Chroniques martiennes

Vie sur Mars : ou l'on reparle du méthane.

Dimanche 27 février 2005
Le méthane martien est-il d'origine biogénique ? (crédit photo : Hubble Space Telescope / droits réservés)
Depuis la découverte simultanée de méthane dans l'atmosphère martienne par des télescopes terrestres et la sonde Mars Express, les planétologues ont désormais quelques certitudes entachées de désaccord. Premièrement, il y a bel et bien du méthane dans l'atmosphère de Mars, et il semble de plus en plus improbable que les zones d'absorption visibles dans les spectres infrarouges et attribuées au méthane soient provoquées par une autre molécule. Cependant, un désaccord subsiste quand à la concentration du méthane. Mars Express a mesuré des concentrations de 10 à 30 ppb, tandis que sous la direction de Michael Mumma, les télescopes IRTF (Hawaii) et Gemini sud (Chili) ont relevé des valeurs bien plus élevées : 20 à 60 ppb dans les hautes latitudes, et jusqu'à 250 ppb au niveau de l'équateur.

Même s'il nous manque encore une carte globale de la répartition du méthane sur le globe martien, ce dernier semble bel et bien réparti de manière hétérogène. L'orbiteur européen a ainsi découvert que sur les premiers 10 kilomètres de l'atmosphère, le méthane n'était pas réparti de manière homogène, mais semblait concentré au-dessus de trois régions. Une telle distribution peut s'expliquer de deux manières différentes, par l'existence de sources ou de puits. Soit il existe à la surface de Mars des endroits ou le méthane est émis (dans ce cas ce gaz n'est observé qu'à proximité de ces régions, et sa concentration diminue quand on s'en éloigne), soit il existe à la surface des régions ou le méthane est spécifiquement détruit (dans ce cas, les plus hautes concentrations représentent le niveau de base du méthane, et les valeurs les plus faibles les endroits ou il disparaît).

Seconde certitude, le méthane semble bel et bien accompagné de vapeur d'eau, une corrélation qui favorise, comme nous le verrons plus loin, l'hypothèse biologique. Cette corrélation a été à la fois observée par le spectromètre PFS de la sonde Mars Express et l'équipe de Michael Mumma depuis la surface terrestre. Les quantités de vapeur d'eau mesurées depuis Hawaii et le Chili ont de plus été confirmées par les mesures du spectromètre d'émission thermique (TES) de Mars Global Surveyor, ce qui valide les observations effectuées depuis la Terre (ces dernières doivent effectivement tenir compte de la vapeur d'eau et du méthane présent dans l'atmosphère terrestre).

Les certitudes s'arrêtent ici, et tous les autres points clés concernant le méthane font l'objet de débats vigoureux et enflammés, à commencer par l'origine de ce gaz, qui, sur Terre est principalement lié au vivant ?

Sur Mars, l'origine biologique devient une hypothèse parmi d'autres, d'abord parce qu'il existe effectivement une pléthore de mécanismes capables de produire du méthane de manière abiotique, mais aussi parce que les implications sont énormes. De nombreux scientifiques se montrent particulièrement réticents dès qu'il s'agit d'évoquer une origine biologique. Ainsi, le premier papier écrit sur la découverte du méthane dans l'atmosphère de Mars a été publié dans la revue Icarus, après que ses auteurs (l'équipe ayant découvert la présence de méthane dans l'atmosphère martien grâce au télescope CFHT) aient essuyé un refus de la part de la fameuse revue scientifique Science. Les motifs du refus concernaient sans doute bien plus la position tranchée des scientifiques impliqués (qui mettent en avant l'hypothèse biologique), qu'une remise en question du sérieux de leur travaux. Les résultats du spectromètre PFS de la sonde Mars Express ont également été publiés en octobre 2004 dans l'édition en ligne de la revue Science (Science Express), plusieurs mois après l'annonce de la découverte, et le manuscrit proposé par Formisano et son équipe a manifestement du être révisé plusieurs fois avant d'être accepté. La conclusion de l'article en question est très prudente, et contraste fortement avec les éléments communiqués par Formisano lors de conférences internationales (comme la 35ème assemblée scientifique du COSPAR, ou la conférence internationale martienne d'Ischia).

L'hypothèse qui sera sans doute la plus souvent citée est celle du volcanisme. Le méthane martien pourrait être rejeté par des édifices volcaniques en activité, ou être produit au niveau de sources hydrothermales, la ou de l'eau réchauffée par des poches de magma circule dans les failles de la croûte martienne. En présence de catalyseurs comme les oxydes de fer (hématite), l'hydrogène peut réagir avec du monoxyde de carbone ou du dioxyde de carbone pour former du méthane, selon la réaction de Fischer-Tropsch. L'altération du basalte à des températures inférieures à 150° peut également libérer du méthane. L'hypothèse volcanique se heurte cependant à un problème majeur : jusqu'à présent, aucune source de chaleur n'a été découverte à la surface de Mars par les spectromètres infrarouges embarqués sur les sondes martiennes américaines (Mars Global Surveyor et Mars Odyssey) ou européenne (Mars Express), et l'activité volcanique semble avoir cessé il y a 100 millions d'années. De plus, des mesures ont montré que la concentration maximale de dioxyde de soufre, un gaz émis par les volcans, est très basse dans l'atmosphère martienne : il y aurait moins de 0,5 ppb de SO2 sur la planète rouge ...

Seconde hypothèse, un apport exogène. Le méthane martien pourrait effectivement avoir été apporté de l'extérieur par des micrométéorites, des comètes ou des astéroïdes riches en composés volatils qui, en s'écrasant sur Mars, libéreraient dans l'atmosphère le méthane qu'ils renfermaient.

Cependant, le flux micrométéoritique ne permet pas de rendre compte du méthane martien. Il faudrait pour cela que toutes les micrométéorites qui échouent sur Mars possèdent une composition proche des chondrites carbonées (une classe rare de météorites), et que toute la matière organique soit convertie en méthane, deux hypothèses qui ne sont pas réalistes. Les comètes représentent une source exogène beaucoup plus crédible. Cependant, les chutes de comètes sont devenues des événements rarissimes dans le système solaire, et étant donné la faible durée de vie du méthane dans l'atmosphère martienne, l'impact ne peut avoir eu lieu que très récemment. Il est donc possible que le méthane mesuré par Mars Express soit sur le déclin, et que les molécules encore présentes dans l'atmosphère ne soient plus que les restes d'une bouffée de méthane émis par un impact ayant eu lieu il y a plusieurs centaines ou plusieurs milliers d'années. Ainsi, d'après Formisano, l'impact d'une comète d'un diamètre de 130 mètres qui se serait écrasée il y a environ 100 ans pourrait rendre compte de la teneur actuelle de l'atmosphère martienne en méthane. Si l'impact a eu lieu plus tardivement, la taille de la comète nécessaire pour atteindre la concentration actuelle de méthane augmente (360 mètres pour nos 2000 ans).

L'hypothèse d'un impact est cependant difficilement crédible pour deux raisons. La première, c'est qu'aucun cratère d'impact récent n'a été identifié à la surface de Mars, alors qu'un corps de plusieurs centaines de mètres de diamètre doit forcément laisser des traces (à moins qu'il ne se soit totalement volatilisé avant d'arriver au sol, ce qui est peut-être possible). Un apport exogène de méthane ne peut également pas expliquer la distribution hétérogène observée par Mars Express. Si le méthane provenait d'une comète, les vents martiens auraient du l'homogénéiser sur la totalité de l'atmosphère, à moins qu'un mécanisme (pour l'instant inconnu) ne soit capable d'ôter efficacement le méthane de l'atmosphère à certains endroits de la planète. Ce processus devrait être très rapide, étant donné que quelques semaines seulement sont nécessaires aux vents pour redistribuer le méthane sur la totalité de la planète.

Contrairement à ce qui se passe sur Terre, le méthane ne peut pas non plus provenir de la maturation thermique d'une biomasse enfouie sous des sédiments. Sur notre planète, une partie du méthane est émis par des bactéries méthanogènes. Cependant, il existe aussi de nombreuses poches de méthane (qui constituent des réserves de gaz naturel) dans la croûte terrestre. Ce méthane provient de la transformation de la matière organique présente dans les roches sédimentaires sous l'effet de la température et de la pression. Ce phénomène de maturation thermique est également à l'origine du pétrole. Lorsque les roches sédimentaires riches en matière organique (kérogènes) se retrouvent enfouies sous d'autres sédiments, les kérogènes se transforment et commencent à produire des huiles et du pétrole. Si le phénomène se poursuit, les hydrocarbures émis se transforment à leur tour pour libérer des gaz, dont le méthane.

La matière organique présente dans les roches sédimentaires terrestres à une origine biologique : il s'agit d'innombrables fragments d'organismes morts (phytoplancton, algues, végétaux supérieurs) déposés dans des environnements propices à une fossilisation. Etant donné que Mars n'a vraisemblablement jamais permis le développement d'écosystèmes complexes, les planétologues ne s'attendent pas à trouver des carburants fossiles (pétrole, charbon, méthane).

Dans les années 1970, certains scientifiques avaient proposé une théorie inorganique pour expliquer la formation du pétrole sur Terre. Cette théorie avait reçu l'appui d'un scientifique aussi encensé que controversé, Thomas Gold. Cet iconoclaste, qui nous a quitté en milieu d'année, s'était illustré en découvrant les quasars, ou en prédisant que la surface de la lune devait être couverte par une couche de poussière très fine (liée au concassage de la surface rocheuse par les impacts météoritiques). Cependant, Gold avaient également avancé plusieurs autres théories très controversées, la plus célèbre étant celle de l'origine du pétrole. Gold prétendait en effet que les réservoirs de gaz naturel étaient alimentés par des remontés de méthane primordial, présent dans l'atmosphère primordiale de la Terre primitive et piégé dans la croûte. Dans certaines conditions, le méthane pouvait "polymériser" pour former des hydrocarbures plus complexes, du pétrole et des huiles.

L'hypothèse de Gold se heurte à un nombre impressionnant de preuves qui militent toutes pour une origine biologique, et qui n'ont jamais cessé d'être confirmées. La plus importante est la présence, dans les carburants fossiles, de molécules d'origine biologique, que l'on nomme biomarqueurs. En analysant les pétroles, les géochimistes organiciens ont effectivement découvert des molécules fabriquées par des bactéries, des algues ou des végétaux supérieurs, et qui résistent étonnamment bien à la fossilisation. Si Gold expliquait la présence de biomarqueurs bactériens par le développement, au sein des réservoirs de pétrole et de gaz, de bactéries capables de se nourrir des hydrocarbures (et qui laissaient ainsi derrière elle leurs cadavres), la présence de biomarqueurs provenant d'arbres ou de fougères était plus difficile à expliquer sans des raisonnements alambiqués. L'hypothèse développée par Gold dans ses articles, ainsi que dans un livre paru en 1999 (The Deep Hot Biosphere) reste donc très controversée parmi les spécialistes du pétrole.

Pourtant, une étude parue très récemment dans la revue Science semble apporter une confirmation aux idées de Gold. En soumettant à des pressions typiques du manteau terrestre un mélange de calcite, des oxydes de fer et de l'eau, des scientifiques ont réussi à produire du méthane. Bien que cette expérience ne prouve pas en soi que le manteau terrestre rejette effectivement du méthane, ces travaux prouvent que les conditions sont réunies pour que ce gaz puissent apparaître. Une partie du méthane naturel terrestre proviendrait-il des profondeurs du noyau ? La Terre renfermerait-elle dans ses profondeurs des réserves jusqu'alors insoupçonnées d'hydrocarbures (qui seraient cependant inaccessibles ?). Et surtout, en serait-il de même pour Mars ?

Sans retenir l'hypothèse d'une formation dans le manteau, il est également possible que le méthane provienne d'un réservoir formé dans un passé lointain, et qui dégazerait de temps à autre. Le méthane pourrait ainsi être piégé dans des clathrates, sorte de prison moléculaire formée par un réseau de molécules d'eau. Un réchauffement pourrait déstabiliser les clathrates, qui libéreraient ainsi du méthane. Cette hypothèse ne fait cependant que repousser d'un cran le problème de l'origine du méthane, qui pourrait aussi bien être géologique que biologique.

Pour certains scientifiques, le méthane pourrait simplement avoir une origine photochimique. Selon cette hypothèse, simple et élégante, le méthane serait produit par réaction du dioxyde de carbone (qui constitue plus de 95 % de l'atmosphère martienne) avec le rayonnement UV. Ce mécanisme, qui a lieu en permanence sur la face éclairée de la planète, se heurte cependant à nouveau à la distribution hétérogène du méthane, et pour qu'il soit valide, il faut envisager l'existence d'un mécanisme capable de faire disparaître rapidement ce gaz au dessus de certaines régions de Mars. Dans les conditions actuelles de l'atmosphère martienne, la durée de vie du méthane est effectivement de 340 ans. Cependant, certains scientifiques estiment que le méthane pourrait être détruit avec une grande efficacité par du peroxyde d'hydrogène (eau oxygénée) absorbé sur les grains de poussière martienne présent en suspension dans l'atmosphère. Ce peroxyde d'hydrogène ne proviendrait pas directement de l'atmosphère (qui en renferme un peu), mais serait produit par les frottements et les collisions continuels des grains de poussière entre eux. Si cette hypothèse est correcte, on devrait pouvoir observer des baisses de la concentration en méthane lors des grandes tempêtes de poussière qui obscurcissent l'atmosphère. Malheureusement, les tempêtes peuvent perturber le fonctionnement des spectromètres en bloquant la lumière. La partie supérieure des nuages de poussière joue alors le rôle de surface réfléchissante (à la place du sol), et les spectromètres ne peuvent plus observer la tranche d'air située en dessous du plafond nuageux. Les mesures sont donc faussées, puisqu'elles sont réalisées sur une partie seulement de l'atmosphère.

Devant les différentes explications envisageables pour expliquer la présence de traces de méthane dans l'atmosphère martienne, on pourrait facilement douter de la validité de l'hypothèse biologique. Pourtant, cette dernière ne peut pas être mise de côté. Sur Terre, la majorité du méthane présent dans l'atmosphère est d'origine biologique. Celui-ci remplit aussi de formidables poches de gaz enfouies dans la croûte, et qui sont brûlées par nos sociétés avides d'énergie.

Sur notre planète, le méthane est principalement produit par des bactéries méthanogènes. Pour obtenir de l'énergie, ces dernières combinent de l'hydrogène avec du dioxyde de carbone (ou de l'eau avec du monoxyde de carbone) et rejettent comme déchet du méthane. Les bactéries méthanogènes vivent dans des milieux totalement sombre et dépourvus d'oxygène, comme la vase des lacs et des marécages, la panse des ruminants (ou elles participent alors à la digestion de la cellulose), ou encore le tube digestif des termites. Les méthanogènes appartiennent au grand groupe des archéobactéries, des organismes qui se différencient des bactéries par des différences frappantes, et qui possèdent également des résistances surprenantes à la chaleur, au froid, à l'acidité ou à de fortes concentrations en sels. Les archéobactéries peuvent coloniser des milieux extrêmes, là ou des bactéries classiques ne pourraient survivre.

Plusieurs expériences ont ainsi montré que des bactéries méthanogènes pourraient parfaitement survivre sur Mars. Ainsi, ces germes ont été capables de croître dans une réplique du sol martien fabriqué par le centre Johnson de la NASA (JSC Mars-1 simulant), et sous une atmosphère martienne simulée. De plus, l'inventaire des ressources martiennes montre que les molécules nécessaires à la production du méthane par des bactéries méthanogènes sont bel et bien présentes sur Mars : l'atmosphère est composée en majorité de CO2 et contient également du monoxyde de carbone. Quant à l'hydrogène, il peut être rejeté en abondance par l'hydratation de roches volcaniques très riches en fer et en magnésium.

Le méthane rejeté par d'éventuelles bactéries méthanogènes martiennes pourrait également permettre à d'autres organismes de survivre, comme des bactéries méthanotrophes, qui se nourrissent en oxydant le méthane. Des écosystèmes entiers pourraient donc exister à proximité de la surface, ou dans les profondeurs de la croûte martienne. Une bonne partie du méthane pourrait être recyclé, et seule une petite partie du méthane se mélangerait effectivement à l'atmosphère ...

Comme nous l'avons noté plus haut, la sonde Mars Express a détecté une intéressante corrélation entre la présence de méthane et l'existence simultanée d'une concentration inhabituelle en vapeur d'eau, corrélation confirmée depuis la surface terrestre. Cette observation cadre particulièrement bien avec l'hypothèse biologique. La vapeur d'eau proviendrait de la sublimation de glace, qui a justement été détectée par la sonde Mars Odyssey dans les régions riches en méthane. Cette glace se transformerait en eau avec la profondeur et permettrait la survie de bactéries méthanogènes.

Les scientifiques américains semblent cependant sceptiques sur le lien établi par le responsable du PFS entre teneur en vapeur d'eau dans l'atmosphère martienne et la cartographie réalisée par Mars Odyssey. Les instruments (spectromètre gamma et spectromètre à neutrons) de l'orbiteur américain ne peuvent effectivement identifier que l'hydrogène. Selon eux, sa détection dans les régions équatoriales de la planète Mars n'est pas forcément synonyne de glace comme c'est le cas pour les régions polaires : l'hydrogène mesuré pourrait effectivement appartenir à des molécules d'eau piégées dans la structure cristalline de certains minéraux, cette eau de constitution ne pouvant pas être libérée dans les conditions existant actuellement à la surface de Mars. Le radar MARSIS de la sonde européenne Mars express, dont le déploiement est désormais prévu pour le mois de mars 2005, pourra peut-être permettre de trancher, et de préciser l'origine de l'hydrogène des basses latitudes.

Au regard des enjeux liés à la découverte du méthane martien, l'article de Formisano est un peu décevant. Il présente juste les spectres obtenus, les valeurs mesurées, puis examine les différentes hypothèses permettant d'expliquer la présence de méthane. La conclusion, beaucoup moins tranchée que celle de l'équipe de Vladimir A. Krasnopolsky (et pour qui le méthane martien est d'origine biologique). Reste que Formisano a une autre carte à jouer. Le responsable du PFS vient en effet d'affirmer que son spectromètre PFS a détecté du formaldéhyde dans l'atmosphère martienne. Rien de moins que 130 ppb, une concentration tout à fait acceptable. Dans l'atmosphère martienne, cette molécule possède une durée de vie encore plus courte que le méthane (7,5 heures en moyenne). Sa présence implique donc l'existence d'un mécanisme permettant de le régénérer en permanence. Or, tout comme le méthane, le formaldéhyde est également un gaz qui peut être d'origine biologique. Sur Terre il est produit par des bactéries méthanotrophes qui consomment du méthane : on peut donc imaginer l'existence d'un véritable petit écosystème microbien sur Mars, avec des bactéries productrices de méthane qui assurent la subsistance d'organismes méthanotrophes, qui eux rejettent du formaldéhyde. Ce dernier pourrait aussi plus simplement provenir d'une oxydation purement chimique du méthane. cela signifierait cependant que les quantités de méthane présentes dans l'atmosphère martienne seraient bien supérieures aux valeurs les plus élevées mesurées jusqu'à présent (250 ppb). Une petite partie seulement du méthane peut être oxydé en formaldéhyde. On imagine la quantité de méthane nécessaire pour fournir 130 ppb de formaldéhyde ...

Le cas du formaldéhyde semble cependant beaucoup plus bancal que celui du méthane. Les télescopes terrestres n'ont jamais détecté cette molécule sur Mars, alors que leur limite de détection est bien plus basse que 130 ppb. Une quantité aussi importante n'aurait pas dû échapper aux astronomes. De plus, le journaliste Oliver Morton a indiqué sur son blog que le PFS a réalisé la détection du formaldéhyde dans la bande de 3,7 microns, la région ou l'absorption devrait être la plus faible. A l'inverse, Formisano n'aurait rien trouvé à 5,1 microns, qui est la région de prédilection du formaldéhyde ...

La conclusion de tout cette affaire est on ne peut plus claire : la détection de méthane sur Mars ne signifie aucunement la présence de vie, et cette hypothèse n'est qu'une possibilité parmi d'autres. Sa signification est cependant très forte : elle enlève définitivement le méthane de son piédestal de biomarqueur. Contrairement à ce qui a été suggéré depuis des années au sein de la communauté des exobiologistes, la détection de ce gaz dans l'atmosphère d'une planète (que ce soit une planète de notre système solaire ou une exoplanète) n'aura plus de signification nette quand à la présence d'une forme de vie. Le méthane ne peut donc plus être utilisé pour traquer ET.

(1) Detection of methane in the martian atmosphere: evidence for life ?, Vladimir A. Krasnopolsky, Jean Pierre Maillard et Tobias C. Owen (disponible en ligne, 20 August 2004, Icarus).

(2) Detection of Methane in the Atmosphere of Mars,
Vittorio Formisano, Sushil Atreya, Thérèse Encrenaz, Nikolai Ignatiev et Marco Giuranna (disponible en ligne, 28 octobre 2004, Science Express).

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