvait assurément n'avoir aucun avenir, et était condamné à terme à tomber dans l'oubli. Cette défiance face aux imperfections optiques du microscope composé persista durant tout le 18e siècle et le début du 19e siècle. Le fait qu'Isaac Newton lui-même professait que le phénomène de réfraction s'accompagnait toujours de dispersion (c'est à dire d'une séparation de la lumière blanche en ses différentes couleurs) n'aida pas non plus les quelques curieux à persévérer pour trouver un remède à l'aberration chromatique. Les défauts dus à cette tare expliquent également pourquoi le microscope simple à une seule lentille cher à Antoni van Leeuwenhoek continua longtemps à être préféré au microscope composé, malgré ses inconvénients importants, comme la faible distance de travail, ou l'inconfort important des observations (les lentilles uniques, à cause de leurs très faibles distances focales à fort grossissement, doivent effectivement être approchées très près de l'œil pour fournir une image).
L’aberration chromatique ne sera corrigée qu’en 1733 (soit 150 ans après la mise au point des premiers microscopes composés) suite aux travaux de Chester Morre Hall, qui eut l’idée de conduire des tests sur un nouveau type de verre, dénommé flint. Lourd, dense, brillant et clair comme du cristal, ce verre avait la particularité de contenir du plomb, cet ajout modifiant subtilement son indice de réfraction (certains textes indiquent qu'historiquement, le premier verre flint a été mis au point par l’addition de poudre de silex, qui fut ensuite remplacée par l’incorporation de plomb). Découvrant que ce verre particulier diminuait, sans toutefois l’annuler complètement, l’importance des effets de l’aberration chromatique, Hall décida de procéder à la fabrication de deux lentilles destinées à s’emboîter l’une dans l’autre, pour former ce que les opticiens nomment un doublet. La première lentille, convexe, était façonnée dans du flint, tandis que la seconde, concave, était taillée dans un verre plus classique appelé crown. Pour faire fabriquer ces deux lentilles, Hall décide de contacter deux opticiens différents, de manière à ne pas donner d’indices sur ses investigations qu’il souhaitait garder secrète. Cependant, par un malheureux et savoureux hasard, les deux sous-traitants vont s’adresser au même opticien, George Bass. En considérant les deux commandes qu’il vient de recevoir, Bass finit par comprendre à quoi servent les deux lentilles dont il a reçu pour mission de tailler. Comme Hall, il gardera cependant le secret de cette découverte et ne la révèlera que bien plus tard à la personne de John Dollond, qui posera alors un brevet sur ces premières lentilles dites achromatiques. Son fils Peter Dollond inventera plus tard les triplets achromatiques.
La précision avec laquelle la calamité de l'aberration chromatique est corrigée sur les microscopes modernes permet de définir trois grandes catégories d'objectifs : les objectifs achromatiques qui sont bon marché, les objectifs semi-apochromatiques, dont le prix s'envole, et enfin les objectifs apochromatiques, dont tous les microscopistes rêvent, mais qui sont terriblement chers. Le type d'objectif est souvent indiqué sur le barillet des objectifs : quand aucune mention n'y figure, l'objectif en question est bien souvent un simple achromatique.
Dans leur conception, les objectifs achromatiques sont assez simples : ils sont équipés de doublets correcteurs, c'est à dire des lentilles de formes différentes, taillées dans des verres possédant des indices de réfraction différents, et assemblées deux à deux. Le verre dit crown (couronne) est le plus courant : il s’agit d’un mélange d’oxyde de silicium (SiO2, c'est à dire de la silice), avec de l’oxyde de calcium et de sodium. Le verre flint, plus lourd et brillant que le verre crown, est quant à lui dopé à l’oxyde de plomb. Le hic des objectifs achromatiques, c'est qu'ils ne corrigent habituellement l’aberration chromatique que pour les longueurs d'onde (ou couleurs) du rouge et du bleu, c'est à dire les extrêmes du spectre visible. Les rayons bleus et rouges convergent vers le même point focal, mais les rayons verts refusent de suivre le même chemin, et se focalisent sur un point différent (cette couleur résiduelle, le vert, pour laquelle l'aberration chromatique persiste, est à titre de compensation généralement choisie pour la correction de l'aberration de sphéricité). Lorsque l'on examine des objets très contrastés avec un objectif achromatique, il est possible d'observer autour de l'objet un liseré magenta : d'un couleur complémentaire du vert, cette frange représente le résidu spectral non corrigé de l'objectif.
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L'une des principales faiblesses des microscopes composés était la présence d'aberrations de couleurs (aberration chromatique), qui se manifestaient par la présence, dans l'image agrandie de l'objet, d'irisations et de halos colorés du plus mauvais effet. Ces aberrations ne purent être corrigés qu'après la mise au point des premiers doublets achromatiques. On appelle doublet un ensemble de deux lentilles qui peuvent être assemblées et cimentées ensemble. Le cas illustré ici montre deux lentilles en plastique (l'une convexe, l'autre concave) provenant d'un coffret pédagogique d'optique (jeu scientifique Science futures Optique de la marque GéGé) (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Pour effacer plus efficacement l'aberration chromatique, des modèles dits semi-apochromatiques (semi-apo) ont été mis au point. Ils reposent sur l'usage de lentilles taillées dans des matériaux très coûteux, naturels ou synthétiques, et corrigent ainsi l'aberration chromatique sur un ensemble plus grands de longueurs d’ondes.
Historiquement, la mise au point des objectifs semi-apochromatiques a eu lieu suite à la découverte des propriétés optiques d'un minéral particulier cristallisant dans le système cubique, la fluorite (un fluorure de calcium de formule CaF2). Les cristaux de fluorite dispersent très peu la lumière blanche, ce qui les rend très désirables. Pour mettre au point les objectifs semi-apochromatiques de la firme Zeiss, Ernst Abbe s'approvisionnait dans le plus grand secret avec de la fluorite naturelle provenant des Alpes suisses. Un gisement particulier, situé sur le versant de la montagne Oltschikopf, près du village de Brienzwiler dans le canton de Bern, à proximité du bord oriental de l’Oberland bernois, fournissait des cristaux exceptionnels clairs comme de l'eau de roche. Le sujet était tellement sensible chez ZEISS que sur les différents documents utilisés dans le processus de fabrication de ces super-objectifs, la fluorite n'était pas nommée comme telle, mais était remplacée par un code cryptique. Aujourd'hui, les objectifs semi-apo sont souvent fabriquées avec de la fluorite synthétique. Chez ZEISS, ils appartiennent à la gamme Neofluar, ce qui rappelle ainsi leur origine.
Si les objectifs semi-apochromatiques appartiennent clairement au haut du panier, pour certaines applications, il y a encore mieux : pour les microscopistes, le Graal est un objectif apochromatique. Ces objectifs très haut de gamme, qui valent excessivement cher, corrigent de la façon la plus idéale possible les aberrations, et fournissent des images d’une qualité exceptionnelle. Les objectifs apochromatiques sont associés avec des oculaires compensateurs de très haute qualité, qui permettent d’éliminer des résidus d’aberration que les objectifs auraient pu laisser passer : ils fonctionnent en introduisant une aberration chromatique égale, mais inversée, de celle des objectifs (la prise en charge des aberrations résiduelles peuvent également avoir lieu via des lentilles de tube). Véritables petits bijoux d'ingénierie, les "apo" possèdent un très grand nombre de lentilles, et offrent des corrections sur la presque totalité du spectre visible, jusqu’à 14 lignes spectrales. Notons cependant, pour être le plus précis possible, que l'aberration chromatique peut être minimisée à l'extrême, mais jamais complètement éliminée : elle ne disparaît effectivement totalement qu'en cas de l'utilisation d’une lumière monochromatique (caractérisée par une seule longueur d'onde, c'est à dire pour simplifier une seule couleur).
Les premiers véritables objectifs apochromatiques seront mis au point par Ernst Abbe en 1886 pour la firme Carl Zeiss, en collaboration avec Otto Schott qui fournira de son côté des verres de très haute qualité. Là encore, comme dans le cas de la fluorite pour les objectifs semi-apo, de grandes précautions sont prises lors des processus de fabrication. Par exemple, une fois que les spécifications d’un verre donné sont établies, un seul batch est réalisé, avant d’être séparé en plusieurs lots qui sont stockés à des endroits différents pour des raisons de sécurité. Tenir un objectif apochromatique dans ses mains, c'est tenir à la fois un véritable concentré d'histoire qui force le respect, et de hauteur technologie, signature de notre époque.
Terminons cette partie sur les aberrations chromatiques et les réponses apportées par les opticiens pour les corriger par deux remarques. Un critère particulièrement important évolue également avec les gammes achromatiques, semi-apochromatiques et apochromatiques des objectifs de microscope : l’ouverture numérique, qui est donc souvent bien meilleur pour un apo ou un semi-apo que pour un achromatique. De plus, les doublets et triplets mis en place pour diminuer l'importance de l'aberration chromatique corrigent également souvent, au moins partiellement, l'aberration géométrique de sphéricité, dont nous allons maintenant parler.
L'aberration géométrique de sphéricité
La seconde tare optique qui toucha les premiers microscopes composés fabriqués par l'homme porte le nom d'aberration de sphéricité. Ce phénomène handicapant est dû au fait que lorsque des rayons lumineux frappent une lentille (par exemple une lentille biconvexe), les rayons situés au centre ou près du centre se focalisent à une distance différente (plus grande) de la lentille que les rayons plus périphériques, qui subissent quant à eux un repliement plus important (ce qui les rapprochent de la lentille).
La conséquence de l’aberration de sphéricité est que si les objets situés au centre du champ d’observation du microscope peuvent apparaître de manière à peu près nette, un flou plus ou moins important affecte en revanche les bords du champ en question. Pour diminuer l’importance de l’aberration de sphéricité, les premiers micrographes eurent l’idée d’utiliser un diaphragme, de manière à laisser uniquement passer les rayons centraux, et à stopper les rayons périphériques. Hélas, le blocage volontaire d’une partie de la lumière provenant des objets à étudier assombrissait de manière importante le champ, surtout à fort grossissement (disons le autrement, pour être plus précis : la réduction de l’ouverture dégrade automatiquement la résolution). Il faudra attendre 1830 pour que Joseph Jackson Lister (1768 - 1869), qui n'est autre que le père de Joseph Lister (ce chirurgien qui fit énormément pour développer l'asepsie au niveau du bloc opératoire), propose une correction en multipliant le nombre de lentilles (soit une date plus tardive que celle des premières corrections efficaces de l'aberration chromatique). Avant cette date, des microscopes à réflexion utilisant des miroirs étaient préférés aux microscopes à lentilles, car ces derniers étaient moins soumis aux aberrations.
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Principe des aberrations de sphéricité. L'aberration de sphéricité est due au fait que les rayons traversant une lentille à proximité de son centre (rayons axiaux/paraxiaux) se croisent à un point focal assez éloigné du point focal où se rencontrent les rayons ayant traversé la périphérie de la lentille (rayons marginaux). La correction de l'aberration de sphéricité, qui peut avoir lieu par différents moyens, va resserrer les différents points focaux (crédit photo : © ZEISS). |
Aujourd’hui, l’aberration géométrique de sphéricité est corrigée par la mise en œuvre de différentes formules optiques comportant un nombre plus ou moins important de lentilles aux formes savamment étudiées. L’aberration de sphéricité diminue en effet si des lentilles plano convexes sont placées de telle manière que les côtés bombés se fassent face, en ajoutant des lentilles en forme de ménisque, ou encore en utilisant des lentilles convexes dont les bombements sont de différents diamètres. Les objectifs corrigés pour l’aberration de sphéricité sont appelés objectifs plan.
L’aberration de sphéricité est la plus importante des aberrations géométriques touchant un système optique à base de lentilles, mais il en existe d’autres, qui sont cependant la plupart du temps rares ou absentes sur nos microscopes : on peut citer pour mémoire l’aberration de coma (qui quand elle est présente signale généralement que l’objectif a reçu un choc), l’astigmatisme, ou encore la courbure de champ (un paramètre très important pour la photomicrographie, étant donné que les capteurs des appareils photos et caméras sont plats). Notons que le système de Köhler pour l’illumination, ou l’éclairage annulaire mis en œuvre dans certaines techniques comme le fond noir ou le contraste de phase, permettent de réduire encore un peu plus l’aberration de sphéricité.
La bonne correction de l'aberration de sphéricité a un lien direct avec un sujet auquel on ne pense pas souvent : l'épaisseur de la lamelle couvre-objet. C'est un point très souvent ignoré, mais de manière à corriger au mieux certaines aberrations géométriques, les objectifs sont effectivement conçus pour être utilisés avec une lamelle d'une certaine épaisseur (une épaisseur idéale de 0,17 mm a été choisie comme standard). Si les lamelles employées sont plus fines ou au contraire plus épaisses que l'épaisseur recommandée, la correction des aberrations n'est plus garantie.
Avec les objectifs possédant une ouverture numérique supérieure à 0.4, l’épaisseur du couvre objet devient réellement importante. Effectivement, tout le dispositif correctif d'un microscope pour l'aberration géométrique de sphéricité est calculé pour une lamelle d'épaisseur précise. Pour la plupart de ces objectifs, un couvre objet d’une épaisseur standardisé de 0,17 mm est donc nécessaire, au risque de faire resurgir des aberrations de sphéricité. Cela signifie en pratique que pour des travaux très précis, des couvre-objets très bien calibrés devraient être utilisés. On peut même aller jusqu’à dire qu’il serait nécessaire de contrôler l’épaisseur individuelle des lamelles employées, avant montage, avec un vernier. Selon les fabricants, certains objectifs peuvent aussi être munis d'un collier de correction très pratique, qui permet d'ajuster finement l'objectif en question à l'épaisseur des lamelles réellement employées (mais là encore, il faut des lamelles bien calibrées, pour savoir avec précision sur quelle valeur placer le curseur de du collier de réglage).
L’effet de l’épaisseur des lamelles couvre-objets devient généralement négligeable pour des ouvertures numériques inférieures à 0,40. Dans ce cas, l’indication de l’épaisseur disparaît du barillet des objectifs. On sera aussi ravi d’apprendre que l’effet consécutif à l’utilisation de couvre-objets d’épaisseurs variables sur l’aberration de sphéricité diminue aussi considérablement avec les objectifs à immersion.
Quelques autres caractéristiques des objectifs de microscope
Après avoir passé en revue le grossissement et l'ouverture numérique des objectifs, ainsi que les capacités de correction des aberrations chromatiques et de sphéricité, il est temps de s'intéresser aux autres caractéristiques que les objectifs de microscope peuvent posséder, et qui sont, sinon fondamentales, au moins importantes à prendre en compte pour un choix ou une utilisation raisonnée.
Commençons par la longueur du tube optique. Comme nous l'avons déjà vu, un microscope donné peut posséder un tube optique de longueur déterminé (par exemple 160 mm), ou au contraire un tube optique dit infini (∞), au sein duquel les rayons circulent de manière parallèle. La longueur optique du tube à respecter apparaît généralement sur le barillet, et doit être scrupuleusement respectée. On comprendra aisément qu'il convient d'éviter de monter un objectif prévu pour une longueur de tube donnée sur un tube à l'infini, et vice versa. Dans la pratique, il faudra même faire attention avant d'adapter un objectif à l'infini d'un constructeur sur un microscope doté d'un tube à l'infini d'un autre constructeur.
Les objectifs se caractérisent également par leur distance de travail. Cette valeur importante fait référence à la distance séparant l’extrémité de l’objectif et la surface du spécimen ou de la lamelle couvre-objet. Pour des objectifs à faible grossissement, elle peut être importante (ce qui offre un grand confort de travail, notamment si l'on doit intervenir sur l'échantillon durant son observation), mais elle devient très faible avec des objectifs à fort grossissement (comme par exemple les objectifs à immersion). Certains objectifs possédant une distance de travail volontairement importante portent souvent la mention LWD ou LD (une grande distance de travail augmentant souvent mécaniquement leur prix !).
Un autre point sur lequel il convient d'être attentif est la profondeur de champ. Comme en photographie, par profondeur de champ, on entend l'étendue de la zone de netteté qui sera offerte par l'objectif. Les objectifs à faible grossissement possèdent souvent une grande profondeur de champ, qui s'avère essentielle pour l'observation d'objets épais, ou d'objets fins qui ne sont pas parfaitement plaqués sur une lame (ils seront alors vus comme net sur toute leur épaisseur en même temps). La profondeur de champ devient au contraire très faible pour des objectifs à fort grossissement. Cela ne pose pas de problème lorsque l'on observe des sujets très fins (par exemple des cellules sanguines déposées en film sur une lame de verre par la technique du frottis), mais avec des échantillons épais, il est impossible de les observer de manière nette sur toute leur épaisseur. Seul un plan donné offrira une netteté correcte. Pour obtenir une image globalement nette, il pourra être nécessaire de capturer un certain nombre de plans nets, pour les fusionner ensuite numériquement en une seule image à plat (c'est la technique du Z-stacking). On notera que la valeur de la profondeur n'est presque jamais inscrite sur le barillet des objectifs, mais elle est disponible dans les spécifications techniques.
Certains objectifs haut de gamme peuvent posséder une bague de réglage qui peut permettre, outre la correction de l'épaisseur de la lamelle que nous avons déjà évoquée, des ajustements sur l’indice de réfraction du milieu d’immersion, l’ouverture numérique (grâce à un diaphragme positionné au niveau du plan focal arrière, ce qui permet notamment de rendre utilisable l’objectif en fond noir) ou encore pour l’ajustement à la température de la pièce ou de l’enceinte dans laquelle ils vont devoir fonctionner. Le collier de correction repose souvent sur la séparation mécanique de deux lentilles d'un doublet. Alors que dans un objectif sans partie mobile, les deux lentilles seraient cimentées entre elle, sur un objectif à collier de correction, ces deux lentilles sont indépendantes, la distance les séparant étant modifiable par l'utilisateur.
Pour pouvoir fixer un objectif sur la tourelle rotative revolver d'un microscope, il faut prêter attention au pas de vis (RMS, M27, M25, M32 pour des objectifs modernes), une information qui n'est jamais indiquée directement sur le barillet. La longueur parfocale est également importante, car si elle est respectée entre tous les objectifs, elle offre un grand confort d'utilisation. L'étude d'un spécimen commence généralement par une inspection à faible grossissement d'une région donnée. Avec des objectifs parfocaux, si l'utilisateur décide de passer à un objectif de grossissement plus important, l'image renvoyée par le second objectif est pratiquement nette tout de suite (il est inutile de toucher à la vis micrométrique, ou alors de manière très faible). Sur un microscope sans parfocalité, il faut au contraire refaire la mise au point à chaque changement d'objectif, ce qui peut rapidement devenir pénible. En permettant d'examiner rapidement à différent grossissements successifs un secteur donné d'une préparation microscopique, la parfocalité est très appréciable sur un microscope. Elle permet également d'éviter des accidents de collision entre la préparation et des objectifs à fort grossissement, pour lesquels la distance de travail est très faible. Là encore, la distance parfocale n'est pas inscrite sur le barillet, mais est à rechercher dans les spécifications techniques fournies par le constructeur.
Pour terminer avec les objectifs, rappelons que d'une manière générale, il en existe une très grande variété, adaptés à une large diversité de situations (les grands constructeurs, comme Zeiss, Nikon, Leica, Olympus, peuvent proposer plus d'une dizaine de type différents). Ainsi, aux côtés des objectifs classiquement employés pour le champ clair, on trouve des objectifs utilisables en contraste de phase (signalés sur le barillet par des lettres vertes), la lumière polarisée ou encore le contraste différentiel interférentiel (lettre rouges).
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Ces oculaires MOTIC grossissent dix fois, et possèdent un grand champ de 20 millimètres de diamètre. La pupille de sortie permet une utilisation avec des lunettes, et le dioptre (qui permet de compenser une myopie, une hypermétropie ou une presbytie) est réglable. Un œilleton en caoutchouc est monté sur l'oculaire de gauche. Le rôle véritable de l'oculaire est de permettre l'observation de l'image intermédiaire, agrandie, inversée et réelle produite par l'objectif (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Situés au niveau de l'extrémité haute du tube mécanique, les oculaires sont, avec les objectifs et le condenseur, un composant optique fondamental du microscope. Leur fonction première est de reprendre et d'agrandir encore plus l'image intermédiaire réelle délivrée par l'objectif au niveau de leur diaphragme fixe, en vue de la renvoyer vers la rétine de l'œil humain, ou le capteur d'un appareil photo ou d'une caméra. Lorsque l'observateur place son œil à environ 1 centimètre de la lentille supérieure d'un oculaire, il peut admirer une image finale agrandie de l'objet posé sur la platine, qui est dite virtuelle, car d'un point de vue théorique, tout se passe comme si elle flottait, impalpable, dans l'espace à une distance d'environ 25 cm de l'œil (ce qui la place virtuellement à la base du microscope).
Selon le modèle de microscope, les oculaires peuvent être d'une construction simple (oculaire de Huygens par exemple), ou au contraire être sophistiqués et coûteux, par exemple lorsqu'ils permettent de corriger les aberrations résiduelles (chromatiques et de sphéricité) des objectifs avec lesquels ils sont censés être employés (on parlera alors d'oculaires compensateurs). Ces oculaires compensateurs peuvent être une nécessité pour des microscopes équipés avec des objectifs haut de gamme, comme des apochromatiques (en conséquence de quoi employer des objectifs apochromatiques avec des oculaires standard est, sans jeu de mot, une aberration). Cependant, sur des microscopes avec une longueur de tube infinie, la correction des aberrations résiduelles peut également avoir lieu au niveau des lentilles de tube, les oculaires redevenant des oculaires standards. Quel que soit l'endroit où la correction a lieu, pour des microscopes modernes et sur du matériel haut de gamme, il est plus que recommandé d'utiliser des objectifs et des oculaires venant du même fabricant. Comme pour les objectifs, les lentilles des oculaires peuvent également être traitées avec des films anti-reflets.
Du point de vue de la construction optique, on distingue deux grands types d'oculaire : les oculaires de type Huygens, qui possèdent un diaphragme fixe interne situé entre les lentilles inférieure et supérieure, et les oculaires de Ramsden, qui ont eux un diaphragme fixe localisé sous le jeu des lentilles. Les oculaires les plus simples, utilisables en combinaison avec des objectifs achromatiques, possèdent simplement deux lentilles : une lentille supérieure (verre d'œil), et une lentille inférieure (verre de champ). Dès que des corrections sont nécessaires, que ce soit pour la planéité ou les aberrations chromatiques, le nombre de lentilles situés à l'intérieur de l'oculaire augmente (tout comme son coût). Pour distinguer un oculaire simple d'un oculaire fortement compensé, un test simple consiste à le tenir devant une source lumineuse (surtout pas le soleil !) et à regarder dedans. Un liseré bleu est observable avec les oculaires simples sur le pourtour du diaphragme, tandis qu'un anneau jaune/orange/rouge peut apparaître, toujours au niveau du diaphragme, avec des oculaires plus évolués.
Comme pour les objectifs, les inscriptions portées par les oculaires sont importantes à décrypter, même si elles sont moins nombreuses. On trouvera d'abord le grossissement (généralement x10 ou x15), qui, multiplié avec le grossissement de l'objectif, donne dans la plupart des cas le grandissement final. Une seconde inscription indique la taille du champ lumineux offert par l'oculaire : on trouve ainsi des objectifs à grand champ (WF), à champ ultra-large (UWF), etc. La deuxième valeur numérique qui apparaît souvent à côté du grossissement correspond au diamètre, en millimètre, du diaphragme fixe positionné dans l'oculaire, ou du diamètre du champ de vision effectif.
Plusieurs caractéristiques peuvent augmenter fortement le confort d'utilisation d'un oculaire. On trouve d'abord la pupille de sortie, qui doit idéalement être de 3 à 5 mm de diamètre pour correspondre à celle de la pupille des yeux dans un état de repos. Les oculaires peuvent être munis à leur sommet d'un œilleton en caoutchouc, qui non seulement permet d'éliminer d'éventuels reflets parasites de la lumière ambiante sur la lentille supérieure, mais qui offre également la possibilité de placer les yeux à une distance correcte du verre d'œil. Effectivement, pour pouvoir apercevoir dans sa totalité l'image renvoyée par un oculaire, on doit généralement placer l'œil à une distance de 8 à 10 mm de la lentille supérieure. Une valeur plus haute de la pupille de sortie permet l'utilisation des oculaires par des porteurs de lunette (cette caractéristique peut être affichée sous la forme d'une petite icône représentant une paire de lunette). Une bague mobile peut aussi donner la possibilité d'ajuster, pour chaque oculaire, le dioptre.
Les oculaires peuvent servir de support pour des outils pratiques, comme un réticule ou graticule de visée simple ou croisé (très utile par exemple pour le réglage de l'illumination façon Köhler, ou sur un microscope polarisant pour ajuster l'orientation d'un cristal par rapport au polariseur et à l'analyseur, notamment pour des mesures d'extinction), un pointeur mobile (doué de rotation et éventuellement de translation, il est appréciable sur des microscopes destinés à l'éducation), ou encore une échelle graduée micrométrique, à employer en combinaison avec un micromètre objectif. Une grille peut fortement faciliter un comptage, et des réticules spéciaux sont aussi destinés à la photographie, en représentant par exemple dans l'oculaire l'étendue du champ qui sera en pratique imagé par le capteur de l'appareil photo. Montés au même niveau que le diaphragme fixe (plans conjugués image), tous ces réticules se superposent de manière nette aux images. Un système de pas de vis peut toutefois, sur certains oculaires, permettre de régler finement la netteté du graticule.
Toujours concernant le confort d'utilisation global du microscope, il est préférable de choisir un microscope sur lequel le (tête monoculaire) ou les oculaires (tête binoculaire) sont montés de manière coudée, avec une inclinaison de 45°. Si le budget le permet, on optera pour une tête de type Siedentopf, qui permet le réglage de la distance inter-pupillaire sans causer le moindre changement de la longueur du tube mécanique du microscope (sans elle, et après réglage de la distance inter-pupillaire, une compensation supplémentaire doit être effectuée sur chaque oculaire, sinon des aberrations de sphéricité refont leur apparition). En moyenne, les oculaires doivent être séparés par une distance interoculaire de 65 millimètres, mais le réglage précis de cette dernière dépend en fait de chaque utilisateur.
Les subtilités de la formation de l’image
Un soupçon d'optique géométrique
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L'effet grossissant d'une lentille convergente expliqué par les règles de l'optique géométrique (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Maintenant que nous avons étudié les deux principaux composants optiques du microscope, les objectifs et les oculaires, nous allons pouvoir avancer un peu dans la compréhension du fonctionnement de cet instrument merveilleux. Pour se faire, il peut être intéressant d'examiner, même très brièvement comme ce sera le cas ici, comment certaines lentilles parviennent à agrandir des objets.
Une lentille de verre possède plusieurs caractéristiques fondamentales, qui peuvent être appréhendées en dessinant le tracé des rayons lumineux (idéalement sur un papier millimétré) arrivant d'un côté de la lentille, et ressortant de l'autre. Quelques règles très simples permettent de savoir comment procéder. Premièrement, il faut retenir qu'un rayon traversant le centre d'une lentille n'est jamais dévié. Si l'on dessine un rayon central horizontal passant par le centre de la lentille, on positionne en pratique l'axe optique de cette dernière.
Continuons notre dessin en traçant un rayon horizontal émanant de l'extrémité de l'objet, situé par convention du côté gauche de la lentille. En frappant la lentille, ce rayon va subir une réfraction, se courber et venir intersecter un point particulier remarquable, avant de continuer son bonhomme de chemin. Le point en question, porté par un plan perpendiculaire à l'horizontal, le plan focal, est appelé point focal ou foyer. Chacun a sans doute pu faire l'expérience d'enflammer un morceau de papier avec une loupe par un jour de beau temps : avec la lentille biconvexe de la loupe dirigée vers le soleil, et en faisant varier la distance entre cette dernière et le papier, on parvient vite à un stade où les rayons solaires convergent en un point brillant sur la feuille, qui ne tarde alors pas à s'embraser. Ce point brillant, qui devient très chaud par suite de la convergence des rayons solaires, est le foyer, et la distance séparant ce point du centre de la loupe la distance focale. Pour une lentille donnée, le foyer existe en deux exemplaires : le point focal frontal, situé du côté de l'objet (à gauche), et le point focal arrière, situé de l'autre côté de la lentille (à droite), là où va se former l'image. Quant à la distance focale, il s'agit d'une valeur très importante, une sorte de carte d'identité de la lentille.
Pour terminer notre dessin, on trace un second rayon émanant de l'objet et passant par le plan focal frontal. Celui-ci va être réfracté par la lentille en un rayon voyageant parallèlement à l'horizontal du côté droit. L'intersection de nos deux rayons caractéristiques du côté droit de la lentille va définir l'image de l'objet renvoyé par la lentille. En mesurant sa hauteur, et en la comparant à celle de l'objet, on peut déterminer l'effet apporté par la lentille.
A ce stade, on pourrait naïvement penser que toute lentille grossit, et que l'on va observer à droite une version grossie de l'objet situé à gauche. Cependant, les choses sont un peu plus complexes que cela. Le comportement d’une lentille dépend d’un grand nombre de facteurs, y compris celle de la position de l’objet à examiner par rapport à l'un des plans focaux. L'action de la lentille sur l'objet va donc dépendre de la distance existante entre l'objet en question et le plan focal de la lentille. Selon les cas de figure, l'objet peut ainsi être placé à l'infini (soit à une très grande distance par rapport au plan focal à la lentille), à une distance plus grande que deux fois la distance focale, à exactement deux fois la distance focale, directement sur le plan focal, ou encore à une distance inférieure à celle de la longueur focale de la lentille.
Nul besoin ici d'examiner tous ces variations et leurs conséquences sur la formation d'une image. Nous allons simplement considérer les cas qui nous intéressent directement, à savoir celui caractérisant un objectif de microscope, et celui décrivant un oculaire de microscope. Le lecteur intéressé par les autres scénarios trouvera sans nul doute de très nombreuses informations à leur propos sur le net. Dans le cas d'un objectif de microscope (avec un tube optique de longueur finie), l'objet est placé un peu au-delà du plan focal. L'objectif en question va en donner une image réelle, agrandie mais inversée. Le tracé des rayons permet de déterminer facilement le facteur d'agrandissement d'une lentille ou d'un système de lentilles : il est égal à la longueur focale divisée par la distance séparant l'objet du plan focal frontal (situé du même côté). Avec l'oculaire, l'objet est placé à une distance inférieure à celle de la longueur focale de la lentille : en traçant le parcours des rayons lumineux, on obtient alors quelque chose de totalement différent : une image agrandie et droite (c'est à dire non renversée), mais située du même côté que l'objet initial.
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Visualisation du pouvoir convergent d'une lentille simple biconvexe, comme celle que l'on peut trouver dans les loupes. Trois faisceaux laser parallèles, générés par une source lumineuse située en position basse sont envoyés vers la lentille biconvexe. L'effet de cette dernière sur les rayons est très net : si le rayon central traverse la lentille en ligne droite, les deux rayons latéraux situés à gauche et à droite sont déviés et se croisent au niveau d'un point situé à une certaine distance de la lentille : c'est le point focal, ou foyer, situé à une distance focale caractéristique de la lentille (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Visualisation du pouvoir divergent d'une lentille plano-convexe. Une source de lumière laser envoie trois rayons vers la lentille. Si le rayon du milieu traverse cette dernière sans subir de déviation, les deux rayons latéraux (gauche et droit) subissent quant à eux un changement de direction vers l'extérieur. Avec ce type de lentille, le foyer image est situé du même côté que l'objet (on peut le trouver en prolongeant par la pensée les rayons divergents du côté objet). L'image produite est dite virtuelle, car elle ne peut pas être appréhendée, capturée par un capteur (appareil photo ou rétine de l'œil) (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Images réelles et images virtuelles
Sur un microscope, le rôle de l'objectif est de fournir une image inversée mais agrandie, de l'objet examiné. Cette image, dite intermédiaire ou primaire, est projetée à une certaine hauteur du tube optique, sur un plan fixe à l'intérieur du microscope, situé en général à environ un centimètre sous les oculaires. C'est également une image dite réelle, que l'on peut facilement projeter sur un écran, le film photographique d'un appareil photo argentique, ou le capteur d'un appareil photo numérique si on le désire. Une image de ce type (c'est à dire réelle) se forme toujours quand l’objet à examiner est placé à une distance supérieure à celle du plan focal d’une lentille.
L'image réelle fournie par l'objectif doit ensuite être reprise par l'oculaire, dont le plan focal frontal coïncide à la zone de mise en place de l’image primaire. Jouant le rôle d'une loupe examinant l'image primaire, l'oculaire va agrandir à son tour cette dernière, avec un petit détail loin d'être anodin. Avec l'oculaire, l'image secondaire magnifiée va se former du même côté de la lentille que l'image intermédiaire. Pour les opticiens, il s'agit d'une image virtuelle, formée par l’intersection apparente des rayons lorsque ces derniers sont artificiellement prolongés vers l’arrière. Celle-ci est impalpable, et ne peut pas être projetée telle quelle sur une surface donnée, un écran, le capteur d'un appareil photo, ou la rétine qui tapisse le fond de l'œil. Pour apercevoir cette image virtuelle, il faut impliquer à nouveau une autre lentille ou groupe de lentilles : dans le cas de l'œil humain, ce sera la lentille unique et déformable que constitue le cristallin.
Lorsque l'observateur approche ses yeux de l'oculaire, le cristallin se trouve en mesure de capter des rayons lumineux qui sont parallèles entre eux, pour les focaliser sur la rétine où va se former une image réelle finale. Ce que le cristallin observe est toutefois l'image virtuelle renvoyée par l'oculaire, qui, d'un point de vue purement géométrique, flotte virtuellement dans l'espace à 25 centimètres des yeux, ce qui la place à un endroit proche de la base du microscope. Au final, le microscope fournit une image réelle capturée par la rétine, mais qui est perçue par l'observateur comme une image virtuelle.
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| Principe du fonctionnement d'un microscope selon les règles de l'optique géométrique. Le système optique de l'objectif (réduit ici à une seule lentille, pour des raisons de simplicité), placé près de l'objet, renvoie une image réelle, agrandie mais renversée de ce dernier. Celle-ci est ensuite reprise par le système optique de l'oculaire (résumé lui aussi à une seule lentille sur le schéma), qui fournit une image encore plus agrandie de l'objet, toujours inversée, mais qui est cette fois ci virtuelle (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Les ordres de la lumière diffractée
Si l'optique géométrique, qui consiste à tracer sur le papier (ou l'écran d'un ordinateur) les trajectoires de rayons lumineux quand ils traversent un système de lentilles, permet de comprendre le fonctionnement général du microscope, c'est à dire l'obtention d'une image au final agrandie d'un spécimen observé au travers d'un objectif et d'un oculaire, elle ne renseigne pas sur toutes les subtilités des mécanismes à l'œuvre. Pour comprendre encore plus en profondeur ce dont un microscope optique est capable, il faut refaire appel à l'apport inestimable d'Abbe.
Lorsqu'il a présenté ses travaux théoriques sur les bases physiques et optiques gouvernant la résolution du microscope optique, Ernst Abbe n'a pas récolté l'approbation de tous les microscopistes. Plusieurs voix se sont élevées, en particulier parmi les microscopistes anglais, aussi bien professionnels qu'amateurs. Dans l'Angleterre victorienne, la microscopie était un hobby très répandu, et de nombreux amateurs plus ou moins fortunés et équipés de microscope s'étaient lancés dans une course à la résolution. En tendant de résoudre les très fins détails de valves siliceuses de certaines diatomées, les microscopistes mesuraient le pouvoir de résolution de leur microscope, avec l'espoir de posséder les instruments les plus précis.
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| Les taches de lumière diffractée qui peuvent être observées au niveau du plan focal arrière d'un objectif de microscope (crédit photo : © ZEISS). |
Les microscopistes anglais de l'époque victorienne estimaient que le pouvoir de résolution des microscopes était directement lié au grossissement final apporté par les composants optiques, objectifs et oculaires, et que ce dernier pouvait donc toujours être théoriquement augmenté. Nombre de ces microscopistes employaient des objectifs à fort grossissement avec des oculaires à haut pouvoir grossissant, obtenant ainsi sans s'en rendre compte un grossissement à vide. En présentant des travaux montrant clairement que la source du pouvoir de résolution d'un microscope repose non pas sur le grandissement, mais sur l'ouverture numérique des objectifs (et du condenseur), Ernst Abbe remettait en question bon nombre d'a priori, d'autant que, comme nous l'avons vu, sa théorie pose une limite aussi claire que définitive à la résolution maximale possible du microscope optique.
L'importance de l'ouverture numérique apparaît de manière claire quand on compare les performances d'un objectif à sec, avec celle apportée par un objectif de même grossissement, mais fonctionnant à immersion. Effectivement, l'utilisation d'un liquide dont l'indice de réfraction est proche du verre entre la lamelle couvre-objet et la lentille frontale d'un objectif permet de récupérer de nombreux rayons lumineux, qui autrement seraient perdus. Les microscopistes anglais voyaient cependant d'un œil suspect l'immersion, se privant ainsi d'une technique qui avait le potentiel de remettre en cause leur croyance. La plupart utilisaient des objectifs à sec caractérisés par des ouvertures numériques de 0.7 à 0.8 avec un éclairage oblique, et ils ne parvenaient pas à comprendre comment l'ouverture numérique pouvait devenir supérieure à 1 (la limite maximale et non atteignable dans le cas d'objectifs à sec, ou la lentille frontale de l'objectif se confond avec la lamelle) dans le cas des objectifs à immersion.
Pour convaincre les esprits réticents et faire valoir ses travaux, des kits expérimentaux de diffraction à installer sur les microscopes furent alors conçus par Abbe et vendus. Ces derniers sont hélas aujourd'hui introuvables, car les rares exemplaires restants sont très recherchés par les collectionneurs. De plus, ils ne pourraient pas facilement être adaptés sur les microscopes modernes. On peut sciemment regretter que des kits modernes ne soient pas fabriqués et vendus par certains fabricants, car ceux-ci, outre le fait d'être des modèles d'ingéniosité, permettent véritablement de vérifier, par de nombreuses expériences pratiques, les concepts fondamentaux d'Ernst Abbe sur la résolution.
L'expérience sans nul doute la plus marquante proposée par ces kits est celle qui consiste à observer un réseau de diffraction avec un microscope, et de faire varier durant l'observation, artificiellement et en temps réel, l'ouverture numérique d'un objectif. Un réseau de diffraction est simplement un ensemble de lignes très fines, séparées les unes des autres par une distance également très faible (par exemple 8 ou 16 microns), gravées sur une lame de verre à la manière d'un code barre (nous avons vu plus haut les lames de Nobert). Les réseaux de diffraction peuvent être éventuellement remplacés par des diatomées tests (comme par exemple, et par ordre de difficulté, Pleurosigma angulatum, Surirella gemma ou Amphipleura pellucida), même si le résultat sera alors moins parlant (étant des objets biologiques, l'ornementation des valves de diatomées est plus complexe qu'un groupe de lignes fines placées les unes à côté des autres sur une lame de verre plane).
Le réseau de diffraction, positionné sur la platine du microscope, n'est pas le seul accessoire nécessaire à l'expérience. Il faut également en effet pouvoir placer une plaque opaque percée d'un trou minuscule (pinhole) sur le trajet du faisceau lumineux au niveau du condenseur. Étant donné que les condenseurs possèdent souvent un support permettant de placer un filtre, il reste aisé d'y glisser une petite lame (découpée par exemple dans du carton) percée d'un trou. Plus problématique, un diaphragme déplaçable latéralement est également nécessaire au niveau du plan focal arrière de l'objectif, un endroit par définition difficilement accessible mécaniquement, sauf sur des microscopes étudiés pour (il faut aussi enfin un oculaire spécial, dit télescopique, pour pouvoir observer directement et correctement ce qui se passe au niveau du plan focal arrière de l'objectif).
Même si l'expérience est donc difficilement reproductible avec simplement les moyens du bord, décrivons-là quand même, car elle est réellement intéressante. Avec le réseau de diffraction en place sur la platine, le pinhole (trou) en position au niveau du condenseur et un diaphragme complètement ouvert au niveau du plan focal arrière de l'objectif, il est possible d'observer dans l'oculaire les graduations du réseau (le pinhole du condenseur réduit fortement la quantité de lumière qui passe, mais on peut compenser ce point en augmentant l'intensité lumineuse, de manière à avoir une image finale suffisamment claire).
Les choses deviennent intrigantes lorsque l'on regarde directement ce qui se passe au niveau du plan focal arrière de l'objectif. On distingue en effet une figure caractéristique de diffraction, avec au centre une tache circulaire blanche, entourée de chaque côté par des groupes symétriques de disques colorés qui se recouvrent plus ou moins. Chaque groupe de disques est composée d'un disque de lumière bleue (situé vers l'intérieur), un disque intermédiaire de lumière verte, et enfin un disque externe de lumière rouge. La tache lumineuse centrale blanche est qualifiée d'ordre 0 par les physiciens. Il correspond à la lumière qui forme le fond blanc lumineux du champ, et qui traverse l'échantillon sans déviation. Le premier groupe de disques colorés (bleu/vert/rouge) forme l'ordre 1, le second l'ordre 2, etc. Les ordres 1, 2, éventuellement 3 regroupent les rayons diffractés, c'est à dire déviés, par l'échantillon. Si on centre une partie du réseau de diffraction possédant des lignes très rapprochées les unes des autres, on remarque que les taches colorées de l'ordre 1 sont séparées de l'ordre 0 par une certaine distance, tout comme les sont les disques de l'ordre 2 par rapport à l'ordre 1. Si au contraire les lignes du réseau de diffraction sont plus éloignées les unes des autres, au niveau du plan focal arrière de l'objectif, c'est l'inverse qui se produit : les différentes tâches apparaissent en effet de manière plus resserrée autour de l'ordre 0 dans la figure de diffraction.
Pour que l'expérience devienne vraiment parlante, il va maintenant falloir fermer le diaphragme localisé au niveau du plan focal arrière de l'objectif, pour effacer des ordres, et voir quel est l'effet produit sur l'image finale, qui pour l'instant montre un ensemble de lignes verticales. Pour simplifier les choses, imaginons que la figure de diffraction initiale comporte uniquement la tache blanche centrale, et les deux taches colorées (à gauche et à droite) de l'ordre 1. Si, en fermant le diaphragme, on élimine les taches de l'ordre 1 en ne laissant plus passer que la lumière de l'ordre 0, on découvre stupéfait dans l'oculaire que les lignes verticales noires ont disparu, et qu'à leur place on observe une grande tâche floue et grise. L'expérience montre clairement que pour pouvoir former une image résolue, le microscope doit pouvoir capter, en plus de la lumière qui traverse directement en ligne droite le champ d'observation, les faisceaux lumineux diffractés par l'objet observé. Cet état de fait permet aussi de comprendre comment fonctionne l'illumination oblique, si chère aux microscopistes anglais du 19e siècle. Si, en inclinant la source lumineuse, on parvient géométriquement à faire rentrer dans l'objectif des rayons de l'ordre 0 d'un côté, et quelques rayons de l'ordre 1 de l'autre, alors on peut facilement gagner en résolution par rapport à ce qu'il serait possible d'observer avec une source lumineuse "droite", une configuration ou seuls les rayons de l'ordre 0 seraient acceptés par l'objectif.
Imaginons maintenant le cas où la figure de diffraction comporte, en plus du disque lumineux central de l'ordre 0, deux ordres, 1 et 2. En fermant et en déplaçant latéralement le diaphragme, on peut constater que si l'on sélectionne uniquement une tache lumineuse d'un faisceau diffracté (par exemple l'une des deux taches de l'ordre 1), on observe à nouveau une perte totale de résolution (les lignes disparaissent et l'image finale devient complètement floue). On peut alors comprendre qu'un faisceau de lumière diffracté ne suffit pas lui non plus, lorsqu'il est seul, à former une image. Pour retrouver de la résolution, il faut sélectionner au moins deux taches, par exemple une tache de l'ordre 1 et une tache de l'ordre 2 (ou une tache de l'ordre 2 et une tache de l'ordre 3, si l'on a trois ordres diffractés observables dans la figure de diffraction).
La conclusion de cette expérience est que pour pouvoir résoudre un objet, un microscope doit collecter au moins deux faisceaux de lumière, qui vont devoir interférer ensemble (par exemple un ordre 0 avec un ordre 1, ou un ordre 1 avec un ordre 2). Si l'on veut simplifier la chose, on pourra dire que pour former une image correcte, résolue, avec du détail, la lentille frontale de l'objectif doit collecter le plus grand nombre de faisceaux de lumière possible. Si, pour une raison ou une autre, la quantité de lumière collectée se trouve réduite, on obtiendra une image floue de l'objet observée, sans détails ni contraste. L'expérience montre donc que ce n'est pas le grandissement objectif/oculaire qui est responsable de la capacité d'un microscope à pouvoir montrer du détail, mais bien l'ouverture numérique de l'objectif, c'est à dire son aptitude à pouvoir recueillir autant de lumière que possible, que ce soit les rayons directs verticaux, ou les rayons latéraux issus de la diffraction.
Les kits permettant d'explorer en pratique la théorie d'Abbe permettent de faire bien d'autres expérimentations, souvent simples dans leur principe, mais néanmoins très démonstratives. Par exemple, des filtres colorés permettent de comprendre l'influence de la longueur d'onde. Avec un dispositif obturateur capable d'occulter la tache lumineuse de l'ordre 0 au niveau du plan focal arrière de l'objectif, on peut aussi créer instantanément un dispositif de fond noir. De la même manière, il est possible d'étudier le principe du contraste de phase avec un anneau adapté. Des réseaux de diffraction différents (grille, réseau hexagonal) permettent également de faire varier les figures de diffraction : une grille donne ainsi naissance à une figure de diffraction en deux dimensions. L'influence du grossissement peut bien sûr aussi être abordée.
Pour aller encore plus loin, il est possible de remplacer les pinholes au niveau du condenseur et du plan focal arrière de l'objectif par des fentes, de manière à mettre en évidence l'importance cruciale des interférences dans la formation de l'image finale. L'interférence est un phénomène absolument fondamental en optique : dans certaines conditions, un rayon lumineux est capable d'interférer avec un autre rayon, soit en s'additionnant au second rayon pour donner un rayon encore plus lumineux (interférence dite constructive), soit au contraire en se soustrayant au second rayon, ce qui fait que les deux rayons s'annihilent, et qu'il n'y a plus de lumière (interférence dite destructive).
Pour la démonstration pratique du rôle essentiel joué par les interférences dans la formation de l'image renvoyée par un microscope, le pinhole monté sur le condenseur est remplacée par une fente verticale fixe (parallèle aux lignes du réseau de diffraction), tandis que celui de l'objectif est ôté pour laisser place à une fente de même épaisseur, mais mobile autour d'un axe. On s'aperçoit que lorsque les deux fentes sont croisées à 90° (fente verticale pour le condenseur et fente en position horizontale pour l'objectif), une image résolue est obtenue. Au contraire, si la fente de l'objectif est amenée à 45° par rapport à la fente verticale du condenseur, aucune image valable ne peut être récupérée. L'explication tient dans le fait que dans le second cas, les faisceaux viennent de différents points du réseau de diffraction. Etant non cohérents, ils ne peuvent interférer, et sont donc incapables de produire une image porteuse de résolution.
Les techniques optiques d'amélioration du contraste
Les échantillons destinés à être observés au microscope sont le plus souvent découpés en tranches fines de quelques microns ou dizaine de microns d'épaisseur, puis colorés avec des colorants spécifiques. Cependant, il peut arriver que l'on veuille observer des cellules vivantes (qui soient par exemple en cours de division, ou en train de se déplacer pour phagocyter des bactéries), qui ne supporteraient pas certaines colorations, ou des objets naturellement transparents, offrant peu de contraste. Aujourd'hui, le microscopiste dispose de plusieurs techniques permettant de faire apparaître, par des manipulations optiques plus ou moins complexes, du contraste là où ce dernier était initialement absent. Nous allons ici nous intéresser à quatre techniques très utilisées en biologie : le fond noir, l'éclairage oblique, le contraste de phase et le contraste différentiel interférentiel. Nous terminerons ensuite en abordant la technique reposant sur l'utilisation de lumière polarisée, très employée notamment par les géologues pour l'identification et l'étude des roches.
Première technique d'amélioration de contraste à avoir été historiquement découverte (Leeuwenhoek la connaissait certainement, et Christiaan Huygens y fait clairement référence en 1678), le fond noir établit dans le champ du microscope un fond uniformément sombre, sur lequel vont se détacher les objets à étudier, qui vont de leur côté apparaître de manière brillante, avec une grande richesse de détails et de couleurs.
Jusqu'à présent, le microscope dont nous avons parlé dans ce document est un microscope dit à champ clair. Effectivement, les échantillons sont examinés au travers d'un fond lumineux : la plus grande partie du contraste des images obtenues est due à l'absorption sélective de la lumière qui les traverse (en admettant bien sûr que les objets soient suffisamment fins et transparents pour qu'une partie au moins de la lumière puisse passer). Si la microscopie en fond clair est particulièrement indiquée pour un grand nombre de sujets, son emploi peut cependant se révéler décevant avec des échantillons très clairs, qui offriront un contraste trop faible avec le champ lumineux : c'est notamment le cas des objets naturellement transparent et vivants, comme le plancton animal ou végétal, les bactéries, les inclusions intracellulaires par exemple.
La technique du fond noir (appelée aussi microscopie en champ sombre) est là pour pallier à ce défaut de la microscopie en champ clair. D'une manière un peu contre intuitive, elle va consister à stopper les rayons directs traversant l'objet, pour ne garder que les rayons déviés latéralement par celui-ci. Comme nous l'avons vu avec les expériences de diffraction, il suffit de bloquer les rayons lumineux non diffractés de l'ordre 0 pour obtenir l'effet de fond noir.
La mise en œuvre du fond noir se fait généralement au niveau du condenseur, en plaçant un disque sombre sur le faisceau lumineux venant de la source d'illumination, de manière à bloquer les rayons verticaux directs. Les plus bricoleurs d'entre nous, avec un peu de patience et de minutie, peuvent également tenter de modifier eux-mêmes leur microscope pour s'essayer à cette technique simple. Cependant, dans cette configuration, le fond noir peut n'être disponible que pour certains objectifs seulement. C'est pourquoi il existe également des objectifs spécifiquement conçus pour la technique du fond noir. Ces derniers possèdent un diaphragme à iris au niveau de leur plan focal arrière, qui peut être précisément ajusté de manière à produire le rendu désiré.
Les images obtenues avec le fond noir sont généralement superbes, les objets étudiés se détachant particulièrement bien sur un fond totalement obscur, un peu à la façon dont des bijoux ou des pierres précieuses ressortiraient en étant placés du velours noir. Etant donné sa capacité à faire ressortir les moindres détails des objets examinés, le fond noir exige de travailler avec une grande propreté. Effectivement, la moindre poussière ou saleté présente sur les lames, lamelles ou lentilles va ressortir de manière très nette, gâchant alors les images.
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| Un condenseur d'un microscope de marque Olympus, permettant de réaliser des observations en champ clair, en fond noir et en contraste de phase. A gauche, la face supérieure du condenseur, montrant la roue crantée permettant de choisir la technique d'observation, ainsi que l'ouverture numérique, qui est de 1.25. A droite, la face inférieure du condenseur réglé pour le fond noir, avec le disque obturateur central. A droite, la face inférieure du condenseur réglé cette fois-ci sur le contraste de phase, avec l'un des anneaux de phase, adapté à un objectif particulier (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Très en vogue au 19e siècle et au début du 20ème siècle, l'éclairage oblique consiste simplement à faire basculer la source d'éclairage, de manière à illuminer de biais un échantillon. Le gain de résolution peut alors être très important, ce qui explique la popularité de cette technique, y compris encore aujourd'hui où elle est souvent employée par les amateurs ne disposant pas d'autres méthodes d'amélioration du contraste sur leurs microscopes.
La technique d'illumination oblique fonctionne, car il peut arriver que même avec des objectifs à grande ouverture numérique, les détails de structure d'un échantillon soient si fins qu'aucun rayon diffracté d'ordre 1 ne puisse rentrer dans l'objectif (seul l'ordre 0 passe, ce qui n'est pas suffisant). En réorientant la source lumineuse de telle manière à ce que des rayons d'ordre 0 rentrent dans l'objectif d'un côté, et que quelques rayons diffractés d'ordre 1 soient capturés de l'autre, on peut faire apparaître des détails disposés perpendiculairement à la direction de l'illumination.
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Condenseur de microscope permettant de réaliser des observations en contraste de phase. A gauche sont représentés des disques de phase de différents diamètres, un disque particulier étant conçu pour fonctionner avec un objectif bien précis. Les différents disques sont montés sur un grand disque rotatif au niveau du condenseur, que l'opérateur fait tourner pour sélectionner le bon disque (pH1, pH2, pH3, etc.) par rapport à l'objectif engagé (crédit photo : © ZEISS). |
En 1934, le physicien hollandais Frederik Zernike publie une nouvelle méthode pour tester les miroirs des télescopes. Il s’aperçoit assez vite que cette dernière est également applicable à la microscopie, avec à la clé une invention révolutionnaire, qui va permettre de visualiser des objets transparents auparavant invisibles, et ce sans la moindre coloration : le contraste de phase. Pour cette invention, Zernike recevra le prix Nobel de physique en 1953.
Comme nous l'avons déjà expliqué, à moins qu’un objet ne soit naturellement coloré ou doté d’une épaisseur suffisante, il ne peut être étudié en microscopie que si son contraste est artificiellement augmenté par l’utilisation de substances colorantes. Lorsque ces objets sont traversés par la lumière, celle-ci va être plus ou moins absorbée, et va donc subir des changements d’intensité qui sont à la source du contraste obtenu.
Cependant, les colorants ne peuvent pas toujours être utilisées pour modifier la transparence d’un objet, et faire en sorte qu’il devienne visible. Bien qu’il existe des colorants dits vitaux, la plupart des colorants utiles en microscopie ne colorent effectivement les cellules que si ces dernières sont mortes (l’application du colorant lui-même pouvant conduire à la mort cellulaire). Dans ces conditions, on comprend donc l’importance de la mise au point de techniques purement optiques offrant la possibilité de visualiser des objets et structures normalement invisibles, ou très difficilement visibles.
Lorsque la lumière traverse une cellule vivante (ou un autre objet transparent), et malgré la différence des indices de réfraction entre la cellule et le milieu dans laquelle elle baigne, les changements d’intensité lumineuses (amplitude) sont imperceptibles. Cependant, cette dernière va cependant subir des modifications, notamment du point de vue de sa phase. Ainsi, si l’on considère deux faisceaux lumineux, l’un pénétrant dans une cellule, l’autre passant à côté, le premier va se trouver retardé par rapport au second. L’œil humain est complètement aveugle aux changements de phase, mais l’idée géniale de Frederik Zernike a consisté à les rendre néanmoins visibles, en les convertissant en changement d’amplitude, donc d’intensité.
Dans le cas des objets biologiques qui nous intéressent, le changement de phase est minime, étant donné que les cellules vivantes ont une épaisseur très faible, et que la différence de leur indice de réfraction général moyen par rapport au milieu dans lesquelles elles sont observées est minime. En moyenne, le retard de phase est seulement d’un quart de longueur d’onde. Pour augmenter la valeur de ce retard, et pouvoir ensuite l’exploiter pour générer des interférences destructrices (qui vont causer des changements d’amplitude, et donc rendre visibles ce qui ne l’était pas), le système proposé par Zernike va retarder d’un quart de longueur d’onde supplémentaire les rayons lumineux (le retard total des rayons traversant l’objet sera donc d’une moitié de longueur d’onde, par rapport aux rayons qui passeront à côté).
Pour créer en pratique le retard supplémentaire nécessaire au fonctionnement du contraste de phase, un anneau de phase est placé dans les objectifs, et un diaphragme de forme similaire (annulaire) est monté sur le condenseur (les premiers systèmes de contraste de phase employaient des dispositifs possédant d’autres formes comme une fente simple ou une croix, mais l’anneau s’est révélé être le meilleur choix). Diaphragmes et anneaux de phase sont situés au niveau des plans conjugués d'illumination. L’anneau de phase des objectifs possède une structure complexe, la surface couverte par l’image du diaphragme de phase étant évidée par rapport au reste de l’anneau. La différence d’épaisseur est telle que le retard de phase apporté est d’un quart de longueur d’onde.
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Un condenseur de marque Motic permettant les observations en fond clair (BF : Brightfield), fond noir (DF : Darkfield) et en contraste de phase. Il possède trois positions de phase (pH1, pH2 et pH3) pour trois objectifs et donc grossissements différents. Le télescope qui permet de régler le contraste de phase en renvoyant une image du plan focal arrière d'un objectif donné est visible à gauche (crédit photo : © Philippe Labrot). |
La mise en place de ce système dans l’axe optique du microscope va avoir plusieurs conséquences. La lumière directe, venant du diaphragme annulaire du condenseur, va pouvoir traverser l’anneau de phase au niveau de la zone évidée (son intensité est aussi en générale réduite par le dépôt d’un film absorbant, ce qui améliore encore la technique). Au contraire, la lumière diffractée par l’objet (et qui est donc retardé d’un quart de longueur d’onde par rapport à la lumière directe), arrivera quant à elle sur la totalité de la surface de l’anneau de phase. En traversant une épaisseur plus grande de l’anneau de phase (par rapport à la zone évidée ou la lumière directe arrive), elle va être affectée d’un retard supplémentaire d’un quart de longueur d’onde. Les rayons de lumière directes et les rayons diffractés vont ensuite se combiner pour subir une destruction interférentielle, ce qui va donner naissance au contraste.
Les premiers microscopes à contraste de phase seront construits au début de la seconde guerre mondiale, mais ne commenceront à être disponibles auprès des chercheurs qu’à la fin du conflit. De par la relative simplicité de mise en œuvre (et ce malgré une théorie très complexe, qui n’a été ici que survolée de très haut), le contraste de phase devint vite très populaire dans les laboratoires, et révolutionna l’étude de systèmes vivants.
Cependant, la technique du contraste de phase présente également des limitations évidentes, qui a conduit à l’invention d’une technique encore plus performante et pour tout dire bluffante, le contraste différentiel interférentiel. L'une des limitations du contraste de phase est de diminuer légèrement la résolution par rapport au champ clair. Un autre souci, qu’il est difficile d’ignorer quand on l’utilise, est que les objets apparaissent entourés d’un halo (ce dernier est dû à l’imperfection du système optique séparant la lumière directe de la lumière diffractée, une partie de cette dernière se permettant effectivement de traverser l’anneau de phase dans la partie normalement réservée à la lumière directe).
Le contraste différentiel interférentiel
Comme le contraste de phase, le contraste différentiel interférentiel (DIC) est une technique d'amélioration de contraste destinée à l'observation d'objets transparents ou offrant un faible contraste, non colorés et éventuellement vivants. Elle appartient aux techniques dites d'interférométrie à décalage latéral, dont le principe est de faire interférer deux fronts d'ondes séparés par une distance plus ou moins grande.
Dans les premières versions du contraste différentiel interférentiel, la destruction interférentielle (qui dans le contraste de phase permet aux contrastes d’apparaître) a lieu entre deux fronts d’ondes, dont l’un est sensé traverser l’objet, tandis que le second ne l’inclut absolument pas. En toute logique, pour fonctionner, un tel système devrait exiger la présence non pas d’un, mais de deux microscopes identiques, mis côte à côte et fonctionnant de concert. Des perfectionnements remarquables ont cependant été mis en œuvre par les ingénieurs pour faire rentrer cette technique dans un seul et unique microscope.
Avant qu’il ne parvienne à l’objet, le faisceau lumineux du microscope est d'abord dédoublé par un système clef, un prisme double de Wollaston. Inventé par le physicien anglais William Hyde Wollaston (1766-1828) en 1802, il prend la forme d'une lame à faces parallèles constituée de deux coins taillés dans un matériel biréfringent (souvent du quartz) uniaxe (c'est à dire possédant un seul axe optique), collés entre eux de telle manière à ce que les axes optiques unis se croisent à 90° dans un plan parallèle aux faces de la lame (l'assemblage était historiquement fait avec du baume du Canada). Un tel système optique possède la propriété de pouvoir dédoubler le rayon incident en deux rayons polarisés à 90° l'un de l'autre. Les deux rayons sont repris par un objectif adapté, au niveau duquel un décalage latéral, plus petit que la résolution de l'objectif, va apparaître. Après avoir interagit avec l'objet à étudier et dans le cas d'un microscope à réflexion, les deux rayons sont recombinés par le même prisme de Wollaston, avant de partir vers les oculaires.
Initialement, le double prisme de Wollaston devait être situé dans le plan focal image de l'objectif, un endroit par définition souvent mécaniquement inaccessible sur un microscope, car il se situe au niveau du corps même des objectifs. En 1952, alors qu'il travaillait au CNRS, le physicien polonais Georges Nomarski eu l'idée géniale de modifier le prisme proposé par Wollaston, en basculant l'axe optique de l'un de deux prismes. Avec cette modification, ce nouveau prisme de Nomarski pouvait alors être écartée de l'objectif, tout en continuant d'agir. La facilité de mise en œuvre de cette configuration fait qu'elle est aujourd'hui proposée par pratiquement tous les grands fabricants de microscope.
Si, dans un microscope à réflexion, le même double prisme peut être utilisé deux fois, ce n'est plus le cas pour le microscope à transmission qui nous intéresse ici. En mode DIC, notre microscope doit donc être équipé de deux doubles prismes, ou plutôt d'un ensemble de double prismes couplés à un double prisme unique. Généralement monté sur le condenseur au niveau du diaphragme d'ouverture, on trouve d'abord en effet une série de prismes de Wollaston, dont chacun permet de dédoubler le faisceau de lumière incident venant de la source d'illumination du microscope (comme la séparation des deux rayons a lieu en dessous de la résolution de l'objectif, une double image ne se forme pas). Un prisme différent est nécessaire pour chaque objectif. Ces derniers, qui prennent souvent la forme de petits disques, sont généralement montés sur un disque rotatif équipant le condenseur. Une fois l'objectif voulu enclenché, il suffit de tourner le disque du condenseur pour amener le prisme souhaité dans le passage du faisceau lumineux.
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Deux prismes DIC (contraste différentiel interférentiel) d'un microscope Nikon, l'un pour un objectif x20, l'autre pour un objectif x60. Il s'agit de petites pièces, qui possèdent malheureusement un prix important (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Après la traversée de l'objet, les deux rayons sont recombinés par un second double prisme de Nomarski, placé au niveau du tube, au-dessus de l'objectif. Contrairement aux doubles prismes inférieurs, le double prisme supérieur est unique, et peut servir quel que soit l'objectif choisi. En plus de deux doubles prismes, le contraste différentiel interférentiel nécessite également un polariseur au niveau de la source d'illumination Köhler (en avant et à 45° du prisme inférieur de Wollaston), et un analyseur avant l'oculaire (après le prisme supérieur de Nomarski et à 45° de ce dernier). Un système de réglage, qui consiste souvent à déplacer latéralement le prisme supérieur, permet à l'observateur de faire varier le rendu des images obtenues, que ce soit au niveau du relief ou des couleurs d'interférence du fond ou de l'objet observé.
On pourrait se demander à juste titre pourquoi le contraste différentiel interférentiel a besoin d'un polariseur, alors que le premier double prisme diviseur de Wollaston est effectivement capable, à partir d'un rayon de lumière non polarisée, de produire deux rayons de lumière polarisés vibrant perpendiculaire l'un par rapport à l'autre ? Si l'on retire le polariseur du trajet optique, on obtient une image beaucoup plus brillante et délavée. Ceci prouve qu'avec une source de lumière non polarisée, le contraste différentiel interférentiel n'est plus capable de produire des images de qualité : le polariseur agit en fait comme un filtre ôtant la lumière qui ne participe pas à la formation de l'image. Il empêche les rayons incohérents, incapables d'interférer, de réduire le contraste des images. L'analyseur, de son côté, est nécessaire pour permettre aux deux rayons polarisés (rayon ordinaire et rayon extraordinaire) d'interférer. Un composant de chaque rayon va réussir à traverser l'analyseur, et, parce qu'ils vibrent à nouveau sur le même plan, ils vont pouvoir interférer et produire du contraste d'amplitude.
Contrairement au contraste de phase, où les régions qui ressortent le plus sont celles qui séparent l’objet du milieu dans lequel il est plongé et où les objets étudiés peuvent être entourés d'un halo disgracieux, le contraste différentiel interférentiel fournit des images plus riches, le moindre changement dans le trajet des rayons lumineux apparaissant avec subtilité. L’échelle de contraste offerte est remarquable, et les objets peuvent notamment ressortir en reliefs, comme s’ils étaient éclairés par une lumière rasante, ce qui fournit des images non seulement très fouillées, mais également souvent très esthétiques. Un autre de ses avantages est de pouvoir fournir une coloration optique, en permettant de colorer artificiellement, selon les réglages effectués, tout un ensemble de structures sur le spécimen étudié. D'une manière générale, par rapport au contraste de phase, il permet d'exploiter à fond l'ouverture numérique des objectifs, et donc d'obtenir une excellente résolution.
Etant donné son niveau de complexité, le contraste différentiel interférentiel est très souvent hors de portée de l'amateur. Pour fonctionner correctement, tous les composants optiques impliqués doivent collaborer : non seulement les deux doubles prismes, mais aussi le condenseur et les objectifs. Son coût de mise en œuvre atteint des milliers et des milliers d'euros. Il s'agit d'un investissement considérable, dont l'utilité réelle doit être scrupuleusement pesée. Comme pour d'autres techniques d'amélioration optiques du contraste, il est destiné à l'étude de petits objets transparents ou possédant un niveau de contraste si faible qu'ils paraissent presque invisibles en fond clair. Le DIC n'est absolument pas adapté à d'autres cas, comme par exemple l'observation de coupes végétales ou animales, fines ou épaisses et colorées.
Le microscope polarisant : quand les roches deviennent des vitraux
Le microscope polarisant, appelée aussi parfois microscope pétrographique (la pétrographie étant la science dédiée à la description des roches), est un microscope optique à transmission d'un type spécial, qui est principalement dédié à l'étude de fines tranches (généralement 30 microns d'épaisseur) taillées dans des roches que l'on se propose d'étudier. Les images obtenues avec un microscope polarisant sont souvent très esthétiques, avec de plaisantes associations de formes, de textures et de couleurs. Par rapport au microscope optique classique, il se caractérise surtout par une platine ronde capable de tourner à 360° et adossée à des graduations, un polariseur, placé généralement en position basse au-dessous de la platine, par exemple près de la source d'illumination ou au niveau du condenseur, et un analyseur, positionné quant à lui en position haute, au-dessus de la platine, par exemple juste en dessous des oculaires. Le polariseur est en général fixe, tandis que l'analyseur peut être ou non placé sur le trajet optique. Un microscope polarisant perfectionné peut aussi être équipé de divers accessoires, comme par exemple une lentille de Bertrand ou des lames compensatrices. Notons enfin que les objectifs doivent être de qualité, avec en particulier des lentilles en verre dépourvues de toutes zones de contrainte (sinon les différentes mesures effectuées pourraient être compromises par l'introduction d'une biréfringence parasite).
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Un polariseur (à gauche) et un analyseur (à droite) à monter sur un microscope biologique MOTIC BA310 pour pouvoir réaliser des observations en lumière polarisée. Le polariseur se fixe juste au-dessus de la source d'illumination, et l'analyseur dans le tube optique, juste avant la tête binoculaire (crédit photo : © Philippe Labrot). |
Voyons à présent comment fonctionne un microscope polarisant. L'objectif du premier dispositif, le polariseur, va être de créer un faisceau de lumière polarisée. La lumière blanche produite par la source d'illumination du microscope est une lumière non polarisée, formée d'ondes vibrants dans toutes les directions de l'espace. Au contraire, la lumière polarisée ne vibre que dans une seule direction. Il existe plusieurs techniques permettant d'appliquer une polarisation sur une source lumineuse. Généralement, polariseur (et analyseur) mettent en œuvre un film de type polaroïd aux propriétés polarisantes, qui sont aussi couramment utilisés comme filtre en photographie pour éviter les reflets, ou comme verres de lunettes solaires. Dit simplement, le polariseur va fonctionner comme les barreaux verticaux d'une grille qui laisserait passer entre eux des raies de lumière.
L'examen d'une roche commence généralement en plaçant le microscope dans une configuration dite LPNA (lumière polarisée non analysée) : le polariseur est en place, tandis que l'analyseur est en retrait du faisceau lumineux. En LPNA, il est déjà possible d'observer plusieurs caractéristiques des minéraux composant les roches. On pourra en effet noter déjà noter la forme des cristaux, la présence de clivages, leur couleur naturelle, ainsi que le pléochroïsme, c'est à dire le changement de couleur d'un minéral donné selon son orientation (le mica présent dans un granite est par exemple doué de pléochroïsme). Tout le potentiel d'un microscope pétrographique n'est cependant libéré que lorsque polariseur et analyseur sont utilisés conjointement.
L'étude des lames minces de roche en lumière polarisée analysée (LPA) demande un réglage spécifique : sans qu'il y ait de lames sur la platine, il faut placer l'analyseur, qui est dans le trajet lumineux, dans une position tel qu'un noir absolu règne dans le champ d'observation. Les spécialistes désignent ce réglage en parlant de croisement des Nicols (du nom de William Nicol, qui fut le premier scientifique à observer un matériau minéral - du bois fossilisé - au microscope), ou croisement à 90°. Effectivement, dans cette configuration, le plan de polarisation de l'analyseur est placé à 90° du plan de polarisation du polariseur, ce qui fait qu'aucune lumière ne peut plus traverser l'analyseur.
En plaçant une lame mince de roche (par exemple un granite, ou un basalte à olivine) sur la platine de notre microscope polarisant dont les Nicols ont été croisés, on rétablit en partie l'arrivée de la lumière sur les oculaires. Certains minéraux ont en effet agi en "tordant" la lumière polarisée, qui peut alors à nouveau franchir l'analyseur. Décrire en détails les raisons de ce comportement dépasserait largement le cadre de cette page. Disons simplement que tous les minéraux capables de rétablir la lumière avec un polariseur et un analyseur croisés sont des minéraux anisotropes, possédant une propriété dite de double réfraction. Des minéraux isotropes appartenant au système cubique, des minéraux naturellement opaques (oxydes, sulfures, qui s'étudient avec un microscope métallographique à réflexion) ou des matériaux non cristallins comme du verre restent en effet noir (un matériel anisotrope peut cependant aussi apparaître noir si on le regarde en plein dans un axe optique).
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Par rapport au microscope biologique, le microscope polarisant se distingue par la présence de trois composants particuliers. Un dispositif capable de polariser la lumière se trouve sous la platine (généralement au niveau de la source lumineuse ou du condenseur). La lumière polarisée produite est ensuite reprise par un analyseur, généralement monté sous les oculaires. De manière à pouvoir apprécier certains phénomènes optiques et réaliser certaines mesures précises, une platine rotative graduée est également nécessaire (crédit photo : © MOTIC/Philippe Labrot). |
Le rétablissement de la lumière n'est pas le seul phénomène observé en LPA. Le microscopiste peut également immédiatement noter que certains minéraux ont revêtu des couleurs parfois un peu étranges, et différentes de celle qu'ils possédaient en LPNA. Ces couleurs sont appelées couleurs d'interférence, et en plus de fournir parfois des images spectaculaires semblables à des vitraux de cathédrale, elles permettent plus prosaïquement d'identifier les minéraux en question. Elles dépendent en effet des propriétés physiques et optiques des minéraux, ainsi que de leur orientation et de leur épaisseur (pour éliminer l'influence de ce dernier facteur, l'épaisseur des lames minces de roche est normalisée à une valeur standard, 30 microns, avec laquelle sont dressées les abaques d'interférence qui permettent d'identifier les minéraux).
Les couleurs d'interférence sont dues à une double réfraction des rayons lumineux dans un cristal donné (plus précisément à la recombinaison entre le rayon ordinaire et le rayon extraordinaire), et elles sont en tout point similaires aux reflets irisés qui s'observent sur le film d'essence que l'on trouve parfois à la surface de flaques d'eau aux abords des routes. Plus la différence entre le plus petit indice de réfraction et le plus grand indice de réfraction d'un minéral donné est importante (une valeur appelée biréfringence), plus les couleurs sont d'un ordre élevé. Trois ordres sont généralement décrits : le premier ordre possède à sa base des tons gris blanc, et est globalement terne. Le second ordre offre des couleurs franches, tandis que le troisième ordre se caractérise par des couleurs pastel. La biréfringence ainsi mesurée, lorsqu'elle est comparée à une échelle de biréfringence, est caractéristique d'un minéral. Les couleurs de biréfringence permettent également la mise en évidence de macles et de zonations chimiques au niveau des cristaux observés.
Un autre phénomène fondamental qui peut être observé avec le microscope polarisant à lieu lorsque l'on tourne la platine rotative. On peut alors se rendre compte qu'avec la rotation, des cristaux particuliers s'éteignent, avant de se rallumer plus loin. Cette propriété est appelée extinction, et elle a lieu tous les 90° (elle peut donc être observée quatre fois par tour complet de la platine). Elle se produit lorsque le plan de polarisation d'un cristal est parallèle au plan de polarisation du polariseur, la lumière étant alors éliminé par le plan de polarisation de l'analyseur, situé à 90°. L'extinction est souvent liée à des caractéristiques physiques d'un cristal, comme sa forme, son élongation, ou la présence de clivage. L'extinction est dite droite ou parallèle quand une direction préférentielle choisie dans le cristal (par exemple un plan de clivage) est parallèle à l'un des plans du dispositif de polarisation. Elle est au contraire qualifiée d'oblique s'il existe un angle, mesurable avec les graduations de la platine, entre la caractéristique de référence et la position d'extinction. Cette propriété est très importante pour le minéralogiste ou le pétrographiste, et permet notamment l'identification de minéraux, y compris au sein de groupes complexes.
Le microscope polarisant permet également d'effectuer des mesures sophistiquées sur les minéraux grâce à l'aide de certains outils. Ainsi, si le microscope est équipé d'une lentille de Bertrand et si l'on joue avec le condenseur pour produire un faisceau de lumière convergent, on peut réaliser à fort grossissement des mesures conoscopiques, qui reposent sur l'observation de figures d'interférence uniaxiale ou biaxiale lorsque le cristal est observé dans la direction d'un axe optique (la conoscopie nécessitant des objectifs à grande ouverture numérique). Le caractère, uniaxial ou biaxial, d'un minéral est un élément important qui peut permettre son identification, lorsque celle-ci est ambiguë avec les techniques classiques. Un minéral uniaxial possède un axe optique, et deux indices de réfraction, tandis qu'un minéral biaxial possède deux axes optiques, ainsi qu'un troisième indice de réfraction, intermédiaire entre les deux autres. Le signe optique d'un minéral, positif ou négatif, peut aussi être déterminée avec un autre accessoire, une lame de quartz compensatrice en coin. Si certains lecteurs sont férus de gemmologie, ils auront remarqué que les propriétés optiques qu'un microscope polarisant permet de mesurer sur les minéraux sont les mêmes que celles qui sont rendues accessibles avec les instruments de gemmologie classique que sont le réfractomètre et le polariscope (équipé de son conoscope).
Si cette petite introduction au microscope polarisant vous a intéressé (au lieu de vous effrayer !), sachez qu'il est possible de transformer un microscope optique biologique en microscope optique pétrographique en lui ajoutant seulement quelques accessoires : un polariseur, que l'on peut par exemple visser sur la source lumineuse, et un analyseur, que l'on peut souvent monter sur les oculaires. La platine carrée d'un microscope biologique ne peut pas tourner, mais il est possible de compenser cette limitation en achetant une petite sur-platine rotative, ou en s'assurant que le polariseur puisse tourner librement et soit muni de graduations (pour la mesure des angles d'extinction et le pléochroïsme).
Historiquement, le dessin fut utilisé pour garder une trace des premières images observées au travers du microscope. A condition d'être un minimum talentueux, la technique du dessin permet à l'illustrateur de condenser, dans une seule illustration, des informations provenant d'un grand nombre d'observations différentes (par exemple différents grossissements, différents niveaux de mise au point, etc.). De la même manière, il est facile, avec le dessin, d'omettre des structures n'appartenant pas au spécimen observé. De plus, il n'est pas possible de créer un dessin réaliste, représentatif de la réalité, sans avoir au préalable scrupuleusement observé l'échantillon. Le dessin force d'une certaine manière l'illustrateur à regarder son sujet, pour pouvoir ensuite le reproduire. L'un des dessins les plus célèbres de l'histoire de la microscopie est sans nul doute la fameuse puce qui illustre, avec de nombreux autres croquis, le magnifique ouvrage Micrographia de Robert Hooke paru en 1665. Des milliers de planches, toutes plus superbes les unes que les autres, enrichissent également un grand nombre d'ouvrages parus au 18e et 19e siècle.
Bien qu'aujourd'hui, dans notre monde technologique où les appareils photos et caméras numériques sont partout, le dessin ne soit malheureusement plus guère employé, il est toujours possible pour des microscopistes ayant une fibre artistique, d'y avoir recourt. Des outils, comme un système de chambre claire (camera lucida) permettant de projeter sur une feuille de papier l'image rendue par le microscope, ou un réticule en grille, monté sur un oculaire, peuvent se révéler des guides très utiles.
L'invention de la photographie est venue petit à petit empiéter sur les plates-bandes du dessin. Ce fut d'abord la photographie argentique, qui consistait à capturer sur une pellicule ou un film porteur d'une émulsion argentique, des images captées par un système de lentilles. Bien qu'elle ait régné en maître pendant environ 150 ans, la photographie argentique est aujourd'hui devenue complètement obsolète, et à moins d'être passionné par ses différents aspects, il est difficile de la recommander pour la photomicrographie (petit point de vocabulaire, on prendra garde de ne pas confondre la photomicrographie, c'est à dire la prise d'images par l'intermédiaire d'un microscope, avec la microphotographie, qui consiste elle à reproduire des objets en diminuant très fortement leur taille d'origine : conversion par exemple de supports documentaires en microfilms ou conception de circuits imprimés dans l'industrie des semi-conducteurs).
L'arrivée sur le marché des appareils photo et caméras numériques a été une véritable révolution pour le photomicroscopiste. Les images digitales produites offrent effectivement, par rapport aux pellicules et aux images papier, un nombre d'avantages remarquables. Capables d'être acquises plus rapidement et à bien meilleur marché que les images argentiques, les images numériques sont aussi bien plus précises et représentatives du réel. Pouvant être stockées et dupliquées sans perte, elles peuvent de surcroît être très facilement modifiées, améliorées et transformées par des logiciels de traitements ou de retouches d'images toujours plus puissants. Internet permet également à tout créateur d'images de partager ses travaux avec la planète entière, y compris en temps réel.
Plusieurs méthodes sont à la disposition du microscopiste désireux d'immortaliser ses observations microscopiques. Au risque de simplifier les choses, on pourrait dire qu'il y a deux manières différentes de procéder. La première, dite afocale, consiste à mettre en place au niveau de la pupille de sortie des oculaires, à l'endroit même où l'œil est sensé se poser, un appareil photo ou un smartphone, c'est à dire un système doté d'une lentille et d'un capteur CCD ou CMOS. Dans cette configuration, le cristallin et la rétine de l'œil sont remplacés par leurs équivalents artificiels. Pour fixer l'appareil photo à la bonne distance d'un oculaire et diminuer au maximum les vibrations, différents adaptateurs, plus ou moins bien conçus, sont disponible sur le net.
La seconde technique, dite de projection, nécessite idéalement de posséder un microscope doté d'une tête (généralement trinoculaire) offrant un emplacement de fixation pour un système de capture d'images (encore qu'elle soit possible avec une tête binoculaire ou monoculaire). Là encore, des adaptateurs ayant un rôle mécanique et un rôle optique sont nécessaires. Si l'on veut fixer sur le microscope une caméra, il faudra employer une monture de type C (C-mount) qui devra être adaptée au type de caméra (celles-ci sont catégorisées par une valeur supposément censée représenter la taille de leur capteur : 1/2", 1/3", 2/3", etc.). Une caméra avec un capteur 1/2" nécessite une monture C grossissant 0.5x, de manière à ce que la plus grande partie de de l'image telle que vue au niveau des oculaires s'inscrive sur la surface du capteur, avec l'inconvénient que l'image étant réduite en taille, sa résolution est abaissée. Si aucune lentille n'était utilisée (monture C grossissant une fois), seule 1/3 de l'image serait capturée. Le lecteur intéressé par le montage d'une caméra avec une monture C est invité à se rapprocher du constructeur de son microscope, de manière à choisir au mieux la monture en question.
Si l'on souhaite coupler au microscope non pas une caméra, mais un appareil photo reflex ou hybride à objectifs interchangeables, là encore, un tube adaptateur muni d'une lentille, dont le rôle sera de projeter une image réelle sur le capteur, sera nécessaire. Le tube adaptateur se fixera par l'une de ses extrémités au microscope, tandis que l'autre extrémité accueillera une bague T2, sur laquelle sera visée le boîtier (sans objectif) de l'appareil photo. Cependant, contrairement aux montures C qui réduisent la taille de l'image pour que celle-ci puisse venir se superposer au mieux sur la surface de capteurs de petites dimensions, les reflex possèdent souvent un capteur de grande taille (un appareil plein format possède ainsi un capteur de 24 x 36 mm). Les lentilles qui équipent les tubes adaptateurs sont donc non pas réductrices, mais grossissantes, de manière à pouvoir là encore utiliser la plus grande surface possible du capteur.
Le microscopiste qui compare pour la première fois la vision obtenue au niveau des oculaires avec une image numérique obtenue par une caméra ou un appareil photo sera peut-être surpris de noter plusieurs différences. La première, nous l'avons vu, est lié au fait que la surface de l'image circulaire vue au travers d'un oculaire n'est souvent pas la même que celle, rectangulaire ou carrée, rendue par le dispositif de capture d'images. La reproduction des couleurs ne sera pas non plus parfaite. Même si les capteurs CCD s'améliorent de plus en plus, l'œil humain possède une plage dynamique remarquable avec laquelle pour l'instant il est difficile de rivaliser. En traitant les signaux nerveux venant des yeux, le cerveau humain effectue également un certain nombre de corrections et d'ajustements dont nous n'avons très souvent pas conscience. C'est par exemple le cas de la température de couleur. Dans une pièce éclairée par une lumière jaune et chaude (ampoule à incandescence, bougie), ou au contraire une ambiance lumineuse froide et blanche, nous verrons toujours comme blanche une feuille de papier. Ce n'est pas le cas des capteurs numériques, et le microscopiste devra donc faire attention à corriger ses images en fonction de la température de couleur de la source lumineuse de son microscope, et des réglages de son appareil de prise de vues.
L'inhomogénéité du fond, qu'il est possible de corriger avec de nombreux logiciels de retouche d'images, sautera également plus aux yeux sur une image numérique qu'aux oculaires. Il faudra donc être particulièrement attentif au bon réglage de l'illumination, sous peine d'obtenir des images décevantes. Une autre source de déception concerne la présence sur l'image de contaminants, parfois des fibres, mais plus souvent de petites particules entourées d'un halo plus ou moins sombre. Ces dernières peuvent se trouver sur n'importe quel composant optique du microscope, mais elles peuvent également souvent encrasser le capteur CCD ou CMOS de la caméra ou de l'appareil photo. Or, nettoyer une pièce aussi sensible qu'un capteur photo avec de l'alcool isopropylique et du papier optique n'est jamais une partie de plaisir. C'est pourquoi, si l'on travaille avec un appareil photo ou une caméra fixée sur la tête du microscope, on évitera tant que faire se peut les opérations de montage et de démontage. Effectivement, en laissant l'appareil en place, on diminue le risque de salir le tube du microscope et le capteur CCD/CMOS.
Durant les acquisitions, les vibrations peuvent poser de sérieux problèmes, et il faudra chercher à les réduire au mieux. Le microscope devra être installé sur une table stable, et il conviendra de démarrer la prise de vue autrement qu'en appuyant simplement sur le déclencheur. La fonctionnalité de retardateur, souvent utilisée pour faire des autoportraits, sera là très intéressante. Un boîtier hybride, sans mécanisme mobile de miroir, est préférable à un reflex classique, le déclenchement pouvant alors générer des vibrations dommageables quant à la qualité des images, surtout à fort grossissement.
Une attention toute particulière devra être accordée à la mise au point, sachant que si l'image est nette dans les oculaires, cela ne sera peut-être pas le cas au niveau de l'appareil photo ou de la caméra (une parfocalité oculaires/capteur est délicate à obtenir). L'idéal pour la mise au point sera de bénéficier d'une fonctionnalité de type live view, qui permet d'afficher en temps réel l'image de ce que l'appareil voit sur un mini écran LCD ou sur le moniteur d'un ordinateur. Des fonctions d'aide à la mise au point, comme le focus peaking, peuvent aussi se révéler très utiles. Certains microscopes équipés d'une tête trinoculaire possèdent un diviseur de faisceaux, qui permet d'envoyer une certaine partie de la lumière vers l'appareil d'acquisition, et la fraction restante vers les oculaires. Avec ce système, il faudra faire attention à la lumière pouvant éventuellement rentrer dans le microscope via les oculaires. Pour éliminer ce problème, il est alors préférable de basculer le diviseur de faisceaux de manière à obstruer les oculaires pour renvoyer toute la lumière vers le capteur numérique.
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