Sporocarpe de Marsilea strigosa, coupe longitudinale horizontale (x2,5)

 

 

Marsilea strigosa est une petite fougère aquatique appartenant à l'ordre des hydroptéridales, qui possède un feuillage similaire à celui d'un trèfle à quatre feuilles. Sa reproduction sexuée implique une structure botanique tout à fait unique et fort complexe, le sporocarpe, qui fait l'objet de cette page. Les sporocarpes de Marsilea ressemblent à de petites poches lenticulaires ou réniformes, montées sur un court pédicelle, lequel est inséré à la base du pétiole, lui-même fixé sur un rhizome. Il s'agit d'un organe sophistiqué, qui ne révèle son organisation que grâce à des séries de coupes effectuées dans différents plans. Les botanistes estiment que le sporocarpe des Marsilea trouve son origine dans le repliement bord à bord d'une foliole fertile portant sur sa face inférieure (interne) des amas de sporanges protégés par des indusies.

La coupe d'un sporocarpe mature, brun, de Marsilea strigosa présentée ici a été réalisée sur un plan longitudinale horizontal (ou dorso-ventral). Sa coloration a été effectuée avec mon mélange favori, de l'Etzold FCA : les cellules à parois lignifiées sont colorées en rouge/rose par la fuchsine basique, celles à parois subérifiées (quand elles existent) apparaissent en jaune/brun grâce à la chrysoïdine, et celles dont les parois sont restées cellulosiques sont teintées en bleu par le bleu astral.

Le plan de coupe choisi permet d'observer les principales caractéristiques du sporocarpe:

  • Tout à gauche, on distingue le pédicelle (vu en coupe transversale), avec notamment un joli faisceau vasculaire central, ainsi qu'un aérenchyme, belle adaptation à la vie aquatique.
  • A droite du pédicelle se trouve la structure ovale du sporocarpe proprement dit. Celui-ci possède une paroi stratifiée, avec trois couches de cellules : l'épiderme avec des stomates enfoncés, un hypoderme avec des cellules à parois épaisses, et enfin une dernière couche possédant l'aspect d'une palissade et formée de cellules à parois plus fines. La surface de l'épiderme est recouverte d'un feutrage très touffu de poils courts, visibles ici sous la forme de nombreuses petites excroissances.
  • Sous la paroi pluri-stratifiée se trouve une mince couche de parenchyme, avec un grand nombre de petits faisceaux vasculaires latéraux. Le système vasculaire du sporocarpe est en lui-même assez complexe : la nervure centrale se développe à partir du faisceau vasculaire du pédicelle. Courant en position dorsale, elle se divise ensuite en de nombreuses nervures latérales, qui présentent par endroit des fourches. A leurs niveaux, des faisceaux vasculaires placentaires naissent, pénètrent dans les sores et irriguent les sporanges.
  • Sur le plan de coupe choisi, l'intérieur du sporocarpe apparaît découpé en deux rangées de petites chambres ou loges, qui sont en fait des sores, c'est à dire des amas de sporanges. Ces sores sont protégés et entourés par une membrane assez fine, l'indusie, qui forme donc les parois des différentes loges.
  • Les sporanges du sporocarpe de Marsilea sont dits hétérosporangiés, car ils comportent à la fois des sporanges mâles (micro-sporanges) renfermant une multitude de spores de petites dimensions et des sporanges femelles (macro-sporanges), qui ne contiennent au contraire qu'un petit nombre de spores de grandes dimensions, dont une seule sera autorisée à survivre. Chaque sore comporte une rangée de méga-sporanges en position haute et deux rangées de micro-sporanges sur les côtés. Les sporanges sont attachés vers le haut sur un cordon gélatineux, que l'on distingue en partie sur cette coupe longitudinale à l'extrémité gauche du sporocarpe.

Non content de posséder une structure complexe, la sporocarpe dispose également d'un moyen tout à fait remarquable pour disperser ses précieuses spores, une fois les sporanges parvenus à maturité. Si une petite fente est percée dans la paroi d'un sporocarpe mûr et que ce dernier est ensuite placé dans de l'eau, il est possible d'assister médusé à la sortie d'une masse gélatineuse longiforme, dont la longueur est de nombreuses fois supérieure à celle du sporocarpe lui-même, et sur laquelle sont ancrés, à intervalles réguliers, les masses jaunâtres des sores, avec leurs sporanges mâles et femelles. L'ensemble ressemble un peu un convoyeur que l'on trouve dans les pressings, et sur lequel sont suspendus les vêtements. Dans la nature, quand il se retrouve en contact avec de l'eau (dont la présence est impérative), le tissu interne du sporocarpe s'humecte et gonfle, en provoquant l'ouverture en deux du sporocarpe le long d'une ligne de suture. Le cordon muqueux peut alors s'échapper et s'allonger, en transportant les sores avec lui. Les spores sont ensuite libérées dans un deuxième temps sous l'effet de la gélification de l'indusie et de la paroi des sporanges.

Si elles parviennent dans un milieu propice à leur germination, les microspores mâles engendrent un minuscule prothalle, qui libérera à terme 16 anthérozoïdes, rendus mobiles grâce à la présence de plusieurs cils. Ces derniers n'ont plus qu'à trouver une mégaspore ayant développé au sein d'un prothalle un archégone, et à féconder l'unique oosphère qui s'y trouve, pour que le cycle recommence. Dans le cas où la quantité d'eau n'est pas suffisante pour provoquer l'ouverture d'un sporocarpe (et donc la libération des spores), ceux-ci peuvent entrer en vie ralentie dans l'attente de conditions meilleures, et survivre ainsi pendant des décennies. Un sporocarpe brunâtre et desséché, collecté dans la nature, peut donc tout à fait être viable.

 

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