Sporange et spores de polypode (Polypodium vulgare), coupe transversale (x20)

 

 

Le polypode vulgaire (Polypodium vulgare) est une fougère commune des sous-bois forestiers, que l'on peut également croiser à l'occasion dans nos villes. Selon l'époque de l'année, ses feuilles (frondes) portent sur leur face inférieure des petits amas bruns, les sores, qui sont chacun constitués d'un rassemblement de sporanges, de petites poches renfermant des spores. Les sporanges du polypode possède un mode d'ouverture fascinant, qui est l'objet de cette page.

Un sporange s'édifie à partir d'une cellule épidermique, qui va donner naissance à une assise externe, une assise interne nourricière, et au centre une cellule mère sporogène dont le but est d'engendrer des spores haploïdes. Durant la maturation du sporange, une file verticale de cellules appartenant à l'assise externe (un peu plus d'une dizaine) va se différencier pour former un anneau mécanique (ou annulus). Au niveau de chaque cellule de l'anneau, les parois cellulaires internes et latérales vont s'épaissir de manière considérable par des dépôts successifs de lignine. Seule la paroi restante, celle dirigée vers l'extérieur, va conserver sa minceur initiale. D'une belle couleur dorée, l'anneau possède un aspect aussi caractéristique qu'esthétique, chaque cellule formant un U (ou un fer à cheval) dont l'ouverture est tournée vers l'extérieur. L'anneau donne également aux sporanges l'aspect d'un casque.

Lorsqu'ils parviennent à maturité et que le moment de libérer leur contenu sporal est arrivé, les sporanges se dessèchent, et cette déshydratation a un effet marqué sur l'anneau mécanique. En perdant progressivement de l'eau par la face externe, les cellules de l'anneau tendent à se déformer, la réduction du volume cellulaire entraînant la courbure vers l'intérieur de la paroi mince et un raccourcissement de proche en proche de la longueur externe de l'annulus. Cependant, les parois lignifiées rigides s'opposent fortement à ce que les deux branches du U se rejoignent. Sous l'effet de cette tension implacable et inconciliable, la paroi fine et translucide du sporange finit par se déchirer selon le tracé prévisible d'une zone de moindre résistance, tandis que l'anneau mécanique se recourbe violemment vers l'arrière, entraînant avec lui à l'une de ses extrémités une partie de la paroi rompue du sporange. Ouvert brutalement en deux par une large fente transversale, ce dernier dissémine alors de manière efficace les spores vers l'extérieur. Au bout du compte, l'eau, dont la force de tension tendait à réunir entre elles les parois, est chassée des cellules. Dans une ultime convulsion, l'anneau reprend alors, et de manière définitive, sa forme primitive, tout en libérant les dernières spores qui auraient pu rester à l'intérieur du sporange.

La réalité explosive de cet ingénieux mécanisme peut facilement être observé par tout un chacun. Il suffit pour cela de disposer sous un microscope, ou mieux encore une loupe binoculaire, des sporanges prélevés sous une feuille de polypode, et de les laisser se dessécher (en accélérant éventuellement le processus avec une source de chaleur, par exemple l'ampoule d'une lampe à incandescence). On pourra alors admirer les anneaux mécaniques en action, avec la fissuration des sporanges et l'éjection des spores. Sur la coupe présentée ici, les spores dévoilent une paroi épaisse (exine), un noyau et une ligne de faiblesse par laquelle s'effectuera la germination. Des globules lipidiques de réserve sont également parfois visibles.

Les spores des fougères possèdent une durée de vie relativement longue, puisque le pouvoir germinatif peut être encore présent au bout d'une année. Une fois parvenue au sol, ou sur un substrat adéquat, elles germent pour générer un filament chlorophyllien, qui ne tardera pas à se transformer en une lame verte en forme de cœur, le prothalle. Sur ce dernier apparaîtront les organes sexuels mâles et femelles (les gamétanges), une fécondation réussie redonnant ensuite naissance à un nouveau sporophyte porteurs de sporanges. Ainsi s'accomplit le cycle de reproduction sans fin, et dont une bonne partie demeure caché, des fougères ...

 

Labrot © 1997-2024. Dernière mise à jour : 13 janvier 2020. Des commentaires, corrections ou remarques ? N'hésitez pas, écrivez moi! index