L'exploration spatiale, fenêtre de tir de 1964 : l'épopée de Mariner 4, les sondes Zond

La fenêtre de tir de 1964 et les premières sondes américaines

Les premiers pas des américains dans la reconnaissance et l'exploration spatiale de la planète Mars furent aussi peu glorieux que ceux des soviétiques, mais pour une autre raison. Si les sondes russes se retrouvaient sur le pas de tir (pour échouer quelques minutes ou, dans le meilleur des cas, quelques mois après le lancement), ce n'était même pas le cas des sondes américaines qui ne quittaient jamais les planches à dessin !

En décembre 1958, le Jet Propulsion Laboratory, qui appartenait alors à l'Institut de Technologie de Californie, passe sous la juridiction de la NASA. Le JPL recommande alors un vaste programme d'exploration de Mars et de la Lune, avec plus de 18 tirs en moins de 5 ans et des missions faramineuses, dont le point d'orgue est sans aucun doute un projet de vol habité vers Mars prévu pour 1965 ! La NASA accepte une version allégée de ce projet (baptisé Véga) en mars 1959. Véga sera finalement annulé quelques mois plus tard, en décembre 1959. Le JPL reçoit aussi l'ordre de se pencher sur une exploration robotique de la planète rouge. Toutes les missions envisagées par le JPL et approuvées par la NASA seront annulées les unes après les autres dans les cinq années qui suivront : Mariner B (atterrisseur martien, 1963), Mariner E et F (survol de Mars avec largage de sonde atmosphérique, 1966), Advanced Mariner (orbiteur et atterrisseur martien, 1969). Il faudra attendre le mois de novembre 1964 pour voir partir la première sonde martienne américaine.

Le lanceur Atlas

Les premières sondes américaines seront embarquées à bord de la fusée Atlas, qui dérive d'un programme de missile intercontinental. Un atlas comporte d'abord un étage inférieur, qui est en fait un étage et demi. Cet étage est effectivement équipé de trois moteurs, dont deux sont largués après 157 secondes de fonctionnement. Le dernier moteur assure la propulsion en attendant la relève du deuxième étage.

Le deuxième étage, nécessaire pour les missions interplanétaires, a posé lui quelques soucis. Au début, il avait été prévu d'utiliser la version Centaur, mais de sérieux problèmes de développement rendront ce projet impossible. Les ingénieurs devront alors se contenter d'un étage supérieur moins puissant, l'Agena, qui brûle des ergols liquides. A cette époque, les américains sont donc bien moins avantagés que les russes au niveau des lanceurs. 2 jours après le lancement de Mariner 4, qui ne pèse que 260 kg et qui ne peut emporter pour ce poids qu'une caméra, les russes lancent la sonde Zond 2. Celle-ci pèse déjà ... 960 kg !

Ce n'est que quelques années plus tard que les américains pourront substituer l'étage supérieur cryogénique Centaur à l'étage Agena. Notons ici que le Centaur a été le premier étage cryogénique (consommant de l'hydrogène et de l'oxygène) mis au point dans le monde. Une de ses versions équipe également le lanceur lourd Titan IV et une autre devait permettre à la navette spatiale de satelliser des sondes depuis sa soute. L'Atlas/Centaur sera utilisé pour la première fois en 1969 avec le lancement de Mariner 6.

Les sondes Mariner

Les sondes Mariner étaient nommées en référence aux marins, qui devaient savoir naviguer en pleine mer, se repérer et arriver à bon port après un voyage de plusieurs milliers de kilomètres sur les océans du globe. Une sonde Mariner devait faire de même, mais à une échelle plus grande : parcourir des centaines de millions de kilomètres, se repérer aux étoiles et arriver saine et sauve à destination, pour pouvoir accomplir sa mission.

Mariner 3

La sonde Mariner 3, d'un poids de 260 kg, devait effectuer des mesures scientifiques dans les environs de Mars et obtenir des photographies de la surface pendant un survol, après un voyage de presque 8 mois dans l'espace et une distance parcourue de 325 millions de kilomètres.

La charge scientifique comprenait 6 instruments et bon nombre d'entre eux étaient dédiés à des mesures astrophysiques. On trouvait un capteur à plasma (constitué d'une sphère métallique contenant de l'argon) pour étudier les particules chargées du vent solaire et un détecteur pour étudier les ceintures de Van Allen terrestres, ainsi que d'éventuelles formations identiques dans l'espace interplanétaire, entre Mars et la Terre et à proximité de la planète rouge. Une chambre d'ionisation couplée à un tube de Geiger devait permettre de quantifier l'ionisation causée par des particules chargées et de dénombrer ces particules. Un compteur de rayons cosmiques, monté sur un secteur non éclairé de la sonde était destiné à l'étude des constituants des rayons cosmiques. Un magnétomètre à hélium, fixé à l'extrémité du mat de l'antenne à faible gain pour minimiser les effets perturbateurs du corps métallique de la sonde, devait s'occuper du champ magnétique. Enfin, on trouvait un détecteur de micrométéorites et autres poussières interplanétaires. Il était constitué d'une plaque en aluminium montée perpendiculairement à la direction de déplacement de la sonde, associée à deux détecteurs de pénétrations et à un microphone, qui permettait d'écouter les impacts des particules de poussière et des micrométéorites sur la plaque en aluminium, à la manière d'un stéthoscope. L'ensemble devait permettre de connaître la direction, la vitesse et le nombre de hits occasionné par les impacts des particules de poussières.

L'énergie électrique était fournie par quatre panneaux solaires accolés au corps de la sonde, chacun étant inséré à 90° du précédent (Mariner 3 ressemblait donc grossièrement à un moulin à vent). Les quatre panneaux produisaient 700 W, qui étaient utilisés pour faire fonctionner la sonde et ses instruments, ainsi que pour la recharge des batteries. Une fois à proximité de la planète rouge, la puissance tombait à 300 W à cause de l'éloignement du soleil, mais restait tout de même suffisante pour la mission.

Lors du lancement par une fusée Atlas/Agena le 5 novembre 1964 depuis le complexe n°13 de Cap Kennedy, la coiffe de protection ne s'éjecte pas après la traversée de l'atmosphère. L'engin s'est alors alourdi de 136 kg et sa vitesse devient inférieure de 254 m/s à celle désirée pour une injection sur une trajectoire martienne. La coiffe empêche non seulement la sonde de rejoindre son objectif, mais elle obstrue également les différents capteurs des instruments scientifiques et ne permet pas le dépliement des panneaux solaires. Les émissions avec la sonde cesseront le 6 novembre 1964 à 5 heures. La sonde n'aura vécu que 8h 43. Injectée sur une orbite solaire, elle passera le 16 avril 1965 à 68 millions de kilomètres de Mars.

Mariner 3 avait une sœur jumelle, Mariner 4. Le problème posé par la coiffe était obligatoirement présent avec cette dernière, et les ingénieurs commencent à travailler d'arrache pied pour comprendre l'origine du problème et trouver une solution. Une véritable course contre la montre s'engage alors contre une mécanique céleste impitoyable. Encore quelques semaines, et la fenêtre de lancement vers la planète Mars se ferme définitivement, la prochaine ne s'ouvrant que deux années plus tard. Après 3 semaines d'acharnement, le problème fut finalement corrigé et Mariner 4 put prendre sa place sur le pas de tir.

Mariner 4

Mariner 4 était la quatrième sonde d'une série destinée à l'exploration des planètes au cours d'un survol. Cette sonde a réussi le premier survol de la planète rouge et les premières prises de vue de sa surface. Son principal objectif était de mener à bien des observations planétaire, mais la sonde devait également conduire des expériences d'astrophysiques (mesure des champs magnétiques et des particules dans l'espace interplanétaire et au voisinage de Mars). Après avoir accompli son objectif principal, elle a également permis aux ingénieurs et techniciens d'acquérir de l'expérience et des compétences dans le domaine des vols interplanétaire de longue durée. Le coût total de la mission représentait 83,2 millions de dollars.

La sonde

Mariner 4 consistait principalement en un volume prismatique octogonal de 1,27 mètres de diagonale pour 45,7 centimètres de haut et comportant 8 compartiments. L'octogone métallique renfermait les équipements électroniques, le système de propulsion et les réservoirs de gaz du système de contrôle d'attitude. Quatre panneaux solaires étaient fixés en croix en haut du corps principal, chacun mesurant 1,76 mètres x 90 centimètres. Ils pouvaient fournir à eux quatre 310 W de puissance une fois la sonde à proximité de Mars. Une antenne parabolique grand gain de 1,17 mètres de diamètre était également rattaché sur la partie supérieure de la sonde. Elle était accompagnée d'une antenne omnidirectionnelle à faible gain monté sur un mat de 224 centimètres de haut. Du point de vue envergure, la sonde mesurait 2,89 mètres de haut et la distance qui séparait les extrémités de deux panneaux solaires opposés était de 6,88 mètres. Sur la partie basse de l'appareil, une caméra de télévision était montée sur une plate-forme mobile. La plupart des instruments de la charge scientifique étaient également montés à l'extérieur. Cette caméra était le seul instrument spécifiquement dédié à l'étude planétaire. Les autres instruments, identiques à ceux embarqués à bord de la défunte Mariner 3, étaient voués à des expériences d'étude du milieu interplanétaire.

Le système de propulsion de la sonde brûlait de l'hydrazine, et le moteur proprement dit était fixé sur l'un des côtés de l'octogone central. Le système de contrôle d'attitude (qui a pour rôle de modifier et de contrôle la bonne orientation de la sonde dans les trois dimensions) comportait 12 buses éjectant de l'azote montées à l'extrémité des panneaux solaires ainsi que trois gyroscopes. Mariner 4 utilisait les astres et les étoiles pour naviguer et se repérer dans l'espace. 4 capteurs solaires étaient chargés de localiser le soleil dans le ciel, et trois autres capteurs supplémentaires pointaient la Terre, Mars ainsi que l'étoile Canopus. A grande distance, cette étoile, qui se trouve dans une direction formant un angle droit presque parfait avec la Terre et le Soleil, constitue un véritable phare céleste pour les sondes spatiales.

Mariner 4 a été lancée le 28 novembre 1964 par une fusée Atlas/Agena de Cap Kennedy (maintenant Cap Canaveral). La sonde était une copie conforme de Mariner 3 mais heureusement, elle n'a pas connu son cruel destin. Après un décollage impeccable, la coiffe de protection s'éjecte correctement et expose la sonde aux rigueurs de l'espace. Le moteur de l'étage supérieur du lanceur s'allume une première fois pour placer la sonde sur une orbite de parking autour de la Terre. Un deuxième allumage injecte alors la sonde sur une orbite de transfert en direction de Mars. Mariner 4 se dégage de l'étage supérieur, déploie ses panneaux solaires, localise le soleil et commence son long voyage vers la planète rouge. Après 7 mois et demi dans l'espace et une manœuvre de correction de trajectoire qui a eu lieu à mi-chemin le 5 décembre 1964, la sonde va survoler Mars le 14 et le 15 juillet 1965.

Une dernière opposition martienne a lieu quelques mois avant, en mars 1965. Les oppositions sont des moments particulièrement favorables pour les observateurs et les astronomes, car Mars est alors au plus proche de la Terre. Mais celle ci sera particulière, et les yeux qui se tournent à ce moment là vers Mars observent encore une planète vierge. Lunettes et télescopes sont encore les seuls instruments qui permettent de s'enivrer des mystères martiens. Lors de l'opposition suivante, qui aura lieu deux années plus tard, tout sera différent. Car une vulgaire caméra montée sur une sonde spatiale aura violé pour de bon la surface martienne. Mars la rouge aura perdu son innocence. Mariner 4 va avoir cette lourde responsabilité de faire basculer la connaissance de la planète Mars dans une autre ère. Une ère ou les sondes spatiales auront pris le pas sur les hommes. Une ère ou des machines automatiques vont remplacer froidement la passion des astronomes. Les images de Mariner 4 vont changer notre vision de Mars. Pour le meilleur et, comme certains nostalgiques d'une époque maintenant révolue l'avouent encore volontiers, pour le pire ...

Les premières photographies de Mars

Lors de son survol, Mariner 4 a été programmée pour prendre 22 images de la planète Mars sur une période de 26 minutes. Au sol, les scientifiques et les ingénieurs s'étaient préparés fébrilement à ce moment critique de la mission. Mariner 4 allait survoler la planète rouge une seule fois, et il n'y aurait pas de seconde chance. C'était maintenant ou jamais. La caméra commence à enregistrer les premières photos le 15 juillet à 00:18:36 UT (temps universel), 40 minutes avant l'approche maximale de la planète. La distance qui sépare la sonde de Mars est encore de 11 9000 km, mais des détails de 3 km seulement sont déjà visibles sur les clichés. La caméra réussira à acquérir 21 images complètes, et les 21 premières lignes de la 22éme et dernière image (qui sera donc incomplète), chaque image étant prise sur un intervalle de 48 secondes. La dernière image sera obtenue à une distance de 16 900 km.

Les conditions sont optimales pour les premières prises de vue, avec un soleil assez haut dans le ciel. Mais cette situation idéale ne va pas concerner toutes les photographies. Les trois derniers clichés seront situés partiellement ou complètement au-delà du terminateur, dans la zone d'ombre de la planète. Dés que 16éme cliché, les paysages s'obscurcissent et le Soleil n'est plus qu'à 20 ° au-dessus de l'horizon. Le 17éme et 18éme clichés sont vraiment très sombres, le 19éme montre le terminateur (la ligne qui sépare le jour de la nuit) et les derniers clichés, du 20éme jusqu'au 22éme, sont dans la nuit noire.

Mariner 4 devait aborder Mars par le nord pour descendre ensuite vers le sud-est. La sonde a bien suivi cette direction, mais sa trajectoire s'est située 2000 km plus à l'est que prévu, un écart cependant négligeable devant la prouesse technique accomplie par Mariner. Avec des distances se comptant en millions de kilomètres, faire arriver une sonde à proximité d'une planète n'a rien d'un jeu d'enfant !

Les 19 premières images couvrent une bande discontinue de la surface martienne, qui commence à 40° N de latitude et 190° W de longitude pour se terminer à 40° S de latitude et 96° W de longitude. La bande continue ensuite au-delà du terminateur et prend fin à 50° S de latitude et 105° W de longitude. Mariner 4 aura survolé les plaines d'Arcadia et la région d'Amazonis, Zephyria, Atlantis, Phaetontis, Memnonia et Mare Sirenum. Bien entendu, toute la séquence de prises de vue s'est déroulé en automatique. La sonde était alors à 216 millions de kilomètres, et un signal radio mettait alors 12 minutes pour couvrir cette distance. Impossible donc de contrôler en temps réel les opérations de la sonde.

Le passage le plus rapproché de la sonde au-dessus de la surface martienne a eu lieu le 15 juillet 1965 à 01:00:57 UT très précisément. Mariner 4 a survolé les paysages martiens à 9846 km d'altitude. A ce moment, la caméra a déjà fini son travail et les images, conservés sur la bande magnétique, attendent la retransmission vers la Terre. Cependant, Mariner 4 a encore une expérimentation risquée à mener à bien : une occultation. La sonde infléchit sa course et passe derrière Mars (il est alors 02:19:11 UT), rompant ainsi tout contact radio avec la Terre. Cette manoeuvre était extrêmement risquée : le soleil n'étant plus visible, les panneaux solaires devenaient inutiles et la sonde n'avait plus d'autres solutions que de basculer sur ses batteries. Si les communications ne pouvaient être rétablies après la réapparition de Mariner 4 de l'autre côté du disque martien, les images resteraient à jamais dans les mémoires magnétiques du fragile engin, et la mission entière serait un échec.

Tout se passe cependant correctement. A 03:13:04 UT, la sonde émerge des abords du disque martien, repasse en mode de croisière et les communications radio peuvent reprendre. Pourtant, les techniciens du Jet Propulsion Laboratory (JPL) vont connaître une petite frayeur quand la station de poursuite de Johannesburg qui suit Mariner 4 indique brutalement qu'aucun cliché n'a été obtenu. C'est heureusement une fausse alerte. La station de poursuite de Woomera finira par recevoir la première image. La photographie historique ne montrera cependant pas grand chose. Mais ce qui est remarquable, c'est qu'elle aura été attendue avec une impatience non dissimulée par les scientifiques. L'arrivée des pixels composant cette image s'échelonnera effectivement sur une période 8 heures !

Les images de Mariner 4 ont fait l'objet de nombreuses anecdotes et en voici une particulièrement intéressante. On n'était pas du tout certain que les images obtenues par Mariner seraient enregistrées et lorsque les premières données sont arrivées enfin au centre de contrôle, il a été décidé de les exploiter en temps réel. Les techniciens ont donc retroussé leurs manches avant de s'atteler à un drôle de travail. Les nombres représentant la luminosité de chaque pixel de l'image n°1 ont été imprimés sur une bande de papier verticale. A chaque fois qu'une colonne était remplie, elle était découpée et la bandelette de papier était collée à côté des précédentes. Après mains découpages et collages, les scientifiques avaient à leur disposition la première image jamais prise d'une autre planète, sous la forme d'une matrice de nombres de 200 lignes sur 200 colonnes ! En utilisant une échelle de couleur et quelques crayons, les techniciens se sont mis à colorier frénétiquement la feuille de papier pour produire une image en fausse couleur qui a fini par laisser apparaître les contours de la planète (l'image n°1 de Mariner 4 montre effectivement une partie du limbe de Mars). La feuille de papier, qui ressemble à un mauvais dessin d'écolier, est encore aujourd'hui conservée précieusement dans l'un des bâtiments de la NASA.

Un système archaïque

Si la durée totale de l'enregistrement des images par la caméra n'a pas excédé une heure, il n'en sera pas de même pour la transmission des clichés obtenus vers la Terre. Nous l'avons vu, la transmission de la première image a pris 8 heures, et le même délai affectera les autres clichés. Il faudra compter environ 10 jours pour mener à bien la transmission des 22 images. Toutes les images ne seront récupérées que le 24 juillet ! Une seconde transmission sera télécommandée à partir du 2 août pour s'assurer qu'aucune donnée ne manque ou n'est corrompue.

La caméra de Mariner 4 grave en fait ses images sur une bande magnétique, un fin ruban long de 100 mètres, et celles ci ne sont donc pas transmises en direct à la Terre, car le débit autorisé par l'équipement de la sonde et la distance à laquelle elle se trouve ne suffirait pas. Les images étaient au format carré, chacune comprenant 200 lignes de 200 pixels ou points chacune. Les pixels codaient l'éclairement sur 6 bit, et l'image possédait donc 64 niveaux de gris (chaque image pesait donc 240 000 bits) La distance minimale pendant la prise de vue a été de 11 900 km et à cette distance, la résolution était d'un kilomètre par pixel.

Pour la transmission, la bande magnétique doit passer entre la tête de lecture d'un magnétoscope qui lit les informations enregistrées sur le fin ruban pour les diriger vers l'antenne grand gain. Le moteur faisait défiler la bande sous la tête de lecture à la vitesse de 0,254 mm par seconde et marquait une pause entre chaque image. Les capacités de transmission de la sonde étaient très réduites, et l'antenne grand gain émettait des données avec un débit de 8,33 bps (bit par seconde). A cette vitesse, il fallait donc près de 8 heures pour transmettre une image au complet !

L'inscription des images sur la bande magnétique par la caméra puis leur relecture par le magnétoscope n'était bien sûr pas sans risque. Aujourd'hui, un tel dispositif ressemblerait au bricolage approximatif d'un amateur.

La fin de Mariner 4

Après son survol de Mars, la sonde a continué sur une orbite solaire. Elle a continué à retourner des données jusqu'au 1er octobre 1965, ou une orientation particulière de l'antenne a suspendu temporairement les communications, à une distance de 309 millions de kilomètres de la Terre.

Mariner 4 va séjourner un moment loin derrière le soleil, avant de retourner au voisinage de la Terre au cours du mois de septembre de l'année 1967. Les communications pouvaient alors reprendre. Bien que la sonde était presque à cours d'énergie, elle peut encore être utile. Il n'était bien entendu plus question d'observer Mars, les ingénieurs voulaient en fait manipuler la petite sonde pour se faire la main. Ils réalisèrent une série de tests pour prendre confiance dans le maniement du vaisseau et estimer les technologies nécessaires pour les prochains vols interplanétaires.

Le 15 septembre 1967, le compteur de micrométéorites enregistre soudain 17 chocs sur une période très courte de 15 minutes. Mariner 4 est apparemment entré dans une averse de micrométéorites qui modifie l'attitude de la sonde et endommage légèrement son bouclier d'isolation thermique. Le 7 décembre les réservoirs d'azote du système de contrôle d'attitude se vident brutalement et entre le 10 et le 11 décembre, 83 impacts de micrométéorites sont enregistrés par le détecteur. L'attitude de la sonde se dégrade de nouveau et la force du signal radio diminue. Le 20 décembre 1967, Mariner 4 termine son périple martien en devenant à jamais muette. Elle aura tenu 1118 jours. Victime d'une ultime micrométéorite, peut être plus grosse que les autres, la petite sonde aura menée à bien chacun de ses objectifs. Premier véritable succès de l'histoire de l'exploration spatiale de la planète rouge, Mariner 4 est entrée dans l'histoire.

Résultats scientifiques

Mariner 4 aura ramenée de sa mission un volume somme toute relativement faible de données (comparé à la masse de données transmises par les sondes actuelles), mais les informations recueillies vont se révéler cruciales. Tous les instruments ont fonctionné comme prévu, sauf la chambre d'ionisation (et son compteur Geiger) qui est tombé en panne pendant le mois de février 1965 et le capteur de plasma solaire qui a vu ses performances se dégrader à partir du 6 décembre 1964.

S'il fallait résumer en quelques mots les résultats scientifiques de Mariner 4, ce serait ceux la : comme la lune. Toutes les images montraient effectivement des terrains grêlés de cratères d'impact. Il a été possible d'en dénombrer près de 300. Les plus petits mesurent 5 km de diamètre et le plus gros, situé dans Mare Sirenum, atteint un diamètre de 120 km. Si les images étaient le signe incontesté de la réussite de la mission, certains seront amèrement déçus par la nature des informations renvoyées. La surprise fut considérable de voir l'extraordinaire ressemblance du sol martien avec la surface de la Lune, et bien peu avait prévu que Mars posséderait des cratères d'impact (à part Clyde Tombaught, l'heureux découvreur de Pluton et quelques autres). Mars n'était finalement pas tellement différente de la Lune, et n'avait plus rien du monde bouillonnant et excitant que l'on imaginait.

Les images de Mariner 4 ne mentaient pas et Mars possède effectivement de nombreux cratères d'impact. Mais les 22 images acquises par la caméra de Mariner 4 ne couvraient que 1 % de la surface martienne, et la sonde a surtout survolé les terrains fortement cratérisés des hauts plateaux de l'hémisphère sud. Les régions survolées, Amazonis et Mare Sirenum, étaient de plus peu diversifiées. On a pensé à tort que les images de Mariner 4 étaient représentatives de la planète rouge. Alors qu'elles n'en montraient qu'une petite partie.

Occultation radio

A part les images, l'autre résultat scientifique important de la mission Mariner 4 vient d'une expérience qui n'avait pas été prévue à l'origine, et qui n'a été inscrite au plan de vol que très tardivement, bien après le décollage de la sonde.

En 1964 le maintenant célèbre Deep Space Network (DSN) qui suit les sondes dans l'espace était encore dans sa petite enfance et commençait juste à se doter de moyens sophistiqués et extrêmement précis pour recueillir et traiter les signaux radios en provenance des engins interplanétaires. Au moment du lancement des sondes Mariner 3 et Mariner 4, on commençait à utiliser le décalage Doppler d'un signal radio pour détecter les mouvements très faibles (quelques centimètres d'amplitude) des sondes en orbite terrestre. Un ingénieur eu alors l'idée d'utiliser ce moyen pour étudier les effets qu'aurait l'atmosphère martienne sur le signal radio de la sonde, si celle ci pouvait passer derrière le globe martien (occultation). Effectivement, en passant derrière une planète comme Mars, le signal radio émit par une sonde va traverser les couches atmosphériques avant de s'évanouir complètement. Le même phénomène va se reproduire lorsque la sonde réapparaîtra sur la bordure du disque planétaire. Les ingénieurs ne le savent pas encore avec certitude, mais les variations de fréquence, de phase et d'amplitude subies par un signal radio lors d'une occultation radio fournissent effectivement des indications capitales sur la densité, la pression et la température de l'atmosphère traversée. Cette technique permet également d'étudier l'ionosphère (haute couche de l'atmosphère aux propriétés électriques ou les atomes sont scindés en ions chargés positivement et en électrons). Lorsqu'un faisceau radio traverse l'ionosphère, sa fréquence diminue. Plus la fréquence diminue, plus les atomes sont dissociés, la proportion d'atomes dissociés permettant ensuite de connaître la température de l'ionosphère.

Mais il fallait encore persuader le directeur de vol de modifier la trajectoire de la sonde pour que celle ci passe derrière Mars. Or celui ci était très réticent, et on peut le comprendre. Toute la mission reposait sur l'acquisition d'images par la caméra quand la sonde allait survoler Mars et leur transmission par liaison radio après le survol. Les ingénieurs et scientifiques fascinés par les promesses d'une occultation voulaient tout simplement couper les communications en faisant passer la sonde derrière Mars, alors que les images n'avaient pas encore été envoyées ! Le directeur de vol se laissa finalement convaincre, bien après le décollage de Mariner 4, mais avant la date ou une manœuvre devait impérativement être effectuée pour modifier le plan de vol de la petite sonde et permettre son passage derrière Mars.

Mariner 4 va passer derrière la planète en survolant une région sur le côté éclairé, entre Electris et Mare Chronium. Le signal radio subit une distorsion lorsqu'il pénètre les couches atmosphériques. Après 54 minutes de silence, la sonde émerge au dessus de Mare Acidalium. Cette expérience de dernière minute, dangereuse pour la mission et aux résultats hasardeux, s'est révélée très prolifique, en permettant de fixer une nouvelle valeur pour la pression atmosphérique martienne et d'évaluer les températures de l'atmosphère.

Rappelons qu'avant le début de l'exploration spatiale de Mars, un consensus avait été atteint quant à la pression atmosphérique martienne. Selon Gérard de Vaucouleurs, celle ci devait être égale à 85 mbars (+/- 4 mbars). Pendant l'opposition de 1963, cette valeur fut cependant revue à la baisse, suite à des observations menées avec des instruments terrestres plus performants. Kaplan détecte pour la première fois en 1964 de la vapeur d'eau, et estime la pression partielle de CO2 à 4 mbars. Malheureusement, le CO2 était encore envisagé comme un composant minoritaire de l'atmosphère martienne. Il devait être mélangé à des composés gazeux majeurs, comme l'argon et l'azote, le CO2 détecté n'intervenant dans la composition atmosphérique que dans un faible pourcentage. La pression globale de l'atmosphère martienne devait tenir compte de ces autres gaz. Pour Kaplan, Mars possédait une pression atmosphérique de 25 mbars (+/- 15 mbars).

D'après l'expérience d'occultation radio, la valeur de la pression atmosphérique tournait autour de 4,1 à 7 mb (selon l'estimation du pourcentage d'argon associé au CO2) et le CO2 était soudain promu au rang de composant majeur. Cette nouvelle valeur, extrêmement basse, de la pression atmosphérique martienne a eu une conséquence insoupçonnée. Elle a invalidé tous les projets d'atterrisseurs martiens et a forcé les ingénieurs à retourner à leur planche à dessin pour concevoir de nouveaux modules capables d'effectuer un atterrissage sans risque, en dépit d'une pression atmosphérique très faible. Les projets d'atterrisseurs pour l'année 1967 pouvaient rejoindre les poubelles, et aucun atterrissage sur Mars à cette période n'était plus possible techniquement. Effectivement, en 1967, les américains (pas plus que les russes d'ailleurs) n'auront de sondes martiennes.

L'occultation radio a également permis d'estimer les températures au-dessus de certaines régions comme Electris ou Mare Acidalium : entre -80° et -120 °C. Des températures glaciales pour des régions équatoriales ou tropicales ! Le magnétomètre a indiqué que la sonde avait été en contact avec un champ magnétique pendant 2 heures à proximité de Mars, donnée confirmée par le capteur de plasma (au fonctionnement dégradé), sans que ces informations permettent de prouver l'existence d'un champ magnétique martien. La trajectoire de la petite sonde a été altérée par le champ de gravité qui émane de Mars et la déviation subie a permis de connaître la masse de Mars avec une grande précision. Un rapide calcul prenant en compte cette masse ainsi que le volume de la planète (déduit grâce à la connaissance du rayon équatoriale) donne accès à la densité de Mars.

La sonde Mariner 4

Mariner 4 fut la première sonde à envoyer des informations sur Mars. Conçue pour conduire des observations scientifiques lors d'un survol rapproché, elle emportait une caméra de télévision couplée à un télescope Cassegrain et six autres instruments destinés à réaliser des mesures astrophysiques. Sur cette photographie couleur, on distingue les quatre panneaux solaires prolongés par des sortes de pales sensibles à la pression du vent solaire (chaque pale possède une surface de 0,65 m2), la tuyère du système de propulsion, fixé sur l'un des côtés de l'octogone métallique central, la parabole de l'antenne grand gain montée sur la partie supérieure du corps de la sonde et le long mat de l'antenne omnidirectionnel (Crédit photo : NASA/JPL).

Mariner 4

Mariner 4 était la doublure de Mariner 3. La sonde était constituée d'un corps prismatique octogonal flanqué de 4 panneaux solaires de 1,8 mètres de longueur pour 80 cm de large, qui la faisait ressembler à un moulin à vent. Mariner 4 était la quatrième sonde d'une série de vaisseau destinée à l'exploration des planètes au cours d'un survol (Crédit photo : droits réservés).

Mariner 4 et son lanceur

La sonde américaine Mariner 4 et son lanceur Atlas/Agena (Crédit photo : droits réservés).

Schéma technique de la sonde Mariner 4. Cliquez sur l'image pour l'agrandir (Crédit photo : NASA/JPL).

Le lanceur Atlas Agena

Pour atteindre Mars, les américains ne disposaient pas de fusées aussi puissantes que celles des soviétiques, ce qui expliquait que leurs sondes ne pesaient alors pas grand chose. Le premier lanceur utilisé par les américains comportait un étage inférieur Atlas (en fait un étage et demi) et un étage supérieur Agena. On distingue bien sur la photographie l'un des deux moteurs Rocketdyne qui sont normalement largués 157 secondes après leur allumage. Le 28 novembre 1964, un lanceur de ce type décolle dans une boule de feu, emportant dans sa coiffe la sonde Mariner 4. Celle ci survola Mars le 15 juillet de l'année suivante, à une altitude de 9846 km (Crédit photo : NASA).

Carte de Mars avec l'emplacement des images de Mariner 4

Carte de Mars ayant servi à planifier le survol de la sonde Mariner 4 (chaque rectangle correspond à une prise de vue), et réalisée d'après les travaux d'Earl C. Slipher à l'observatoire de Lamont-Hussey (Afrique du sud). A cette époque, on pensait encore que la surface de Mars était couverte d'un réseau de canaux ! (Crédit photo : NASA).

Les images obtenues par Mariner 4

La caméra de Mariner 4 va acquérir 21 images complètes de Mars et 21 premières lignes d'une 22éme et dernière image. La bande couverte par l'objectif de la caméra commence à 40° N de latitude et 190° W de longitude pour se terminer à 50° S de latitude et 105° W de longitude, du côté nuit du globe martien. Sur ce beau graphique qui replace les prises de vue de Mariner 4 dans leur contexte géographique, la séquence photographique commence à haut à gauche et se termine en bas à droite. Olympus Mons, ainsi que les trois volcans géants du dôme de Tharsis apparaissent au milieu du globe martien. Les derniers clichés de Mariner 4 ont eu lieu dans la nuit martienne (Crédit photo : A. Tayfun Oner).

La premiere image de Mariner 4

Attention, cliché historique ! Voici la première image renvoyée par Mariner 4 de la surface de la planète rouge ! Cette image, obtenue à une distance de 16 900 km, est centrée à 35° N et 187° W. Elle montre la région de Trivium Charontis et Propontus II Phelgra sur le limbe de la planète. La qualité de l'image brute était vraiment médiocre, mais celle ci s'est considérablement améliorée après divers traitements informatiques (amélioration du contraste, suppression des lignes horizontales). Il aura fallu plus de 8 heures de communications non interrompues avec la Terre pour transmettre cette image à un débit de 8,33 bps (et plus d'une semaine pour transmettre les 22 images obtenues pendant la mission). Cette lenteur de transmission, ainsi que la qualité des images (en comparaison de celles que l'on reçoit aujourd'hui), peut prêter à sourire. Il n'empêche que les images de Mariner 4 sont émouvantes, car ce sont les premiers clichés jamais pris d'une autre planète par une sonde spatiale. Leur intérêt historique est considérable (Crédit photo : NASA/JPL).

Reconstitution en temps réel de la première image de Mariner 4

Lorsque la sonde Mariner 4 a survolé la planète rouge, les ingénieurs n'avaient aucun moyen de savoir si les images obtenues par la caméra avaient bel et bien été enregistrées. Dans l'expectative, ils ont donc décidé de reconstituer la première image de Mars en temps réel, à l'aide de quelques feuilles de papiers, d'un ciseau, d'un peu de colle et d'une poignée de crayons de couleurs ! Chaque image de Mariner 4 se composait de 200 colonnes d'une hauteur de 200 pixels chacune. Dès que la valeur de luminosité d'un pixel (codée sur 64 niveaux de gris) parvenait à la Terre, elle était imprimée sur une grande bande de papier. Dès qu'une bande était complétée, elle était collée sur un grand tableau blanc. Pour faire apparaître l'image, les ingénieurs ont ensuite colorié chaque pixel selon sa valeur de luminosité, comme un enfant l'aurait fait avec un album à colorier. Etrange contraste que cette première image de Mars, envoyée sur Terre par une sonde robotique qui représentait à l'époque le summum en matière de technologie spatiale, et néanmoins assemblée avec le contenu d'une trousse d'écolier ... (Crédit photo : NASA/JPL).

L'image n°3 de Mariner 4 (montrant Orcus Patera)

L'image n°3 transmise par Mariner 4 montre Orcus Patera, le premier relief planétaire visible sur le cliché d'une sonde spatiale (allez-y, essayez de le localiser !) Les formations qui apparaîtront sur les images de Mariner 4 seront difficiles à identifier, les scientifiques ne possédant par de clichés intermédiaires entre les photographies prises au foyer des télescopes et les images très grossies de la surface martienne obtenues par la sonde (Crédit photo : NASA/JPL).

Orcus Patera (Viking)

Pour vous aider à repérer Orcus Patera sur la photographie ci-dessus, voici comment il apparaît sur une image Viking. Notez la différence flagrante de netteté et de contraste entre les deux documents photographiques (Crédit photo : NASA/Atlas PDS).

Le meilleur cliché de Mariner 4

Le cliché n°11 de Mariner 4 est considéré comme la meilleure image obtenue de la planète rouge pendant la mission. Il couvre une surface de 250 km sur 254 km de l'hémisphère austral. Il fut encadré puis offert au président Lyndon Johnson par des scientifiques excités et très satisfait de leur travail. Poliment, Johnson félicita les scientifiques mais devant l'image floue d'une surface rappelant la Lune, son visage afficha une grande perplexité. Cette image résume bien la vision que l'on avait de Mars après Mariner 4 : semblable à la Lune, la planète rouge n'était plus aussi intéressante et avait d'un seul coup perdu une bonne partie de son charme (Crédit photo : NASA/JPL).

Les nouvelles sondes Zond

Au cours de l'année 1964, les américains ne sont pas les seuls à s'envoler vers Mars et les russes ont leur réponse à Mariner 4 : le couple de sondes Zond 2 et Zond 3. Les deux sondes pèsent bien plus lourd que les engins américains (quelques 960 kg contre les 260 kg des Mariner), les russes ayant une bonne avance en terme de lanceur. Malheureusement pour les soviétiques, l'une des sondes ne pourra pas partir à temps et l'autre, Zond 2, sera bien loin de réussir l'exploit technique et scientifique de Mariner 4.

Les deux sondes devaient non seulement mener à bien des expérimentations scientifiques, mais également valider un nouveau système propulsif, d'ou leur nom. L'appellation Zond est effectivement donnée à des sondes technologiques, emportant avec elles des systèmes expérimentaux, et qui sont sensés contourner ou survoler une planète ou la Lune. Les sondes Zond étaient donc présentées comme des engins technologiques, peut être pour masquer le fait que des observations planétaires étaient aussi au programme.

Zond 2

L'étude scientifique de Mars était en fait un objectif majeur, et la première sonde, Zond 2 reprenait en grande partie la structure de Mars 1 ainsi qu'une bonne partie de ces instruments : un magnétomètre, un équipement photographique, des compteurs de radiations (à décharge et à scintillation), un détecteur de micrométéorite, un spectrographe et un spectrorefléxomètre. Du point de vue technologique, Zond 2 était équipé de six moteurs ioniques à faible poussée utilisés par le système de contrôle d'attitude pour ajuster l'orientation de la sonde dans les trois dimensions. La sonde était alimentée en énergie grâce à deux panneaux solaires.

Zond 2 a été lancée le 30 novembre 1964 depuis le complexe de Baïkonour par une fusée de type R7. Les moteurs à ions du système de contrôle d'attitude ont été testés avec succès peu de temps après le lancement, entre le 8 et le 18 décembre 1964. Malheureusement, l'un des deux panneaux solaires qui alimentaient la sonde en énergie est tombé en panne, et Zond 2 ne disposait plus à partir de ce moment que de la moitié de la puissance nécessaire à son fonctionnement. Après une manœuvre de correction de trajectoire à mi chemin, les communications avec la sonde sont interrompues au début du mois de mai de l'année 1965, à une distance de 150 millions de kilomètres. Pour les responsables de la mission, c'est la consternation : Zond 2 vient d'être victime de même défaut que Mars 1, alors même que la trajectoire suivie était presque parfaite.

Devenue aveugle (à cause du manque de courant électrique) et muette, Zond 2 va pourtant survoler Mars de très prés le 6 août 1965 avec une vitesse relative de 5,62 m/s. Comme nous ne recevions plus aucune donnée du vaisseau spatial, on peut difficilement savoir à quelle distance réelle s'est effectué le survol. Zond 2 serait passé à moins de 5000 km de la surface martienne, bien que l'on rencontre également une distance de 1500 km dans la littérature. Certains pensent même que Zond 2 se serait carrément écrabouillé sur la surface rouillée du sol martien, devant ainsi le premier artefact humain à rejoindre la surface poussiéreuse de Mars (détail ironique, Zond 2 emportait avec elle un buste de Lenin qui devait commémorer le premier atterrissage sur Mars !). Le seul succès de Zond 2 aura été la validation des moteurs ioniques qui fonctionneront correctement dans des conditions réelles.

Zond 3 rate son départ pour Mars !

La deuxième sonde que les soviétiques voulaient lancer à destination de Mars était baptisé Zond 3. On pense que Zond 3 était le compagnon de la sonde Zond 2 et les deux sondes étaient à priori similaires. Zond 3 emportait un équipement photographique, un magnétomètre, un spectrographe infrarouge (3 à 4 microns) et ultraviolet (0,25 à 0,35 microns et 0,19 à 0,27 microns), les classiques détecteurs de radiations (à décharge et à scintillation), un radiotélescope et un détecteur de micrométéorites, sans oublier le moteur expérimental à ions du système de contrôle d'attitude.

La sonde devait profiter de la même fenêtre de tir pour partir à destination de la planète Mars. Mais le lancement de Zond 3 n'a pas pu avoir lieu à temps, et la fenêtre de tir s'est refermé alors que la sonde était encore sur le plancher des vaches. La sonde fut quand même lancée bien plus tard le 18 juillet 1965 sur une trajectoire à destination de Mars, alors même que cette dernière n'était plus atteignable. Les soviétiques avaient en effet décidé d'employer la sonde comme une plate-forme de test et la date de lancement fut en particulier choisie pour permettre un survol de la face caché de la Lune.

33 heures après son lancement, Zond 3 a effectivement l'opportunité de raser la face cachée de la Lune à 9200 km d'altitude. 25 images de très bonnes qualités ont été acquises par le dispositif photographique sur une période de 68 minutes. Les images étaient enregistrées sur un film qui était ensuite développé à bord grâce à des réactifs chimiques. Chaque image était ensuite scannée par une caméra de télévision puis retransmise à la Terre par liaison radio. Les données composant les images ont été une première fois transmises à 2,2 millions de kilomètres de distance, puis retransmises à nouveau alors que la sonde se trouvait à 31,5 millions de kilomètres de la Terre, ce qui démontrait enfin l'efficacité du nouveau système de communication. Après son survol lunaire, Zond 3, qui ne pouvait plus rejoindre la planète Mars à cause de son lancement tardif, a ensuite continué l'exploration de l'espace interplanétaire en suivant une orbite héliocentrique. Elle s'est suffisamment éloignée de la Terre pour avoir l'occasion de couper l'orbite martienne. Certaines données ont même été renvoyées à ce moment là. Il est assez ironique de penser qu'une sonde soviétique avait enfin réussi à atteindre l'orbite de Mars avec un système de communication en bon état et que, faute d'avoir pu partir à temps, la seule chose qu'elle avait à envoyer n'était autre que des photographies du sol ... lunaire ! Les russes n'ont jamais vraiment eu de chance au cours de l'exploration spatiale de la planète Mars. Vous avez peut être pu vous en rendre compte tout au long de cette page. Malheureusement pour eux, ce manque de chance ne va pas s'arrêter là.

Zond 2

La sonde Russe Zond2. L'appellation Zond était donnée à une nouvelle classe de sondes qui devaient contourner la Lune ou une autre planète, tout en servant de plate-forme de test pour valider de nouvelles technologies. Zond 2 fut lancé vers Mars le 30 novembre 1964, mais un problème de fonctionnement de l'un de ses panneaux solaires réduisit d'un facteur 2 sa puissance électrique. Les communications furent coupés à une distance de 150 millions de kilomètres et Zond 2 survola muette et aveugle la surface martienne (Crédit photo : droits réservés).

Moteur ionique

Malgré le fait que Zond 2 ne put mener à bien les observations planétaires qui étaient prévues, elle a remporté un petit succès en permettant la validation de six moteurs ioniques qui servaient pour le contrôle d'attitude. Ces moteurs utilisaient la poussée produite par l'accélération et l'éjection d'ions chargés positivement par un champ magnétique. L'image ci-dessus montre le moteur ionique de la sonde américaine Deep Space 1 en cours de test, photographié à travers un hublot d'une chambre à vide. On notera la faible lueur bleue (du plus bel effet) produite par les ions de Xénon émis par le moteur. Cependant, contrairement au moteur de Deep Space 1 qui est responsable de la propulsion de la sonde, les moteurs ioniques de Zond 2 se servaient qu'à l'orientation de la sonde dans l'espace. Le fonctionnement d'un tel moteur est un peu paradoxal. Les ions sortent de la tuyère à très grande vitesse (plus de 110 000 kilomètres par heure), mais leur masse est tellement faible qu'ils ne produisent d'une très faible poussée. Une poussée certes suffisante pour modifier l'orientation d'une sonde dans l'espace. Mais dés qu'il faut utiliser un moteur de ce type pour assurer la propulsion de la sonde proprement dite (comme dans le cas de Deep Space 1), il faut faire preuve d'une grande patience pour accumuler assez de vitesse !  (Crédit photo : droits réservés).

Tableau récapitulatif des missions vers Mars pour l'année 1964

Numéro

Date de lancement

Nom(s)

Pays

Lanceur et sonde

Résultat

6 5 novembre 1964 (Cap Canaveral, complexe LC13) Mariner 3 Drapeau américain Atlas s/n 289 D / Agena D s/n 6931. Sonde de type Mariner. Echec : première sonde américaine martienne. Après le lancement par une fusée Atlas/Agena, la coiffe de protection ne se détache pas et alourdit considérablement la sonde. Les panneaux solaires ne peuvent pas se déployer et les capteurs des instruments scientifiques demeurent bouchés. Les émissions cessent le 6 novembre 1964.
7 28 novembre 1964 (Cap Canaveral, complexe LC12) Mariner 4, Mariner-Mars 1964, 00942 Drapeau américain Atlas s/n 288 D / Agena D s/n 6932. Sonde de type Mariner. Succès : première survol de Mars à 9846 km de distance le 15 juillet 1965 et premières photographies en noir et blanc (22) de la surface martienne. Les images montreront une surface semblable à celle de la Lune. Des détails de 1 km sont visibles sur les dernières images, soit une résolution 150 fois plus forte que celle des clichés obtenus depuis la Terre. Premières déterminations de la pression (4,1 mbar à 7 mbar) et de la composition atmosphérique (CO2 principalement). Mars ne semble pas posséder de champ magnétique.
8 30 novembre 1964 (Baïkonour, complexe LC1) Zond 2 Drapeau soviétique
Molnya 8K78, sonde de type Mars (3MV-4A s/n 2)
Echec : perte de la communication avec la sonde au début du mois de mai 1965. Devenue muette et partiellement aveugle à cause d'une panne d'alimentation électrique, Zond 2 passa à quelques milliers de kilomètres de la surface de Mars le 6 août 1965. Certains pensent qu'elle s'est peut être écrasé à la surface de Mars.
9 18 juillet 1965 (Baïkonour, complexe LC1) Zond 3 Drapeau soviétique
Molnya 8K78, sonde de type Mars (3MV-4A s/n 3)
Echec : Zond 3 commence très mal sa mission en manquant la fenêtre de tir de 1964. Elle sera finalement lancée l'année suivante vers Mars, sans espoir cependant d'accomplir sa mission initiale. Elle survolera la Lune le 20 juillet 1965 et ramènera de très bonnes prises de vue, puis elle continuera sur une orbite héliocentrique et servant de plate-forme de test pour les communications radios longue distance.

 

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