Epipactis à larges feuilles (Epipactis helleborine), coupe transversale d'une graine (x20)

 

 

L'épipactis à larges feuilles (Epipactis helleborine) est une plante herbacée vivace appartenant à la famille des orchidacées que l'on peut rencontrer le plus souvent dans les sous-bois de nos forêts. Son fruit est une capsule. Il s'agit d'un type de fruit sec qui s'ouvre par déhiscence à maturité pour libérer ses graines. Dans le cas de l'épipactis, ces dernières sont non seulement très nombreuses, mais aussi très petites : elles peuvent ainsi facilement être dispersées par le vent. En fait, les orchidées détiennent le record des plus petites graines du monde. Observons donc l'une d'entre elles au microscope pour découvrir sa structure.

La coupe longitudinale d'une graine mature d'épipactis à larges feuilles présentée sur cette page a été colorée par de l'Etzold FCA : les cellules à parois lignifiées sont colorées en rouge/rose par la fuchsine basique (qui met également en évidence certains organites intracellulaires, comme les noyaux), celles à parois subérifiées (quand elles sont présentes) apparaissent en jaune/brun grâce à la chrysoïdine, et celles dont les parois sont restées cellulosiques sont teintées en bleu par le bleu astral.

Si les graines des orchidées sont si petites, c'est que, contrairement à la plupart des graines des plantes à fleurs, elles sont totalement dépourvues de réserves. La graine d'épipactis vue en coupe le montre bien : à l'intérieur d'une enveloppe lignifiée (le tégument) se trouve un embryon formé d'une masse de petites cellules compactes à parois cellulosiques, et c'est tout. Aucun albumen, le tissu de réserve par excellence de certaines graines, n'est présent (chez les graines ex-albuminée, c'est à dire sans albumen, ce sont les cotylédons qui contiennent les substances de réserves). On ne distingue aucune accumulation de molécules organiques, qu'elles soient de nature glucidique (amidon, hémicellulose), protéiques (aleurone) ou encore lipidiques.

A bien y réfléchir, une autre différence frappe également l'esprit. A l'intérieur des graines matures de nombreuses espèces, l'embryon ressemble souvent à la plante adulte en miniature : on peut distinguer une mini-racine (la radicelle), une mini-tige (la tigelle), ainsi que les premières feuilles (le ou les cotylédons). Mais dans le cas de l'épipactis (et des orchidées en général), aucune structure n'est visible, l'embryon étant juste une masse ovoïde cellulaire indifférenciée. Sans réserve, et avec un simulacre d'embryon, comment font les graines d'orchidée pour survivre et germer ?

La solution de ce paradoxe est une association étroite avec un champignon, dans le cadre d'une symbiose remarquable. Lorsqu'une graine d'orchidée germe, l'embryon commence à se développer pour former une structure en forme de corne, appelée protocorne. Ne pouvant effectuer de photosynthèse, la protocorne doit alors absolument rentrer en contact avec les hyphes d'un champignon bien spécifique, sinon elle meurt à court terme. Ce champignon va apporter à la protocorne les substances organiques dont elle a besoin pour croître. Bien souvent, une fois la plante parvenue au stade adulte, les racines de l'orchidée vont continuer d'être colonisée par le champignon, qui, en échange de molécules organiques issues de l'activité photosynthétique, transmet à la plante eau et sels minéraux.

Si le champignon indispensable à l'épipactis n'est pas présent dans le sol, les graines de celle-ci ne pourront donc tout simplement pas germer. Il est remarquable de constater que chez les orchidées, l'impérative nécessité d'un mariage avec un champignon a conduit à une hyperspécialisation des graines. Pour cette famille de plantes, l'absence de réserves est un pari osé sur l'avenir. Certes, l'orchidée n'a pas à fabriquer de coûteuses substances nutritives pour ses graines, mais une fois dans la nature, ces dernières sont exposées à un grand dénuement : si le champignon ne peut être trouvé (et qu'il n'existe pas non plus des composés organiques immédiatement assimilables, ce qui est le cas des sols naturels), le cycle de la vie s'arrête là.

 

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