Archives des brèves martiennes

Année 2003

Beagle 2 S.O.S. sonde martienne Beagle 2 en perdition
[29 décembre - 14:30] : Le petit atterrisseur Beagle 2 n'a toujours pas répondu aux appels de la Terre. Depuis son atterrissage présumé sur les étendues désertiques du vaste bassin d'Isidis Planitia, la capsule a maintenu un silence radio total, et ce malgré les nombreuses tentatives de communication effectuées par le biais de la sonde américaine Mars Odyssey, ou de l'observatoire de Jodrell Bank près de Manchester. L'agence spatiale européenne (ESA) et les responsables britanniques n'ont cependant pas encore perdu l'espoir de renouer le contact avec l'atterrisseur. D'abord et avant tout parce que les conditions d'écoute actuelles sont loin d'être idéales.

Pour que la sonde Mars Odyssey puisse avoir une chance de capter un signal de l'atterrisseur, il est impératif qu'elle passe pratiquement à la verticale du site d'atterrissage. Or les navigateurs de l'ESA ne connaissent pas avec exactitude la région ou Beagle 2 s'est posé, même si la zone d'atterrissage est apparemment plus petite que prévue, grâce à la précision du largage effectué par Mars Express le 19 décembre dernier. D'après les derniers calculs, Beagle 2 aurait atterri dans une ellipse de seulement 70 kilomètres de longueur pour 11 kilomètres de largeur (contre 300 kilomètres de longueur et 100 kilomètres de largueur pour l'ellipse d'incertitude initiale).

Le terrain autour de Beagle 2 doit également être dégagé pour que la visibilité soit bonne avec l'orbiteur, et que les deux sondes puissent se donner une poignée de main virtuelle. Si l'atterrisseur a atterri sur une pente, ou si un panneau solaire mal déployé masque partiellement l'antenne, les communications peuvent devenir très aléatoires. Enfin, il est également possible que la radio de Beagle 2 ne soit pas parfaitement compatible avec celle de Mars Odyssey, ou que cette dernière fonctionne mal, peut-être à cause de la tempête solaire qui a frappé l'orbiteur américain à la fin du mois d'octobre (la sonde avait alors perdu l'un de ses instruments scientifiques). L'agence spatiale européenne vient d'ailleurs de demander à la NASA de vérifier l'état du transpondeur de Mars Odyssey, une vérification qui ne pourra pas faire de mal, étant donné que l'orbiteur devra jouer le rôle de relais radio pour les rovers Spirit et Opportunity.

Plusieurs radiotélescopes terrestres, dont celui de Jodrell Bank, participent également aux recherches. Dès que le site d'atterrissage de Beagle 2 est visible depuis la Terre, la gigantesque antenne de 76 mètres de diamètre du télescope de Lovell balaye la surface martienne pour tenter de localiser Beagle 2. Contrairement à Mars Odyssey, le radiotélescope de Jodrell Bank n'est pas capable d'envoyer des instructions à la sonde. Son objectif est seulement de capter le signal de détresse émis par le petit module, pour circonscrire son site d'atterrissage et optimiser les prochains survols de Mars Odyssey.

L'écoute d'un signal aussi ténu que celui émis par Beagle 2 depuis la Terre est loin d'être trivial. La puissance de l'émetteur de l'atterrisseur est effectivement très faible : 5 petits watts seulement ! La situation actuelle revient à tenter de capter la sonnerie d'un téléphone portable martien depuis une station terrienne située à 163 millions de kilomètres de distance ! Or, même avec l'antenne de 76 mètres et le récepteur ultra perfectionné de Jodrell Bank, il n'est pas sûr qu'un tel exploit soit possible. A noter que le radiotélescope de l'université de Stanford en Californie, qui avait déjà été impliqué dans la recherche de la sonde Mars Polar Lander, a aussi offert son aide pour localiser Beagle 2 à la surface de Mars.

Lors de la première tentative de contact, 3 heures après son atterrissage sur Isidis Planitia, Beagle 2 aurait du signaler sa présence à la surface de Mars en sifflotant 9 notes de musique (composées par le fameux groupe de rock Blur), sur une fréquence de 401,5 MHz.

A chaque fenêtre de communication, l'atterrisseur se place en mode "réception" pour une durée de 80 minutes, dans l'attente d'un message de bienvenue émis par Mars Odyssey. En captant ce message, Beagle 2 sera alors en mesure de se verrouiller sur l'orbiteur et d'entamer une session de communication, qui commencera par la petite mélodie de Blur. Lors des tentatives d'écoute terrestre, l'atterrisseur laisse cependant de côté ses prétentions musicales et émet une seule tonalité de 10 secondes toutes les minutes.

Si l'atterrisseur n'a pas réussi à communiquer une seule fois avec la Terre après la dixième tentative (qui aura lieu le 30 décembre en soirée), Beagle 2 basculera dans un mode de recherche qui devrait augmenter ses chances de rentrer en contact avec un orbiteur ou un radiotélescope. Enfin, le 5 janvier au matin, si aucun signal n'a encore été capté, Beagle 2 changera de comportement et lancera en permanence un signal de détresse dans le ciel martien (la nuit, il redeviendra silencieux pour conserver son énergie).

Un élément important doit également être pris en compte dans la recherche de Beagle 2. Depuis le début de la séquence d'atterrissage, toutes les opérations effectuées par l'atterrisseur ont été réalisées sous le contrôle d'une horloge interne, qui ne cesse de battre la mesure pour les délicats systèmes électroniques de bord. Or, pour une raison ou une autre, il est possible que ce métronome se soit déréglé. N'étant plus à l'heure, Beagle 2 raterait alors tous ces rendez-vous avec Mars Odyssey ou les radiotélescopes au sol. Hier, samedi 27 décembre, dans le but de remettre la pendule de Beagle 2 à l'heure, Mars Odyssey a envoyé vers l'atterrisseur une série d'instructions. Il faudra attendre le prochain passage de l'orbiteur pour savoir si cette tentative de réinitialisation de l'horloge interne de Beagle 2 a servi ou non à quelque chose.

Si aucun signal n'est capté durant les prochains jours, l'ESA et les responsables de Beagle 2 joueront leur dernière carte le 4 janvier, date à laquelle la sonde américaine Mars Odyssey passera enfin le relais à Mars Express. D'après l'agence spatiale européenne, l'entrée en scène de Mars Express représente désormais la meilleure chance de renouer contact avec Beagle 2, car l'émetteur qui équipe cette sonde est le seul à avoir été testé avec le petit atterrisseur britannique. C'est seulement si aucun contact n'est établi après le 17 janvier 2004 que Beagle 2 sera considéré comme définitivement perdu.

Les deux prochaines écoutes auront lieu demain (mardi 30 décembre) entre 08:24 et 09:44, puis entre 21:20 et 22:40 par l'intermédiaire de Mars Odyssey.

 

Mars Express L'Europe tourne autour de Mars et se perd à sa surface
[27 décembre - 20:00] : Le 25 décembre 2003, l’Europe a réalisé une véritable prouesse en plaçant en orbite autour de la planète rouge, et avec une précision stupéfiante, sa première sonde d'exploration planétaire, Mars Express. Lancée le 2 juin 2003 depuis le cosmodrome de Baïkonour, Mars Express est arrivée sur Mars au terme d’un voyage de six mois et demi. Dans la nuit du réveillon de Noël, à 03:47, elle a mis à feu son moteur principal pour une durée de 37 minutes, de façon à freiner suffisamment pour être capturée par le champ de gravité de la planète Mars. Au terme de cette manoeuvre propulsive, qui l’a amené à survoler la surface martienne à une altitude de 414 km, Mars Express s’est retrouvée sur une orbite équatoriale très elliptique (400 kilomètres sur 188 000 kilomètres) autour de la planète rouge.

Pour un coup d’essai, c’est un véritable coup de maître. L’orbite d'insertion atteinte par Mars Express était très exactement celle désirée par les navigateurs de l’agence spatiale européenne (ESA). La vaste boucle que décrit désormais Mars Express autour du globe rouge de Mars n’est cependant pas idéale pour les observations scientifiques proprement dites, et l’orbite de la sonde va donc être affinée dans les prochaines semaines.

Après plusieurs manoeuvres propulsives, dont l'une des plus importantes aura lieu le 30 décembre, Mars Express va donc rejoindre son orbite finale de cartographie, une ellipse passant presque à l’aplomb des pôles, avec un périapse (point le plus rapproché de la surface martienne) de 250 km, et un apoapse (point le plus éloigné de Mars) à 11 000 km de distance.

Si la mise en orbite de Mars Express est un accomplissement majeur pour l’ESA, le bilan des événements qui se sont déroulés dans les premières heures de la nuit de Noël est cependant en demi teinte. Les ingénieurs britanniques sont effectivement toujours sans nouvelle de leur petite capsule Beagle 2, et ce malgré plusieurs tentatives de communication via la sonde américaine Mars Odyssey ou l'observatoire de Jodrell Bank près de Manchester, qui balaye le ciel grâce à la gigantesque antenne de 76 mètres du radiotélescope de Lovell.

Telle une bombe larguée par un bombardier en piqué, Beagle 2 s’était séparé de Mars Express le 19 décembre au matin, pour foncer tête baissée vers son site d’atterrissage, le vaste bassin d’impact d’Isidis Planitia. En admettant que Mars Express ait correctement visé la zone d’atterrissage, le module britannique a du commencer sa séquence d’atterrissage le 25 décembre à 03:46, pour toucher la surface quelques minutes plus tard, à 03:52. Beagle 2 aurait du signaler sa présence à la surface de Mars en sifflant 9 notes de musique (composées par le fameux groupe de rock Blur), mais aucune mélodie n'est venu briser le silence au moment ou la sonde Mars Odyssey a survolé pour la première fois le site d'atterrissage 3 heures plus tard ...

Malgré un espoir qui s'amenuise de jour en jour, l'ESA ne veut pas jeter l'éponge, et les essais de communication avec Mars Odyssey ou Jodrell Bank sont désormais quotidiens. Le radiotélescope de l'université de Stanford en Californie a également proposé son aide pour localiser Beagle 2 à la surface de Mars. Les deux prochaines écoutes auront lieu ce soir entre minuit et une heure du matin (Jodrell Bank), puis demain entre 20 heures et 21 heures (passage de Mars Odyssey à l'aplomb du site d'atterrissage).

Si aucun signal n'est capté durant les prochains jours, l'ESA et les responsables de Beagle 2 joueront leur dernière carte le 4 janvier, date à laquelle la sonde américaine Mars Odyssey passera le relais à Mars Express. D'après l'agence spatiale européenne, l'entrée en scène de Mars Express représente désormais la meilleure chance de renouer contact avec Beagle 2, car l'émetteur qui équipe cette sonde est le seul à avoir été testé avec le petit atterrisseur britannique.

 

Mars Express L'Europe va réveillonner sur Mars
[21 décembre - 14:05] : Pour l'Europe, pour toutes les personnes, ingénieurs, techniciens, scientifiques ou administratifs impliquées dans la mission Mars Express, pour tous ceux que l'exploration de Mars passionnent, le Noël 2003 sera martien, ou ne sera pas. Pour sa première mission martienne, l'Europe a en effet sorti le grand jeu. Dans la nuit du réveillon de Noël, l'agence spatiale européenne (ESA) va tenter simultanément une mise en orbite autour de Mars, et un atterrissage à sa surface !

Lancée le 2 juin 2003 depuis les steppes du Kazakhstan, la sonde Mars Express et son atterrisseur Beagle 2 ont franchi sans incident notable (excepté un problème de connectique avec les panneaux solaires, qui a fait perdre à Mars Express 30 % de sa puissance) les centaines de millions de kilomètres qui séparent la Terre de Mars. Le 19 décembre, Beagle 2 s'est désengagé avec succès de Mars Express sous l'oeil électronique d'une caméra, et l'audacieux petit atterrisseur fonce désormais comme un boulet de canon vers les étendues monotones et désolées de la planète rouge. Quant à la sonde Mars Express (qui pour larguer son atterrisseur, avait été obligée de se diriger tête baissée vers Mars), elle s'est repositionnée le 20 décembre sur une trajectoire qui va l'amener à survoler la surface martienne à environ 400 kilomètres de distance.

Si le largage de Beagle 2 représentait déjà un petit exploit en soi, les événements les plus critiques et les plus excitants vont se dérouler dans la nuit du 24 au 25 décembre 2003. A 03:40 très précise, le petit atterrisseur Beagle 2 entamera sa descente vers la surface martienne, une opération à haut risque qui durera 5 minutes.

Tout va commencer lorsque Beagle 2 va heurter l'atmosphère martienne à une altitude de 150 kilomètres et à la vitesse record de 20 000 km/h. La friction de l'air va porter la surface de la sonde à 1700°C, et celle-ci, heureusement protégée par un bouclier thermique, s'illuminera l'espace d'un instant comme un sapin de Noël. Deux minutes après le début des opérations, à une altitude de 10 kilomètres, Beagle 2 déploiera un premier parachute. Sa vitesse, bien que divisée d'un facteur 10 par la rencontre avec l'atmosphère, sera encore de 2000 km/h. 15 secondes plus tard, alors que la sonde n'est plus qu'à 5 kilomètres de la surface, le parachute principal de 10 mètres de diamètre prendra le relais pour parfaire le freinage, tandis que le bouclier thermique, désormais inutile, sera largué. L'atterrisseur sera alors descendu sous son parachute le long d'un filin, avant de se retrouver enveloppé par des airbags, qui se gonfleront à seulement 200 mètres d'altitude. Lorsque le cordon sera sectionné, la sonde frappera la surface de Mars à la vitesse de 60 km/h. Protégée par ses airbags, elle effectuera une dizaine de rebonds pendant environ 2 minutes avant de s’immobiliser définitivement sur le sol rouillé d'Isidis Planitia (la séquence d'atterrissage est décrite plus en détails dans le dossier consacré à Beagle 2).

Dans le ciel martien, Mars Express n'aura pas le temps d'admirer les cabrioles de son atterrisseur. A 03:47, alors qu'il survolera Mars à une distance de 414 kilomètres, l'orbiteur mettra à feu son moteur principal pour une durée de 34 minutes. Pour Mars Express, l'objectif est de freiner suffisamment pour pouvoir être happé par le champ de gravité martien. A l'issue de cette manœuvre, la sonde se trouvera sur une orbite grossière très elliptique autour de la planète rouge. Plusieurs ajustements seront réalisés dans les semaines suivantes pour atteindre l'orbite finale de cartographie, une ellipse dont le point le plus proche de Mars (périapse) sera à 260 kilomètres de la surface, et le point le plus éloigné (apoapse) à une distance de 11 600 kilomètres.

Si vous comptez réveillonner jusque tard dans la nuit, comme il est de coutume, et si vous avez accès à une connexion Internet, rien ne sera plus facile que de donner une coloration martienne à votre réveillon de Noël. Il vous suffira de vous connecter sur le site de l'agence spatiale européenne pour pouvoir suivre l'arrivée de Mars Express et de Beagle 2 comme si vous y étiez.

Tout comme les cadeaux, la confirmation du bon déroulement des opérations, que ce soit l'atterrissage de Beagle 2 ou la mise en orbite de Mars Express, n'arrivera qu'au petit matin. Le premier signal émis par Beagle 2 depuis la surface de Mars (une petite musique composée par le fameux groupe de rock Blur, les britanniques ne faisant décidément rien comme les autres !) devrait être capté par l'orbiteur américain Mars Odyssey vers 06:15 (Mars Express ne survolera effectivement le site d'atterrissage qu'au début du mois de janvier). Les premiers résultats officiels sont attendus vers 9 heures du matin. Si Mars Odyssey ne parvient pas à capter la mélodie triomphale de Beagle 2, les antennes du radiotélescope de Jodrell Bank en Angleterre fouilleront l'espace un peu avant minuit (23:45) pour tenter une écoute directe.

Il va s'en dire que si Mars Express parvient à se placer en orbite, et si Beagle 2 touche sain et sauf le sol de Mars, des milliers de personnes en Europe vivront le plus beau Noël de leur vie. Il est cependant tout à fait possible que le père Noël soit encore plus capricieux sur Mars que sur Terre ...

 

Mars Express Feu vert pour la mise en orbite
[21 décembre - 11:15] : Hier à 12:50, la sonde Mars Express a réussi sa manoeuvre d'évitement de la planète rouge. L'orbiteur s'était effectivement placé sur une trajectoire de collision avec Mars pour pouvoir larguer son atterrisseur, Beagle 2, vers les déserts glacés d'Isidis Planitia. Rien ne semble désormais plus compromettre sa mise en orbite, qui aura lieu dans la nuit de Noël à 03:47.

 

Mars Odyssey Mars Odyssey perd l'un de ses instruments
[30 novembre - 17:15] : Il y a tout juste un mois la sonde Mars Odyssey a perdu l'un de ses trois instruments scientifiques, MARIE. Ironie du sort, cet appareil destiné à mesurer le niveau de radiations (solaires et galactiques) autour de la planète Mars a vraisemblablement été mis hors d'usage par les particules qu'il était justement chargé d'étudier.

Le 28 octobre dernier, le soleil est entré dans une phase d'activité paroxysmique. Sans crier gare, la haute atmosphère de notre étoile (la couronne solaire) a expulsé à très grande vitesse une immense bulle composée de radiations et de particules très énergétiques. Ce soubresaut, connu sous le nom d'éjection de masse coronale, a été l'un des plus puissants jamais enregistré.

Mars Odyssey, comme d'ailleurs toutes les autres sondes martiennes, a subi de plein fouet cette tempête solaire. Aussi démunie devant ce phénomène qu'un touriste imprudent ayant oublié sa crème solaire par une chaude journée d'été, la sonde a été criblée de toutes parts par les particules solaires.

Les colères du soleil, qui sont particulièrement difficiles à prévoir, peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur les missions spatiales. Ainsi, le 21 avril 2002, les systèmes électroniques de la petite sonde japonaise Nozomi avaient été sérieusement ébranlés par une tempête solaire. Celle-ci avait non seulement désactivé le système de télécommunication, mais également gravement perturbé le système électrique. Aujourd'hui, les dégâts sont loin d'avoir été réparés, et il est tout à fait possible que la sonde, qui n'est plus qu'une épave flottant dans le vide spatial, ne puisse se placer en orbite autour de Mars le 14 décembre prochain.

A l'heure actuelle, et si l'on met de côté Nozomi (qui est à l'agonie), seule Mars Odyssey semble avoir souffert de la tempête solaire du mois d'octobre. Les autres sondes, que ce soit celles qui sont déjà sur place (Mars Global Surveyor) ou celles qui font actuellement route vers Mars (Mars Express et Beagle 2, Spirit et Opportunity), ont apparemment eu de la chance (mais il est toujours possible qu'un problème soit découvert à posteriori).

Pour l'instant, MARIE n'a pas réagit aux tentatives de réanimation des ingénieurs, et il n'est pas exclu que l'instrument ait été endommagé de manière irrémédiable par la tempête solaire. Cependant, même si MARIE est définitivement hors d'usage, sa mission aura été un succès. Depuis le mois de mars 2002, l'instrument a effectivement collecté un grand nombre de données sur le niveau de radiations dans le voisinage de la planète rouge. Les informations recueillies seront essentielles pour préparer une future mission habitée et prévoir les dangers auxquels s'exposeront les astronautes.

MARIE avait déjà connu un problème sérieux au mois d'août 2001, alors que Mars Odyssey était entre la Terre et Mars. A la suite d'un transfert de données, l'instrument avait brutalement cessé de fonctionner. Les ingénieurs avaient cependant réussi à le remettre en route en mars 2002, peu de temps après le début des opérations de cartographie.

 

Atterrisseur polaire La revanche de Mars Polar Lander
[5 août - 08:45] : Le 3 décembre 1999, la sonde Mars Polar Lander disparaissait sans laisser de traces au-dessus du pole sud martien. Pour la NASA, déjà bien affaiblie par la disparition, trois mois auparavant, de Mars Climate Orbiter, cette perte fut très durement ressentie, et l'agence spatiale américaine fut forcée de revoir de fond en comble son ambitieux programme d'exploration martien.

L'une des premières décisions prises par la NASA dans le cadre de cette restructuration fut de clouer au sol l'atterrisseur qui devait succéder à Mars Polar Lander : ce dernier avait effectivement le mauvais goût de ressembler comme deux gouttes d'eau à son infortuné aîné. L'échec de Mars Polar Lander n'ayant jamais été expliqué avec certitude (les communications radio ayant été coupées juste avant l'atterrissage, les ingénieurs n'ont pu émettre que des hypothèses), la NASA préféra remiser l'atterrisseur de 2001, plutôt que de jouer avec le feu. La sonde, qui était déjà pratiquement assemblée, fut donc recouverte d'une bâche puis abandonnée à son triste sort dans une salle blanche de la société Lockheed Martin, en dépit des vives protestations de l'équipe responsable de la mission. L'atterrisseur n'avait cependant pas dit son dernier mot ...

Au mois de décembre 2002, la NASA annonça les quatre finalistes pour son programme Scout, une nouvelle classe de missions à faible coût, et dont les objectifs peuvent être très divers, à l'image des quatre propositions alors retenues : collecte d'un échantillon d'atmosphère martienne (SCIM), étude des basses couches de l'atmosphère grâce à un planeur (Ares), mesure très fine de certains composés émis par des volcans ou d'éventuels organismes vivants grâce à un orbiteur muni de spectromètres très sophistiqués (Marvel) ...

Quant à la quatrième mission, judicieusement baptisée Phoenix, elle ne prévoyait ni plus ni moins que de réutiliser l'atterrisseur de Mars Surveyor 2001 pour aller explorer non pas le pôle sud (l'objectif de Mars Polar Lander), mais le pôle nord. La NASA s'est apparemment montrée très sensible aux économies réalisables sur cette mission (l'atterrisseur étant déjà en grande partie construit), puisque Phoenix vient d'être préféré à ses trois concurrents (le budget alloué est malgré tout de 325 millions de dollars, soit 60 millions de plus que Pathfinder).

Phoenix prendra son envol en 2007, et atterrira en mai 2008 dans une région située entre 65° et 75° de latitude nord, à proximité de la calotte polaire nord. Ses deux principaux objectifs seront d'étudier les composés volatils martiens (en particulier l'eau) présents dans le sol, et de détecter des régions compatibles avec l'existence de formes de vie passé ou présente. L'atterrisseur pourra directement confirmer les résultats de Mars Odyssey, qui a détecté de spectaculaires concentrations de glace dans la partie la plus superficielle du sol des régions polaires.

Pour mener à bien sa mission, Phoenix reprendra trois instruments conçus pour Mars Polar Lander (la caméra SSI, le four TEGA et la caméra de descente MARDI), tout en s'appuyant également sur une partie de l'instrumentation développée pour Mars Surveyor 2001 (le bras robotique et sa microcaméra, ainsi que le laboratoire MECA, dont l'objectif est d'analyser le sol martien, en particulier du point de vue de sa toxicité). Une station météorologique viendra compléter cette charge utile.

Quant aux faiblesses de conception de l'atterrisseur, pointées par la commission d'enquête qui s'est penchée sur la perte de Mars Polar Lander, elles ont toutes étés corrigées. Phoenix devrait bénéficier d'améliorations notables, comme un guidage pendant l'entrée atmosphérique, ainsi qu'une capacité à éviter d'éventuels obstacles.

Avec un sol bourré de glace et des paysages d'une beauté à couper le souffle (voir les images collectées par Mars Global Surveyor), les terres arctiques martiennes constituent sans nul doute l'une des places les plus fascinantes et excitantes de Mars. Si Phoenix réussit là ou son prédécesseur a échoué, l'année 2008 risque bel et bien de rivaliser avec 2003 dans l'histoire de l'exploration martienne ...

 

Opportunity (MER-B)

Opportunity en route vers Mars
[8 juillet - 06:50] : Superbe décollage de nuit pour Opportunity, qui s'est finalement élancé vers Mars après bien des reports.

Le rover n'a cependant pas résisté au plaisir de jouer une dernière fois avec les nerfs des contrôleurs au sol : 7 secondes avant la première opportunité instantanée de lancement, programmée pour 04:35, le compte à rebours a été brutalement stoppé par le dysfonctionnement d'une valve sur le premier étage de la fusée Delta II.

Avec un certain empressement, les ingénieurs ont alors procédé à une série de tests pour diagnostiquer le problème. Après plusieurs cycles d'ouverture et de fermeture, le comportement de la valve a été jugé satisfaisant, et le compte à rebours a alors pu reprendre, le lanceur ayant été entre temps reconfiguré pour la seconde opportunité de tir.

C'est donc finalement à 05:18 que le rover américain a décollé, illuminant le ciel nocturne de Cap Canaveral tel un soleil artificiel. La poussée initiale pour son long voyage vers Mars a été fournie par le moteur principal du premier étage du lanceur Delta II, ainsi que par six des propulseurs à poudre latéraux. Après l'éjection de ces derniers, les trois accélérateurs restants ont été mis à feu, pour être à leur tour largués après une minute de combustion. Le second étage du lanceur a ensuite pris le relais pour placer le rover sur une orbite de parking autour de la Terre.

Après environ une heure d'attente, le moteur du second étage s'est rallumé une seconde fois, avant de céder la place au troisième et dernier étage, qui a arraché définitivement le rover des griffes de la gravité terrestre. Excepté le moteur du second étage, qui semble avoir fonctionné 1,5 secondes de plus que prévu sans que cela prête à conséquence, aucun incident critique n'est venu perturbé la mécanique d'horlogerie du lanceur Delta II 7925 H, dont c'était ici le vol inaugural.

Le contact a été établi avec le rover peu après la séparation du troisième étage du lanceur grâce à la station de poursuite de Goldstone (Californie) du Deep Space Network. Même s'il est encore un peu tôt pour se prononcer, le statut des systèmes de bord semble nominal, tout comme la trajectoire suivie par la sonde. Le 25 janvier, après avoir parcouru 491 millions de kilomètres, Opportunity plongera dans l'atmosphère martienne et rejoindra au sol son frère jumeau Spirit, qui l'aura précédé de trois semaines. Opportunity doit se poser sur les plaines de Sinus Meridiani, ou une forte concentration d'hématite grise, probablement déposée en présence d'eau, a été découverte.

 

Opportunity (MER-B) Opportunity joue (vraiment) avec le feu
[6 juillet - 20:00] : C'est devenu une sorte d'habitude. Chaque jour qui passe, la NASA annonce un nouveau report du lancement d'Opportunity. Depuis la première tentative du 29 juin, avortée pour cause de météo défavorable, une avalanche de reports ont eu lieu, et le second rover américain a désormais deux semaines de retard sur son planning ...

Ces reports en série sont dus à un problème d'isolation sur le premier étage du lanceur Delta II 7925. Une bande de liège, dont le rôle est de protéger la fusée contre l'importante chaleur générée par le frottement avec l'atmosphère lors du décollage, n'adhère pas suffisamment au carénage. Une réparation avait déjà été effectuée avant la première tentative de lancement, mais les ingénieurs ont eu la désagréable surprise de découvrir après coup qu'elle n'avait pas eu les effets escomptées.

Les ingénieurs ne savent pas exactement quelles conséquences pourraient avoir une isolation imparfaite du lanceur, mais personne ne veut prendre le moindre risque avec le rover de 300 millions de dollars riveté au sommet du lanceur. De plus, depuis l'accident de Columbia, dont la cause semble liée à un fragment de mousse qui se serait détaché peu après le tir et qui aurait endommagé l'aile de l'orbiteur, la NASA est extrêmement prudente avec les matériaux susceptibles de se désagréger lors des lancements, même si ici les conditions et les matériaux sont différents.

Opportunity ne peut donc partir vers Mars à cause d'une bande de liège qui refuse d'adhérer à du métal. Cet ennui d'une banalité déconcertante pourrait être lié à la version du lanceur utilisée. Pour partir vers Mars, Opportunity s'appuie sur un modèle légèrement différent de la fusée Delta II 7925 qui a servi pour son frère jumeau Spirit. Au niveau de la dénomination, la seule différence est un petit "H", qui signifie Heavy. Le lanceur d'Opportunity est effectivement doté de propulseurs d'appoint plus puissants, capables de délivrer un supplément de poussée de 25 %. Cette nouvelle version de la fusée Delta II n'a encore jamais fait ses preuves, et le lancement d'Opportunity constitue son vol inaugural.

Il semble cependant plus probable que l'origine de l'incident soit à chercher dans l'historique du lanceur. La fusée réservée à Opportunity devait initialement servir à propulser SIRTF, un télescope spatial infrarouge de la NASA. La mission ayant été retardée, la fusée a été réaffectée au lancement d'Opportunity. Un entreposage forcé à Cap Canaveral depuis fin février, et un printemps plus humide que d'habitude, a peut-être fait vieillir prématurément les structures du lanceur ...

Ce fait quelque peu inquiétant, combiné à une fenêtre de tir qui se réduit comme une peau de chagrin, explique la tension désormais perceptible parmi les responsables de la mission. A Cap Canaveral, une véritable course contre la montre est effectivement engagée. Opportunity a jusqu'au 16 juillet pour partir vers la planète rouge. Passé cette date fatidique, la Terre et Mars seront trop éloignées l'une de l'autre pour permettre au rover de rejoindre son objectif.

La NASA a cependant l'habitude des lancements de dernière minute. Le 9 septembre 1975, la sonde Viking 2 a décollé in extremis, alors que sa fenêtre de tir était en train de se refermer. Le décollage a eu lieu sous un ciel tellement menaçant que trois minutes après, l'ordre de lancement n'aurait pas pu être donné. 5 minutes après la disparition du lanceur lourd Titan dans les nuages, des trombes d'eau s'abattaient sur le pas de tir...

Pour l'instant, dans toute l'histoire de l'exploration martienne, une seule sonde n'a pas pu être lancée à temps : il s'agit de l'orbiteur russe Zond 3, qui a été envoyé par dépit vers la Lune le 18 juillet 1965.

Samedi dernier, les ingénieurs ont procédé à un test crucial, qui a montré que les bandes de liège se décollent lors du choc thermique consécutif au remplissage du réservoir d'oxygène liquide. Des adhésifs plus puissants ont été utilisés pour fixer les bandes récalcitrantes, et le problème semble désormais résolu. Parallèlement, les techniciens ont découvert une batterie défectueuse, qui doit être remplacée.

Le prochain lancement est désormais prévu pour le mardi 8 juillet, ce qui réduit la fenêtre de tir à seulement 8 jours. Les deux opportunités de tir instantanées auront lieu respectivement à 04:35, puis 05:18. Les chances de bénéficier d'une météo compatible avec un lancement sont de 70 %. Espérons qu'Opportuniy ne jouera pas plus avec nos nerfs, et que cette tentative déjà bien tardive sera la bonne ...

 

Opportunity (MER-B) Opportunity cloué au sol
[29 juin - 06:40] : C'est un NoGO pour Opportunity, qui n'a pas pu profiter de ses deux
fenêtres de tir instantanées pour s'envoler vers Mars et rejoindre son frère jumeau Spirit.

La première opportunité de lancement (prévue pour 05:56) a été manquée pour cause de conditions météorologiques défavorables. Vingt minutes avant l'instant fatidique du décollage, des vents de sud se sont effectivement levés, exposant potentiellement certaines zones habitées à un nuage toxique en cas d'explosion accidentelle du lanceur. Un navire batifoleur a également eu la mauvaise idée de pénétrer dans une zone d'interdiction maritime ceinturant le pas de tir.

Si les voyants sont ensuite repassés au vert pour ces deux événements bloquants, la météo a cependant continué à se dégrader, et les nuages n'ont cessé de jouer au chat et à la souris avec les contrôleurs au sol. Des vents violents de haute altitude, détectés par un ballon sonde, ont finalement conduit à l'annulation de la seconde tentative de lancement, programmée à 06:38. Le départ d'Opportunity est désormais reporté de 24 heures. Les deux nouvelles fenêtres de tir instantanées s'ouvriront respectivement à 05:46, puis 06:28. Demain, il faudra donc se lever 10 minutes plus tôt pour assister au décollage !

 

Spirit (MER-A) Spirit s'est élancé vers la planète rouge
[10 juin - 20:50] : Après avoir été cloué au sol pendant deux jours pour cause de mauvais temps, le rover américain Spirit a finalement décollé vers Mars, surfant sur le déluge de feu déversé par une fusée Delta II 7925. Le lancement s'est déroulé à la perfection et peu après la séparation du troisième étage de la fusée Delta II, le contact a été établi avec la sonde (provoquant une explosion de joie au JPL). Le contrôle de la trajectoire suivie par Spirit, ainsi que la vérification de ses systèmes de bord sont en cours. Dans 7 mois, après avoir parcouru 500 millions de kilomètre, MER-A plongera dans l'atmosphère martienne et tentera de se poser sans encombre sur les déserts rouillés de la planète rouge. Bon voyage, Spirit !

 

Mars Express Mars Express en route vers Mars
[2 juin - 22:15] : C'est un départ sans faute pour Mars Express, qui file désormais à vive allure à la rencontre de la planète rouge. Après un deuxième allumage de l'étage Fregat, qui a arraché la sonde à son orbite de parking (voir ci-dessous), les stations de poursuite au sol ont capté le signal de l'orbiteur. Celui-ci se porte apparemment bien, et se déplace sur une trajectoire nominale. Les panneaux solaires ont été déployés avec succès et alimentent déjà les batteries de la sonde. Comparé à la bouillante excitation du lancement, les six mois qui vont suivre vont être pour Mars Express et son passager Beagle 2 d'une profonde monotonie. Excepté les vérifications périodiques du statut des systèmes de bord, et les quelques manoeuvres de correction de trajectoire qui serviront à affiner l'orbite suivie, la sonde se contentera de flotter silencieusement dans le noir de l'espace en direction de sa cible. Dans 6 jours, si tout va bien, Mars Express sera rejointe dans sa course vers la planète rouge par le premier des deux rovers d'exploration américains. Un grand bravo à l'ESA, et à toutes les équipes impliquées dans cette mission sensationnelle !

 

Mars Express Mars Express sur orbite de parking !
[2 juin - 20:15] : Mars Express est arrivée sur son orbite de parking, après le fonctionnement apparemment irréprochable des différents étages de la fusée Soyouz. La sonde européenne flotte donc en ce moment au-dessus de nos têtes à 190 km d'altitude, attendant sagement son départ vers la planète rouge. Dans un peu moins d'une heure, le dernier étage Fregat, qui s'est déjà allumé une fois, va à nouveau cracher ses flammes pour donner à Mars Express l'ultime coup de pouce dont elle a besoin pour rejoindre sa destination ...

 

Mars Express Mars Express face à son destin
[1er juin - 16:30] : Le compte à rebours est enclenché pour Mars Express. Si aucun événement ne vient perturber la séquence de tir, l'orbiteur européen, qui emporte avec lui le petit atterrisseur britannique Beagle 2, décollera de Baïkonour demain (lundi 2 juin 2003) à 19:45. Ce lancement historique sera retransmis en direct sur Internet par l'Agence spatiale européenne (ESA). Mars Express emporte une charge scientifique conséquente, dont certains instruments de la mission Mars 96. 7 ans après, le souvenir du lancement de cette ambitieuse sonde suscite encore un mélange d'indignation et de honte. L'échec n'est désormais plus une option, et le succès de Mars Express est plus que jamais essentiel à la poursuite de l'effort spatial européen. Pour être franc, si Dieu existait, je crois bien que je lui adresserais une petite prière ...

 

Mars Exploration Rover Assaut robotique sur la Terre du Milieu
[12 avril - 15:40] : Après un processus de sélection qui a duré plusieurs années, la NASA a enfin décidé du lieu où les deux rovers MER devront se poser lors de leur arrivée sur la planète rouge en janvier 2004.

Selon l'agence spatiale américaine, les deux sites d'atterrissage retenus offriraient un bon compromis entre les contraintes de sécurité d'une part (le site le plus intéressant n'est d'aucune utilité si la sonde est condamnée à s'y écraser) et l'intérêt scientifique d'autre part (le site le plus sûr n'a pas de raisons d'être s'il ne se prête à aucune investigation scientifique).

Pouvoir choisir un site en se basant uniquement sur des critères scientifiques serait idéal. Mais la planète choisie, et l'architecture du système d'atterrissage imposent ici de nombreuses contraintes auxquels doit répondre le site potentiel : proximité de l'équateur (pour des questions d'ensoleillement et de température), altitude faible (l'épaisseur de l'atmosphère doit être suffisante pour que les parachutes soient efficaces), surface non accidentée (il faut en particulier tenir compte des pentes et de la quantité de rochers), vents faibles (pour des questions de stabilité à l'atterrissage), peu de poussière, etc. On comprend donc que le processus de sélection peut rapidement prendre des allures de casse-tête. Heureusement, dans le cas des MER, ce dernier a largement bénéficié des informations transmises par les derniers orbiteurs martiens. Contrairement au site d'atterrissage de Pathfinder, qui avait été choisi uniquement sur la base des images Viking, les scientifiques et ingénieurs ont effectivement pu s'appuyer sur l'avalanche d'images et de données collectées par les puissantes sondes Mars Global Surveyor et Mars Odyssey pour choisir les sites des deux rovers.

Ce n'est pas une surprise, la NASA a décidé de privilégier la région de Sinus Meridiani (aussi connue sous le nom de Terra Meridiani, terme évocateur que l'on pourrait traduire par "Terre du Milieu") et le cratère d'impact Gusev, suivant ainsi les recommandations des scientifiques qui avaient émis un vif intérêt pour ces deux sites dès le début du processus de sélection.

Le secteur de Sinus Meridiani, situé à 2°S de l'équateur, était en effet rapidement apparu comme le grand favori. Cette région est sortie de l'ombre en 1998, lorsque la sonde Mars Global Surveyor y a découvert une forte concentration d'hématite. Si cet oxyde de fer abonde à la surface de Mars, il est ici présent sous la forme de gros cristaux de couleur gris métallique. Sur Terre, ce type d'hématite se forme préférentiellement en présence d'eau, d'où l'intérêt porté par les planétologues à la région de Sinus Meridiani, qui aurait pu être le siège d'une vaste activité hydrothermale. Très plat, à la limite de la monotonie, ce site se prêterait également à un atterrissage en toute sécurité.

L'eau marque également de son empreinte le second site d'atterrissage, puisque le cratère d'impact Gusev (une dépression de 166 km creusée par l'impact d'un astéroïde) est située à l'embouchure d'une belle vallée fluviale, Ma'adim Vallis. Les images renvoyées par les sondes Viking et Mars Global Surveyor montrent de nombreux indices (delta, terrasses fluviatiles) qui laissent penser que le cratère Gusev a un jour été occupé par un lac, rempli par les flots de Ma'adim Vallis. Ce site, dont l'intérêt scientifique ne fait guère de doute, a cependant posé quelques soucis aux ingénieurs. Ces derniers ont en effet pointé son côté très poussiéreux, qui pourrait compromettre en partie la mission (la poussière pouvant se déposer massivement sur les panneaux solaires, ou recouvrir les affleurements rocheux d'une chape impénétrable aux instruments scientifiques). L'endroit serait également assez venté, mais les modifications apportées au système d'atterrissage devraient offrir suffisamment de garanties face à d'éventuelles rafales de vent. Le cratère Gusev est situé dans l'hémisphère sud, à 15° de l'équateur, pratiquement aux antipodes de Sinus Meridiani.

Pour l'instant, la NASA a attribué le cratère Gusev au premier rover (MER-A), et Sinus Meridiani au second (MER-B). Cette affectation n'est cependant pas définitive, et la NASA se donne jusqu'au 30 juin (soit un mois après le lancement du premier rover) pour arrêter sa décision.

Si tout se déroule comme prévu, le premier robot atterrira sur Mars le 4 janvier 2004. Après 3 semaines de solitude, il sera rejoint par son frère jumeau, qui se posera le 25 janvier 2004. Au sol, les engins américains auront été précédés par le petit atterrisseur britannique Beagle 2, largué par l'orbiteur européen Mars Express en décembre 2003. Les deux robots auront trois mois pour explorer leur site d'atterrissage, avant que la poussière ne vienne mettre un terme à leur mission en adhérant aux panneaux solaires. Compte tenu de la masse d'informations mise à la disposition des responsables de la sélection des sites d'atterrissage et de la nature des engins d'exploration (deux rovers plus puissants que le petit Sojourner, dont les déambulations avaient fasciné le monde entier en 1997), cette mission s'annonce comme exceptionnelle.

Au vu de l'actualité internationale, certaines personnes pourraient s'insurger de voir autant d'énergie et d'argent (la mission flirte désormais avec les 800 millions de dollars) dépensés pour jeter un coup d'oeil à la surface d'une planète aride et désolée. Pour ma part, je trouve que cette activité est au contraire fondamentale, et que le monde serait vraiment à désespérer si l'humanité ne se donnait pas les moyens d'avancer dans la connaissance de notre Univers. N'est-il d'ailleurs pas plaisant de voir des hommes impliqués dans une activité qui n'est motivée par aucune visée guerrière ou mercantiliste ? N'est-il pas paradoxal que Mars, la planète du dieu de la Guerre, s'apprête à être envahie par les Etats-Unis pour des motifs exclusivement pacifistes ?

 

Mars Odyssey Les mystères de Mars s'épaississent
[18 mars - 12:00] : Après le triomphe des missions Viking de 1976, quelques scientifiques s'étaient lancés dans l'exercice particulièrement périlleux qui consiste à prédire l'avenir à partir du présent. Submergés par une masse de données sans précédent, ces esprits téméraires avaient estimé que Mars ne méritait plus le titre de terra incognita, la planète rouge ayant finalement consenti, devant les assauts répétés de fouineurs robotiques, à lever le voile impudique qui masquait ses plus grands mystères.

Heureusement pour nous, ces prédictions terrifiantes, menaces d'un ennui profond pour notre génération, se sont révélées totalement infondées. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un oeil sur les plus récents résultats de la sonde Mars Odyssey.

Parmi les découvertes engrangées par la sonde au cours de sa première année de cartographie (et qui ont été rendues publiques par la NASA le 13 mars dernier lors d'une conférence de presse), quelques faits intrigants ont effectivement pointé le bout de leur nez. Bien entendu, le principal accomplissement de Mars Odyssey reste la mise en évidence de vastes quantités de glace (jusqu'à 40 %) dans le premier mètre du sol martien, que ce soit dans l'hémisphère sud ou l'hémisphère nord. Ce résultat fondamental ne doit cependant pas éclipser d'autres observations plus anodines, tout du moins en apparence ...

Le premier exemple concerne la mise en évidence, dans les parois stratifiés du canyon de Ganges Chasma (qui appartient à l'abîme géant de Valles Marineris) d'une couche très riche en olivine. Sur Terre, l'olivine, un superbe minéral jaune vert qui rentre dans la composition de nombreuses roches volcaniques, a tendance à s'altérer très rapidement en présence d'eau (l'olivine se transforme alors en serpentine, dont la forme fibreuse est plus connue sous le nom d'amiante). L'existence d'olivine fraîche dans les falaises de Valles Marineris indique obligatoirement que ces dernières n'ont pas été en contact avec de l'eau depuis des temps reculés. Cela prouve également que les empilements rocheux qui bordent les canyons sont en partie volcaniques (basaltes) et non sédimentaires. L'hypothèse romantique selon laquelle les gouffres de Valles Marineris auraient pu accueillir, dans un lointain passé, des lacs gigantesques, semble donc remise en question.

Le spectromètre gamma GRS qui équipe la sonde Mars Odyssey a également soulevé un autre fait intriguant. Cet instrument s'est illustré dès le début de la mission en détectant (indirectement) la glace martienne, grâce à une mesure de la quantité d'hydrogène présent dans le sol. Aujourd'hui, le GRS a achevé la cartographie d'autres éléments, comme le potassium 40 et le thorium. Avec l'uranium, ces deux éléments radioactifs sont particulièrement bien connus des géologues, car ils constituent la principale source de chaleur d'une planète tel que la Terre ou Mars (en se décomposant, ces éléments présent dans le manteau et la croûte libèrent effectivement une grande quantité de chaleur; quand une planète tellurique a épuisé ses réserves de potassium, de thorium et d'uranium, la mort géologique est proche). Les planétologues pensaient que la concentration de ces éléments chauffants devaient être bien différente entre l'hémisphère sud (très vieux) et l'hémisphère nord (beaucoup plus jeune). Or il n'en est apparemment rien ...

Autre source d'étonnement, la carte de la concentration en fer de la surface martienne dressée par le GRS. Etant donné que le sol martien doit sa belle couleur caractéristique à la présence d'oxyde de fer (qui n'est autre que de la rouille), on pensait logiquement que les zones les plus rouges de la surface devaient être les plus riches en fer. Contre toute attente, ce n'est absolument pas le cas !

Combinés aux autres grands mystères de la planète rouge (l'origine de la grande dichotomie nord/sud, le climat de la jeune Mars, l'émergence de formes de vie), ces quelques exemples rafraîchissants et revigorants prouvent que le puzzle martien est loin d'être terminé. Force est de reconnaître qu'il nous manque non seulement plusieurs pièces maîtresses, mais aussi que la partie déjà assemblée pourrait bien un jour être à refaire. Un travail immense en perspective, mais qui peut bien rêver d'une vie vide d'inattendus ?

 

Le spatial en berne Désintégration de Columbia en plein vol
[1er février - 19:00] : La navette spatiale Columbia a explosé en plein ciel peu avant son atterrissage, tuant ses 7 membres d'équipage. Cette tragédie, la plus importante depuis l'accident de Challenger en 1986, nous rappelle brutalement qu'en dépit des apparences, aucune mission habitée n'est routinière. Chaque vol est un exploit, où les hommes comme les machines sont poussés aux limites. En se volatilisant dans le ciel bleu du Texas, Columbia vient d'écrire l'une des pages les plus noires de la conquête spatiale. J'adresse mes plus sincères condoléances aux proches des astronautes qui ont payé de leur vie l'accès à l'orbite basse terrestre.

 

SNC Météorite martienne, une de plus !
[27 janvier - 15:30] : Comme vous devez déjà le savoir si vous jetez de temps en temps un oeil sur la revue de presse, une nouvelle météorite martienne a été découverte. Dénommée NWA 1669 et pensant 35 grammes, elle a été classée parmi les shergottites, la classe la plus abondante des météorites martiennes. Pour l'instant, seule une fiche descriptive préliminaire a été mise en place (je ne pourrai pas la compléter avant d'avoir mis la main sur une description minéralogique détaillée). Les découvreurs de NWA 1669, Bruno Fectay et Carine Bidaut, m'ont cependant aimablement transmis une belle image de cette nouvelle merveille martienne, que je vous invite à admirer pour patienter (242 ko,
© Bruno Fectay & Carine Bidaut).

 

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