Azolla (Azolla filiculoides), coupe longitudinale des frondes, cryptes à Anabaena azollae (x8)

 

 

Azolla (Azolla filiculoides) est une petite fougère appartenant à la famille des Salviniacées qui, lorsqu'elle ne s'est pas développée de manière exagérée, ressemble un peu à une mousse (on pourrait ainsi facilement la confondre avec une hépatique). Cependant, sous ses aspects timides et discrets, elle cache un certain nombre de capacités remarquables.

Plante aquatique flottante, Azolla s'étale à la surface des eaux douces stagnantes qu'elle colonise. La partie la plus visible de la fougère est sans contexte ses petites feuilles (frondes) en écailles, qui forment des petits coussinets lâchement reliés les uns aux autres, et qui se développent sur des tiges très ramifiées. Hydrophobe sur la face supérieure, les frondes portent sur leur face inférieure de longues racines très fines. D'un vert mat caractéristique, elles se teintent de rose ou de rouge à la fin de l'été. Le tapis d'Azolla se fragmente aisément, et à côté de la reproduction sexuée par spores classique des fougères (macrospores femelles et microscopes males contenues dans des sporocarpes), elle se multiplie aussi de manière très efficace par propagation végétative.

La coupe longitudinale d'une fronde d'Azolla présentée ci-dessus, et colorée par l'Etzold FCA, permet de découvrir une particularité étonnante de la plante, dont elle tire toute sa puissance : celle de vivre en symbiose avec une cyanobactérie filamenteuse du genre Anabaena. Les frondes abritent effectivement au niveau de leur face inférieure des espaces creux, des cryptes, où nichent des colonies d'Anabaena. Ces cyanobactéries ont la faculté rare de pouvoir fixer l'azote atmosphérique (en le transformant en ammoniac) au niveau de certaines cellules spécialisées, les hétérocystes, qui possèdent une enzyme adaptée, la nitrogénase. En échange d'un microenvironnement favorable à leur croissance offert par Azolla, elles font profiter leur partenaire de cette manne en azote. L'association est telle que la cyanobactérie est transmise aux générations suivantes par l'intermédiaire des spores que la fougère disperse dans l'environnement lorsqu'elle se reproduit.

Aidée par l'activité fixatrice d'azote de l'endosymbiote qu'elle héberge dans ses feuilles, Azolla (que certains qualifient de super organisme) est capable dans des conditions favorables de proliférer très vite, et elle peut facilement doubler sa biomasse en l'espace de quelques jours seulement. Cette vitalité remarquable, qui fait qu'elle se comporte parfois comme une plante invasive, semble avoir joué au moins une fois un rôle à l'échelle planétaire. Des paléontologues pensent effectivement que durant l'éocène (il y a 49 millions d'années), Azolla s'est mise à pulluler dans l'océan arctique sur une période d'environ 800 000 ans. L'accumulation considérable de biomasse morte au fond de l'océan a eu pour effet de piéger une quantité phénoménale de carbone, présent initialement sous la forme de dioxyde de carbone atmosphérique. En conséquence, les températures ont chuté de manière dramatique, provoquant ni plus ni moins qu'un nouvel âge glaciaire. Certains scientifiques estiment que le niveau de séquestration du dioxyde de carbone d'Azolla fait d'elle une solution valable pour lutter contre le réchauffement climatique.

Grâce à la capacité de fixation de l'azote apportée par son compagnon microbien, Azolla peut aussi jouer le rôle d'engrais vert, notamment au niveau des cultures inondées comme le riz, où elle est dans les zones tropicales (comme celles du sud-est asiatique) très souvent en association. En recouvrant la surface des rizières, elle prive également totalement de lumière la colonne d'eau, ce qui permet d'éliminer des plantes indésirables (le riz étant alors la seule plante dépassant du tapis obstructeur d'Azolla). Elle peut également être utilisée pour nourrir le bétail, ou encore comme biocarburant. Azolla se montre enfin capable d'absorber et de concentrer de manière active de nombreux éléments métalliques. Vivante ou desséchée, elle peut donc être employée pour détoxifier des eaux polluées par des métaux lourds, ou récupérer des métaux précieux ou présentant un intérêt économique certain (comme l'or ou le cuivre) à partir d'effluents porteurs de concentrations très faibles.

 

 
Azolla (Azolla filiculoides), coupe longitudinale, feuilles avec cryptes, Etzold FCA (x2) L'image ci-dessus est annotée Azolla (Azolla filiculoides), coupe longitudinale des frondes, crypte avec la cyanobactérie Anabaena azollae, Etzold FCA (x40) L'image ci-dessus est annotée  

 

 

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